Fleur muette s’il en est car il est impossible d’extraire son odeur, le muguet a pourtant, de tous temps, inspiré les parfumeurs. C’est le printemps et je dois vous avouer quelque chose, chaque année, lorsqu’on en parle, à l’occasion du 1er mai, je me prends une envie de parfum dont cette note, recréée naturellement ou artificiellement, est dominante puis je renonce. Cela ne signifie pas que je suis une girouette, je vous l’assure, mais plutôt qu’il faut accepter que l’on aime certains parfums même s’ils ne sont pas pour moi. C’est le cas, je pense, des muguets. J’ai donc choisi de vous parler de la petite fleur blanche à clochettes à travers trois parfums emblématiques.

Le premier est, évidemment, « Diorissimo », créé en 1956 par le père de la parfumerie moderne, j’ai nommé Edmond Roudnitska pour la maison Christian Dior et dont je connais un peu l’histoire à travers la conférence de son fils Michel (J’ai publié l’intégralité de ce moment il y a quelques semaines en video) et que j’ai toujours trouvé comme l’une des plus belles réussites parmi les classiques féminins que tout le monde connait. L’inspiration du parfumeur venait des fleurs qui poussaient le jardin de sa maison de Cabris dans le midi de la France et Edmond Roudnitska a voulu recréer ses impressions dans une fragrance qui allait devenir l’un des best sellers de la parfumerie durant de nombreuses années. Avec cette création et d’autres avant elle, il rompait complètement avec le style surchargé des succès de cette époque en inventant un parfum dont l’écriture épurée pouvait à la fois surprendre et enchanter. C’est donc en distillant d’autres fleurs qu’il a réussi à recréer exactement un muguet aux accents verts tel qu’on peut l’imaginer dans son jardin. « Diorissimo » est une fragrance délicate, comme une promenade matinale douce et romanesque qui incite à la rêverie. Comment Edmond Roudnitska a-t’il réussi à créer une pyramide olfactive qui imite aussi parfaitement l’idée que l’on se fait de la fleur. Chut, je ne vous le dirai pas car toutes les infos que l’on peut trouver là-dessus sont si fantaisistes que rien n’évente son secret. Sans doute « Diorissimo » a-t’il été reformulé depuis sa sortie mais je dois dire, pour l’avoir senti récemment, qu’il garde toute sa magie et pourtant je ne suis pas fan des parfums de la maison Dior.
Allez, je vous emmène en Angleterre pour découvrir un classique créé en 1847, excusez-du peu pour la maison Floris London dont je vous ai déjà abondamment parlé. Pour moi, le « Lily of the Valley » de la marque est exactement ce que j’aime car le muguet est mis en exergue mais il est également entouré d’autres fleurs qui, à la fois recréent son odeur et y ajoutent une rondeur et une profondeur absolument équilibrée. La composition en est classique vous allez le voir, après une envolée de citron et de bergamote, le muguet apparait entouré d’ylang yang, de violette, de rose et de jasmin. Je ne sais pas vraiment comment ces fleurs sont travaillées mais il en ressort l’originalité d’un muguet presque poudré, presque propret au premier abord mais à la fois intense et délicat lorsqu’on le porte. Je pense que le muguet fait partie de la tradition olfactive britannique. Il faut d’ailleurs admettre que cette fleur est reconstituée sans doute de manière plus synthétique dans plein d’eaux de toilettes plus accessibles chez Yardley ou dans d’autres marques typiquement anglaises. Mais revenons au « Lily of the Valley » de Floris London. J’ai eu la chance d’y avoir accès et même de l’essayer. J’ai adoré. Je me suis senti enveloppé à la fois de douceur et de fraîcheur. Je trouve que son côté un peu suranné est très élégant et, finalement, ne donne pas une impression vieillotte comme souvent. Il est vraiment à découvrir, mieux, à essayer sur la peau. En tout cas, si un jour je franchis le pas, il serait un candidat sérieux.
« Muguet de Porcelaine » est l’un des parfums créés pour la collection des Hermessences par Jean-Claude Ellena. Lancé par la maison Hermès en 2016, il est typique de la signature « aquarelle » du parfumeur. Épuré, tout en légèreté, il met le muguet en valeur grâce à une profusion de muscs blancs. La poire et l’herbe coupée en notes de tête nous font directement entrer dans le parfum. J’aime beaucoup aussi la note récurrente de fleur d’oranger qui se marie merveilleusement avec le muguet. Jean-Claude Ellena a également utilisé une molécule d’hédione qui permet de renforcer la facette verte des fleurs. « Muguet de Porcelaine » est une très jolie création mais, à l’instar des Hermessences qui me plaise, sa tenue est assez courte. J’admets que je trouve que c’est un peu frustrant. Néanmoins, c’est un parfum très intéressant, une variation originale autour du printanier muguet. J’ai beaucoup aimé le sentir.
Voilà, nous ne sommes pas encore le premier mai et j’avais envie de en secouant un peu les clochettes de cette petite fleur mythique pour voir quelles créations de haute parfumerie allaient en sortir. Il y a de moins en moins de muguet sur le marché et je le regrette... Je trouve chaque interprétation tout à fait agréables.