Passion Parfums

De Senyokô, je ne connaissais que les flacons et les noms très poétiques des parfums, je remercie donc chaleureusement Fabien de la boutique béarnaise Yuuminoki de m’avoir proposé de me faire découvrir la totalité de la collection d’autant que la maison est un coup de coeur il ne faut pas le nier. J’ai eu plusieurs engouements et je dois dire que je ne regrette absolument pas d’avoir mis mon nez dans ces fragrances crées par Euan McCall dont la maison a vu le jour en 2018 et qui compte cinq parfums tous plus singuliers les uns que les autres, certains en eau de parfum, d’autres en concentration extrait. C’est une très belle découverte et une manière un peu atypique de concevoir la parfumerie en s’inspirant de l’histoire, des arts en général et de la musique en particulier mais aussi du monde qui nous entoure en le rendant onirique.

J’ai donc commencé par « Une Île Pluvieuse » créé par le parfumeur Euan McCall en 2020 et décrite ainsi par la marque : « « La mer est le lieu où le pêcheur gagne sa vie. A la place de champs d’épis de riz ou de blé, il a un champ toujours bruissant de vagues blanches dont la forme varie sans cesse au-dessus du bleu d’un sol sensible et mouvant. »Inspirée de la nouvelle Le Tumulte des Flots (Shiosai) écrite par Yukio Mishima dans les années 50, Une Île Pluvieuse capture le mystère d’un rendez-vous galant au bout d’une sente détrempée, voilée de brume, parfumée par les embruns et parée de flore sylvestre, sur une lointaine île du Japon ». Dès l’envolée, mon attention est retenue. Il y a une dualité entre le pamplemousse un peu amer et le côté presque poudré du pollen et de la feuille de violette. Je trouve que le parfum a presque un côté « pétrole » bizarrement et il est assez addictif. Le coeur est floral et pourrait être poudré avec la pivoine, le lilas et surtout le mimosa qui sonne parfois un côté amande que je ne retrouve pas forcément. Au bout de quelques minutes, le parfum devient très floral effectivement mais comme si les pétales des fleurs étaient alourdis par la pluie. Le fond est, selon la marque, construit autour de l’ambre gris que je sens bien mais surtout de vétiver et de calamus (un genre de palmier) qui enveloppent l’association patchouli et mousse de chêne. En fait, maintenant que je le sens en lisant un peu les notes, il me semble évident que la construction est chyprée et cela doit jouer pour moi car j’un un réel coup de coeur pour ce parfum. La concentration extrait permet à toutes les facettes de s’exprimer au fur et à mesure de l’évolution. Vraiment j’aime beaucoup.

 Quand j’avais découvert le flacon de « La Tzarine » chez Sens Unique. Créé toujours par Euan McCall en 2019, c’est un parfum un peu cuir mais surtout très épicé. La marque le décrit ainsi : « « Le tsar est mort, vive la tsarine! » Diplomate la journée, conquérante la nuit. Ce parfum unique en son genre entrevoit l’extravagante et mystérieuse vie de la légendaire impératrice russe – Catherine La Grande ». Ce cuir de Russie revisité m’a complètement dérouté avec un départ cassis, miel, safran, petit grain et sauge sclarée entre aromatique et épicé, un coeur de tubéreuse, de jasmin absolu et de fleur d’oranger cuiré par des notes de narcisse et de fruits secs et un fond complexe de musc, de civette reconstituée, de papyrus, de bois de gaïac, de castoréum reconstitué, de mousse de chêne et de sapin baumier. Après un moment dans l’évolution que j’ai trouvé particulièrement déroutant, le fond du parfum me convient assez bien avec la note narcisse extrêmement persistante sur ma peau relevée par le cumin et le safran qui lui donnent quelque chose de l’odeur de la peau après la douche. Je le trouve très bien vu et je comprends tout à fait la démarche du parfumeur car il se situe entre vintage, presque oriental, et modernité. Je suis très amateur de ce genre de parfum mais je ne suis pas vraiment certain qu’il soit pour moi. Je suis très attiré par cette famille olfactive mais peut-être que « La Tsarine » n’est pas tout à fait pour moi. Ceci dit, il m’attire et je peux bien le réessayer.

« Madama Butterfly II » est supposé m’évoquer l’opéra de Puccini mais je dois dire que je suis loin, à la vaporisation, de retrouver l’ambiance japonisante et feutrée en même temps que la musique quelque peu flamboyante. « « Je veux être une fleur, naissant sur les rochers ; être une goutte d’eau, humectant tes joues. » Madama Butterfly II est l’histoire d’une renaissance. Une histoire qui remet en question, défie et redéfinit les concepts traditionnels de féminité et d’indépendance » telle est l’inspiration du parfumeur. Le départ est ambigu avec des notes de baies roses, de coing, de tagètes, d’angélique et de petitgrain de clémentine. Il peut avoir quelque chose de très floral qui s’estompe avec le coeur poudré d’iris et de fleur de cerisier japonais associées à un accord framboise, un autre tulipe, et des notes de férule gommeuse et d’encens. Le fond musqué est saturé d’ambre gris et il s’y adjoint un absolu de fève tonka amandé et des notes très boisées de cèdre et de patchouli. Je dois dire que j’ai peut-être un peu moins aimé « Madama Butterfly II » que les deux précédents. Je l’ai trouvé vraiment très boisé sur le fond et ce n’est pas du tout ma zone de confort. Le côté très poudré du coeur est volatile sur la peau et cède la place au côté très « crayon à papier » du cèdre. Je trouve que ça alourdit un peu la fragrance mais c’est vrai que, du coup, la tenue est décuplée. Ce n’est pas mon préféré mais, franchement, il est très réussi et surtout très accessible à une clientèle plus grand public.

« Lakhmé » de Léo Delibes est sans doute l’opéra français que je préfère aussi étais-je un peu inquiet de découvrir « Duo des Fleurs » qui a du être l’inspiration du parfumeur et qui est, c’est certain, inspiré de l’un des airs majeurs de l’oeuvre. Heureusement, je suis loin d’être déçu. Je trouve même que ce parfum lancé en 2019 est un floral exceptionnel et un vrai coup de coeur pour moi. « « Sous la dense canopée où le jasmin blanc se mêle à la rose rouge… Échappez-vous  avec moi, j’entends Sarasvatī apostropher au loin ! » Une chaotique aventure de fin de siècle au terme du XIXème : deux amants s’échappent de l'Empire britannique des Indes. Le Duo des Fleurs, qui représentait la genèse de la tragédie, devient la source de félicité ». Le départ de rose centifolia m’emporte directement sur le jasmin sambac très opulent, le davana et l’exotisme un peu vénéneux et très indien de la feuille de datura. On retrouve d’autres roses et d’autres jasmins en pétales et en bourgeon au coeur qui renforce ce côté vraiment très « bouquet floral » opulent sans jamais être ni envahissant ni entêtant car il est réalisé avec une finesse incroyable. La fragrance est soutenue par des notes de santal de Mysore, naturellement épicée et de muscs poudrés. « Duo des Fleurs », nous entraîne dans cet univers tellement chic, tellement beau qu’il nous est plaisant de nous en envelopper. J’ai beaucoup aimé ce parfum, vous l’aurez compris. Il me donne envie de continuer à explorer cette belle maison franco-japonaise.

Le dernier parfum que j’ai essayé est « Migration de l’Arbre » lancé en 2018 et je dois dire que je ne savais pas trop à quoi m’attendre. La marque le décrit ainsi : « « Aux premiers frimas hivernaux, je me peins en vert ; verte est la chanson du bûcheron sur la falaise. » Migration de L'Arbre raconte l'amitié entre un oiseau et un arbre. Ce parfum est une méditation sur les relations entre la terre et les animaux, l'espace et le temps ; la sérénité et la loyauté, la promesse et l’éternité ». Sophistiqué, étrange, ce travail autour de l’osmanthus n’a eu de cesse que de me séduire tout au long de son évolution. La sauge sclarée, la baie de genièvre, le cédrat, le pamplemousse et le yuzu lui confèrent une envolée un peu amère à la manière d’un gin tonic et le parfum arrive très rapidement sur un coeur d’élémi, de lentisque, de gaïac, de magnolia, de grenade et de nigelle (cumin noir) de Damas qui entourent et facette une fleur d’osmanthus travaillée sur son versant un peu fruité et abricoté. Le fond est très étonnant avec des notes d’ambre gris, de tabac, d’algue, de vétiver, de sapin baumier, de cèdre et de chêne… Je ne serai pas exhaustif et je n’ai relevé que les notes que j’arrive à discerner car elles sont bien plus nombreuses encore. Le tout est un parfum très doux, à la fois vraiment botanique et résolument fruité. J’aime beaucoup l’opposition entre les notes presque salées du magnolia et de la baie de genévrier, le côté très floral fruité de l’osmanthus et les notes boisées assez sèches dans le fond. « Migration de l’Arbre » est vraiment original et, en même temps, il reste très facile à porter. Il me plait décidément beaucoup.

J’ai un coup de coeur pour cette très onéreuse maison franco-japonaise je dois bien le dire. En tout cas, découvrir les créations, les porter durant quelques heures, a été une expérience particulièrement passionnante et je remercie vraiment Fabien de m’avoir fait découvrir cette marque peu connue, qualitative et inventive. Je dois dire que, dans l’ensemble, je suis plutôt séduit par chacun des parfums que j’ai pu découvrir. J’ai beaucoup de mal à en faire ressortir un. Pendant longtemps, durant ma découverte, j’ai été persuadé que « Une Île Pluvieuse » pourrait être le mien mais il en est un ou deux autres que je pourrais parfaitement porter. En tout cas, je vous engage à aller y mettre votre nez. Ce sont des merveilles olfactives.