Passion Parfums

Il y a déjà plusieurs mois que Marc-Antoine Corticchiato nous promet une nouveauté pour sa marque Parfums d’Empire et la seule chose que je savais pendant longtemps était qu’il s’agissait d’un travail autour du oud naturel et du cuir. La marque en décrit ainsi l’inspiration : « Crinière, sabots, hennissements, galop, saut… Ruade. Coup de cul de l’animal pour un parfum coup de poing. C’est toute la fougue du cheval que distille ce parfum d’exception construit autour d’une démesure de bois de oud naturel. Un parfum-souvenir, celui du retour aux écuries après un weekend de concours de saut d’obstacles. Une discipline qu’a longtemps pratiquée Marc-Antoine Corticchiato, et qu’il évoque ici – adrénaline de la compétition, joie de retrouver l’écurie… Un parfum-univers, celui du monde équestre, quand les chevaux ont été descendus du camion et rentrent dans leur box. On tire alors du van les cantines, ces grandes malles dont se dégage un mélange d’odeurs animales fortes : cuir du harnachement et des guêtres, salive des mors, transpiration des tapis de selle, goudron dont on enduit les sabots, reste de paille et de foin sur les couvertures… Pour capter les effluves de l’ouverture des malles, Marc-Antoine a choisi la matière la plus rétive de la parfumerie : l’essence de bois de oud. Distillée depuis l’an mille, sa résine odorante résulte d’une agression du bois de l’Aquilaria, après un processus très lent évoluant sur plusieurs dizaines d’années. Cet or liquide somptueux, utilisé ici en overdose, déploie alors tout son panache. Floral sauvage, le narcisse exalte le caractère insolent de Ruade avec sa note crinière et ses effets paillés. L’absolu de foin coupé prête sa puissance à l’évocation des fétus de foin dont la senteur sature l’air et affole les chevaux. Un parfum intrépide aux matières précieuses en surdose, saturé d’animalité et rebelle comme une ruade ». Connaissant le monde de l’équitation depuis la petite enfance, j’avoue que cette description a ouvert ma curiosité. J’étais donc tout à fait impatient de le sentir seulement, voilà, il a mis du temps à sortir. J’ai quand même pu, très récemment, le mettre sur ma peau et je dois dire que le moins que l’on puisse dire est qu’il est clivant. Le départ, vraiment impressionnant, très animal et épicé fait place à un coeur complètement cuir et peau, voire souffle du cheval et le fond se fait, finalement plus frais. Les cavaliers, y retrouveront non seulement la peau du cheval après l’effort, mais aussi des notes rappelant les produits d’entretien du cuir de sellerie, le goudron de Norvège et l’huile de laurier, tout cela comme un composite.

 

 

 

Cavalier je crois de saut d’obstacle, discipline peut-être un peu moins rigoureuse que le dressage ou le concours complet mais qui fait appel à un dont pour la stratégie et à un certain courage, Marc-Antoine Corticchiato a voulu, au travers de ce parfum très animalisé, retrouver sans doute les sensations les plus proches de celles qu’il avait quand il montait à cheval et, finalement, je trouve que c’est assez réaliste. Il explique : « J’ai découvert le oud il y a une trentaine d’années. A l’époque c’était un de mes amis chercheurs - brillant analyste des matières premières naturelles - qui m’en avait envoyé une petite fiole accompagnée de sa complexe fiche analytique et d’un petit mot manuscrit me disant qu’il était persuadé que cette note terriblement animale devrait me plaire. Effectivement ! Des années après, j’ai voulu travailler ce oud pour un de mes parfums. Je savais exactement comment je voulais l’utiliser. Mais très vite, on a commencé à le voir revendiqué partout et j’ai préféré mettre de côté ce projet qui me tenait à cœur. Pourtant, malgré la déferlante, on sent rarement le oud au naturel : la parfumerie occidentale s’est approprié la note avec des reconstitutions souvent collantes et écœurantes, en la castrant de la brillance de ses effets cuirés et de son envol très animalisé. La noblesse du oud me rappelle celle de quelques compagnons de route : Equistrius, Salomon, Santeano, Harissa, Dingo, Quoachem, Harold, Iris du Ronceray... et tant d'autres. Les chevaux ont toujours fait partie de ma vie. En me soutenant pendant la traversée des jours les plus sombres, ils m'ont plusieurs fois sauvé ». Le cheval est un animal qui peut être courageux certes, mais aussi craintif ou imprévisible, il faut toujours, lorsque l’on est cavalier, faire face à ses côtés fantasques si l’on peut dire. Avec « Ruade », Marc-Antoine Corticchiato offre un parfum ultra clivant, peut-être plus accessible aux clients du Moyen-Orient, davantage familiarisés avec les notes très animales, l’immortelle travaillée de manière très curry, le oud de très grande qualité. Je dois admettre que, même si je suis très familiarisé avec les odeurs du milieu équestre, je suis resté un peu « scotché » par la force, l’audace et la puissance de « Ruade ». Je le trouve assez étonnant et je suis vraiment content de l’avoir découvert et surtout sur peau. J’ai pu en décortiquer toute l’évolution et je dois dire que je ne le trouve pas facile du tout. Il est tout sauf consensuel et requiert vraiment plusieurs essais d’autant que son prix est très élevé même pour une qualité de jus comme celle-ci (420 euros les 50 ml et 600 euros les 100 ml) et je pense qu’il faut être vraiment sûr pour franchir le pas. Clairement, ce parfum n’est pas pour moi du tout mais je lui reconnais facettes, inventivité et surtout un côté si différent qu’il est une sorte de quintessence de ce que devrait toujours être la parfumerie de niche (hormis le prix car il est quand même prohibitif). Pour être honnête, je ne pourrais pas le porter du tout. Je trouve « Ruade » difficile à assumer malgré un dry down vraiment plus frais et très élégant. J’espère que vous arriverez à croiser sa route et que vous me ferez un retour.