Retour sur les parfums Jovoy
A chaque fois que je suis à Paris, je passe à la parfumerie Jovoy, sous les arcades de la très belle rue de Castiglione. La boutique est immense et les maisons représentées si nombreuses que j’ai parfois du mal à me plonger dans ses propres marques. Elles sont pourtant deux et je les trouve intéressantes. La marque Jovoy est née en 2007 et sont sortis depuis 33 parfums. Je ne dis pas qu’ils sont toujours tous disponibles mais c’est quand même considérable. Son fondateur, François Hénin s’est adjoint le concours de pas mal de parfumeurs tels Oli Marlow, Marie Schnirer, Michelle Saramitot, Vanina Muracciole, Bertrand Duchaufour, Marc Fanton d'Andon, Jacques Flori, Amelie Bourgeois, Cécile Zarokian, Anne-Sophie Behaghel, Sidonie Lancesseur, Amandine Clerc-Marie, Jérôme Epinette, Daniel Moliere, Richard Ibanez et Andrea (Thero) Casotti. Je n’imaginais même pas qu’ils aient étés si nombreux. J’ai, entre les mains, le kit d’échantillons donc j’ai pu tout sentir, re-sentir et même essayer ceux qui me paraissaient les plus intéressants ou en tout cas qui entraient le plus dans mes goûts. Bien sûr, la gamme est importante et je ne peux pas tout aimer. J’en ai sélectionné cinq que je trouve assez significatif du style voulu par le fondateur et directeur artistique. C’est un peu plus que d’habitude mais j’ai eu du mal à me décider. J’espère vraiment que vous aimerez cet article car j’ai pris beaucoup de plaisir à l’écrire.
Le premier parfum, j’en avais beaucoup entendu parler à sa sortie et j’étais passé à côté. Il s’agit de « Musc Pallas » créé en 2023 par Vanina Muracciole. En général, je ne suis pas fou des parfums dans lesquels les muscs blancs sont travaillés en majeur car il m’arrive d’être anosmique à certaines molécules mais j’ai beaucoup aimé celui-ci. Je le trouve d’une grande élégance. Sa créatrice en explique ainsi l’inspiration : « Le travail principal autour de Musc Pallas était de magnifier le mariage de différents muscs. Leur donner de la puissance tout en conservant de la rondeur, du moelleux et du caractère ». L’envolée de graine d’ambrette et de bergamote est vraiment très jolie. Au coeur, je ne sens que très peu l’accord embruns et il est quasiment inexistant sur ma peau. Très vite la dualité du fond de muscs blancs et de fève tonka se développe et fait ressortir les notes de pêche et d’iris. Je trouve que « Musc Pallas » est vraiment un parfum qui met en avant le chic parisien. Totalement androgyne, légèrement poudré, les notes de muscs n’ont jamais le côté « linge propre » qui pourrait me déranger mais je leur trouve pas mal de caractère. Les notes d’embruns que je sens assez peu révèlent, en toute fin, une certaine fraîcheur qui contrebalance le côté très prenant de la tonka. C’est un parfum qui me plait bien. Je ne le trouve pas d’une immense originalité mais je l’ai choisi car il est parfaitement efficace. Son sillage et sa tenue seront, je pense, assez relatifs mais ce n’est pas vraiment ce qu’on lui demande. Il est superbement réalisé et je le trouve « confortable » ce qui est la plus grande qualité d’un parfums muscs blancs.
« Fantastique lavande aromatique et moderne. 21 Conduit St brise tous les codes de cet immense classique à grands renforts de vétiver et de rhubarbe en départ laissant son porteur entre lavande classique et un troublant accord haschisch ». Je ne peux pas dire que « 21 Conduit St » créé en 2020 par Marie Schnirer et Oli Marlow à l’occasion de l’ouverture de la boutique londonienne soit, comme on pourrait dire « ma tasse de thé » mais je trouve qu’il est à la fois dans le thème et vraiment original. C’est un travail à quatre main qui a donné, c’est indéniable, l’un des parfums les plus clivants de la collection et je dois dire que ce n’est pas pour me déplaire. Il aurait presque un côté Beaufort London ce qui n’est pas peu dire ! Le départ de rhubarbe et de lavande, notes associées au pamplemousse et à la bergamote est, pour moi, très fugace et laisse vite la place au sapin baumier et à l’amande qui constituent le coeur et que je trouvent très originales en association. Le fond de bois fumé avec un côté cannabis est assez étonnant et il est soutenu par l’ambroxan et la fève tonka. On ne va pas se mentir, c’est un parfum « très niche », totalement segmentant et qui ne plaira pas à tout le monde. Sur ma peau, la note fumée se développe presque trop pour que je puisse le porter mais je reconnais que, artistiquement, c’est très réussi. Cette fragrance « londonienne » a sans doute trouvé son public. Vraiment j’aime bien l’idée.
Il m’était impossible de ne pas choisir « Gardez-Moi » créé par Bertrand Duchaufour en 2013 car il représente tout ce que j’aime. « Gardez-Moi est un gardenia soliflor, la construction d'un grand floral blanc fait d'ylang, de mimosa absolu et de jasmin, autour d'un coeur gardénia très puissant, avec de légères inflexions de fruits rouges ( fraise ) des effets puissants et vibrant de poivre noir, le tout nappé d'une présence sensuelle de muscs ». Notez plutôt : Un départ de feuille de tomate, de coriandre, de cyclamen, de poivre noir rafraîchi par les aldéhydes, un coeur de gardénia, de jasmin, de mimosa, d’ylang-ylang et de lys associé au styrax qui donne un côté presque médicinal qui nous emmène sur un superbe fond de vanille, de cèdre, de mousse de chêne (qui prend beaucoup de place sur ma peau), de muscs et de framboise. C’est un grand floral moderne, qui casse les codes, une interprétation du gardénia dans le style Bertrand Duchaufour (j’allais dire « à la sauce »), qui révèle, une fois encore ce talent extraordinaire du parfumeur pour faire paraître simple (pas simpliste) une composition sophistiquée et très complexe. Pour moi, « Gardez-Moi » est sans doute l’un de mes vrais coups de coeur. Je le trouve vraiment ultra réussi, en clair obscur, avec des tas de nuances. Tout ce que j’aime.
Dès que j’ai lu que le nom du parfum était « Incident Diplomatique », je me suis dit qu’il fallait que je le découvre et je n’ai pas été déçu. « Alors voilà… Il y a des parfums et il y a des chefs d'œuvres. Incident diplomatique en fait donc partie et dresse sur un piédestal un vétiver pur marié à la rondeur épicée de la noix de muscade. Un très très beau parfum ». Créé par Vanina Muracciole en 2017 est un duel entre le vétiver et le patchouli avec un départ très doux de mandarine et, disséminées au cours du développement, une noix de muscade et une très belle variété de santal omniprésents. C’est un parfum qui, par petites touches, se compose, se décompose sur ma peau. Sa présence est assez forte et on est loin du côté consensuel de plusieurs parfums de la collection. Je le trouve tout à fait emblématique de ce que devrait toujours être la parfumerie de niche. Il a une vraie identité. Je ne parlerai peut-être pas de chef-d’oeuvre mais il me touche et je ne saurais pas dire pourquoi. Je ne le trouve jamais monolithique. Il est tout à fait surprenant, voire même déroutant à plusieurs moments de son développement. C’est effectivement un très beau parfum.
« Première rencontre avec François Henin, premier parfum de Flair. Vous dire qu'il a une saveur particulière ce Rouge Assassin. Le thème : Reproduire l'ambiance des années folles, celles des danseuses de French Cancan. Parfum où se mêle d'ardentes odeurs de maquillage, de jupon, de peau, de planches de scène et de velours. Parfum sensuel, tout en dentelle », tels sont les mots d’Amélie Bourgeois pour décrire « Rouge Assassin », le premier parfum qu’elle a créé pour la marque via Studio Flair en 2012. J’ai beaucoup aimé cette composition poudrée et élégante avec un petit côté décadent quand même. Le départ est déjà poudré avec la rose adoucie par la bergamote puis vient ce coeur d’ambrette que je trouve très chic. La graine est associée à l’élémi un peu résineux et à un accord poudre de riz. Je trouve que ça donne le ton. Le fond, construit autour de l’iris, du benjoin, du santal, de la vanille, du cèdre, du musc et de la fève tonka. Parfum de mondaine ? De demi-mondaine ? De danseuse peinte par Lautrec ? Modernité ? Ce parfum, c’est tout cela à la fois et vraiment il est réussi. Il n’est pas le plus androgyne ni le plus original mais je le trouve ultra-plaisant.
Globalement, je trouve qu’il y a beaucoup, dans la collection de la maison Jovoy, de parfums très consensuels qui constituent un premier pas vers des odeurs plus difficile à aborder mais on peut aussi y trouver des pépites qui mettront tout le monde d’accord ou diviseront les avis. Pour ma part, j’ai pris énormément de plaisir à passer du temps à essayer pour faire un choix et vous proposer cet article. En tout cas, la collection est riche et mérite bien d’être découverte.
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