Quintessence de la féminité ?
Le premier est le plus connu et je l’ai découvert il n’y a finalement que quelques années car j’étais, allez savoir pourquoi, passé à côté malgré sa célébrité. Vous l’aurez reconnu, il s’agit de « L’Heure Bleue » créé par Jacques Guerlain en 1912 et qui, malgré des reformulations, existe toujours et en trois concentrations s’il vous plait ! À mi-chemin entre un oriental et un réel floral, il est la photographie d’une époque aujourd’hui révolue où le parfum qui finira dans un circuit grand public était une vraie création originale. Il est comme les parfums de cet époque, c’est une formule longue, complexe, intense et particulièrement opulente. Il oscille entre un départ très bergamote avec une note anisée, un coeur qui est un bouquet floral intense. Pour ma part, je sens beaucoup l’héliotrope, la violette et la rose avec peut-être un petit accent de tubéreuse. Le fond est irisé, vanillé avec des notes de fève tonka et de bois de santal et un musc animal aujourd’hui remarquablement reconstitué par la chimie. Je pense que Jacques Guerlain s’est beaucoup inspiré de parfums de l’époque, notamment certains créés pour la cour du tsar Nicolas II et il en a livré une version sublimée. Je pense qu’il était particulièrement doué pour inventer quelque chose d’inédit en partant d’une base plus classique. Aujourd’hui, je dois dire que la version que je préfère est, sans surprise, l’extrait mais son coût est très élevé. L’eau de parfum est un bon compromis mais je suis moins attiré par l’eau de toilette car je la trouve un peu trop simplifiée. C’est une splendeur n’ayons pas peur des mots mais il est pour moi, vraiment à connotation féminine même si la talentueuse parfumeuse Delphine Thierry affirme, dans un documentaire dédié à Lubin qu’elle l’a senti sur la peau d’un homme et qu’elle l’a trouvé merveilleux. Peut-être un jour assumerais-je « L’Heure Bleue »… Qui peut le dire ?
Le second qui me vient à l’esprit est la reformulation et la réédition de 2018 du très ancien « Elisabethan Rose » de Penhaligon’s. Lorsque je l’ai découvert (merci Noëlle) à sa sortie, j’ai été, non seulement séduit mais complètement conquis par ce faux soliflore absolument dingue. L’ouverture de fruits secs, noisette et amande, conduit sur un coeur qui est une explosion de rose blanche, de rose de mai, d’huile essentielle de rose et de rose de Bulgarie, rien que ça ! Il est associé à des notes de lys rouge et de prune (tiens tiens) avec des accents de cassis et de géranium et se pose sur un fond d’iris et de violette soutenu par un magnifique vétiver. Pour moi c’est « la » rose la plus extraordinaire que j’ai pu sentir et je pèse mes mots. Addictif, classique, ce clin d’oeil à la guerre des deux roses est, pour moi, l’une des plus belles réussites de la parfumerie britannique mais aussi mondiale. Je n’avais jamais senti de solinote rose aussi facetté, aussi riche et aussi séducteur. Curieux comme je suis, je l’ai essayé sur ma peau et j’ai été complètement sous le charme durant des heures. J’y suis revenu très très souvent. Vraiment je l’adore mais je ne me verrais pas le porter car il est, pour moi, vraiment le sillage d’une femme élégante et seulement cela. Sur une fille jeune, il peut également être parfait car, si elle le porte avec une tenue décontractée, elle renforcera une classe naturelle et si elle veut se vieillir un peu pour un rendez-vous romantique, elle fera sensation; Sur une femme plus mûre et plus affirmée, il s’imposera comme une évidence, comme un paroxysme du chic. « Elisabethan Rose » est, pour moi, vraiment une complète réussite. Je ne suis pas loin de dire que je trouve que c’est un chef d’oeuvre et je regrette que la marque ne communique pas sur le parfumeur qui l’a reformulé.
Je vais rester outre-manche chez Penhaligon’s (décidément !) pour évoquer l’un des coups de coeur que j’ai eu en 2020 et qui est un hommage à la duchesse Sarah Churchill, duchesse de Marlborough, suivante et conseillère de la Reine Anne d’Angleterre, initiatrice du nom de l’appellation Blenheim pour les épagneuls nains britanniques et incarnée par Rachel Weisz dans le film de Yorgos Lanthimos mettant en vedette également Olivia Colman et Emma Stone. Mais je m’égare, revenons à la fragrance. C’est Aliénor Massenet qui a signé ce petit bijou floral et ambré. Après une envolée de violette, de freesia et de mandarine, le parfum s’installe avec un coeur de mimosa et d’iris poudrés soutenus par un jasmin sambac très opulent avent de se poser sur un lit de muscs blancs, d’ambroxan et de bois de santal. Là encore, grâce au talent d’Aliénor Massenet, Penhaligon’s fait mouche en sortant un grand féminin. Comme ça, à l’envolée, il a l’air classique et il l’est par certains côtés mais je lui trouve quelque chose d’à la fois intemporel et complètement contemporain. C’est le parfum d’une femme audacieuse, aimant retrouver une belle parfumerie avec un twist que je ne saurais pas décrire. C’est une merveille n’ayons pas peur des mots et je m’étais dit que je passerai outre son packaging très « girly » pour essayer de le porter mais force m’est de constater qu’il est vraiment l’exemple de ce que je trouve de plus féminin dans la parfumerie, tant par sa délicatesse que par son côté effluve de boudoir. Là encore, Penhaligon’s a vraiment réussi non seulement un beau parfum mais, à mon sens, un futur grand classique qui a bien des années de succès devant lui. Je suis certain que celles qui l’auront essayé et qui aiment ce genre de fragrances ne peuvent que se l’approprier. Je l’imagine bien dans une écharpe en soie (lyonnaise bien sûr) à la fois l’hiver et à l’intersaison. Je suis complètement fan de cette création vous l’aurez compris.
Je suis un fan de parfums mettant en avant la note de prune conjuguée avec le patchouli, les épices et l’ylang ylang et je ne pouvais qu’être séduit par « L’Âme Perdue » créé en 2017 par Rodrigo Flores-Roux pour Le Galion aussi y suis-je allé en confiance lorsque l’on m’a proposé de l’essayer. Très franchement, je l’adore mais je ne pourrais pas le porter même s’il est celui de la sélection que je tenterais le plus facilement. Pour moi l’alliance de la fleur de datura, du lys, de la prune, de l’tlang ylang sur un fond composé de miel, de patchouli, d’ambre et de deux variétés de vanille est quand même vraiment idéale sur une peau féminine et devient presque trop floral sur moi. Je fais ressortir les deux variétés de jasmin et la rose. Je ne saurais pas décrire « L’Âme Perdue » autrement qu’en disant qu’il oscille entre chypre sans mousse de chêne, floral fruité et oriental. C’est un parfum complexe, élégant, magnifique mais vraiment, je lui ai trouvé un je-ne-sais-qui d’un peu trop féminin. Attention, je ne dis pas que je ne pourrais pas l’assumer mais il en est d’autres qui possèdent la même colonne vertébrale que j’ai plus de facilité à porter. Je pense, bien évidemment à « Diorama », à « L’Eau de Circé » de Pierre Guillaume et évidemment au « Parfum de Thérèse » créé par Edmond Roudnitska et lancé aux Éditions de Parfums Frédéric Malle. Je pourrais, aussi étrange que ça puisse paraître, également citer « Femme » de Rochas dans sa reformulation eau de toilette faite par Olivier Cresp qui garde une certaine légèreté et un côté cumin qui peut avoir des accents plus masculins. J’aime « L’Âme Perdue » mais je ne me sens pas encore capable de franchir le pas même s’il traine dans ma tête et que j’essaye régulièrement une dose d’essai sur ma peau.
J’aurais pu citer « Quelques Fleurs l’Original » d’Houbigant mais je lui préfère, depuis 2020, « La Belle Saison » créé par Céline Ellena. Il a été l’un de mes gros coups de coeur de l’an dernier. Il occupait même la première place de mon top. Je l’aime énormément. C’est une merveille absolue et sans doute l’un des plus beaux parfums que j’avais senti depuis longtemps lorsque je l’ai découvert au hasard d’une balade parisienne. De cette sélection, il est peut-être mon préféré même si je les aime tous. Je sais qu’il est considéré comme mixte par la marque mais il est, pour moi, la quintessence de la féminité. Son envolée de poivre rose et de fleur d’abricotier est complètement inédite et son coeur de mimosa, de fleur d’oranger et de muguet est une véritable merveille mais c’’est lorsque se développe un fond de ciste, cuiré et intense et de musc qu’il prend toute sa singularité. Lorsque je l’ai senti puis essayé, je me suis dit qu’il y avait un équilibre dans cette création que je trouvais absolument parfait. C’est un énorme coup de coeur. C’est même une addiction. Il rejoint pour moi, la liste des plus beaux parfums que j’ai pu découvrir. Oui je pense que le terme chef d’oeuvre n’est pas usurpé. C’est une merveille olfactive mais je ne suis pas certain d’être capable de l’assumer. Je trouve qu’il convient parfaitement à une femme à la fois audacieuse et élégante. Il est très impressionniste, très naturaliste et je l’aime énormément. Je l’ai re-senti récemment et je l’ai aimé encore plus. Peut-être qu’un jour, je le verrai autrement que comme l’un des plus beaux féminins du marché mais pour l’instant, j’aurai du mal à l’assumer. Ceci dit, les filles, allez le sentir. Il est incroyable !
Voilà, j’ai fait le tour. Il y en a sûrement d’autres mais ceux-ci me plaisent particulièrement. Je dois dire que j’ai pris un plaisir immense à les re-sentir en écrivant cet article. En tout cas, pour moi, ce sont cinq chef d’oeuvres de la parfumerie et je les aime énormément. J’aurais pu citer d’autres grands féminins tels le « N°5 » de Chanel bien sûr ou encore « Arpège » de Lanvin mais je ne voulais pas écrire un post trop long et qui pourrait être exhaustif. Ces cinq-ci sont vraiment ceux que je préfère entre tous.
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