Trois des "visages" de la tubéreuse
Je me suis vu offrir « Le Grand Jeu » créé par Camille Goutal et Isabelle Doyen pour Noël et c’est un cadeau qui m’a vraiment fait plaisir à plus d’un titre. Tout d’abord, je craque sur toutes les créations de la marque et ce parfum a été l’un des deux premiers coups de coeur lorsque je l’ai découverte en 2020 et ensuite, j’ai vraiment une prédilection pour la tubéreuse. C’est une fleur que j’ai eu du mal à apprivoiser car, lorsque je l’ai découverte en parfumerie, ce fut à travers « Tubéreuse », un extrait de parfum de Caron aujourd’hui disparu et je dois quand même admettre qu’il fallait un nez un peu éduqué pour y accéder car il était tout à fait opulent voire même envahissant et entêtant. Je ne fais pas là un jugement de valeur mais c’était, à l’époque, mon ressenti. Pourtant, sans le savoir, j’avais porté longtemps « Datura Noir » de Serge Lutens qui revêt aussi cette facette un peu vénéneuse qui aurait pu me gêner mais que je trouvais contrebalancé par un côté solaire très prononcé. Petit à petit, j’ai appris à apprivoiser la tubéreuse au travers de parfums plus verts ou plus boisés comme « Royal Mayfair » de Creed, aujourd’hui supprimé, mais surtout de « Nuit de Bakélite » créé par Isabelle Doyen pour Naomi Goodsir qui est, encore aujourd’hui, l’un de mes parfums préférés. La tubéreuse, je l’aime sous toutes ses formes : fraîche comme dans « Tubéreuse » issu de la collection Les Nombres d’Or de Mona di Orio, animale, à l’image de « Tubéreuse N°3 » d’Histoires de Parfums ou franchement florale comme on peut la retrouver dans certaines créations de Lutens. J’avais envie de parler de trois versants d’une même fleur, reine un peu subversive de la parfumerie qui peut fasciner autant que rebuter. J’ai donc choisi trois créations très différentes pour illustrer mon propos.
Au départ, j’avais envie d’évoquer une tubéreuse vraiment fraîche, florale et facile à porter et la toute première création qui m’est venue a été « Gigi » créé par Anaïs Biguine en 2013 pour sa marque Jardins d’Écrivains, en hommage, bien sûr, au personnage du roman de Colette. « Jardins D’Écrivains a imaginé une composition allégorique, un thème mélodique de fleurs blanches juvéniles et fruitées, Gigi célèbre héroïne de Colette nous promène dans le Paris 1900. Jeune, belle espiègle, elle séduit par son insouciance et ses inconvenances. L’eau de parfum Gigi est l’expression d’un certain panache, le sillage des femmes radieuses ». La composition est absolument réjouissante et, lorsqu’elle matche sur la peau comme sur la mienne, sa tenue et son élégance fraîche font mouche. Elle s’ouvre avec de très belles notes de fleur d’oranger et de néroli associées à un accord d’herbe coupée puis vient une tubéreuse toute transparente, très « fleur blanche » associée à un jasmin délicat et à au bourgeon de cassis qui renforce une certaine fraicheur. En toute fin d’évolution, le parfum se pose sur un fond de plusieurs muscs et de santal. Sur ma peau, « Gigi » est parfait. C’est un parfum agréable, facile à porter et un peu estival. Je pense qu’il pourrait tout à fait m’accompagner l’été. Certes, il est peut-être un peu plus destiné aux femmes mais il me plait suffisamment pour que je prenne l’idée de le porter un jour.
« Rigueur, Pureté et Précision… Cultivant un esprit Couture, Pierre Guillaume rend hommage à l’enivrant parfum de la Tubéreuse des Indes. Un nectar capiteux et rayonnant imprimant l’air d’un sillage hypnotique… Essence de Kalamanzi, Pousses vertes de Jasmin, Ylang-ylang, Sucre de Canne, Benjoin de Sumatra et Papyrus… » tels sont les mots de Pierre Guillaume pour qualifier « Tubéreuse Couture 17 » qu’il a créé en 2009 pour sa collection numéraire. La marque ne communique pas plus précisément sur la pyramide olfactive mais, à mon sens, la création met en lumière une tubéreuse stylisée et presque « graphique » qui porte très bien son nom. En effet, je lui trouve une élégance et une modernité particulièrement bien sentie. En tout cas, la tubéreuse prend ici des accents très étonnants, originaux et presque minéraux. Je la trouve en fait « très couture » et l’imagine assez bien accompagner un défilé de mode. Je trouve que Pierre Guillaume a créé tout de même un parfum qui est la quintessence d’une certaine féminité sophistiquée. Je ne le porterai pas et il est rare que je dise cela mais, il faut l’admettre, je suis séduit lorsque je le sens. Pour moi, c’est un éclairage original, une interprétation assez différente de la tubéreuse et c’est pour cela que je voulais absolument en parler dans cette sélection.
Il me fallait une tubéreuse cuir, animale, profonde et peut-être plus difficile à aborder. J’aurais pu choisir plusieurs parfums mais ils ont fini par disparaitre des catalogues des marques. Il m’est devenu évident que le choix que je devais faire serait « L’Eau Scandaleuse » créé par Anatole Lebreton pour sa marque éponyme en 2014. « Un parfum charnel et enivrant, qui en fait trop, scandaleusement ». Après une envolée de bergamote, de pêche et de davana déjà ronde et profonde, le coeur de tubéreuse et d’ylang-ylang est enveloppé d’un accord de cuir puis le parfum se pose sur un fond très animal de castoreum, de cypriol et de mousse de chêne. Je dois dire qu’il n’est pas facile à aborder mais que, porté, ils revêt une élégance toute particulière. Je l’ai essayé et j’ai beaucoup tourné autour. En tout cas, je le trouve vraiment très intéressant. Il est peut-être un peu trop animal. Je l’ai pas mal porté pour voir si je pouvais l’acquérir mais j’y ai renoncé. Je préfère des tubéreuses plus vertes, moins profondes. Cela ne m’empêche pas de penser qu’il s’agit d’un vrai bijou de la parfumerie. « L’Eau Scandaleuse » est vraiment un parfum de niche au premier sens du terme car il ne ressemble à rien d’autre et sort des standards de la parfumerie.
J’espère, à travers cette revue, vous avoir donné envie de sentir des parfums à base de tubéreuse. Il y en a plein et vous trouverez sans doute le vôtre. Les miens, ceux que l’on peut encore trouver sont sans doute « Tubérose Angelica » sorti dans la collection des intenses de Jo Malone et, bien évidemment, « Nuit de Bakélite » ou encore les plus solaires comme « Le Grand Jeu » que je n’arrête pas de porter en ce moment. C’est une très belle note et elle peut revêtir plein de nuances.
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