Viaggio in Italia by Jean-Claude Ellena, la rencontre d'une marque et d'un parfumeur
Entre 2020 et 2023, la maison italienne Laboratorio Olfattivo demande au maître parfumeur bien connu Jean-Claude Ellena de travailler sur une collection ayant pour thème les agrumes. Elle compte actuellement cinq créations et je n’avais pas eu vraiment l’occasion, avant ces temps derniers, de les sentir voire de les essayer. C’est chose faite alors j’ai eu envie, par ces temps estivaux, de vous parler de la collection Viaggio in Italia by Jean-Claude Ellena. Je l’ai trouvée vraiment très intéressante et les prix restent raisonnables puisque le 100 ml est vendu 110 euros. La qualité des matières premières et le travail, tout en fraîcheur et en transparence du parfumeur s’harmonisent à merveille. Ce sont des formules courtes, qui vont droit au but mais les compositions sont bigrement réussies. Je les ai toutes essayées et je vais tenter de vous donner mon ressenti pour chacune. Je vous emmène donc en Italie, là où les agrumes sont rois et où leur jus, leurs écorces et leurs feuillages nous permettent de supporter la chaleur.
Le tout premier parfum réalisé, en 2020 par Jean-Claude Ellena s’appelle tout simplement « Mandarino » et il le décrit ainsi : « De tous les agrumes, elle est la plus gaie. Quand je veux (et je veux souvent) donner à mes parfums un éclat souriant, j'utilise l’essence de mandarine. L’avantage avec les Colognes est qu’elles sont construites pour le « layering » ce mot qui veut dire simplement la superposition de parfums. Formule à la fois simple et sophistiquée, la Cologne Mandarine est créée pour être seule, mais s’adapte aussi à tous les parfums et leur donne le sourire selon votre humeur. De plus, elle tient longtemps. Alors souriez! Vous êtes parfumé ». Dès la vaporisation, je suis assez impressionné par le côté fusant, presque vert et « croquant » conféré par le bourgeon de cassis travaillé comme j’aime, sans ce côté un peu alcalin qui pourrait me déranger puis, en coeur, la mandarine, légèrement précoce, verte mais tout de même douce, prend toute sa place et se diffuse sur la peau avec la complicité d’un fond de muscs blancs particulièrement à propos. J’ai beaucoup aimé « Mandarino ». Il est simple, il n’en fait pas trop et devient vite comme une seconde peau rafraîchie et légèrement suave en même temps. Il fait partie de mes coups de coeur de la collection. Je m’imagine sur la côte adriatique, avec la mer pas très loin et respirant l’odeur des agrumes qui vont bientôt être cueillis. J’ai vraiment beaucoup aimé.
Vous le savez, j’ai une prédilection pour la bergamote, que ce soit en parfumerie ou dans le thé. En 2021, Jean-Claude Ellena crée « Bergamoto ». « J’ai souhaité créer des Colognes pour chanter l’Italie, la joie de vivre, l’espérance, avec des agrumes, ces fruits qui sont du soleil en hiver. Si les agrumes ont pour origine la Chine, la Bergamote est italienne. On ne connait pas l’auteur de sa naissance qui croisa un citronnier à un bigaradier, ce qui est fort dommage. Il aurait pu avoir le même hommage que le frère Clément qui inventa la clémentine. Les Italiens commerçant et matois arrivèrent à vendre la bergamote au Chinois pour parfumer leur thé, thé qu’ils revendaient aux Anglais. On me demandé souvent si j’ai des préférences olfactives. J’ai toujours répondu non, désirant masquer les manipulations que j’exerce sur les odeurs, le travail d’un parfumeur étant avant tout celui d’un illusionniste. Oui j’ai des préférences et elles varient en fonction de mes besoins, de mes désirs. J’ai des amours de passage, comme aussi des amours solides, pérennes, à tel point que je suis uni à la bergamote. Il était temps que je l’officialise ». Plus « poétique », davantage sophistiqué, ce parfum s’ouvre avec des notes de bergamote de Calabre et d’orange amère comme un peu un clair obscur. Le coeur est, presque intégralement consacré à une cardamome très vive qui va se poser sur un fond de muscs blancs. Au premier abord, j’ai été un peu déçu par « Bergamoto ». Je l’ai trouvé un peu loin de l’idée que je me fait de l’odeur douce et acidulée de cet agrume mais, très vite, j’ai commencé à apprécier cette composition très étonnante. Il faudra que je la réessayer pour m’en faire une idée plus précise mais j’ai bien aimé.
« Limone est née d’un de mes voyages sur la côte amalfitaine. La corniche est étroite et longe les falaises qui s’enfoncent dans le bleu de la Méditerranée. A chaque tournant le paysage vous surprend, à moins que cela ne soit un bus de touristes, ce qui est moins agréable. Dans ce cas, il vous reste à reculer ou vous garer. Comprenant la magie de la nature, des hommes aidés de femmes ont édifié des terrasses pour cultiver avec amour des citronniers. Il est impossible de résister à la beauté de ces lieux ou le jaune citron tranche sur le bleu cuivreux des murs de pierre. Entre un jaune vif et souriant et un bleu princier et généreux, j’avais le thème pour une nouvelle Cologne, forcement aristocratique ». Tels sont les mots de Jean-Claude Ellena pour décrire « Limone » sorti également en 2021. Je ne suis pas tellement client du citron en parfumerie mais j’avoue que j’ai beaucoup aimé cette création encore une fois, simple et sans équivoque. Le citron d’Italie, acidulé, presque cédrat, est complété par des notes de feuilles d’oranger assez verte et surtout de gingembre avant de se poser sur son lit de muscs blancs. Si je veux avoir un peu d’objectivité, je dirai que « Limone » est le plus réussi de la collection d’abord car de beaux citrons en parfumerie il y en a peu et qu’il sort tout à fait du lot ensuite parce qu’il a réussi à me convaincre alors que j’étais quand même réfractaire au départ. C’est l’élégance à l’italienne vue par un parfumeur français et, le moins que l’on puisse dire, c’est que Jean-Claude Ellena a réussi son pari. J’ai beaucoup aimé « Limone ».
En 2022, Jean-Claude Ellena a composé « Arancia Rossa » (littéralement orange rouge ou orange sanguine) et il décrit ainsi sa création : « Si la bergamote est élégante, le citron énergique, la mandarine joyeuse, l’orange est solaire et tragique dans son destin. La ville d’Ivrea, non loin de Turin, commémore chaque année en février son Carnaval historique par une bataille d’oranges. Par le passé, la défaite en 1801 du Portugal devant l’Espagne prit le nom de la Guerre des Oranges, parce que le prince Manuel Godoy y Álvarez de Faria envoya à sa maîtresse la reine des paniers de fruits pour célébrer la victoire. Les oranges vantées et vendues par les marchands accompagnent la fin tragique de Carmen dans l'opéra homonyme de Bizet. De toutes les histoires, celle que je préfère est l’offre d’oranges à Noël, un message pour dire que la fin de l’hiver est annoncée. L’orange un fruit rebelle à la couleur de l’été ». J’ai beaucoup aimé ce parfum. Il est vraiment étonnant avec son départ d’orange sanguine italienne, son coeur de fleur d’oranger associée au fruit de la passion et son fond très doux de muscs blancs. Le parfumeur s’éloigne de l’idée que je me fait d’une orange amère, presque marmelade, pour la rendre plus ronde, plus pétillante aussi avec ce côté presque exotique. J’ai beaucoup aimé « Arancia Rossa ». Il m’a conquis. Je pense que c’est un vrai coup de coeur. Il m’emmène en vacances peut-être encore plus sur la côte sud de l’Angleterre qu’en Italie. En tout cas, sur ma peau, c’est une vraie pépite.
En 2023, Jean-Claude Ellena compose « Polmelo » : « Il manquait un agrume, le Pomelo (Pompelmo en italien), pour clore en odeur ce voyage en Italie. Appelé à tort pamplemousse (UVA en Italien) il est originaire d’Asie où il est vénéré et sert d’offrandes aux Dieux. Il apparait à Séville en Espagne vers le 12é, 13é siècle comme la plupart des agrumes et durant la domination Arabes qui sont d’excellents voyageurs. S’il est le plus gros des agrumes, j’aime le Pomelo pour son amertume ; l’amer fait partie pour moi des odeurs intelligentes à la différence du sucré que je trouve facile et sans intérêt. Peut-être à cause de mes antécédents Italien ou l’amertume en Italie est célébrée dans de nombreuses boissons. Ici j’ai travaillé non seulement la fraicheur vive et acide propre au Pomelo, mais accentué l’amertume pour le distinguer, le rendre unique ». J’aime beaucoup la note de pomelo ou de pamplemousse en parfumerie et j’en attendais beaucoup pourtant il n’a pas été mon préféré. Le départ de pamplemousse rose et de baies est très joli mais le coeur de lentisque me dérange un peu autant que le fond très racinaire de patchouli et de vétiver. Je crois n’avoir pas bien compris ce parfum. Il faudra aussi que je le réessaye. Je lui préfère, même si la tenue est médiocre, dans le même style, « Eau de Pamplemousse Rose » d’Hermès. C’est comme ça, je ne l’explique pas.
Avec cette collection, Jean-Claude Ellena s’est adonné à son plaisir de créer des Cologne aquarelles, en légèreté même si la tenue est plus que correcte. Globalement j’ai beaucoup aimé chaque création et je pourrais les porter même si ma préférence va indéniablement à « Arancia Rossa » que je trouve assez inédit et qui constitue très belle interprétation de l’orange sanguine avec laquelle je ne m’ennuie pas du tout ce qui est rare avec les parfums hespéridés. Il fait donc partie des exceptions qui constituent mes coups de coeur.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 229 autres membres