Thérèse Roudnitska, comme un parfum d'élégance
Thérèse Roudntiska
S’il est une femme dont le nom restera dans les mémoires des amateurs de parfums, c’est bien celui de Thérèse Roudnitska, seconde épouse d’Edmond et mère de Michel… Vous me suivez ? Elle a été l’âme de la maison du maître à Cabris même après sa disparition. Alors, inspiratrice, « mannequin » pour les parfums de son époux puis de son fils, chimiste inspirée, donneuse d’idées et même, parfois, notamment dans un cas reconnu, parfumeure. Mais qui était Thérèse ? Elle a rencontré son futur mari à la maison de composition Roure où ils travaillaient tous les deux et, conjointement et, après la guerre, en 1946, ils ont créé la société Art et Parfums destinée à faire reconnaitre le parfum comme une oeuvre artistique et assurer la propriété intellectuelle à ou ses compositeurs. Si Edmond a beaucoup écrit sur le sujet, Thérèse n’en n’a pas moins joué un rôle actif, allant jusqu’à faire les livraisons de parfums auprès des clients comme Marcel Rochas ou Christian Dior et, durant la seconde moitié de ce XXème siècle de parfums, elle a été, souvent dans l’ombre, partie prenante dans les créations de son mari mais n’a co-signée qu’une seule composition.
Edmond et Thérèse
dans les années 40
La création de « Moustache »
En 1949, Marcel Rochas commande à Edmond Roudnitska un parfum pour homme en lui laissant toute latitude, comme une sorte de carte blanche en ce qui concerne la création. Il n’est pas très inspiré et demande de l’aide à son épouse qui, très rapidement, va instiller l’idée de l’odeur à la fois propre et un peu sensuel du cuir chevelu. Elle va, petit à petit, composer une fragrance hespéridée, légèrement cuirée et particulièrement élégante qui deviendra « Moustache ». Son époux finalisera la formule et ils la signeront tous les deux. Cette eau de toilette, légère, presque Cologne, remportera très vite un grand succès et la maison Rochas en fera, pendant longtemps, l’un de ses classiques. C’est qu’elle avait de l’idée la dame ! Progressivement retiré de la vente, « Moustache » ressortira d’ailleurs dans une formule quasi-identique à l’original en 2018 sous le nom « Moustache Original 1949 ». Je n’ai pas vraiment compris à ce moment-là, je crois que je l’avais évoqué, la politique du groupe qui détient la marque car on ne pouvait le trouver que dans deux points de vente à Paris : le Marionnaud des Champs Elysées et le concept store Dover Street dans la rue Elzevir au coeur du Marais. Par la suite, j’ai retrouvé des flacons dans des solderies. J’ai porté « Moustache Original 1949 » et je comprends parfaitement ce qu’a voulu faire Madame Roudnitska. Un peu chypré, un peu hespéridé, un peu cuiré, le parfum était dans l’air de son temps tout en restant passablement indémodable. Pour moi, il est bien dommage qu’il ne soit plus trouvable. Ce sont les aléas de la parfumerie.
Le Parfum de Thérèse
Je ne vais pas revenir sur la démarche de Frédéric Malle en 1999, lorsqu’il est allé voir Thérèse Rounitska pour lui demander la formule du parfum qu’elle portait depuis près de quarante ans mais plutôt revenir à sa création. Edmond Rounditska, comme beaucoup de parfumeurs, avait développé un parfum très personnel tout en reprenant les codes qu’il avait mis en place dans des compositions telles « Femme » de Rochas ou « Diorama » de Christian Dior en utilisant une molécule, le prunol, qui figure une prune juteuse, presque confite mais tout de même légèrement acidulée. Dans cette nouvelle création, qu’il destinait à Dior ou à Guy Laroche, il l’avait travaillé avec des notes de melon d’eau, de rose, de jasmin, de violette et vraisemblablement intégré à un accord chypré. Il en a résulté un parfum étonnant, peut-être un peu trop en avance sur son temps dans ce début légèrement corseté des années 60. Toujours est-il qu’il a été refusé par la maison Dior puis il n’est pas devenu, comme prévu, le « Fidji » de Guy Laroche car les détaillants s’y sont opposés car ils le considéraient comme trop segmentant. Au grand dam d’Edmond Roudnitska, qui l’appelait « le tondu », « le pelé », il fera partie d’un salon des refusés pendant près de quarante ans et Thérèse sera la seule et unique à porter cette composition que tout le monde dans le métier appelait « la prune ». Il faudra que Frédéric Malle veuille devenir éditeur de parfums pour que ce jus « maudit » sorte sous le nom « Le Parfum de Thérèse », considéré aujourd’hui par beaucoup, moi y compris, comme le chef-d’oeuvre d’un des plus grands parfumeurs du XXème siècle. Et bien si ce parfum a traversé les décennies, c’est parce que Thérèse Roudniska, la muse, la dandy, lui sera resté fidèle une bonne partie de sa vie.
Michel et Thérèse, fils et mère
J’ai toujours trouvé qu’il y avait des hommes et des femmes, dans le milieu de la parfumerie, dont on ne parle pas vraiment et qui ont pourtant joué un rôle très important. C’est le cas de Thérèse Roudnitska. Mieux que toutes les égéries, son élégance et son avant-gardisme qui ne s’et jamais démenti, l’a rendu l’une des meilleures ambassadrices du travail de son mari, de son fils… et du sien. Elle nous a quitté dans les années 2000 et je voulais lui rendre. hommage dans un petit article car c’est un personnage qui m’a toujours intrigué.
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