Passion Parfums

Sombre, profond, parfois presque fruité ou encore travaillé sur sa facette fumée, le bois d’ébène, pourtant très odorant, n’est pas tellement utilisé en parfumerie et c’est dommage. J’aime beaucoup son association avec les fleurs blanches ou encore avec d’autres notes comme le cuir ou le tabac. Je suis allé mettre et remettre mon nez dans des créations, plutôt issues de la parfumerie alternative c’est vrai, qui le mettent en avant et je me suis fait très plaisir. Je crois que je pourrais porter quatre des cinq créations que je vais développer dans cet article et pourtant, je ne suis pas vraiment attiré par les parfums boisés. Allez, j’arrête de discuter et je vous emmène dans des sillages très distincts les uns des autres.

Issue de la très jolie et peu onéreuse collaboration entre les magasins Zara et la parfumeuse britannique Jo Malone, « Ebony Wood » créé en 2019 pour la collection Emotions, est le boisé de la série. Je l’ai tout de suite aimé. Construit autour d’un ébène sombre, il a quelque chose d’épicé avec des notes de poivre rose et de clou de girofle mais il est également un peu fruité. La marque, évidemment, ne communique pas sur les notes mais j’ai identifié quelque chose qui m’a rappelé les fruits de la passion. Sur ma peau, le développement est assez linéaire mais très agréable, entre légèreté et profondeur. Je trouve que c’est l’un des parfums les plus réussis de la série Emotion même si je pense qu’il n’a pas eu le succès de certains autres. Je pense que c’était un éphémère mais, s’il avait disparu durant de longs mois, je l’ai aperçu sur les rayonnage du magasin il y a peu. J’espère donc que les magasins Zara vont continuer de le distribuer car c’est un très joli petit plaisir pas cher avec une tenue, ma foi, assez correcte.

« Du tissu sergé, l’on faisait des soutanes ou des blouses d’écolier. Armure croisée, elle a baptisé de son nom celui qui n’a depuis eu de cesse de se dédier au féminin. Boisé éthéré au sillage fumé, il déclare ainsi toute son ambiguïté », tels sont les mots de Serge Lutens pour décrire « Serge Noire » créé par Christopher Sheldrake et lancé en 2008. Construit autour du clou de girofle, du bois d’ébène et de l’encens, ce parfum est une explosion d’épices froides et chaudes. Un clair-obscur qui m’a longtemps fait de l’oeil. Si je trouve qu’on identifie bien le bois d’ébène très profond et le clou de girofle qui ont tout pour me plaire, les accents d’encens m’ont un peu dérouté et j’avoue que je trouve qu’elles donnent au parfum un côté presque poussiéreux et froid qui m’a dérangé. Il n’en reste pas moins que c’est un très beau parfum, plus complexe que ce à quoi je m’attendais en le découvrant sur touche à l’époque. J’ai un ami qui l’a beaucoup porté et je trouve qu’il lui allait comme un gant. Je regrette tout de même qu’il soit ressorti dans la collection Gratte-Ciel car son prix (290 euros pour 100 ml) le rend difficile à aborder. Ceci dit, il est vraiment à découvrir.

J’ai toujours aimé « Idole », créé par Olivia Giacobetti et tout d’abord lancé par la maison Lubin en 2005 puis reformulé pour la collection Talismania en 2011. Il est mon préféré dans cette gamme. La parfumeuse prouve une fois de plus qu’elle est une virtuose. Gilles Thévenin le décrit ainsi sur le site de la marque : « Comme une liqueur intense aux épices brûlantes, Idole de Lubin marie le Bois de Madagascar aux suaves effluves du rhum Bourbon. Le cuir raffiné s’y réchauffe aux épices de Zanzibar. Objet fétiche et parfum extraordinaire, c’est la figure hiératique et muette d’une divinité nubienne, autour d’elle flambent les écorces et grillent les résines. Les corps peints dansent et s’y grisent ». Vous vous doutez bien qu’il a tout pour me plaire avec une ouverture de bigarade et de rhum, un coeur de bois d’ébène et de feuille de palmier et un fond de cuir, d’ambre et de ciste arrondi par un santal rouge. J’ai toujours aimé ce parfum. J’ai toujours tourné autour et je pense qu’un jour il fera partie de ma petite collection. C’est un joyau comme sait tellement bien les réaliser Olivia Giacobetti. Il est profond et élégant, complètement dans ma zone de confort. Oui, je ne suis pas objectif, je l’aime beaucoup.

Le flacon original

 

Le flacon actuel

 

J’ai découvert « Coze 02 » le second parfum créé par Pierre Guillaume en 2002 il y a seulement quelques mois et j’ai adoré. Le parfumeur en parle ainsi : « Une pyramide olfactive tronquée, pour cette première création élaborée autour de l’huile essentielle de Chanvre Indien (Canapa Sativa Seed Oil). La complexité olfactive de cette nouvelle extraction, méritait une construction originale et audacieuse capable de mettre en relief toutes les facettes de cet ingrédient rare et précieux. En lieu et place de la note de tête, le Chanvre Indien déconcertant et captivant annonce un jus riche et chaleureux. Son cœur est vibrant d’épices et de bois précieux : poivre, piment et café fusionnent et flamboient en prémices à la sensualité du bois d’ébène, la douceur gourmande et envoûtante du chocolat et de l’infusion de gousses de vanille Bourbon ». Je crois que j’avais toujours été, depuis que j’ai découvert la marque, intrigué par ce parfum chaud et froid, voyage olfactif profond, étonnant, jamais banal. Entre tabac, café, cuir, épices et bois d’ébène ce parfum est, pour moi, à mi-chemin entre un chypre ultra-moderne et un boisé oriental. L’envolée est clairement poivrée et le coeur ne ressemble à rien d’autre avec des notes de tabac blond, de chocolat du Mexique, de paprika et de café pour évoluer sur un fond à la fois très patchouli presque vert et de bois d’ébène profond et très enveloppant arrondi par une très belle vanille. Je dois dire que, sur ma peau, il est vraiment super beau. Son évolution est magnifique il n’y a pas d’autre mot.

« Lys Noir » d’Isabey est l’un des premier parfums de la maison, il a été repensé en 2014 puis encore en 2017 et existe sous forme d’eau de parfum et d’extrait (« Perle de Lys Noir »). Je ne connais que la première concentration et je dois dire que je l’aime vraiment beaucoup. Pour moi, c’est un merveilleux fleuri mais pas seulement. La marque le décrit ainsi : « Signature d’un parfum pour « femme du monde », Lys Noir affirme son style à travers un jeu clair-obscur élégant et autours du parfum captivant et opulent du lys. Epicé en note de tête par le poivre noir, Lys Noir développe ensuite un sillage voluptueux, composé de fleurs enivrantes : le lys, la tubéreuse et le narcisse imprègnent de leurs facettes animales cette fragrance mystérieuse. Dans les notes de fond, le patchouli répand son pouvoir sombre et attirant, tout en jouant avec les accords sombres du bois d’ébène et crémeux du bois de santal. Ce « jeu interdit » est ensuite enveloppé de la douceur d’un voile de muscs ». Le départ est clairement poivré et le coeur de fleurs blanches, lys, tubéreuse et narcisse est marié au côté élégant et amandé de l’héliotrope pour nous emmener sur un fond étonnant de santal, de patchouli et de muscs construit autour d’un bois d’ébène presque fruité que je trouve d’une beauté fulgurante. J’ai toujours aimé ce parfum mais sa dernière version est vraiment magnifique. Il n’est pas forcément facile à aborder car il est très complexe et déroutant dans son évolution mais je suis très fan.

Le bois d’ébène est vraiment une matière première magique. Je m’y suis penché vraiment pour écrire cet article et je me suis fait plaisir à découvrir et redécouvrir des jus absolument merveilleux, sensuels et la note est comme une seconde peau presque fruitée que je trouve particulièrement belle.