Passion Parfums

Je ne connaissais pas vraiment Les Eaux Primordiales (terme emprunté à Jules Verne dans « 20000 lieues sous les mers ») et je serais tenté de dire que je ne les connais toujours pas car il existe trois collections et je n’en n’ai découvert qu’une mais c’est le début d’un parcours que je vais pouvoir effectuer maintenant que la marque est distribuée chez moi, à Lyon, par les Galeries Lafayette Part Dieu. Je me suis concentré, pour commencer sur la collection Superclassique inventée par le parfumeur Arnaud Poulain dont je ne connaissais pas bien. Elle compte huit fragrances et j’en ai retenu cinq pour ne pas que l’article soit trop exhaustif ni trop rébarbatif. J’ai un peu de mal à avoir une impression globale de cette ligne car les parfums ont tous leur identité mais j’en ai repéré plusieurs dans lesquels les aldéhydes sont très présentes et, vous le savez, ce n’est pas la note que je préfère mais je suis passé outre pour tenter de décrypter, pour moi-même, chaque fragrance. Allez, je vous emmène dans ce premier contact avec Les Eaux Primordiales :

Arnaud Poulain

J’ai commencé par le commencement et j’ai demandé à découvrir « Abstraction Raisonnée » créé en 2015 et qui semble être le premier parfum de la maison qui le décrit ainsi : « Premier né de la collection Superclassique, il incarne l'union de l'abstraction de l'art et de la raison scientifique. On assiste alors au mariage du vétiver d'Haïti aux notes acidulées de la rhubarbe. Le pamplemousse apporte fraîcheur et modernité à ce parfum à l'équilibre parfait ». Sur le papier, il avait tout pour me plaire alors j’y suis allé tout de suite. C’est vrai, qu’après son départ frais, un peu amer et acidulé à la fois avec des notes de pamplemousse et de rhubarbe, j’ai été très séduit puis j’ai laissé le parfum se développer sur mon poignet et je suis arrivé sur le coeur très épicé par la noix de muscade et entouré d’une très belle qualité de jasmin pour se poser sur un fond de vétiver, de benjoin et de tabac très enveloppant. Je pense que je l’apprécierai mieux en automne car il me semble assez opulent sans être plombant. Très franchement, il est sans doute celui, de ceux que je connais, que j’ai préféré. Il est assez singulier pour mériter son titre de parfum d’auteur ce qui est peut-être moins le cas pour d’autres fragrances. Je pourrais tout à fait me l’approprier et je pense qu’il est, pour l’instant, indéniablement l’un de ceux que j’ai préféré.

 

« Cet élixir aphrodisiaque nous invite à déambuler dans les salons d'un grand hôtel parisien. Les effluves de cuir, de rhum et de tabac posent un cadre voluptueux. L'osmanthus, la vanille de Madagascar et la fève tonka ajoutent finesse et opulence à ce parfum incandescent » lorsque j’ai lui la description de ce parfum je me suis dit « ça passe ou ça casse » car je n’ai pas un amour immodéré pour la note de vanille en parfumerie mais je dois dire qu’il m’a assez plu dès l’envolée ce qui est rare dans les marques de niche. « Mécanique Intuitive » a été lancé en 2016 et c’est vrai que ce départ d’osmanthus à la fois abricoté et un peu cuiré et de thé noir m’a séduit au premier abord. Le coeur est opulent avec des notes de rhum et de tabac et le parfum se termine, mais au bout d’un certain temps, sur un fond de fève tonka, de cuir et de castoreum enrobé d’une vanille très naturelle. Je dois dire que je suis moins attiré par ces notes-là. Ce n’est pas tant la vanille qui me déstabilise car je la trouve vraiment travaillée avec goût mais plutôt le castoreum et ce côté cuir animal qui est flatteur à mon nez au premier abord et qui finit par m’agacer. Ce n’est pas un parfum pour moi mais je reconnais que la création est très intéressante voire passionnante et qu’il peut, pour certains, avoir une facette très addictive.

J’ai été assez séduit par « Iris Palladium » lancé en 2015 et je pense que je suis pile dans ma zone de confort. Certes, il sort un peu moins des sentiers battus mais je ne vais pas bouder mon plaisir, j’aime ce genre de parfums poudrés, un peu surannés et je suis content qu’ils soient encore inventés et qu’ils rencontrent leur public. La marque le décrit ainsi : « À l'image de la haute horlogerie Suisse dont s'est inspirée le créateur, Iris Palladium est une composition olfactive au rouage précieux. La combinaison du santal d'Australie à l'iris de Florence confère à cet assemblage un raffinement indiscutable ». Je sais ce que vous allez me dire : « Mais n’en n’as tu pas assez des iris/violette ??? » et bien non. J’apprécie, c’est ainsi. Le départ de bergamote, de sauge et de graine de carotte m’a un peu rappelé « Iris Silver Mist » composé par Maurice Roucel pour Serge Lutens et c’est vrai que le coeur d’iris et de violette a confirmé cette impression mais je trouve « Iris Palladium » beaucoup plus évolutif et le fond santal, patchouli et ciste a presque quelque chose de cuiré. Je pense que la tenue doit être bonne d’ailleurs. C’est un iris et violette un peu classique mais le mot qui me vient est « impeccable ». J’ai bien aimé et les amateurs de parfums de ce style me comprendront.

 

Allez, je vais quand même développer mes impressions sur l’un des aldéhydés. Il s’agit de « Mémoire du Futur » lancé en 2015, il est décrit ainsi : « C'est la rencontre de la parfumerie d'hier et de demain. On imagine des notes de cuir émanant d'anciens alambics flirtant avec des violettes en réalité augmentée. Le mariage de la rose primordiale aux néo aldéhydes de laboratoire dévoile un parfum chypré qui défie les lois du genre ». Bon, le départ très frais entre bergamote est aldéhyde n’est pas vraiment de mon goût mais le coeur floral, iris, violette, oeillet et rose se fait poudré et m’apparaît comme classique mais c’est sans compter sans un fond cuiré par le ciste labdanum et vanillé. J’ai pris ce parfum comme un hommage à la belle tradition de la parfumerie à la française. Il a un petit côté faussement vintage mais avec un twist cuiré et très moderne. Je ne peux pas dire qu’il est tout à fait dans mes goûts mais il est très agréable comme une petite incursion dans les volutes de cigarettes des élégantes des années trente. Je n’aime pas genrer les parfums mais je le trouve tout de même très féminin surtout dans son esprit suranné.

« Champ d’Influence » lancé en 2015 m’a un peu plus dérouté. La marque le décrit avec ces mots : « Madeleine de Proust du parfumeur qui se souvient de son grand-père agriculteur qui se rasait tous les matins avant d'aller cultiver son champ. L'influence de cet homme irréprochable a donné vie aux notes de géranium, de citron, de mousse de chêne et de vétiver pour en faire un parfum qui inspire le respect » et je l’ai trouvé assez jubilatoire. Avec un petit côté chypré. Après une ouverture citron, lavande et aldéhyde, il faut la part belle au coeur de géranium. J’ai adoré le sentir porté alors que sur la touche il m’avait un peu ennuyé. Le deal était que la responsable du rayon aux Galeries Lafayette jouerai le mannequin et j’ai bien pu découvrir le vétiver et la mousse de chêne sur son poignet. Franchement, il a des facettes que je n’ai pas décelé au premier abord. Je l’ai trouvé intéressant même si, une fois encore, il n’est pas vraiment pour moi. En tout cas, il a le mérite de sortir un peu des sentiers battus.

Il y avait trois autres fragrances mais j’ai été moins attiré et je n’ai pas eu grand chose à en dire au premier abord. Je ne dis pas que je ne les découvrirai pas différemment dans l’avenir mais j’ai envie d’explorer d’abord les deux autres collections de la maison et je vous en ferai un compte-rendu. C’était une expérience intéressante mais je n’ai pas trouvé, dans la collection classique, celui qui me ferait craquer. Wait and see.