Tea time
* Article entièrement réécrit
Je suis un buveur de thé depuis toujours donc il était très logique que je m’intéresse à cette matière première en parfumerie. La note peut être travaillée de plusieurs manières mais il faut dire aussi qu’il existe autant de thé que d’odeurs différentes. Je peux peut-être développer un peu : bien sûr, je pense au thé vert, végétal, très facile à conjuguer avec les agrumes ou encore l’osmanthus. C’est aussi le cas du thé noir qui peut-être soit fumé et sombre soit plus lumineux et, tout en restant dense, vraiment élégamment fruité ou cuiré. Je peux aussi revenir sur le matcha, dont la saveur amère est retranscrite souvent grâce à une jolie qualité de maté, une autre plante très consommée en Amérique du sud. Comme vous vous en doutez, j’ai pas mal creusé le sujet et j’avais très envie de sélectionner des parfums vraiment différents les uns des autres dans lesquels le thé est présent et décliné de manières variées. J’ai fait une entorse et j’en ai gardé cinq car la variété est très importante. Je les presque tous portés et je les connais bien. Je vais vous emmener dans l’univers des parfums mettant en avant les notes de thés au pluriel et j’espère que je ne serai pas trop redondant dans mes choix. Allez, c’est partie, installez-vous avec une bonne tasse fumante ou un verre glacé et venez avec moi de terroir en terroir et de création en création.
Je vais, bien évidemment, commencer par « L’Île au Thé » créé par Isabelle Doyen et Camille Goutal pour Goutal Paris en 2015. Je le porte depuis sa sortie et je l’aime toujours autant : « Cette mer, d'un bleu profond, est sublime; le volcan Hallasan est imposant, le vert tendre des plantations de thé se dessine à l'horizon, nous sommes sur l'île coréenne de Jeju. À chaque instant, c'est une invitation à la contemplation. L’Île au Thé a ce parfum rare qui diffuse dans toute l'île une senteur apaisante de bien-être et de sérénité ». Volontairement travaillé comme un parfum à partager, à la fois masculin et féminin, cette composition s’ouvre avec de très belles notes de bergamote et et de mandarine qui nous emmène sur un coeur d’absolu d’osmanthus qui va donner, durant l’évolution, des petites notes à la fois abricotées et légèrement cuirées puis vient le fond magnifique d’absolu de thé de très bonne qualité et associé au côté profond du maté et du cèdre de Virginie qui s’adoucit avec les muscs blancs. J’adore ce parfum, il n’y a pas d’autre mot. Il allie tout ce que j’aime : l’élégance « à la Goutal », l’exotisme, la fraîcheur et un côté hyper facile à porter même s’il a un vrai caractère et une réelle personnalité. Dès son lancement, il a été un vrai coup de coeur qui ne s’est jamais démenti. Je me rends compte que j’ai acheté mon premier flacon il y a dix ans et qu’on me l’a offert depuis. C’est une réussite à tout point de vue.
Pour le thé « de l’après-midi, j’ai un peu hésité entre « Dear Polly », créé par Jérôme Épinette p our Vilhelm Parfumerie et « Blue Madeleine », lancé en 2024 par Atelier des Ors et composé par Marie Salamagne et c’est celui-ci pour lequel j’ai finalement opté mais je les aime, l’un et l’autre. Celui-ci est, il faut le dire, mon parfum préféré dans la marque toutes collections confondues. Il me plait décidement beaucoup. La parfumeure en décrit ainsi l’inspiration. « L’expression olfactive du souvenir d’un afternoon tea à la Villa, mêlant madeleine, épices et thé noir ». Elle évoque ainsi la Villa Primerose, dans le sud de la France. Le parfum, dès le départ de cannelle, de bergamote et de poivre rose déploie une élégance à mi-chemin entre modernité et ambiance « à l’anglaise et à l’ancienne ». Le coeur de thé et de rose, avec une pointe d’accord lacté est vraiment très bien pensé. Je ne suis même pas gêné par cette note qui participe à l’équilibre de la création. Le fond de santal, de baume du Pérou pour avoir un côté doucereux mais le bois de cade vient, une nouvelle fois, contrebalancer cet effet. Vraiment ce parfum est une très belle trouvaille. Plus je l’essaye, plus il me plait. Il est peut-être le seul parfum de la maison Atelier des Ors que je parviendrais à m’approprier. Je le trouve d’un chic fou… D’ailleurs il n’est pas dit qu’il n’intègre pas ma liste de voeux.
J’étais un peu passé à côté de « Smoky Soul », créé par Marc-Antoine Corticchiato en 2023 pour la très belle Collection Sépia d’Olfactive Studio et l’une de mes amies le porte. Je l’ai senti sur elle et l’ai trouvé divinement beau. Il faut dire qu’il lui convient particulièrement bien. « Inspirant et charnel, Smoky Soul est un thé noir fumé infusé d’un absolu de fleur d’Osmanthus aux accents fruités abricotés. Le Thé noir en extraction au CO2 supercritique, est fumé par l’essence de Vétiver Java qui apporte des facettes de bois chauds en combustion. Le poivre noir renforce les notes épicées et noires du thé et une trace d’algue absolu vient souligner les notes de mousse, salées et minérales de certains thés chinois ». Il allie le côté très profond du thé fumé à une ouverture d’osmanthus très cuiré et de poivre noir avant d’être rejoint par un jasmin très floral en coeur, légèrement poudré par la rose puis, et c’est son originalité, le fond de patchouli et de vétiver est associé à cette note d’algues si chère au parfumeur et qu’il a remis au goût du jour dans « Acqua di Scandola » pour la collection Corse de sa maison Parfum d’Empire. L’originalité de « Smoky Soul » me réjouit. C’est un vrai parfum d’auteur comme j’en cherche tout le temps. Je ne sais pas s’il est vraiment pour moi. Il faudra que j’essaye de le porter vraiment complètement et pas seulement sur mon bras mais, en le re-sentant pour écrire mon article, je me rends compte que je l’aime beaucoup quand même. Je le trouve chic et un brin subversif… Très Marc-Antoine Corticchiato quoi !
Le quatrième parfum auquel j’ai pensé, je le connais depuis plusieurs années et, même si j’aime beaucoup les créations de la marque, j’ai mis un certain temps à l’apprivoiser. Il faut dire qu’il est le plus clivant de la sélection. Il s’agit de « Vi et Armis » créé en 2015 par Julie Marlowe pour la collection Comm Hell or High Water de Beaufort London. « Décrit à la fois comme "le chaos dans un flacon" et "la fête de Noël d'un alchimiste", ce parfum est une célébration du fumé : lapsang souchong, whisky tourbé, tabacs sombres, épices et opium se combinent pour produire un parfum intensément provocateur à partir d'ingrédients "surdosés". Paradoxal et stimulant - singulier et narcotique ». La première fois que je l’ai senti, je l’ai trouvé très difficile à porter avec cette envolée très étonnante de cardamome, de poivre noir et de thé lapsang souchong associée à l’amertume du pamplemousse et rejointe, après un temps un peu long par l’encens chaud, la fleur d’opium et l’ylang ylang rendu presque liquoreux par des traces de whisky puis par un fond hyper sombre de tabac, de bouleau, de oud, d’ambre, de ciste labdanum, de santal, de patchouli mais aussi de cèdre de l’Atlas légèrement arrondi par un accord caramel que, personnellement, je ne sens pas du tout. Sur moi, ce parfum ultra fumé est vraiment top. Je ne le pensais pas. En fait, il est le seul que j’ai maintenant dans ces tonalités et je pense que je vais le garder. Je le trouve, en hiver, très agréable à porter voire même un peu addictif. C’est une composition très segmentante que je trouve finalement vraiment belle. Il est à découvrir absolument et à mettre impérativement sur peau.
J’ai commencé cet article avec une création d’Isabelle Doyen et Camille Goutal et je l’achève par une autre. Cette fois, c’et pour leur marque Voyages Imaginaires qu’elles ont composé « Tea & Rock’n Roll » en 2020. Il a été l’un de mes premiers coups de coeur dans la marque et ça ne s’est jamais démenti. « Né d’une fascination pour l’Angleterre, Tea & Rock'n Roll est l’évocation olfactive d’un dandy des temps modernes, entre chapeau melon et guitare électrique. So British: furieusement chic et fantasque ! Il passe ses nuits dehors puis, dans un sursaut d’élégance débridée se parfume avec la tasse de thé qu’il sirote au retour, à 5 h du matin ». Il est étonnant, dense et aérien à la fois avec un départ de bergamote et de maté, un coeur de citron vert et un fond de cuir et de tonka qui l’arrondit quelque peu. C’est vrai qu’il m’évoque un thé de Ceylan, à l’anglaise, avec un peu de citron et que, sur ma peau, il se développe particulièrement bien. Cet été, je le porte pas mal et me rends compte que je suis vraiment très accro. Il est en train de devenir l’une de mes signatures olfactives. J’adore son côté moderne, effectivement, « à la londonienne » et je sais de quoi je parle. Je m’imagine, devant un thé dans un mug, dans le quartier de Soho, entouré d’une clientèle hétéroclite et artistiquement active. « Tea & Rock’n Roll » est une pépite dont on parle peu. Vraiment quelle merveille ! Je l’ai pas mal porté récemment et je vais continuer. En plus, contre toute attente, sa tenue est très correcte sur moi. Que demander de plus ?
Voilà, je suis arrivé au bout de la réécriture de cet article dont j’avais un premier jet. J’aurais, bien évidemment, pu évoquer les très belles créations d’Olivia Giacobetti pour L’Artisan Parfumeur mais aucune des deux n’est encore sur le marché. Il y a aussi, bien évidemment le très beau travail effectué chez Jo Malone, non seulement sur « Earl Grey & Cucumber » mais aussi sur toutes les propositions lancées dans des collections éphémères. Cela m’aurait fait un article beaucoup trop long. J’ai essayé de sélectionner cinq parfums très différents les uns des autres. Je les aime beaucoup et je voulais partager. Comme je le disais en introduction, j’aime le thé à boire et je me rends compte que je l’aime aussi à porter. Et il y a pas mal de compositions dans lesquels ses diverses notes sont travaillées en majeur. J’ai donc encore de quoi découvrir.
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