Quatre parfums aldéhydés à découvrir ou redécouvrir
Molécules de synthèse très utilisées en parfumerie, les aldéhydes sont nombreuses mais, surtout depuis le succès du « N°5 » de Chanel, elles ont, pour nous une odeur abstraite se situant entre des notes poudrées, ozoniques, ou encore métalliques. Elles peuvent aussi revêtir quelque chose de savonneux. Je dois dire que j’ai un peu du mal à décrire ce que j’ai ressenti lorsque je les ai senties isolées. Je dirai que la plupart m’évoquent l’odeur de la vapeur du fer à repasser. Je vais essayer de vous citer quatre exemples de parfums dans lesquels elles sont travaillées en majeur outre le « N°5 » que vous connaissez tous et le « N°22 » qui en est une version plus plus si j’ose dire. Je vais également tenter de vous emmener découvrir un ou deux parfums que je trouve assez emblématiques. Je vous avais déjà fait un article sur le sujet il y a quelques temps, j’avais cité « Arpège » de Lanvin, « Calèche » d’Hermès, « Nocturnes » de Caron (qui depuis a disparu), « L’Âme Soeur » de Divine, « Iris Poudre » aux Éditions de Parfums Frédéric Malle et bien évidemment « Métallique » de Tom Ford que je trouve surprenant. J’ai voulu une sélection différente, plus « niche », peut-être pour susciter votre curiosité.
Le premier parfum que j’ai choisi est un très grand classique. Il s’agit bien évidemment de « Sortilège » de la maison française Le Galion, créé en 1936 par Paul Vacher. « Paul Vacher crée en 1936 le parfum le plus riche, le plus raffiné qui soit: Sortilège, réunissant plus de quatre-vingts essences. Sortilège revient aujourd’hui dans une composition fidèle à ses notes d’origines avec son sillage intense et envoûtant d’un fleuri aldehydé, d’un bouquet équilibré, chic et sensuel, de la plus parfaite élégance. L’alchimie parfaite entre le parfum et la peau ». Il a été remis au goût du jour par la parfumeure Marie Duchêne et a donc été réédité en 2014. Je l’ai redécouvert par hasard lors de notre dernier passage à Paris et je lui ai trouvé une grande modernité. Il s’ouvre sur des notes d’aldéhydes, de lilas, d’ylang-ylang et de muguet puis le côté frais et savonneux s’enrichit d’un bouquet floral dominé par le jasmin et la rose avec des accents poudrés d’iris et de mimosa et un petit versant presque cuiré que lui confère le narcisse. Le fond, articulé autour du bois de santal, s’arrondit grâce aux muscs et à l’ambre et se densifie avec le vétiver et le labdanum. Complexe, très facetté, c’est un parfum qui me séduit mais que je ne pourrais pas porter. Pour la petite histoire, dans les années quarante, c’est une jeune fille qui allait devenir la plus grande star de tous les temps quelques années plus tard… Une certaine Norma Jean Baker, la future Marilyn Monroe.
Fondateur de la marque Les Eaux Primordiales, parfumeur et co-créateurs de jus de la marque avec Amélie Bourgeois, Arnaud Poulain a un truc avec les aldéhydes et il était bien naturel que je cite son travail car elles sont présentes dans nombres de ses parfums et notamment, dans « Couleur Primaire », lancé en 2018 dans la collection classique de sa marque. Pour expliquer son inspiration, Arnaud Poulain explique : « L'odeur de la lessive saisissante d'abord, laisse place aux notes rassurantes du sorbet poire de mon enfance ». Dès la vaporisation, je suis surpris par la profusion fraîche des notes aldéhydées et d’une poire presque juteuse. Le coeur de jasmin et de pivoine est résolument floral et le fond de muscs blancs et d’ambroxan donne au parfum quelque chose de presque artificiel et c’est assumé : « Réminiscence du linge propre qui sèche au grand air. L'odeur de la lessive saisissante d'abord, laisse place aux notes rassurantes du sorbet poire de l'enfance. On s'enveloppe dès lors dans un bain de fraicheur addictif. Ce bouquet de jasmin et de muscs aldéhydés est un véritable antidote au blues du dimanche soir ». Pour moi, « Couleur Primaire » est à la fois facile à aborder et clivant. Je m’explique : il peut déranger autant que rendre addict. Il est sans concession. Pour ma part, je suis un peu réfractaire mais je reconnais qu’il fallait oser et c’est aussi ça le but d’une marque de niche.
Comment parler des aldéhydes sans citer l’univers très artificiel du travail de Jérôme Épinette pour Byredo et notamment pour « Blanche » lancé en 2009. « Icône de longue date du catalogue Byredo, Blanche explore l'odeur d'une texture propre et de la peau; de corps glissant sous des draps frais; de paniers à linge remplis à ras bord. Une touche d'aldéhyde s'adoucit auprès d’une rose délicate; à travers le bois de santal et le musc, l'allure et l'intimité du contact humain ». Avec une envolée d’aldéhydes et de rose de Grasse, le parfumeur attrape notre nez directement avec une odeur très « pressing » qui se calme avec un coeur de pivoine mais reste poudrée par la feuille de violette. Le parfum se pose sur un fond de muscs blancs qui renforcent cette impression de propre, et de bois de santal qui n’est présent que pour soutenir la fragrance et lui assurer une tenue correcte. Je dois dire que je n’aime pas du tout ce parfum mais je lui reconnais, une fois de plus quelque chose d’assumé et d’audacieux. Personnellement, je ne pourrais pas le porter mais je pense qu’il faut que de telles créations existent en parfumerie.
Je terminerai par un parfum créé en 1950 par Francis Fabron pour la maison Robert Piguet et, aux dernières nouvelles, qui est toujours disponible à la vente. Il s’agit bien évidemment de « Baghari ». Tout d’abord, je l’ai toujours aimé même si je ne suis pas certain que je pourrais le porter, mais aussi, je trouve qu’il est emblématique des parfums dits aldéhydés. « S'ouvrant sur des aldéhydes pétillants rappelant le champagne, Baghari dégage immédiatement une rêverie « la tête dans les nuages » avec des notes douces et séduisantes de roses et de jasmin. Ces fleurs romantiques sont ensuite accentuées par l'ambre légèrement épicé. Enfin, la vanille fumée et le musc dorlotent le porteur dans une douce robe de velours de chaleur, créant un parfum captivant et fantastique ». Je ne vais pas détailler la pyramide mais simplement dire qu’il a été légèrement reformulé par Aurélien Guichard qui a du éviter l’écueil de trop le moderniser pour en donner une version plus adaptée à la norme européenne. Je connais l’avant et l’après et je trouve que vraiment, il a effectué un travail remarquable d’orfèvre car, s’il y a quelques détails qui le rendent différent, il reste dans cet esprit des années 50. J’aime beaucoup la dualité entre les notes fleuries très douces et le côté presque « griffant » des aldéhydes. Résolument, « Baghari » est un magnifique parfum à redécouvrir.
Voilà pour une sélection fraîche de parfums aldéhydés peut-être un peu plus difficiles à trouver que ceux qui perdurent dans le circuit sélectif. J’espère que vous aurez envie d’aller vous faire vos propres impressions et que nous pourrons échanger sur le sujet car il me serait agréable d’avoir vos ressentis.
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