Passion Parfums

Il y a quelques mois, j’ai découvert, grâce à Florence de la parfumerie Arcane Majeur à Vichy, la marque éponyme de Francesca Bianchi et j’ai vraiment eu un coup de coeur. Suite à la collaboration de Fabien de Yuuminoki (sur Instagram et Facebook), j’ai pu découvrir les nouveautés de la marque. Je suis vraiment très impressionné par la talent de la parfumeure et surtout par son audace. J’ai décidé de consacrer un article à la totalité de mes découvertes. Il sera un peu plus long que d’habitude mais je pense que, lorsque j’ai tant de choses à dire, il faut que je le fasse. J’espère vous donner envie de découvrir cette marque étonnante et vraiment très séductrice et très « peau ». J’ai décidé d’explorer les parfums dont je n’avais pas parlé dans le premier article et de vous en faire un compte-rendu. Je dois le dire, je ne sais pas si j’assumerais l’un de ces parfums mais j’adore les sentir. Je ne reviendrai pas sur « Etruscan Water » car j’en ai déjà beaucoup parlé mais il y en a d’autres, troublants, artistiquement audacieux alors je vous emmène dans l’univers de Francesca Bianchi dont toutes les créations sont présentées en concentration extrait.

Je vais commencer par l’une des nouveautés qui est sortie en 2022. En effet, « Unspoken Musk » est décrit ainsi par sa créatrice : « Unspoken Musk est mon musc personnel, et dans la carte olfactive il se situe dans une région plus proche de l'Humanité et de la Sensualité. C'est un musc émotionnel, car il génère presque une réaction physique pendant que vous vivez vos émotions les plus profondes. Doux, velouté, persuasif, sale, fleuri, humain ; innocent et pécheur à la fois, le musc représente la dichotomie qui définit l'être humain ». Francesca Bianchi livre, dans cette fragrance tout à fait étonnante, son interprétation du musc Tonkin, fantôme de la parfumerie depuis l’heureuse interdiction de tuer le chevretin de l’Himalaya qui le produit. Elle en a donc recréé son odeur et l’a intégré dans un parfum très personnel que je trouve à la fois suave, enveloppant, très « odeur de peau » mélangé à des notes florales et profondes. La pyramide est assez étonnante car on y retrouve, dès l’envolée, une note d’immortelle associée à la bergamote puis le coeur de magnolia presque aquatique se mêle au versant poudré du beurre d’iris. Le fond, qui apparaît vraiment au bout d’une longue demi-heure, est construit autour d’accords musc, castoreum et civette mêlés au patchouli, au bois de santal, au cypriol, à la fève de tonka et à la vanille. « Unspoken Musk » est vraiment une seconde peau, attirante, séduisante et un peu animale mais sans excès. Je trouve que c’est une très belle interprétation des parfums musqués qui évite l’écueil des muscs blancs trop propres. Je pourrais le porter mais, si je le trouve réussi, il n’est pas forcément un coup de coeur immédiat.

« Le capitaine de la Renaissance Giovanni Dalle Bande Nere, ainsi que sa loyauté, son style de vie spartiate et son engagement moral ont inspiré cette création. Imaginez l'odeur d'un camp militaire : la douceur des arbustes sauvages, la fumée du feu de camp, l'odeur des harnachements en cuir. Une rose poudrée – symbolisant sa maîtresse secrète – arrondit un noyau intense de vétiver, le grand protagoniste de ce parfum ». Avec « The Black Knight », Francesca Bianchi revisite une construction à la fois chyprée et cuirée. Le parfum s’ouvre sur des notes d’armoise et de carvi puis vient un coeur de miel, de cire d’abeille, de rose bulgare, de narcisse et de beurre d’iris qui lui donne un côté très rond et enveloppant avec un versant très cuir déjà puis le fond de mousse de chêne et de patchouli est renforcé par les notes boisées du cèdre et l’opulence un peu végétale du patchouli. Francesca Bianchi exploite la facette très cuirée du narcisse tout en l’associant à un iris poudré et floral à la fois et à une très belle rose de Bulgarie qui lui confère une élégance particulièrement étonnante. Pour moi, et même si je ne l’avais pas vraiment retenu la première fois, « The Black Knight » est un vrai beau cuir. Lorsqu’il est sorti en 2019, j’en avais beaucoup entendu parler et je comprends pourquoi, c’est une parfaite réussite qui pourrait bien devenir un classique du genre.

 

Le moins que l’on puisse dire c’est qu’avec « Libertine Neroli », Francesca Bianchi ne nous propose pas un floral sage ! Ce parfum, qui fait partie des nouveautés de 2022 m’a beaucoup impressionné pourtant, sur le papier, il avait tout pour ne pas me plaire. « Ce parfum représente l'abandon des plaisirs, ou le luxe conçu comme la joie de vivre avec un sentiment de liberté et de détente. Le néroli, dans sa légèreté raffinée se conjugue avec le cuir sophistiqué et séduisant ». Après un départ de bergamote et de petit grain, le néroli, au coeur s’associe avec l’iris et le géranium pour donner un parfum sec, légèrement poudré et, finalement assez peu floral puis vient le fond, construit sur un accord de notes animales et de cuir associé à un labdnanum, un benjoin et une mousse de chêne naturels. Je dois dire que le résultat est pour le moins bluffant. La concentration extrait donne une profondeur à ce cuiré sec et légèrement fleurs blanches avec des notes presque mentholées et très mousse de chêne. Pour moi, il est sans doute l’un des plus atypiques que j’ai eu l’occasion d’essayer. Je pourrais tout à fait le porter. Il est singulier certes mais d’une élégance étrange et ultra moderne qui me séduit complètement.

Lancé en 2017, « Under My Skin » est également un cuir et je le ressens différemment de la première fois où je l'ai essayé. « Mystérieuse et séduisante, douce et charnelle à la fois, Under my Skin est mon interprétation du thème animalier. Adouci par le précieux beurre d'iris, ce parfum émotionnel est humain et intime, comme s'il émanait de votre propre peau ». Pour moi, il est plus brut. Le départ de pamplemousse, de lavande, de poivre noir et d’épices nous emmène sur un coeur de rose bulgare, d’iris, de musc Tonkin puis arrive le fond très animal fondé sur des accords castoreum et cuir conjugués avec des notes d’ambre gris naturel, de fève tonka, de baumes tolu et du Pérou, de santal de Mysore, de vanille et de mousse. Il en résulte un parfum très animal avec un côté sec de cuir de tannerie. Si je comprends l’inspiration de ce parfum et également si je sais apprécier sa qualité, je dirai qu’il n’est pas du tout pour moi car, vraiment, la note castoreum est trop présente. Je sais qu’elle n’est pas naturelle mais elle a un côté presque dérangeant. Ce n’est que mon ressenti. Il n’en demeure pas moins que « Under My Skin » rencontre un succès grandissant auprès des amateurs de cuir sec. Pour ma part, je lui préfère des parfums plus « en douceur » ou carrément fumés.

 

« Un Patchouli somptueux et élégant est le protagoniste de cette création « rock-chic ». Un départ pétillant et épicé révèle ensuite du cuir et du tabac, le tout infusé dans du beurre d'iris. Il représente une atmosphère sauvage mais insouciante, sophistiquée mais sensuelle, élégante avec originalité ». Après « Etruscan Water », c’est vers « Sticky Fingers » que va ma préférence. En effet, ce parfum créé en 2020 est tout à fait dans mes goûts. Il me correspond d’une manière très nette. Après une envolée épicée de coriandre et de cannelle, entre chaud et froid, le beurre d’iris très poudré et l’héliotrope lui confèrent un coeur amandé et particulièrement addictif. Puis, le parfum se pose sur un fond de patchouli qui, est déjà presque présent à la vaporisation et va s’intensifier jusqu’à la toute fin de l’évolution, de bois de santal, de musc, de cuir, de tabac et de fève tonka encore arrondi par un accord castoreum. C’est un patchouli amandé, poudré et cosmétique. Il est d’une élégance un peu subversive et je le trouve complètement « seconde peau ». Il matche en tout cas parfaitement avec la mienne. Je trouve que « Sticky Fingers » est vraiment une réussite. Je le trouve complètement incroyable et je dois dire que je pourrais tout à fait me l’approprier.

 

Le dernier parfum de cette sélection est un cuir brut, très dense, très intense. Il s’agit de « The Dark Side », lancé en 2016. « Inoubliable et incomparable : The Dark Side est un parfum oriental unique aux multiples facettes, inspiré de la ville marocaine de Marrakech et de l'effusion riche et envoûtante de son marché et de ses rues ». Avec un départ de miel, d’épices, un coeur d’iris et de violette et un fond de bois de santal, de cèdre, de vétiver, d’ambre, de styrax, d’encens, de patchouli et de vanille. Ce parfum sombre, qui aurait sans doute plu à Serge Lutens, l’est peut-être un peu trop pour moi. Je ne pourrais absolument pas porter « The Dark Side » mais je reconnais que dans le style oriental sophistiqué et animal, il est particulièrement réussi. La qualité des manières premières naturelles, le choix des molécules de synthèse est vraiment très bien vu et je crois qu’il y a quelque chose de très séduisant, de sensuel et de profond dans son développement. Sur ma peau, il prend énormément d’ampleur et il est vrai que c’est un parfum à sillage comme j’en ai rarement vu. La concentration extrait y est sans doute pour beaucoup. Je me demande, si la parfumeure, avait choisi une dilution autre, si le parfum n’aurait pas été plus facetté sur ma peau. En tout cas, c’est une création pour les amateurs d’orientaux très profonds.

 

J’ai adoré redécouvrir ces quelques parfums créés par Francesca Bianchi pour sa marque éponyme et je dois dire que je me suis fait très plaisir à les sentir et à les essayer. Ils sont très marqués, « très niche » comme on dit et le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont clivants ce qui n’est pas du tout pour me déplaire. Il y a quelque chose de beau, de vrai, de très inspiré dans la parfumerie de cette créatrice et, sans être vraiment client, je dois dire que j’admire énormément la démarche artistique.