Passion Parfums

Shyamala Maisondieu est vraiment un nom qui revient de plus en plus ces dernières années. Je ne m’étais jamais vraiment penché sur son travail et j’ai redécouvert des parfums qu’elle a créé avec un certain plaisir pour écrire ce portrait à travers quatre créations que je trouve emblématiques et particulièrement réussies. Je suis donc allé me pencher sur son « osmographie » si j’ose dire et j’ai choisi les compositions qui me touchent le plus ou que je trouve les plus originales. Je vous emmène donc dans un univers parfumé éclectique. Elle a beaucoup travaillé pour des maisons mainstream via Givaudan mais, de plus en plus, elle crée, seule ou en collaboration, des parfums pour des marques plus confidentielles avec, il faut le dire, beaucoup plus de liberté. J’ai essayé de partir tous azimuts et j’espère que cet article vous plaira.

Le premier parfum qui m’est venu à l’esprit et qui a été composé par Shyamala Maisondieu est une création autour de laquelle je tourne depuis plusieurs années. Il s’agit de « Palo Santo » lancé en 2015 par Carner Barcelona dans la collection originale. « La chaleur du caramel, la douceur de la fève tonka et la finesse du vétiver fusionnent dans l’intensité du Palo Santo pour créer un parfum qui calme les esprits. Le Palo Santo est un “bois sacré” qui évoque magie et mysticisme depuis des milliers d’années. On en extrait une essence aromatique ensorcelante, un mélange envoûtant qui diffuse les allusions terreuses de bois et d’encens pour vous entraîner dans un véritable tourbillon. Convoité par les chamans durant des siècles, on prête à ce bois spirituel le pouvoir de protéger et de provoquer la chance. Grâce aux vertus purifiantes du Palo Santo, une légère vaporisation suffira à calmer vos humeurs et à vous réconforter ». Il s’agit-là d’un parfum à la fois rond et boisé avec un côté presque gourmand mais qui garde une certaine fraîcheur. Vous me suivez ? Les notes de tête sont suaves puisqu’il s’agit du rhum et du davana puis arrive un coeur très rond de bois de gaïac et de fève tonka et enfin les notes de fond qui vont perdurer sont le vétiver, le bois de cèdre et le santal. Serait-ce un palo santo sans palo santo ? L’histoire ne le dit pas mais je trouve que ce parfum reprend très bien les notes un peu spirituelles que j’attendais en le vaporisant. Il est beau, bien construit mais également plein de surprise. Son évolution me fait penser à une exploration de la forêt amazonienne. En tout cas, il me plait toujours autant.

En 2008, Shyamala Maisondieu a créé pour État Libre d’Orange, un parfum que je trouve particulièrement beau et réussi mais qui porte le nom redoutable de « Charogne » en référence au poème de Baudelaire. Parfois Étienne de Swardt a de drôles d’idées pour nommer ses parfums. Il s’agit-là d’un cuir orientalisé avec une curieuse élégance. Il s’ouvre avec des notes de bergamote, de gingembre adoucies par la cardamome puis vient un coeur d’ylang-ylang et de jasmin très opulent et presque exotique avant que nous retrouvions le socle de baies roses, d’absolu de graine d’ambrette enveloppés d’un accord cuir. C’est un parfum élégant, à mi-chemin entre un cuir et un ambré fleuri très classique. « La peau est douce et fondante, et par endroit presque transparente. Lys opalescent ». Comme l’indique la marque, le coeur recrée très facilement la note de lys et je trouve qu’il en est même une très belle interprétation. Je n’aime pas dire cela car je trouve que c’est plus subjectif encore mais je trouve que ce parfum est vraiment la quintessence d’une certaine sensualité qui peut paraître peut-être un peu lourde, très peau parfumée. Je me suis rendu compte que j’aimais bien ce parfum et je remercie David de la boutique Blitzz à Lyon d’avoir attiré mon attention car, et je l’admets bien volontiers, son nom me rebutait. C’est bien dommage car, vraiment, il a tout pour devenir un beau classique, chic et sensuel à la fois. Peut-être plaira-t-il plutôt aux femmes mais je pense que plusieurs amateurs ce cette famille olfactive pourraient y trouver leur compte.

 

J’avais complètement oublié « Succus », composé en 2015 pour la collection les Eaux Arborantes des Liquides Imaginaires par Shyamala Maisondieu et je dois dire que j’ai remis mon nez dedans avec une certaine jubilation. En effet, ce n’est pas du tout un parfum pour moi mais il faut bien admettre qu’il est vraiment réussi. « - l’esprit de la cime - C’est l’odeur planante et solaire de la cime, la séduction de ses fleurs vivantes et irradiantes qui assureront sa reproduction. De la canopée, son parfum s’exhibe et se propage sensuellement dans le vent chaud. C’est l’esprit de la frontière entre le monde matériel et immatériel, entre la feuille et l’air; c’est la liberté et le rêve, le désir et la beauté extérieure. Un parfum captivant ». C’est un parfum complexe, étonnant, très sophistiqué comme souvent dans la marque. L’envolée de mandarine se charge de bois de cade fumé, de cèdre, de laurier, de pamplemousse, de romarin et de sauge ce qui donne n’emblée un côté très aromatique et profond puis vient le gingembre en coeur comme une épice relevée encore par le poivre noire et enveloppé par un accord orchidée. Le parfum se pose sur un fond de cèdre, d’encens et de vétiver. « Succus » est résolument boisé. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais une dose d’essai. Je pense qu’elle venait d’un achat fait à Paris car il ne me semble pas que la trilogie soit vendue à Lyon. J’ai beaucoup aimé la dualité entre les notes épicées et fumées mais le côté très boisé et aromatique m’a presque dérangé. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un très beau parfum à essayer absolument.

Je n’ai jamais parlé de Attache-Moi, une maison que j’ai pourtant j’ai découvert cette collection de la marque ICONOfly chez Sens Unique à Paris et dont les créations ont étés composées par Christine Nagel, Benoist Lapouza, Patricia Choux, Shyamala Maisondieu et Nicolas Bonneville. J’avais d’ailleurs une dose d’essai de « Attache-Moi Ici & Là », une très belle création de 2017. Christine Nagel et Shyamala Maisondieu ont donné une interprétation du chypre que je trouve d’une grande modernité. « Il a d'abord fallu le génie de Christine Nagel pour créer un parfum hors du temps et il a fallu le cœur de Shyamala Maisondieu pour lui redonner avec justesse sa gloire délaissée...de la lie de la mémoire. Dix ans plus tard. Ici & là. Un parfum évoquant la fluidité du temps, rappelant des souvenirs d’errances personnelles, des ballades de l’âme entre Paris et New York. Une explosion, une morsure et un rugissement qui voyagent dans le temps et l'espace, des panaches cosmiques de muscade et de piment et des teintes aigres d'encens frappent comme le tonnerre au milieu des nuages de fleurs narcotiques ». Je dirai qu’il s’agit d’un chypré sans patchouli et avec un coeur floral et épicé. Après une envolée de bergamote, de poivre noir et de poivre rose, le coeur en clair obscur se fait sentir avec une dominante de noix de muscade enveloppée d’angélique un peu terreuse mais verte, d’ylang-ylang, de jasmin et de feuilles de bigaradier puis, le fond construit autour de la mousse de chêne et des muscs s’enveloppe de cire d’abeille, d’iris plus floral que poudré, de cèdre de l’Atlas, d’encens, de vanille et de graine d’ambrette. Ce parfum est très original. J’ai beaucoup aimé le redécouvrir et je me suis fait très plaisir à l’essayer. Je pourrais parfaitement le porter. Il est chic, contemporain et inédit.

 

 

 

 

Voilà, il y a d’autres parfums notamment « Velvet Orchid » créé par Shyamala Maisondieu en collaboration, dont j’aurais pu parler mais j’ai choisi les créations qui m’ont paru les plus emblématique d’un style casual chic ou très couture au contraire. J’aime beaucoup cette signature très particulière lorsque la parfumeure laisse libre court à son imagination et qu’elle n’est pas coincée par un brief. Je trouve qu’elle casse les codes et ce n’est pas plus mal.