Passion Parfums

« L’ambrette est une grande plante herbacée annuelle ou bisannuelle. Originaire d’Inde et des forêts tropicales d’Asie, l’ambrette appartient à la famille des malvaceae. L’ambrette, souvent confondue avec l’hibiscus, peut atteindre 3,50m. Quant à ses feuilles, elles sont rugueuses, recouvertes de petits poils et de formes très variables, d’un diamètre de 15 à 20 cm. De ces feuilles, on utilise les petites graines. Elles sont séchées, concassées puis distillées afin d’obtenir un solide cireux, riche en acide gras appelé « beurre d’ambrette ». Ce dernier est ensuite traité et lavé en milieu alcalin. On obtient alors une essence pure nommée « absolu de graine d’ambrette ». » Olfastory. Avec son odeur très particulière, son côté rond, enveloppant, la graine d’ambrette est une matière première qui donne beaucoup de relief aux parfums qui la comptent dans leur pyramide olfactive tant en mineur qu’en majeur. Je dois dire que j’ai mis très longtemps à l’identifier vraiment et que j’ai du mal à décrire ce qu’elle dégage mais je vais essayer de vous parler de cinq parfums emblématiques dans lesquels elle est utilisée pour changer complètement la fragrance et lui donner une dimension supplémentaire.

 

Lancé en 2021, « L’Eau de Blixen » est la dernière création d’Anaïs Biguine pour sa collection Splash Cologne de Jardins d’Écrivains et je dois dire que c’est pour moi, une très belle découverte. Bien sûr c’est une concentration eau de Cologne et il faut s’en doucher littéralement mais la pyramide est très surprenante et je me plais à penser que cette eau dédiée à l’écrivaine danoise pourrait être déclinée en eau de toilette voire même en eau de parfum. La parfumeure en parle ainsi : « Une eau de bois africaine pour évoquer la vie et l'œuvre de Karen Blixen déjà interprétée au cinéma dans Out of Africa. Un air de safari au pied des monts Ngong balayés par les alizés finement boisés. Une composition Masaï de vétiver, patchouli et ambrette ». Boisée en diable, cette eau s’ouvre sur une note très végétale de vétiver qui nous emmène sur un coeur très aérien de patchouli, d’osmanthus et de jacinthe puis, en fond, la graine d’ambrette lui donne tout de même une certaine profondeur avec une fraîcheur de muscs et un côté corsé de styrax. La tenue est ce qu’elle est mais on ne lui en demande pas plus. Le flacon, comme un « arroseur de plantes » de 300 ml est vendu autour de 80 euros et je trouve que c’est une très jolie fragrance.

 

"Dans les cavernes des anciens peuples celtes, on s'enivre de breuvages suaves et amers. » Thomas Fontaine. Le parfumeur a réalisé « Korrigan » pour la collection Talismania de Lubin en 2012 et j’avoue que je le trouve très réussi même si je ne suis pas certain de pouvoir le porter. C’est un parfum dense qui s’ouvre avec des notes cognac épicé de baies des genièvre et de safran, le coeur de whisky et de lavande est littéralement enveloppé par la graine d’ambrette qui lui donne un accent très particulier. J’aime beaucoup le fond construit autour du oud (une fois n’est pas coutume) avec des notes de cèdre, de vétiver et de muscs. « Un arbre qui s’appelle le  Bois Caramel dont la sève est suave comme les Toffee anglais. C’est ainsi que se présente Korrigan. Sa note cuirée onctueuse est aussi fumée, aromatique et amère comme un pur malt ». Complexe, sensuel, tendre et fort à la fois, « Korrigan » a un côté presque « ethnique ». Je le trouve enveloppé de mystère. La graine d’ambrette lui confère quelque chose des très « lié », très cohérent avec une effluve à la fois élégante et légèrement animale. Dense, très facetté, il m’apparait comme très élégant mais il ne matche pas très bien sur ma peau. Si je devais le porter, je ne le vaporiserais que sur les vêtements.

Avec son ouverture florale de jacinthe, rafraîchie par la bergamote et la myrtille, son coeur de lilas enveloppé de violette, de tilleul, de lys et d’angélique et son fond enveloppant d’ambrette associée à l’ambroxan et au musc, « Lilas Exquis » est, il fait bien le dire le parfums des Essentials de Jacques Fath que je préfère et d’ailleurs j’en ai déjà beaucoup parlé. Luca Maffei, qui a créé ce parfum en 2017, en parle ainsi : « Lilas Exquis s’ouvre sur des notes fraîches, transparentes et rosées. Avec le temps, tout comme une vraie fleur, la fragrance devient plus douce et riche : l’idée était de recréer la même sensation que lorsqu’une fleur de Lilas est fraîchement cueillie. Les fleurs de Lilas sont considérées comme les fleurs du bonheur. elles sont parmi les premières à fleurir, ajoutant une touche de couleur aux jardins au printemps. C'est un parfum très réaliste et pour moi, c’est comme une image de la nature » et je trouve que tout est dit. C’est un parfum légèrement gourmand et rond grâce à l’omniprésence de l’ambrette et il est contrebalancé par la note de lilas et le coeur résolument floral. J’ai eu un peu de mal à me l’approprier mais, aujourd’hui, je pense que j’aurais du mal à m’en passer. Il est tellement addictif que, lorsque je le porte, j’en vaporise toujours sur mon avant-bras pour pouvoir le sentir ponctuellement dans la journée. L’évolution, une fois encore, mets en avance la dualité florale et ambrée. Je suis vraiment très client de ce parfum. Je le porte beaucoup au printemps.

Parmi les parfums dans lesquels l’ambrette fait toute la différence, il en est un autre que j’ai énormément porté. Il s’agit de « Iris de Nuit », l’une des nombreuses merveilles crées par James Heeley pour sa marque éponyme. Dès le départ, l’association de l’angélique et de l’ambrette absolue donne une profondeur à ce parfum d’une élégance terrible. Le coeur de violette et d’iris est poudré mais sans excès et est quelque peu épicé par la graine de carotte. Le fond de cèdre associé à des traces d’ambre gris donne une autre facette au parfum. « Rare et raffiné, sensuel et discret, le parfum Iris de Nuit est à l’image de l’absolu d’Iris de Toscane, soutenu ici par de la violette, des graines de carottes, de l’angélique, du cèdre et de l’ambre gris, pour dévoiler un thème floral exquis ». Pour moi, ce parfum à l’équilibre parfait est l’une des plus belles réalisations de l’association iris et violette sur le marché avec, peut-être « Après l’Ondée » de Guerlain. Il est vraiment très chic porté et je trouve que la graine d’ambrette lui donne quelque chose de très facetté et de très profond. Sa tenue est impeccable sur ma peau, ce qui n’est pas toujours évident, et il m’en reste toujours un peu de plaisir lorsque je remets mon nez dedans. Il est fort probable que je le reporterai un jour.

Difficile de parler d’ambrette sans évoquer un des chefs-d’oeuvre de Marc-Antoine Corticchiato pour sa marque Parfums d’Empire. « Le Cri » (anciennement « Le Cri de la Lumière ») est sorti en 2017 et je n’ai pas tout de suite été conquis par ce chypre sans bergamote et sans mousse de chêne. Je le trouvais « léger » et j’avais tout à fait tort, il faut le dire. Lorsqu’on le vaporise, l’ambrette prend tout de suite sa place et elle va suivre la fragrance tout au long de son évolution, s’associant à un coeur d’iris et à un fond de patchouli aux accents poudrés. « Ce Cri qui s’élève, c’est celui d’une renaissance. La limpidité cristalline de l’ambrette, musc végétal aux facettes d’eau de vie, irradie un iris aux lueurs diaprées de rose. Ombre portée par ces notes rayonnantes, un fond subtilement boisé caresse la peau. Le luxe en lumière ». On a l’impression qu’il est léger et il ne l’est pas, on a l’impression qu’il ne va pas tenir et il va prendre une ampleur au fur et à mesure de son développement, comme je ne l’ai jamais constaté sur les autres parfums. Il est élégant certes, mais il a aussi un côté singulier, unique, qui pourrait, lorsqu’il est surdosé, le rendre presque dérangeant. Sur moi, il ne s’exprime pas aussi bien que sur d’autres peaux mais je l’ai senti et re-senti et j’ai adoré. C’est un grand parfum.

La liste pourrait être plus longue mais je ne voulais pas être exhaustif. Je préférais parler de parfums que je connais bien et dans lesquels la graine d’ambrette prend toutes ses facettes. J’aime beaucoup cette note et je ne regrette pas d’avoir remis mon nez dedans.