Via François, la rêverie d'un artisan de la parfumerie
« Un parfum est comme un souvenir dont les contours s'estompent dans votre mémoire ; on y distingue une esquisse, un sentiment, une atmosphère, une chaleur » tels sont les mots de la marque pour expliquer la démarche de Via François, une nouvelle maison de parfums artisanaux née en 2023. À ce jour, la maison propose cinq eaux de parfums et deux extraits que j’ai pu tester. Je suis très content de pouvoir vous en proposer une revue complète. Je vais tenter de ménager mon avis global jusqu’à la conclusion de mon article mais peut-être que, ici et là, mes impressions et mes émotions transparaitront. Attention, je le redis une fois encore : ce que j’écrit n’est qu’un ressenti et n’a absolument pas valeur de critique.
La première création que j’ai pu essayer s’appelle « Amaimono » et est ainsi décrit par le parfumeur : « Souvenir d'une immersion en Amérique aux antipodes de ma campagne normande, où faire sa place rime avec séduction. Girofle gingembre cigare et cèdre, mélange d'épices à la fois terriennes et aériennes, qui se portent en toute occasion pour déployer votre pouvoir d’attraction ». Épicé et boisé, en concentration eau de parfum, cette composition s’ouvre sur des notes très épicées. Il me semble sentir surtout un côté clou de girofle puis, au coeur, des notes à la fois tabac et bois, un peu miellées me remettent les idées en place si l’on peut dire. Il m’évoque assez une fumée à la fois chamanique et un peu réconfortante qui se confirme avec un fond très camphré. « Amaimono » me déroute. Je ne sais pas trop si je l’aime ou s’il me dérange. C’est un peu un parfum attraction vs répulsion. En tout cas, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est original, à la fois ethnique et doté d’une curieuse élégance. Se pourrait-il qu’il soit le tabac idéal pour celles et ceux que la note peut rebuter d’habitude.
« Le retour aux sources, là où une partie de mon cœur est resté. C'est un sillage familier, rassurant, irrésistible, comme une étreinte sous la chaleur provençale. Servie en tête par les épices méditerranéennes de safran enrobé de cacao, l'alliance du vétiver et de la fève tonka exprime la tentation, cet instant où tout peut chavirer ». Singulier, légèrement gourmand, complètement inattendu, tel est « Layover Aix » la seconde eau de parfum que j’ai pu découvrir. Je trouve le départ très safran adouci par le cacao absolument magnifique. Je dois dire que j’ai eu, et c’est rare, ce que j’appelle « l’effet waouh » lorsque je l’ai vaporisé. J’ai tout autant aimé le coeur de ciste et de tabac que je trouve à la fois vraiment original et, en même temps, très agréable. Je suis un peu moins séduit par le fond d’encens et de fève tonka. Je trouve qu’il nuit un peu au côté chaud et poudré que j’avais tant aimé au départ et durant l’évolution. J’ai quand même un peu un coup de coeur pour « Layover Aix ». Il ne m’évoque pas tellement mes séjours en Provence. Je le trouve presque plus « exotique » mais nous avons tous notre propre ressenti.
« Naturomane » est vraiment le parfum le plus proche de mes goûts parmi la collection. « L'addict de la nature : embrassez vos rêves d'évasion avec un bouquet d'épices enivrantes : patchouli, cardamome et cannelle rehaussées de notes vivifiantes de framboise et bergamote. 100% d'origine naturelle, cette eau de parfum symbolise la pulsion de vie, l'envie de découvrir de nouveaux horizons et de se surprendre ». Pour une fois, je supporte très bien la note de framboise et j’ai un net coup de coeur pour l’association des épices avec les muscs et le patchouli. Le parfum est corsé mais doux. Il a du caractère mais s’avère très facile à porter. Il me promène à travers un sous-bois rêvé comme si j’avais rapetissé et que je pouvais déambuler dans les jardins miniatures de mon enfance. Il y a quelque chose de vraiment addictif pour moi dans « Naturomane ». Vraiment, il m’a touché. Je pourrais tout à fait me l’approprier.
Avec l’eau de parfum suivante, « Sydney 1 AM », nous partons, bien sûr de l’autre côté du globe : « Fermez les yeux et laissez-vous aller avec ce parfum de joie intense, témoin de l'insouciance, de ce moment où vous et moi étions prêts à tout lâcher pour une nouvelle vie, sur un coup de tête. En apparence frais et fruité avec sa tête rose - rhubarbe, ce sillage est ensuite poussé par les épices en cœur et bois précieux de santal, qui lui donnent une très grande amplitude. C'est le parfum surprenant, celui qui vous happe et vous maintient dans le vertige des sens ». Sur le papier, le départ de rhubarbe et de bergamote et le coeur de rose et de tubéreuse et le fond de patchouli a tout pour me plaire. Il s’agit d’un néo-chypré très surprenant qui, il faut le dire, est séduisant. Il me prend et j’adore le sentir sur ma peau. Bien sûr, ceux qui lisent ce blog me diront qu’il est assez « dans mes goûts » mais je lui trouve une très belle originalité. Il y a quelque chose de très tendre et d’un peu addictif dans ce parfum. En tout cas, il me plait, j’ai un peu de mal à expliquer pourquoi mais il est attirant et élégant. Là encore, je pourrais le porter assez facilement.
Avec sa concentration extrait, sa sophistication et son intensité, « Le Parfum : un titre incontournable, hommage à celui du roman de Patrick Süskind et au Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, transfiguré par des effluves magnifiques : un oud sublimé par la gardénia et le musc blanc. Entre théâtre et littérature, le jeu est ici très clair : ne laisser personne indifférent. La puissance redoutable de son sillage orne une personnalité hors du commun, avide de soufre et d'amour ». Je le trouve particulièrement déroutant avec son départ résineux et floral à la fois. Il me semble sentir une note de gardénia et de myrrhe mais je me trompe peut-être. Le coeur est ambré, vanillé et animal à la fois et le fond très cuiré. Je me sens un peu déstabilisé par son évolution sur ma peau. Je dois dire que le oud lui confère quelque chose de vraiment très original et vraiment profond. Je ne peux pas dire que j’adhère totalement. J’ai été un peu rebuté par les notes de fond sur ma peau. Je dois dire que je reconnais tout à fait la qualité de cette composition mais elle n’est, manifestement pas pour moi.
Un encens froid, minéral, comme une pierre d’église tel est, en tout cas pour moi, « Vierge à L’Encens », le second extrait de parfum. « Obsédante combinaison de senteurs bibliques, à la fois métalliques comme l'or et résineuses comme la myrrhe et l'encens, cet opus symbolise l'ultime prise de risque, celle qui a été nécessaire pour s'affranchir, pour retrouver sa pulsion de vie, sa liberté. Un vrai baume d'émancipation qui se joue des codes du sacré, pour faire renaître le désir : un parfum clivant et salvateur ». Quand on dit que la parfumerie de niche est segmentante, nous en avons un vrai exemple avec ce parfum. Il va ravir les amateurs d’encens, de notes ozoniques, de myrrhe et de résines en tout genre. Pour ma part, et tant mieux, il me fait tourner la tête et me semble difficile à supporter. C’est comme ça. « Vierge à L’Encens » est un parfum clivant, adoré par les uns, fui par les autres et il m’a été particulièrement passionnant de l’essayer.
En 2024, la marque et son parfumeur réinvente la fougère aromatique avec une lavande absolument inédite. Je n’ai pas pu connaitre la concentration de « Licorice Lavandula » mêle un des note de café, de lavande, d’épices douces et froides à un fond de réglisse. Je ne suis jamais attiré par les parfums de cette famille olfactive mais celui-ci, vraiment, je le trouve absolument fascinant. Le côté liquoreux et épicé associé à la lavande est de toute beauté. Je crois qu’il n’est pas encore en vente mais je pourrais vraiment le porter. Il me déroute comme, en son temps, « Mandragore Pourpre » de Goutal que je porte finalement mais qui m’avait vraiment surpris au départ. Les deux parfums ne se ressemblent pas mais leur côté absolument singulier m’a séduit. Je vais le réessayer et je pense que je lui consacrerai un article à part entière.
Beaucoup de nouvelles marques voient le jour, d’autres disparaissent. Il est parfois difficile de s’y retrouver dans le monde de la parfumerie alternative, indépendante ou quel que soit le nom qu’on lui donne et je suis toujours un peu dubitatif lorsque je découvre une marque dans sa globalité. J’ai bien aimé me plonger dans l’univers de Via François alors que je n’en n’attendait pas forcément une surprise. Le qualificatif qui me vient est « qualitatif ». En plus, le rapport qualité-prix me semble très correct alors que demander de plus ? J’espère que la marque trouvera des distributeurs. Je crois savoir qu’elle s’est faite remarquer à la Perfume Week de Paris il y a quelques semaines. C’est un premier pas.
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