Unum, une collection gothique ou liturgique ?
* Article actualisé
« Filippo Sorcinelli est un artiste émérite italien. À 13 ans, il devient organiste dans les cathédrales de Fano, Rimini, San Benedetto del Tronto, et ,plus tard, suit des études à l’institut pontifical de musique sacrée et s’implique dans de prestigieux festivals de musique en Italie.
Il combine, en 2001, l’Art et la religion en créant un atelier haute couture du clergé et se trouve parmi ses clients les papes Benoît XVI et François. Il co-fonde en 2013 « UNUM », s’inspirant de l’architecture gothique, une collection de 5 parfums actuels, mélangeant des encens précieux, des roses mythiques, pour recréer l’atmosphère religieuse intemporelle du Vatican ». Aujourd'hui, Unum est devenue une collection de la marque éponyme de Filippo Sorcinelli qui en compte désormais 10. Autant dire que la maison a pris une ampleur très étonnante. En France, des extraits de chaque collection sont distribués à Paris chez Nose. J'avoue que je suis très loin d'avoir tout découvert, je ne crois même pas avoir senti la totalité de celle-ci. Il me faudra plusieurs séjour à Paris pour explorer chaque univers dans l'univers. J'ai donc décidé de republier mon article qui date de l'époque où Unum était une marque à part entière pour commencer peut-être une plongée dans les univers de Filippo Sorcinelli.

C’est grâce à la chaine YouTube Des Paons Danse Cent Heures Parfum que j’ai eu l’idée de découvrir la marque Unum et les créations du très atypique artiste et parfumeur italien Filippo Sorcinelli il y a quelques années. S’il a créé quelques parfums pour d’autres marques, il s’est surtout investi dans sa marque qui propose à ce jour cinq extraits de parfum dans un conditionnement important puisque les flacons ont une contenance de 100 ml. J’ai donc senti les cinq créations et j’ai même passé pas mal de temps à les essayer afin d’en faire une revue la plus précise possible en m’appuyant sur mes impressions. Je dois dire que, si je n’étais pas très convaincu au départ, j’ai trouvé que, finalement, au contact de la peau, chacun avait une évolution intéressante et qu’ils méritent qu’on s’y arrête.
Le premier est un boisé qui a pour nom « Lavs » lancé en 2014. Il a été baptisé ainsi car l’atelier de création d’habits liturgiques de Filippo Sorcinelli s’appelle Laboratoire Atelier Vêtement Sacré. La marque précise qu’il est « l’hommage ultime du sanctuaire de son créateur, où tout est fait main avec la plus grande précaution ». La pyramide olfactive est assez classique puisqu’on retrouve du jasmin, du poivre noir et de la cardamome en tête puis de la coriandre, du clou de girofle, du labdanum et une note d’elemi en coeur et le parfum s’appuie sur un fond d’ambre, de cèdre, de cuir, de résine oliban, de mousse de chêne, d’opoponax et de tonka. L’ensemble est vraiment très singulier et c’est vrai que le côté encens de l’oliban prend vite le dessus et me rappelle un peu l’odeur des églises plutôt un soir d’été. Il n’a jamais le côté métallique que j’ai du mal à supporter et qui est souvent présent dans les parfums où l’encens est prégnant. La dimension mystique du parfum est assez révélatrice de l’univers gothique de Filippo Sorcinelli. Pour ma part, je l’ai trouvé relativement facile à porter et, même si ce n’est pas un parfum pour moi, je reconnais que c’est une très belle option pour les amateurs d’encens.
La marque décrit « Opus 1144 » créé en 2015, de la façon suivante : « Le choeur et la façade de la basilique Saint-Denis sont la genèse architecturale de l’esthétisme gothique. Les nefs sont plus hautes et les vitraux sont deux fois plus grands, laissant ainsi la lumière irradier tout son intérieur. Opus 1144 est à l’image de cette basilique mythique : spirituel, serein et lumineux. » Plus oriental que le précédent, il est, je trouve très résineux et baumé. La pyramide olfactive est la suivante : en tête, des notes de bergamote, d’elemi, de jasmin et de mandarine qui est très présente, en coeur du bois de cachemire profond, un iris très poudré presque poussiéreux et une note d’orchidée opulente. Le fond mêle ambre gris, benjoin, cuir blond, musc blanc, bois de santal et vanille. Pour moi, « Opus 1144 » est résolument oriental vanillé mais son côté baume de benjoin lui donne une facette presque huileuse. C’est sans doute le parfum le plus classique de la collection mais j’aime beaucoup le côté ambré poudré qui me rappelle en beaucoup plus moderne, des créations de parfumerie italienne que je connais bien tout du moins dans l’esprit.
« La Madone, sans connaitre la corruption du corps, entre dans la gloire du Ciel. Sa dématérialisation fascine. Filippo Sorcinelli a voulu retranscrire ce miracle dans son parfum et le choix de ce verre transparent fut évident : il est à la fois pur et dématérialisé. » Telle est la description que la marque donne de « Rosa Nigra » (2015). Floral, fruité, c’est une rose poudrée et ambrée très classique. La pyramide olfactive est très facilement reconnaissable. On retrouve, en tête, de la pêche et des notes vertes très herbe coupée, en coeur, des notes de frésia, d’iris, de rose et de violette qui confère au parfum une facette poudrée qui perdure sur les notes de fond avec des muscs blancs mêlés à l’ambre, au bois de cachemire et de santal et à une vanille opulente. Personnellement, je n’ai pas tellement apprécié cette rose ambrée car la note de pêche m’a un peu entêté mais il ne faut pas se fier à mon goût pour ce genre de parfum car j’ai toujours un peu de mal à les apprécier. Je reconnais que la construction olfactive est plutôt intéressante mais elle c en’est vraiment pas un parfum pour moi.
Décrit par la marque de la manière suivante : « En 1921, Marcel Duprez compose son oeuvre sur son orgue en live, en 4 mouvements. Une magnifique performance à l'époque qui ne dura malheureusement qu'un instant. Il fallut 3 ans à Marcel Duprez pour pouvoir fixer éternellement ce souvenir sur papier. Filippo Sorcinelli est un artiste, et sa première façon d'exprimer sa créativité fut sur un orgue. Par amour de cet instrument et grâce à sa passion, il a retranscrit dans ce parfum le coté métallique de la tuyauterie, l'atmosphère d'une église, et le vent qui passe dans ces tubes pour en façonner les notes. », « Symphonie Passion » (2016), est sans aucun doute la création de cette maison que j’ai préféré. Je vous livre la pyramide : en tête, des notes de citron acidulé, de pivoine opulente, et de poivre qui commence déjà à nous mettre dans l’atmosphère du parfum. En coeur toujours un bois de cachemire discret et un vétiver très présent et vraiment élégant. Le parfum est soutenu par un fond cuiré et boisée avec des notes de santal très lacté et de cèdre plus sec, le tout poudré par des notes musquées. Dès les notes de tête, j’ai apprécié ce parfum et je me suis dit que je pourrais le porter. Il a un côté très « parfum de soirée », très original, audacieux, et surtout il ne ressemble à rien d’autre. Il est, à mon sens, le plus aboutit de cette courte collection, en tout cas, il est celui que j’ai envie de réessayer dès que j’en aurai l’occasion. Je suis assez emballé.
« Ennui Noir » (2016) est le chypré de la collection. « L'ennui est nécessaire, car il n'y a que dans ces moments là que nous pouvons découvrir qui nous sommes réellement. Nous poser les bonnes questions afin de donner de la lumière sur nos plus grands points d'ombre. Dans l'ennui, nous sommes contraints à nous regarder en face, dans ce miroir que l'on évitait, et enfin jaillit en nous cette nouvelle vision, ce nouveau moi, cette nouvelle vie. », tell est la description qu’en donne la marque. J’avoue que, si j’ai été un peu dérouté par son nom, je suis passé outre et je l’ai essayé avec plaisir. C’est un beau chypre musqué faussement dans la plus pure tradition des parfums du début du XXème siècle mais à l’italienne. Je dois dire que son évolution est tout à fait surprenante. La pyramide est la suivante : en tête, bergamote, figue, lavande myrte, en coeur, bois de cèdre et héliotrope (tiens tiens…) et en fond, musc, vétiver, vanille et patchouli. Attention à « Ennui Noir », il pourrait, si on le sent superficiellement, paraitre un peu convenu mais il n’en n’est rien. Il faut l’essayer sur la peau. Il devient ultra chic et même ses accents sont très modernes. Je pensequ’il peut plaire aux amateurs de parfums singuliers.
« Io non ho mani che mi accarezzino il volto »… Ouf, j’ai réussi à l’écrire ! Voilà donc le dernier parfum de ma sélection. C’est un chypré très moderne, très unisexe qui se présente dans un flacon métallique surmonté d’un capot orné d’une cape style cuir très originale. C’est avec une certaine liberté que j’avais, à l'époque, pu redécouvrir toute la collection à «L’éclaireur du Marais qui, hélas n'existe plus et à la parfumerie Nose à Paris. Ce parfum m’a pas mal séduit. Les notes de tête d’absinthe et de clou de girofle sont tout à fait étonnantes et le coeur de rose vient l’arrondir très vite. Le fond d’encens, de cuir et de patchouli entourent des notes de tabac et surtout d’ambre gris. Ce n’est pas un parfum rond. Je le décrirai presque comme froid, voire métallique malgré cette rose « à l’ancienne » qui lui donne toute son âme. J’ai adoré ce parfum. Je pense que, si je me décidais pour une référence de cette marque, ce pourrait bien être celle-ci. La marque le décrit de la manière suivante : « Pour cette sixième fragrance Unum, le parfumeur Filippo Sorcinelli rend hommage au photographe Mario Giacomelli. Le nom de la fragrance tire son nom d'un poème italien, " Io non ho mani che mi accarezzino il volto " (je n'ai pas de mains qui me caressent le visage) qui fait écho au voeu de solitude de jeunes séminaristes que Giacomelli a photographiés ». Quant à moi, il m’a beaucoup plu. « io_non_ho_mani_che_mi_accarezzino_il_volto » est un parfum qui me semble vraiment très réussi. Je parlais de chypré mais peut-être que le terme néo-chypré serait plus approprié. Il s’ouvre sur des notes d’absinthe et de clou de girofle puis nous sommes conduits sur un coeur de rose qui se pose sur un fond d’ambre gris, de notes de cuir et d’encens soutenus par un patchouli très présent et associé au tabac. Ce parfum, ultra complexe, très étonnant, Filippo Sorcinelli l’a conçu d’une manière très poétique. Il est résolument moderne de par sa construction mais je trouve que le résultat évoque bien les premiers chypres cuir comme « Bandit » créé en 1944 par Germaine Cellier pour Robert Piguet que je cite tout le temps. Il est plus rond, moins vert mais l’esprit est là. C’est une création subversive, étonnante, segmentante. Je n’ai pas vraiment accroché avec la marque mais ce parfum-ci m’a énormément marqué. Je ne l’ai pas senti depuis un moment et pourtant j’en ai un souvenir très précis.

Je ne connais la marque en entier et je n'ai même pas du sentir toute la collection donc, pour vous faire cette revue, je n’ai pu me baser que sur mes impressions en sentant les parfums, en les essayant, et sur ce que j’avais pu lire, ça et là sur internet à propos du créateur au look si atypique et presque gothique. Je ne suis pas tellement réceptif au côté spirituel voire même mystique de la marque. En revanche, je reconnais que les créations sont toutes assez belles, complexes, avec de très intéressantes évolutions. Je ne suis pas certain que cette marque me convienne mais je comprends tout à fait que ces jus très travaillés puissent plaire et je pense même qu’ils peuvent être vraiment magnifiques sur quelqu’un qui les porte avec conviction. Je pense que, lors de prochains séjour à Paris, petit à petit, je découvrirai un pannel de l'oeuvre de Filippo Sorcinelli et que, pas à pas, je vous le décrirai.
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