Passion Parfums

* Article entièrement réécrit

Je ne suis pas du tout un fan des notes gourmandes et de l’ethyl maltol en particulier mais, lorsqu’elles sont bien travaillées, je peux me laisser convaincre assez facilement de ne pas les rejeter en block. Par exemple, je suis assez admiratif du travail du parfumeur grec Theodoros Kalotinis comme performance dans le réalisme. Dans un tout autre registre, j’ai découvert, grâce à l’une d’entre-vous, une marque britannique dans laquelle ces accords sont particulièrement travaillées et où les parfums gardent une petite élégance « à l’anglaise » qui ne pouvait me ravir. Merci une fois encore à Katharine de m’avoir fait connaître la maison Sarah Baker qui commence à débarquer dans quelques parfumeries sur le continent. La marque est née au Royaume Unis en 2016 mais elle s’est un peu cherchée. Je crois que Sarah Baker est designer à la base et elle a su s’entourer de très bons parfumeurs pour compléter ses propres créations. Je citerai Ashley Eden Kessler, Miguel Matos, Sarah McCartney, Chris Maurice, et Andreas Wilhelm. Aujourd’hui, la marque compte une quinzaine de créations trouvables en France et notamment la Peach Collection qui compte trois références à ce jour et fait partie des dernières nouveautés. J’ai donc puisé dans ces deux collections pour dénicher quatre parfums et venir vous en parler. Je ne sais pas si je pourrais les porter mais je les ai trouvés particulièrement réussis.

Pour le premier, lancé en 2017, je vous emmène en Ecosse. Il faut dire qu’il porte le nom évocateur de « Tartan » et a été composé par Sarah McCartney à qui l’on doit pas mal de parfums et notamment « Macaque » pour Zoologist. « Un feu brûle dans la bibliothèque pendant que vous savourez un verre de single malt rare, le tout blotti dans une couverture tartan. Chaleur et héritage raffiné vous enveloppent après une promenade avec les chiens à travers les ruines moussues des Highlands d’Écosse ». Boisé, légèrement liquoreux, ce parfum est construit autour d’un thé au jasmin avec des notes de cèdre de Virginie et de l’Atlas, de mousse de cèdre, de cuir, de houblon, de tabac, de labdanum et de bruyère. Ce qui me vient, lorsque je le pose sur ma peau est effectivement un hiver froid, une pièce chaude, des plaids, des fauteuils, un thé brûlant et une ambiance que l’on pourrait trouver dans l’extrême nord de l’Écosse, dans un village inaccessible enneigé au bord d’une mer gelée un peu comme dans le film d’Alan Rickman « The winter’s guest ». Je le trouve réconfortant, élégant mais pas trop sophistiqué. J’ai beaucoup aimé « Tartan » alors qu’il me fait complètement sortir de mes goûts habituels. Je n’aime pas spécialement les parfums boisés mais je dois dire qu’il fait partie de mes coups de coeur dans la marque.

 

L’un de mes coups de coeur de la marque est indéniablement « Charade » créé par Andreas Wilhem en 2018 et pour cause ! « Croiser et double-croiser. Il n'est jamais facile de savoir qui trompe qui lorsque des enjeux élevés et des chicanes astucieuses sont en jeu. Une vapeur persistante de sophistication classique sur grand écran. Goût impeccable avec quelques surprises ». C’est un travail autour de la tubéreuse, d’une très belle qualité d’ailleurs, de l’ylang-ylang qui, après une envolée de thé, viennent en coeur s’associer avec des notes de miel puis, en fond, de mousse de chêne, de vétiver, de bois de santal, de styrax complétées par un accord cuir. Là encore, le parfum est complexe, très élégant, et vraiment clair-obscur. Sur ma peau, il matche absolument. La construction est un peu néo-chyprée et j’ai beaucoup aimé l’idée. En plus, la tenue est vraiment excellente. Il fait partie, des parfums que je pourrais parfaitement m’approprier et il n’est pas dit que je ne le fasse pas un jour. Il est solaire mais sa profondeur me fait penser qu’il ne serait pas très facile de le porter l’été. Je pense même qu’il va intégrer ma wishlist un jour ou l’autre.

Dans la Peach Trilogy, j’ai pas mal hésité car je les ai tous trouvés réussis. J’ai finalement opté pour « Pastel Rumours » créé comme les deux autres par Chris Maurice en 2024. « Un parfum doux et réconfortant ou la pêche juteuse rencontre la chaleur lactée du lait et des céréales , relevée d’une touche épicée de cardamome et de gingembre . Son cœur fondant mêle caramel doré , racines d’iris poudrée et crème onctueuse , avant de s’épanouir sur un sillage enveloppant de la vanille et de musc . Une douceur lactée irrésistible ». Il est gourmand sans excès et, sur le papier, il ne devrait pourtant pas me plaire. L’envolée de pèche lactée et duveteuse est rehaussé d’épices comme la cardamome et le gingembre et par des notes de céréales légèrement torréfiée. Le coeur, un peu caramel est surtout construit autour de la racine d’iris et le fond musqué et vanillé. L’ensemble est curieusement élégant. Je ne ne pourrais pas le porter je pense mais je l’ai trouvé assez chic dans son style et assez addictive. Vraiment, j’ai bien aimé. C’est mon petit plaisir coupable.

Je dois le dire, j’ai beaucoup aimé « Leopard » créé par Ashley Eden Kessler en 2016 et ainsi décrit par la marque : « Inutile de mentir : la prémonition d’une nuit épique sur les carrelages est inéluctable. Excès enivrant et drame dans chaque note, telle est la promesse de scandale et de privilège dans chaque goutte. Classique et classique, une bête noble signifiant pouvoir et droit au luxe et à l’hédonisme. Le seul choix lorsqu’un bon comportement n’est pas une option ». C’est un parfum assez animal et floral avec une envolée épicée de poivre noir et de galbanum rendu très frais et vert par le bourgeon de cassis et le galbanum. Le coeur de rose et de violette pourrait avoir un côté un peu désuet mais je ne trouve pas car le fond, très équilibré de bois de santal, de patchouli, de vétiver est rendu très animal par des notes de castoréum (accord) et de labdanum et adouci par les muscs blancs et la cire d’abeille. J’ai adoré ce parfum. Il est vraiment magnifique. Je pourrais tout à fait le porter. Il me semble qu’il est l’un des plus originaux de la marque. En tout cas, j’ai très envie de le réessayer. Il est un peu subversif…. À l’anglaise.

J’ai également beaucoup aimé « Jungle Jezebel » créé par Miguel Matos en 2018. Aujourd’hui, on parlerait d’un floriental mais avec une tendance un peu fruitée. « Inspiré par l’interprète et chanteur culte Divine, c’est un parfum avec une vraie attitude. Un mélange capiteux de fruits tropicaux. La douceur exotique est équilibrée par des tonalités beaucoup plus lourdes et sexy qui deviennent plus marquantes en séchant. Les combinaisons uniques sont inattendues et en font un parfum à part, à la fois mémorable et peut-être même un peu choquant dès la première rencontre. Pourtant, comme son inspiration, la première impression scandaleuse révèle un métier qui impressionne et reste mémorable. Un modèle pour les personnes audacieuses qui suivent leur propre chemin ». Le parfumeur manie la gourmandise d’une manière très étonnante. En tout cas, bizarrement j’ai bien aimé alors que je pensais que ce parfum ne serait pas portable pour moi lorsque je lisais les notes. Jugez plutôt. Le départ est ultra-fruité avec des notes d’orange amère, de banane, de raisin, de pêche et même un accord bubblegum qui m’a paru plus guimauve fleur d’oranger. Le coeur de rose, de tubéreuse et d’ylang ylang se fait par contre, complètement addictif et le fond ambré se pare de bois de santal, d’un accord civette légèrement animal, de vétiver et surtout d’une fève tonka poudrée et enveloppante. Le résultat est assez hors-norme et plutôt envoûtant, il me faut l’admettre. « Jungle Jezebel » n’est pas mon parfum préféré mais, franchement, je l’ai trouvé vraiment très bien réalisé.

Je n’ai pas aimé également tous les parfums que j’ai pu essayer dans la marque mais, il faut le dire, ils m’ont tous semblé très réussis et je trouve qu’ils apportent vraiment quelque chose à la parfumerie. Sarah Baker a su sortir des sentiers battus tout en ayant une exigence très nette d’élégance. Je les ai découverts avec grand plaisir et, avant de retourner les échantillons à Katharine, je vais me permettre d’en remettre un ou deux sur ma peau. La marque sera peut-être un peu plus diffusée en France dans l’avenir. En tout cas, je le souhaite.