Retour sur les trois derniers Serge Lutens de la collection noire
Il est vrai que je ne parle pas très souvent de Serge Lutens et pourtant je connais bien la marque depuis longtemps. J’ai porté plusieurs des créations de Christopher Sheldrake et même certaines pendant assez longtemps. Il y a plusieurs raison à cela. Tout d’abord, je ne suis pas très favorable à la politique Shiseido qui détient cette maison de la laisser galvauder, réseau de distribution très élargi qui conduit à une baisse des tenues (les matières premières n’était pas extensibles), la hausse incessante des prix et surtout cette décision de passer des parfums de la collection classiques dans les autres plus onéreuses, forçant bien des utilisateurs de vieille dates dont je fais partie à les abandonner car leur achat. Je ne trouve pas cela respectueux pour les clients fidèles. Enfin, pendant plusieurs années, je n’aimais pas les sorties dans la gamme courante (« Le Participe Passé », &Dent de Lait » et « La Couche du Diable » que je craignais vraiment. Pourtant, depuis trois ans, force m’est de constater que si Serge Lutens doit être de plus en plus absent en salle de rédaction, les parfums qui sont sortis me plaise pas mal. J’ai décidé de revenir sur les trois derniers et de vous redonner mes impressions.
Le premier, sorti en 2021 a été « La Dompteuse Encagée ». Je n’en n’attendais rien et j’ai adoré. « Langage muselé, façonnement d’une seule et unique façon de penser, « La dompteuse encagée » nous rappelle les dangers d’une société à l’affût du moindre pas de côté. L’espoir demeure cependant en la révélation d’une fleur de frangipanier qui ici se déguste... à même la peau ! ». Pour moi, c’est « Datura Noir » plus moderne, plus aérien, avec le côté floral et solaire bien évidemment mais aussi amandé et élégant à la Lutens. Il renoue avec la traditions des fleuris de la marque à la fois facettés et linéaires qui, lorsqu’ils se posent, font partie de notre peau. J’ai eu un vrai coup de coeur pour ce parfum. Je l’ai d’ailleurs beaucoup porté et j’aime son côté miellé alors que ce n’est pas un versant qui me plait toujours en parfumerie. Il est d’une telle délicatesse qu’il va toujours me revenir en mémoire. Il y a un bémol toutefois. Sa tenue est assez limitée. Il est quand même évanescent. C’est un peu frustrant mais je l’aime vraiment alors je le porterai à nouveau, c’est certain.
En 2022, avec « Poivre Noir », Christopher Sheldrake surprend. C’est une création aux antipodes de l’esprit Serge Lutens et je pense que beaucoup ont imaginé qu’il ne trouverait pas son public parmi les amateurs de la maison. C’est peut-être vrai mais, comme je l’avais imaginé, il est devenu un best-seller. « Poivre noir, pour retrouver le goût de soi ! Poivré, Grisant, Elégant ». Faussement simpliste, très frais et presque même chypré en toute fin d’évolution, je le trouve à la fois très élégant et parfaitement addictif. Certes, je l’admets volontiers, il n’est « pas très Lutens » mais il vient prendre une place laissée vacances dans l’offre proposée depuis l’arrêt de grands poivres comme celui de Caron bien évidemment mais aussi « Poivre Piquant » créé par Bertrand Duchaufour pour L’Artisan Parfumeur et qui avait ses adeptes. « Poivre Noir » semble banal, évident et pourtant il est loin de l’être. Pour moi, il s’agit d’une vraie trouvaille. Je pourrais tout à fait le porter et il est bien possible que je le fasse. J’aime décidément beaucoup « Poivre Noir » entre notes boisées, mousseuses, racinaires et épicées. Il est bien construit pour me plaire.
« Vite, vite, la fin du monde ! Notre existence tient à l’urgence. Sous le son des canons, les bouchons de champagne déploient leurs robes. Seraient-ils en feu ? Par l’écrin de fumée, ce jour a les yeux bleus ». Cette année 2023, avec « Écrin de Fumée, Christopher Sheldrake renoue avec l’esprit Lutens et revient aux fondamentaux. C’est un tabac blond, oriental, un brin gourmand, très enveloppant et dont la tenue rappelle des « Fumerie Turque » et autres « Chergui ». Entre notes de cacao, de tabac et de rhum, il me fait penser à une visite dans les clubs de jazz des années 20. Le Cotton Club n’est pas loin ! Pourtant « Écrin de Fumée » n’est pas vintage du tout. Il est résolument moderne et s’avère très clivant. Contrairement à ce que je pensais, lorsque je l’avais découvert en avant-première avec d’autres personnes, il a plu aux femmes et pas du tout aux hommes. Je pensais que ce serait l’inverse. Pour ma part, je trouve que c’est une très belle création mais, c’est définitif, ce n’est pas du tout un parfum pour moi. Il est trop envahissant, trop prenant. Je ne l’assumerais pas. Il n’en demeure pas moins, à mon sens, un beau Lutens.
Voilà, j’ai répondu je crois aux questions de plusieurs d’entre-vous qui souhaitaient ce récapitulatif. En tout cas, j’ai remis mon nez dans ces trois parfums et je les trouve vraiment très réussis. Pour moi, la maison Serge Lutens, après quelques errances, est de retour avec de belles créations récentes et ça me fait vraiment plaisir.
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