Sylvie Jourdet, une signature faussement classique
Rien ne prédestinait Sylvie Jourdet à devenir parfumeure. Après des études en pharmacie, elle s’est intéressée à la formulation cosmétique avant d’intégrer l’ISIPCA et ainsi devenir créatrice à son tour. En 2000, elle a fondé Créassence, sa propre société qui lui permet, dans une grande liberté, de composer des parfums pour de très belles marques telles Histoires de Parfums bien sûr mais aussi Maître Parfumeur et Gantier ou encore Olibanum dont je n’ai pas vraiment parlé mais qui m’est accessible assez facilement à Lyon. J’aime beaucoup sa signature et notamment, j’ai une attirance toute particulière pour « Tubéreuse 3 Animale » qu’elle a inventé pour Histoires de Parfums et qui, hélas, n’existe plus. J’ai décidé de vous proposer un petit portrait parfumé à travers quatre créations que je trouve particulièrement emblématiques non seulement de son style mais aussi de sa manière assez atypique de travailler certaines matières telles le patchouli par exemple.
Tiens, commençons par le patchouli magnifique qu’elle a inventé avec Gérald Ghistlain pour Histoires de Parfums en 2000. Il porte le nom évocateur de « Noir Patchouli » et sa construction chyprée ne pouvait que me séduire. Il y a quelques années, je me suis vu offrir un petit format et je l’ai porté avec un grand plaisir. L’originalité de ce parfum est que sa matière première majeure est présente à tous les étages de la pyramide olfactive. En effet, le patchouli se mêle à une coriandre et une cardamome fraîches et épicé en tête avant de se renforcer, au coeur, avec un bouquet de fleurs blanches corsé par les baies de genièvre et de se poser sur un fond sombre où il est associé aux muscs, à la mousse de chêne, au cuir et à la vanille avec des traces très terreuses de vétiver. « Le patchouli, cultivé en Orient, exhale de ses feuilles un parfum intense et envoûtant. Ici le patchouli est noir, ténébreux, captivant. Entouré des accords de cardamome, coriandre et baies de genièvre, il déploie ses multiples facettes dans l’obscurité. Chypré boisé, cet élixir éveille les sens. Un souffle de mystère, profond comme le noir qui absorbe la lumière ». Je dois dire que j’aime le côté clair obscur de ce grand chypré tirant sur le boisé et le cuiré un peu à la manière d’un « Bandit » de Robert Piguet sans le versant vert. « Noir Patchouli » est tour à tour sombre et mystérieux puis se fait lumineux à d’autres moments. Ce n’est pas un beau parfum, c’est un grand parfum.

En 2022, Sylvie Jourdet a créé, pour la maison Olibanum plusieurs parfums autour de l’encens et vous savez que ce n’est pas vraiment une matière première qui me plait, tout du moins que j’aime sentir sur moi. Je suis tout de même allé découvrir la collection car j’y avais un accès privilégié. Parmi les parfums qui, à mon sens, ressortent vraiment, il y a « Cardamome ». « Une cardamome envoûtante, habillée d’un brin de lavande et s’évaporant en vapeurs boisées de cèdre et de patchouli ». Outre l’encens, les notes de cardamome et de lavande en tête sont vraiment très originales même si je les trouve parfois un peu « rêches ». Le coeur de davana vient adoucir une fragrance particulièrement intéressante et nuancée. Le fond de patchouli et de cèdre lui confère quelque chose de plus profond. Pour moi, « Cardamome », est le parfum le plus original de la collection mais je dois dire que je ne suis pas forcément apte à le porter toute une journée. Je sais juste que j’admire l’idée et le résultat. Je pense qu’il faut absolument le découvrir car il est vraiment « pas senti ». En tout cas, il a vraiment éveillé mon intérêt. Je trouve que le style de ce parfum ne ressemble à rien d’autre et je reconnais le côté « pas comme les autres » de la signature de Sylvie Jourdet.

Il y a très rarement des nouveauté dans la très belle maison Maître Parfumeur et Gantier et je ne savais pas que « Ambre Tibet », créé en 2022, pouvait être créé par Sylvie Jourdet mais cela m’a semblé évident lorsque je l’ai déduit des informations que j’ai pu trouver. C’est une ambre tendre, élégante, classique et pourtant… « Un voyage mystique dans le cœur de l'orient, où le ciste et l'eucalyptus rencontrent l'encens et la rose, pour se fondre dans une base profonde de bois de santal, d'ambre gris et de vanille ». Dès l’envolée, on sent un parfum dense avec des notes de ciste, d’eucalyptus et de davana puis vient un coeur de résine d’encens, de rose, de géranium, de patchouli et de bois fumé qui nous conduit sur un très beau fond de santal, d’ambre gris, de vanille et de muscs. C’est un parfum un peu animal mais pas trop, doux mais profond, très élégant. Certains le trouveront peut-être un peu vintage mais à moi, il me semble que la richesse de sa composition le rend absolument intemporel. Le ciste et l’ambre gris conjugués, c’est quelque chose ! J’aime beaucoup ce parfum. Il ne sera pas pour moi mais je reconnais qu’il s’agit d’une très belle création que j’avais eu la chance de découvrir dès sa sortie à la boutique parisienne.

J’ai commencé cet article avec Histoires de Parfums, c’est avec la collection des Characters de la marque que je vais le terminer. Je l’ai déjà évoqué mais je ne pouvais pas ne pas parler de « 1804 » dédié à George Sand qui est l’une de mes écrivaines préférées et qui a énormément inspiré les parfumeurs. « Le 1er juillet de cette année, au 15 de la rue Meslay, Paris voit naître Amandine Aurore Lucile Dupin, qui deviendra la baronne Dudevant. C’est cependant sous son pseudonyme androgyne que l’on connaît George Sand. Ecrivain géniale, amoureuse passionnée et figure engagée, elle incarne la première femme moderne. Pour ses héritières contemporaines, un parfum à son image, généreux et féminin. Un parfum ambré fruité, entre éclat de rire et trait de plume, réchauffé d’épices enivrantes et coloré de fruits sucrés ». Créé en 2001 par Sylvie Jourdet, ce parfum est, il me semble, l’un des fleurons de cette collection et je comprends bien pourquoi car il est profondément réjouissant. Après une envolée florale, fruitée et même exotique de gardénia de Tahiti, de pêche de Corse et d’ananas des îles Hawaï, il se fait tendre, floral et élégant quand on arrive sur ce très beau coeur épicé de clou de girofle et de noix de pécan troublant le jasmin indien, le muguet et la rose du Maroc. Enfin, les notes de fond, santal, patchouli, benjoin et vanille est adouci, poudré et rendu très nuancé par les muscs blancs. Si je ne comprends pas trop l’inspiration du directeur artistique et le lien avec George Sand, je trouve quand même que ce parfum est l’un des plus beaux de la marque. Il est singulier mais facile à porter. Ce n’est pas tout à fait moi mais j’ai quelqu’un de proche qui le porte très bien. J’ai donc la chance de le sentir parfois.

J’aime beaucoup la signature de Sylvie Jourdet. Je trouve qu’elle exhale une élégance et une certaine originalité surprenante dans des conceptions de parfums classiques. J’ai eu la chance de découvrir la collection Olibanum il y a peu et je lui consacrerai sans doute une revue dans quelques temps quand je la maîtriserai mieux. Pour ce qui est Histoires de Parfum ou Maître Parfumeur et Gantier, je ne répèterai pas mon goût pour ces deux maisons mais je peux dire que j’ai beaucoup de plaisir à en parler. Sylvie Jourdet est une parfumeure dont j’aime particulièrement le travail et je suis content que le voile soit un peu levé sur ce qu’elle a créé.
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