Passion Parfums

Sidonie Lancesseur fait partie des parfumeurs dont j’entends beaucoup parler mais je ne m’étais jamais vraiment penché sur ses oeuvres. C’est en faisant des recherches que je me suis rendu compte que j’en connaissais plusieurs et que j’en avais senti ou essayé certaines. Il me semblait donc tout à fait possible de lui consacrer un article car je trouve qu’elle est inventive et qu’elle crée des jus souvent très modernes tout en étant héritière d’une tradition de la parfumerie qu’elle semble aimer beaucoup. Au cours de ces dernières années, elle a collaboré avec un certain nombre de marques et, de ce que je connais, elle a fait mouche à chaque fois. J’ai choisi quatre parfums que j’avais bien en tête pour illustrer mon propos. J’espère vous donner envie d’aller les découvrir et d’en explorer d’autres car je trouve que son travail est très intéressant et qu’il est vraiment à suivre.

Le tout premier parfum dont je possédait une dose d’essai et que j’ai pu re-sentir tout en écrivant est le numéro « 302 » de Bon Parfumeur qui, semble-t’il rencontre un certain succès et avec raison car, s’il m’entraîne assez loin de ma zone de confort, il est vraiment très joli et sur la peau, il évolue merveilleusement. Sorti en 2017, ce jus épicé n’avait pas vraiment retenu mon attention de prime abord car je ne suis pas un fan du bois de santal qui est sa note de fond mais un parfum c’est une composition et, finalement, j’aime beaucoup l’association des notes. Le départ de géranium et de baies rouges est très enveloppant et nous conduit sur un coeur oriental d’encens et de vanille très finement travaillé. Pour moi l’ambre est prépondérante sur le santal alors que se posent les notes de fond et, de ce fait, j’aime beaucoup. La marque en parle mieux que moi avec ces mots : « Une note épicée qui flirte avec la puissance de l'ambre. L'accent froid de l'encens contraste avec la chaleur de l'ambre, pour un effet paradoxal enivrant. Un fond sec et boisé évoque le cèdre et confronte la douceur du bois de santal, tandis qu'un doux mélange vanillé arrondit la composition ». Entre notes opulentes, épicées et sèches, ce parfum est un modèle d’équilibre et, compte-tenu de sa composition, il se développe super bien sur ma peau. C’est une très belle surprise.

Il est, évidemment, bien difficile d’évoquer le travail de Sidonie Lancesseur sans parler de « Black Phantom » qu’elle a créé pour By Kilian devenu Kiian Paris en 2017 même s’il n’est pas, vous le savez, ma tasse de thé. Kilian Hennessy le décrit ainsi : « Un bateau de pirate, évidemment de passage, brave les eaux noires d'une mer agitée, puis s'enfonce dans le mystère. Black Phantom ''MEMENTO MORI'' révèle au nez ses trésors cachés entre chaque déferlante de vagues. (…) L’accord rhum de Martinique, véritable « liqueur des pirates », embaume les effluves d'un café fort en cœur, équilibré d'une essence de vétiver. La morsure mortelle de l'accord cyanure menace dissimulée, comme le rictus de la mort. Retrouvez le sourire avec le sucre de canne et le bois de santal sombre et onctueux en fin d'une traversée éprouvante à la douce récompense ». Le départ de Rhum me plait beaucoup mais je ne suis pas très fan des notes de chocolat noir, café ni du côté sucré qu’il exhale sur ma peau. La marque parle de notes de cyanure mais je pense que Sidonie Lancesseur a utilisé des matières premières telles que l’amande amère ou l’héliotrope en fond. Certes, c’est beaucoup moins sulfureux mais cela me semble plus en rapport avec ce que je sens et cette note d’amande amère que j’aime mais qui me plairait davantage si la fragrance était moins sucrée. Certes, « Black Phantom » a un côté sombre, profond et intéressant qui pourrait me plaire mais, je ne saurai dire pourquoi, sur ma peau, il ne matche pas. En revanche, je comprends son succès car il est très complexe et formidablement réalisé.

Rien que son son nom m’avait attiré ! Sidonie Lancesseur a créé, en 2009 pour la marque Frapin, un parfum aromatique, boisé et épicé qui a pour nom « L’Humaniste ». Je me souviens que la première fois que je l’ai senti, c’était chez Jovoy à Paris et j’avais été complètement séduit. Si je devais acheter un parfum de cette maison, ce pourrait bien être celui-ci car il me correspond tout à fait. La maison le décrit de la manière suivante : « Aussi tonique et limpide que l’esprit curieux, ouvert et avide de beauté des hommes de la Renaissance auquel il rend hommage, L’Humaniste s’ouvre sur une envolée d’agrumes et d’épices, soutenue par les facettes aromatiques du genièvre et du thym qui soulignent un étonnant accord « gin ». Une fragrance fraîche et lumineuse signée Sidonie Lancesseur. Lorsque François Rabelais imagine l’utopie de l’Abbaye de Thélème, il y fait figurer l’usage des senteurs les plus délicates. Et c’est à Rabelais, le personnage le plus illustre de sa lignée, que la maison Frapin rend hommage avec L’Humaniste. Verdeur zestée de la cardamome, brûlure boisée du poivre noir, accents anisés de la baie rose, douceur de la muscade, annoncent un étonnant accord « gin ». Clin d’œil à l’oracle de la Dive Bouteille, cette rasade de gin confère à L’Humaniste un ton résolument masculin, arrondi par les accents verts et rosés de la pivoine et par les facettes amande, foin et tabac de la fève tonka ».  Depuis quelques temps, j’aime beaucoup comparer mes impressions à ce que dit la marque d’une fragrance et, pour ce qui est de « L’Humaniste », je suis assez en accord car le départ très frais et épicé trompe sur ce qui va se passer. J’aime beaucoup l’association, au coeur, de la noix de muscade, du bois de cade et de la pivoine mais c’est vraiment le fond qui surprend avec la rondeur de la fève tonka associée à la mousse de chêne relevée par cette note de gin qui pourrait sembler incongrue mais qui, finalement, s’intègre parfaitement. Je le redécouvre en écrivant et, vraiment, je suis complètement fan. C’est un très très beau parfum. Je dois dire que la tenue a l’air exceptionnelle et que le prix est, somme toute assez raisonnable. Oui, c’est une très très belle redécouverte.

 

 

 

J’aurais voulu vous parler de « My Passion Hommage à Marlene Dietrich » ou encore « My Dream Hommage à Marlene Dietrich » sortis chez Grès en 2007 car c’est une actrice que je trouve complètement fascinante mais je ne les ai pas trouvés et j’ai du me contenter d’aller re-sentir « Madame Grès » créé en 2013 par Sidonie Lancesseur et ce n’est déjà pas si mal. Composé comme un hommage à la créatrice de la maison de mode et décrite ainsi : « L’une des vérités indéniables de la vie est que si vous voulez un grand rôle qui vous va comme un gant, il vaut mieux l’écrire vous-même. Cette idée aurait certainement sonné avec Alix Grès, la fondatrice de la maison éponyme, qui adorait son travail et les actrices qu'elle habillait si glamour d'une main ferme et magistrale », cette fragrance est ce qu’on appellerait aujourd’hui un floriental avec un départ surprenant d’ananas et de cardamome très doux contrebalancé par l’amertume du pamplemousse. Le coeur est floral. J’ai identifié le côté très aquatique du magnolia associé au freesia très reconnaissable et le fond est cuiré, construit autour de la vanille, du patchouli et du bois de santal. L’ensemble est assez translucide si j’ose dire. Dans son flacon un peu désuet, « Madame Grès » est un peu étonnant mais il reste élégant. Je ne sais pas s’il n’aurait pas été discontinué car il m’a fallu explorer les parfumeries atypiques pour aller le re-sentir. Il semblerait qu’il ait disparu des linéaires de Nocibé qui distribue la marque mais qui ne semble avoir conservé que « Cabochard » et « Cabotine ». Bref, je l’ai trouvé, senti et même essayé sur la peau. C’est un joli parfum, une belle alternative pas très onéreuse à d’autres parfums du sélectif. Pour moi, il est très bien réussi et mériterait d’être remis au goût du jour.

Sidonie Lancesseur a également travaillé pour des marques aussi différentes que Lalique ou Nolença dont j’entends beaucoup parler mais je ne connais pas encore ce qu’elle a créé pour ces différentes maisons pas plus que je n’ai senti les autres parfums qu’elle a inventé pour Kilian Paris. Je ne doute pas qu’elle soit audacieuse et je trouve son travail très intéressant, très original. J’ai été heureux de me pencher sur son parcours parfumé pour écrire cet article car j’ai fait de belles découvertes dont « L’Humaniste » que je trouve particulièrement magnifique et je dois dire que j’ai bien aimé re-sentir « Black Phantom » même s’il est certain que je ne pourrais pas le porter. Je vais être attentif à ce qu’elle va composer à l’avenir car je trouve qu’elle a un très bel univers.