Passion Parfums

 

 

 

S’il est un nom qui revient depuis quelques temps lorsque je découvre de nouvelles créations ou quelques re-créations notamment chez Le Galion, c’est celui de Rodrigo Flores-Roux. Virtuose de la réinterprétation de parfums mythiques ou créateur avant-gardiste, c’est un parfumeur avec lequel il faut compter. Je suis très attiré par son goût très fin pour les belles matières et son inventivité. Je trouve qu’il est aussi à l’aise dans un style chic et classique que dans un certain avant-gardisme. Que ce soit dans le sélectif où dans des marques plus confidentielles, il excelle et j’ai retenu quatre parfums qui m’ont particulièrement impressionné parmi ceux que j’ai découvert ces dernières années afin d’illustrer un parcours très intéressant et éclectique.

« Golden Hour, Janvier 2016, Sydney. Les vagues s'écrasent contre les rochers de grès tandis que les peaux brillent sous le soleil brûlant australien. La brise marine qui embrasse les corps sortant de l’eau est chargée du parfum subtil de la mer, du sel, des rochers, des jasmins et des frangipaniers » tels sont les mots de la marque pour présenter « Sidney Rock Pool » créé par Diego Flores-Roux pour la maison Arquiste en 2018. Pour moi, c’est un parfum de vacances absolument différent des fragrances « plage » qui fleurissent depuis quelques années. Il s’ouvre sur des notes d’écorce de noix de coco et de bois de santal rehaussé d’un accord minéral. Construit autour d’un très bel absolu de narcisse avec des notes de bois flotté, de fleur de frangipanier et de jasmin sambac, le coeur est complètement atypique, oscillant entre notes boisées, fleuries et presque cuirées. Le parfum se pose sur un fond très « bord de mer » vraiment réaliste avec des notes d’algues et un accord ambermax (molécule de synthèse figurant un peu l’ambre gris et un bois sombre) et de sel de mer. J’ai essayé ce parfum et je dois dire qu’il m’a un peu dérouté car je l’ai trouvé radicalement différent des fragrances d’été auxquelles j’étais habitué. Je me suis quand même fait plaisir à le porter tant je le trouve singulier. Rodrigo Flores-Roux a bien su réinventer le style.

Lorsqu’on recrée un parfum aussi mythique que « Fougère Royale » créé en 1882 par le parfumeur Paul Parquet et qui a lancé une famille olfactive à part entière, avec les contraintes actuelles, il faut bien dire que ce n’est pas chose aisée et Rodrigo Flores-Roux a réussi le pari avec brio en 2010. La marque le décrit ainsi : « Le parfum s'ouvre sur un cocktail énergisant d’agrumes qui se mélange à un bouquet d’herbes méditerranéennes, où la lavande et la camomille du Maroc marquent le tempo. Le départ frais est suivi par un cœur redondant, où les nuances de géranium et d’épices sont relevées par un accord floral composé d’essences et d’absolues de rose, de poivre, de cannelle et d’œillet. Le grand final est composé d’une harmonie de notes ambrées et boisées, où la mousse de chêne se mélange à un patchouli sensuel, enrichie par la coumarine et par les absolues de fèves tonka et de sauge ». La concentration eau de parfum est un peu légère comme pouvait être l’eau de toilette de l’époque et Rodrigo Flores-Roux n’a pas du tout essayé de moderniser la formule originale mais plutôt réussi à coller parfaitement au style de cette fin du XIXème siècle et de son prédécesseur qui a su révolutionner la parfumerie masculine. Présenté dans un flacon également hommage à l’original, « Fougère Royale » est un incontournable et on en oublierai presque qu’il a été adapté en 2010. J’ai adoré le découvrir il y a quelques années et je trouve que c’est un beau travail vraiment.

Lorsque j’ai découvert « L’Âme Perdue » reformulée par Diego Flores-Roux d’après la formule originale de Paul Vacher pour Le Galion, j’ai eu bien évidemment un énorme coup de coeur. Il faut dire que je suis pille dans ma zone de confort avec ce chypre floral et fruité qui fait la part belle à la note de prune et à la fleur de datura. Un départ de citron, mandarine verte de Sicile, bergamote, coriandre, poivre blanc et fleur de datura, un coeur de jasmin sambac associé à une variété égyptienne, de rose bulgare, d’un très bel absolu de genet, d’ylang-ylang, de lys rouge, de clou de girofle et d’écorce de cannelle qui entourent une note de prune très vintage et un fond de patchouli et de mousse de chêne associé au benjoin, au baume du Pérou, d’ambre et de vanille, tout y est pour me plaire. La marque le présente ainsi : « On dit qu’un jour, au tournant des années folles, elle marqua le coeur d’un jeune parfumeur si profondément qu’il voulut lui consacrer son premier parfum. Aussitôt crée sa fragrance se fanait dans un souffle éthéré ; insaisissable, s’évanouissant comme elle s’épanouissait. Il ne put se résoudre à laisser s’échapper cette beauté, filant entre ses doigts et à travers son coeur. Il oublia tout, ne pensant qu’à elle, parcourant ce jardin où fleurissent les âmes perdues ». J’ai tout de suite pensé à la génération perdue de Fiztgerald et à ces années vingt insouciantes lorsque j’ai senti ce parfum. Sur ma peau, il matche bien mais j’ai trouvé sa tenue un peu limitée. Il est probable que j’y reviendrai un jour car je l’ai vraiment aimé. Je trouve que Rodrigo Flores-Roux a su vraiment inventer un jus poétique et élégant à la fois alliant modernité et tradition de la parfumerie fine à la française. Pour moi, « L’Âme Perdue » c’est carton plein et je remercie Antonio de la parfumerie Marie-Antoinette à Paris, de me l’avoir fait découvrir.

J’aurais pu citer plusieurs parfums que Rodrigo Flores-Roux a créé pour Tom Ford, que ce soit pour la Private Blend ou pour la collection signature mais je suis allé, bien évidemment vers mon préféré. Il s’agit de « Fleur de Chine » lancé en 2013. « Décrit comme un floral romantique et obsédant, Fleur de Chine débute avec la fleur de thé, le magnolia, la clémentine, la bergamote et la jacinthe. Le cœur fleuri poudré se compose de jasmin, lilas, prune, rose, glycine, pêche blanche et pivoine. Le sillage, plus boisé, est constitué de bois d’hinoki, cèdre Chinois, ambre, benjoin du Laos, styrax et vétiver ». C’est un floral fruité plein de nuances, un peu exotique mais surtout d’une rare élégance comme il y en a peu dans la collection. Jugez plutôt, un départ de bergamote, de clémentine, de jacinthe et de magnolia étoilé, un coeur de jasmin, de rose, de lilas, de pivoine, de pêche, de prune et de glycine et un fond baumé entre benjoin, bois de cèdre, vétiver, ambre, styrax en grande quantité et ambre associés à l’hinoki, un bois japonais tiré de ce qu’on appelle « l’arbre à feu » et qui lui donne un relief assez étonnant. Lorsque j’ai découvert ce parfum, à Paris, je pense dans les rayons des grands magasins du boulevard Haussmann, je l’ai essayé et je ne l’ai jamais oublié. Il est d’une grande originalité et vraiment envoûtant. Il me semble que je ne l’ai pas revu récemment et j’espère qu’il n’est pas discontinué car il est, pour moi, l’une des plus belles fragrances de la Private Blend.

Que ce soit son talent pour réinventer, dans le respect de la formule originale, des créations mythiques et incontournables ou pour composer des oeuvres originales, Rodrigo Flores-Roux effectue toujours un travail à la fois impeccable et complètement personnel. Je dois dire que je suis vraiment très fan de ce travail et je pense qu’un jour ou l’autre, je croiserai l’une de ses créations et qu’elle me séduira à nouveau. Je voulais, au travers de ces quelques lignes, faire un beau clin d’oeil à un parfumeur dont le travail me touche beaucoup et saluer son talent.