Passion Parfums

J’ai beaucoup hésité à répondre à la demande de Paul, l’un des plus « creedophiles » de mes lecteurs, d’écrire un top de sa marque favorite car je dois dire que, depuis la vente de la maison d’Olivier Creed à un groupe financier américain, la flambée des prix en France, qui doit avoir pour but d’uniformiser le marché de notre pays avec celui des autres, est un phénomène qui me dérange. Je trouve que c’est assez irrespectueux pour les clients qui utilisent ces parfums depuis très longtemps en dépensant des sommes déjà substantielles, devront abandonner leur fragrance car leur limite de prix a été dépassée. Je me suis laissé dire que les ventes en France ont déjà pas mal baissé mais bon c’est un choix de la nouvelle direction et cela n’enlève rien à la qualité des jus et encore moins à l’inventivité des Creed père et fils qui continuent, je crois de composer et d’assurer la direction artistique. Paul me demandait mon top des trois féminins et des trois masculins que je préfère. Je dois dires que beaucoup de parfums que j’aimais tels « Royal Scottish Lavender » ou « Fleurs de Bulgarie » par exemple, ont disparu du catalogue et que je le regrette. J’ai donc choisi tout de même six créations que j’aime particulièrement hors de la gamme Aventus dont j’ai déjà parlé abondamment. Je vais essayer, non pas de les classer, mais plutôt de décrypter avec vous mes émotions lorsque je les sens voire même que je les porte.

Olivier Creed

Erwin Creed

Mes trois féminins préférés

Sachant que je n’aime pas genrer les parfums, je m’appuie surtout sur le marketing voulu par la marque pour établir ma sélection. Si j’en ai déjà parlé souvent, il m’est impossible d’évoquer la ligne des féminins sans citer « Fleurissimo », créé pour l’actrice Grace Kelly en 1956 car il fait partie de mon top 20 des plus beaux floraux de tous les temps. C’est un bouquet ciselé, frais, poudré, basé sur une construction chyprée mais dans lequel la facette fleurie prend le dessus. Après une envolée très verte de bergamote, galbanum, citron et petit grain, le coeur est une explosion de fleurs. On y retrouve des notes de violette, de tubéreuse, de rose, de jasmin, d’iris et d’un ylang-ylang travaillé vraiment d’une manière très fine. Le fond oscille entre l’ambroxan, les muscs et l’association mousse de chêne et patchouli. La marque le décrit ainsi : « Laissez-vous séduire par les romans de contes avec Fleurissimo, l'expression olfactive d'un bouquet de mariée. Un mélange sophistiqué, glamour et élégant, le parfum épouse la tubéreuse, la violette, l'iris et la rose bulgare. Fleurissimo évoque l'aura que dégage une femme pour les occasions les plus spéciales, en veillant à ce que tous les yeux de la pièce soient fixés sur elle ». Plutôt féminin dans l’imaginaire de tous les monde, « Fleurissimo » est un parfum que je pourrais porter car, sur ma peau, c’est plutôt l’accord chypre traditionnel qui ressort et il matche bien. Il est assez joli.

Il est évident que « Fleurs de Gardénia », le so british floral imaginé par Olivier et Erwin Creed en 2012 ferait parti de ce trio de tête tant j’aime sa note dominante et je trouve que la composition qui tourne autour est belle et élégante. « Une explosion d'amour et d'innocence, Fleurs de Gardenia rend hommage à nos premièrs émois amoureux : passionnels et irréels. C'est dans leur maison de campagne en France, que le parfumeur Oliver Creed et son fils, Erwin, ont confectionné ce magnifique parfum. Ils intensifient le romantisme du parfum en y ajoutant des roses, de la lavande, des pivoines et des baies de rose. Le résultat est une union parfaite des générations précédentes et futures de Creed, qui dresse un portrait olfactif de ce que pourrait être le véritable amour. ». Ravissant, stylisé, ce bouquet s’ouvre sur des notes d’orange, de cassis et de pivoine pour nous entraîner dans son coeur de gardénia travaillé avec des notes opulentes d’iris, de jasmin et de rose puis se pose sur un lit de santal et de vanille très discret. Pour moi, « Fleurs de Gardénia » est surtout un très beau bouquet de fleurs blanches comme il en faut à l’heure actuelle, pour réjouir nos narines. En tout cas, j’ai bien aimé l’essayer et, encore une fois, je me suis demandé si je ne pourrais pas le porter…

« Voluptueux mais délicat, Tubereuse Indiana est un hymne à la tubéreuse exotique et charnelle des Comores » tel est décrit « Tubéreuse Indiana » inventé par Olivier Creed en 1980 et que j’aime particulièrement. Il avait disparu, le revoilà édité et tant mieux. Le parfum s’ouvre sur des notes vertes de galbanum puis le coeur, construit autour de la tubéreuse, du jasmin et d’une huile de rose de Turquie pour finir sur un fond d’absolu de cire d’abeille, de benjoin et de styrax. C’est un parfum aux multiples facettes tour à tour vert, floral et légèrement cuiré. Je le trouve absolument mixte, très narcotique et je pourrais le porter sans aucun problème même s’il est estampillé féminin.

Mes trois masculins préférés

« Une fragrance sensuelle masculine avec un coeur de bois de santal, de jasmin et de vétiver relevé par des notes légères et fraîches de gingembre, de mandarine et de citron. Les notes de fond sont des notes de tabac et de musc ». « Tabarome Millésime » créé en 2000 par Olivier Creed est inspiré d’un autre parfum dont le nom m’échappe mais qui existait dans les années quarante. Je crois qu’il faisait partie des préférés de Winston Churchill qui était, curieusement, très amateur de fragrances. Ce parfum s’ouvre sur des notes de bergamote, d’armoise, de cardamome et de mandarine, le coeur est très épicé avec le cumin, le gingembre et le clou de girofle avec le côté mentholé du géranium et vert du jasmin. Le fond ambré et boisé avec le cèdre, le patchouli et le santal prend des accents vraiment tabac avec une association entre les notes cuirées du ciste labdanum, de la fève tonka et de la vanille. Pour moi  « Tabarome » est vraiment un des chefs d’oeuvre de Creed. Je ne sais s’il est différent de son aîné ou si Olivier Creed l’a vraiment réinventé toujours est-il qu’il est, pour moi, parfaitement intemporel et d’une élégance très propre à la marque. Il fait partie de mon trio de tête des masculins.

La même chose s’est produite en 2015 lorsqu’Olivier Creed réédite dans une version presque identique un parfum appelé « Windsor » sous le nom de « Royal Mayfair » qui est sans aucun doute mon masculin préféré et sui est un travail autour de la tubéreuse et des bois. La marque le décrit ainsi : « Rendant hommage à l’héritage londonien de Creed, l’Eau de Parfum Royal Mayfair s’inspire de la couture anglaise classique. Élégante, fraîche et sans effort, cette fragrance intemporelle associe des notes édifiantes de gin, de citron vert et de pin écossais, avec de la rose rosée et de la tubéreuse. L'orange bahamienne, le cèdre canadien et l'eucalyptus autrichien forment les notes de base de ce parfum aromatique et opulent ». L’envolée de pêche nous entraine sur ce coeur de tubéreuse très vert, associé au jasmin, au karo karounde, fleur d’un arbuste d’Afrique du Sud au très puissant arôme et à l’ylang-ylang qui arrondit un peu les autres notes. Le fond est duel entre l’ambre et la vanille et les notes de cèdre et de santal légèrement musqués et qui prennent un accent presque cuiré. J’aime énormément le côté tubéreuse boisée et j’ai eu très envie de ce parfum pendant longtemps mais je trouve, hélas, sa tenue un peu moyenne sur moi. Ça m’a toujours fait reculer. C’est dommage car la création est magnifique.

Présenté désormais dans un flacon doré, « Millésime Impérial », créé par Olivier Creed en 1995 est également un parfum que j’aime beaucoup dans la marque qui le décrit ainsi : « La définition d'un parfum "en or", cette fragrance rafraîchissante et revigorante évoque les bosquets et les palais balnéaires luxuriants. Aussi somptueux qu'harmonieux, Millesime Imperial est porté par les hommes et les femmes qui apprécient son mélange sucré-salé de bergamote et de musc. Digne de la royauté, ce parfum sophistiqué est célèbre pour son look doré et convient à toutes les occasions, du bureau du coin à la suite impériale ». L’envolée « très Creed » de bergamote et de galbanum évolue très naturellement vers un coeur très acidulé et poudré d’iris avec des notes de citron et de mandarine puis un fond d’ambre, de cèdre blanc, de muscs, de calone et de santal complètement atypique et qui donne presque un côté tabac à la fragrance. Personnellement, je ne sens pas du tout le côté marin évoqué parfois. J’aime énormément l’évolution sur ma peau et il serait presque celui qui m’irait le mieux à en croire mon entourage, mais je ne sais pas si je pourrais le porter. Je suis très agréablement surpris par ce parfum que je redécouvre en écrivant. Je l’ai toujours beaucoup aimé mais finalement, il est encore plus intéressant porté sur la durée.

Si je me montre critique sur la nouvelle politique menée par la maison, j’ai toujours été un peu dubitatif sur les arrêts, les rééditions et les nouveautés de la marque. J’ai souvent eu du mal à suivre ce qui n’empêche pas que je trouve que les parfums sont beaux, classiques parfois, audacieux de temps en temps et qu’ils se situent entre patrimoine de cet art et modernité. J’ai volontairement occulté la série des trois « Aventus » qui ont rendu à Creed une popularité qu’elle avait un peu perdu car j’en ai beaucoup parlé déjà ainsi que « Royal Oud » que je trouve très à part. En tout cas, je suis toujours séduit lorsque je remets mon nez dedans.