Un bois nommé santal
* Article enrichi
Le bois de santal est une note énormément utilisée en parfumerie notamment en fond afin de soutenir une fragrance comme, par exemple dans « Égoïste » de Chanel et, parfois, il est employé en overdose et comme note dominante. Honnêtement, pendant longtemps, le côté crémeux, épicé et lacté m’a énormément dérangé. Je me souviens de « Samsara » de Guerlain dont les effluves me faisaient changer de place quand, adolescent et alors qu’il venait de sortir, me faisait changer de place dans le métro tant il me donnait des haut-le-coeur. Et puis on change, notre faculté olfactive aussi. Je ne dis pas que porterai des parfums dont la note principale est le santal mais je sais apprécier la qualité de quelques créations qui existent, ça et là, dans de belles marques. Sans vouloir faire un top, j’en ai sélectionné quatre que je trouve très réussis et j’ai décidé de les décrypter un peu.

Le premier, « Santal Majuscule » est l’une des créations phare de la maison Serge Lutens. Créé en 2012 par Christopher Sheldrake, c’est une variation autour de la note lactée et profonde de ce bois précieux. Linéaire, il reconstitue la note en l’enrichissant d’un accord avec une rose cachée et épicée. Je dois dire qu’au premier abord, il m’avait vraiment dérangé mais j’ai appris à l’apprivoiser. Pour moi « Santal Majuscule » est une promenade dans une forêt tropicale un jour de pluie d’orage. C’est un parfum chaud, enveloppant et très « crémeux ». Je ne suis pas certain que je pourrais le porter, ou alors par petites touches car je le trouve un peu entêtant mais je pense qu’il peut très bien aller à quelqu’un qui saurait l’utiliser. Je le vois bien comme parfum de soirée avec soit un smoking soit une robe de cocktail très sobre. C’est un jus faussement simple qui mérite qu’on le découvre et qu’on l’essaye.
Créé en 2016 par Mathieu Nardin pour Perris Monte Carlo, « Santal du Pacifique » est le premier que j’ai pu porter. C’est une interprétation fleurie de la note. Il y est associé à la graine de carotte, un accord crémeux d’orchidée, de violette et de muscs blanc. Il reste très lacté évidemment mais ses facettes fleuries et le côté « propre » du fond musqué me le rendent beaucoup plus accessible. Ce n’est pas mon préféré dans la collection Black de la marque mais j’aime beaucoup son côté enveloppant et estival. C’est une invitation au voyage et il m’emmène, une fois encore de l’autre côté de la terre, sur une île de Java rêvée par exemple ou le soleil et la mer sont baignés d’un soleil blanc. Je trouve qu’il est surtout très très beau dans sa version extrait, plus intimiste et plus profonde. Tiens, écrire cet article me donne envie de remettre mon nez dedans…
Composé par Frank Voelki, « Santal 33 » de la marque le Labo a été lancé en 2011 et je crois que c’est un beau succès. La note est interprétée ici de manière très cuirée avec un fond ambré poudré. Avec des notes de tête de violette et de papyrus, je le trouve un peu « poussiéreux » au bon sens du terme. C’est un cuir, doux, profond et très facile à porter sans pour autant être consensuel. Je lui trouve un côté parfum du début du XXème siècle réinterprété de manière plus botanique. Honnêtement, je le trouve très bien réalisé et quand je l’ai essayé, je lui ai trouvé une très bonne tenue mais un sillage peut-être un peu trop imposant pour moi. Ceci dit, il est assez singulier et agréable à la fois. Je trouve que c’est un santal très complexe et j’ai bien aimé. Il n’est jamais écoeurant et les notes poudrées de la violette et de l’iris (qui est une association que j’aime bien) lui donnent un relief tout à fait intéressant.
Le bois de santal est très présent dans les parfums de Memo. Je pourrais citer, dans les plus récents, « Sherwood » que j’aime beaucoup mais j’ai surtout eu envie de reparler de « Quartier Latin », Le sens olfactif est une chose tout à fait surprenante. Parfois, on est un peu rebuté par une odeur avant de l'apprivoiser. D'autres fois, on est passé à côté avant de s'y intéresser. Ça a été le cas pour moi en ce qui concerne "Quartier Latin" de Memo lancé en 2015 par Aliénor Massenet : « Le quartier latin a forgé son caractère au contact des livres, des comptoirs et des humeurs nocturnes. Une fragrance artistique et originale que la fève Tonka et l'ambre rendent encore plus habitée ». Quelle ne fut pas ma surprise, après l'avoir vaporisé sur mon poignet, d'en découvrir de nombreuses facettes que je n'avais pas identifiées. L’envolée est très épicée avec des notes de cardamome, de santal bien sûr mais aussi de clou de girofle adouci par la pêche. Le coeur de jasmin, de rose et de violette est très discret mais c’est le fond de bois de santal et de fève tonka associé ai cèdre qui lui donne un côté presque « poussiéreux ». Dans mon esprit, j'ai associé ce que je savais de la Rive Gauche de la Capitale et mon ressenti quant à la création qui était sous mon nez et je me suis retrouvé plongé dans les boutiques des bouquinistes du quai des Grands Augustins ou de la rue de Seine avec leurs odeurs à la fois feutrées et poudrées de livres anciens, presque de papyrus qui recèlent des trésors insoupçonnés. "Quartier Latin" ne m'a pas fait voyager, il m'a ramené à des souvenirs d'une époque pas si lointaine, un peu romantique, un brin romanesque, d'une jeunesse insouciante et, ma foi, bien agréable.
Le bois de santal est une matière première essentielle en parfumerie. Noble et rare, elle est souvent là pour rendre l’ensemble plus cohérent, pour « faire le lien » entre les différentes notes et, si j’ai parfois du mal avec cela, je trouve intéressant de l’utiliser à tous les étages de la pyramide olfactive pour en tirer toutes les facettes. Je me rends compte qu’il m’entête de moins en moins et que je prends même plaisir à sentir la note même dominante. Je ne dis pas que j’ira spontanément vers cette famille de parfums mais je commence à apprécier un peu mieux.
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