Yann Vasnier en quatre parfums
Il est le nez de la maison bretonne Divine dont je vous ai déjà parlé mais Yann Vasnier a créé des parfums pour nombre d’autres maisons. Je ne m’étais jamais penché sur son parcours et je me suis rendu-compte que je connaissais pas mal de ses créations. J’ai donc décidé de m’atteler à lui consacrer une revue. Qu’il ait travaillé seul ou en en collaboration avec d’autres parfumeurs, il a su développer une signature que je trouve finalement assez facile à identifier. Je n’aime pas tout ce qu’il a fait car parfois, ses créations me déroutent mais j’en ai retenu quatre très différentes les unes des autres que je voulais développer afin d’essayer d’illustrer mon propos. Une fois de plus, mon avis n’a aucune valeur de critique, ni dans un sens ni dans l’autre, il n’est que l’expression de mon ressenti lorsque je sens ou que j’essaye un parfum. Allez, allons explorer quelques univers parfumés très divers auxquels il a participé.
De la collaboration de Yann Vasnier et Diego Flores-Roux sont nés plusieurs parfums de la marque Arquiste et j’ai essayé l’un d’entre-eux à plusieurs reprises. Il s’agit de « Anima Dulcis » créé en 2012. La marque le décrit ainsi : « Reconstitution olfactive du Viceregal Mexico: les notes minérales des sols carrelés et des murs en stuc, le bois de cèdre et les poutres en pin, et les autels dorés laissent place à une recette de chocolat épicé en son cœur. L'encens de l'église se mélange aux épices de la cuisine, créant une concoction baroque évocatrice pour les hommes et les femmes ». Il correspond à mon envie épisodique de parfums épicés avec, dès l’envolée des notes de cannelle et d’origan puis, en notes de coeur, autour du jasmin de nuit, une infusion de piment, de clou de girofle et de cumin avant de se calmer avec un fond de vanille très aromatique et un très bel absolu de cacao. Singulier, épicé très chaleureux, « Anima Dulcis » me plait. Il est, avec « Aleksandr », l’un des parfums de la marque qui me plait le plus. Il m’emmène bien évidemment dans un univers assez différent de ce qu’en dit la marque. Je trouve que Yann Vasnier et Diego Flores-Roux ont créé une effluve très singulière, qui ne ressemble à rien d’autre et qui m’évoque peut-être les moments de fête d’une fin d’été et les soirées qui se font un peu moins chaudes. Entre surprise et réconfort « Anima Dulcis » est vraiment une jolie création. Un seul bémol toutefois, sur ma peau, le jasmin et la vanille sont un peu trop présents et je perds un peu, au cours de l’évolution, les notes épicées. Je suppose que j’aurais du le garder, lorsque je l’ai essayé, uniquement sur mes vêtements.
Comme je le disais précédemment, Yann Vasnier a créé la plupart des parfums Divine et l’un d’entre-eux me vient à l’esprit lorsque j’écris ma chronique, il s’agit de « L’Homme de Coeur » qui a été lancé en 2002 et qui est un travail autour de l’iris et décrit ainsi par la marque : « Fort et tendre à la fois, terre et poudre mêlées, L’homme de cœur est un accord inédit composé autour de l’iris. Il s’ouvre sur un univers aromatique et frais – angélique, baie de genièvre, cyprès. Il s’éclaire et s’illumine grâce à l’absolue d’iris dont c’est à la fois l’âme et le point d’orgue. Il s’épanouit enfin dans un monde de bois et d’ambre – vétiver, ambre gris, liatrix ». C’est un univers à la fois aromatique, poudré et oriental que ce parfum m’évoque. Le départ m’a semblé absolument classique avec le croquant de de l’angélique un peu confite associé au cyprès que je n’aime pas trop en général mais qui est épicé par les baies de genièvre. Le coeur d’iris prend immédiatement toute sa place et le parfum se fait poudré avant de se poser sur un fond de vétiver et d’ambre gris. Cette création de Yann Vasnier s’adresse plutôt aux hommes comme son nom l’indique mais je connais plusieurs femmes qui l’ont vraiment apprécié dont une, qui n’est pas tellement passionnée de parfums (plutôt de thé ce qui est bien aussi) qui a complètement craqué dessus. J’ai essayé « L’Homme de Coeur » plusieurs fois il y a quelques années et j’avoue avoir un peu tourné autour. Je n’ai pas franchi le pas pour l’instant allez savoir pourquoi. C’est une très jolie création, somme toute, l’une des plus originales de la maison.
Lorsque la Maison Trudon spécialisée dans la cire de bougie a lancé ses premiers parfums en 2017, j’avoue bien volontiers avoir été assez dubitatif mais j’étais à Paris peu après et je suis entré dans l’une des boutiques pour les découvrir. Yann Vasnier a signé « Mortel » dont j’entends parler depuis sa sortie et donc, je me suis attelé à aller le découvrir. Sur le papier il a tout pour me déplaire puisque la marque le présente avec ses mots : « Effets de peaux qui s’échauffent, la sensualité est au cœur de Mortel : les baumes, l'encens, la myrrhe et le benjoin s'associent, ici, à la chaleur érotique, presque animale du ciste labdanum ». En effet, si le départ est prometteur à mes narines avec une envolée de poivre noir renforcée par la noix de muscade et le piment, l’impression « piquante » est très fugace et fait place à un coeur et un fond très résineux, entre myrrhe et encens. J’avoue que c’est un parfum qui est vraiment très loin de mes goûts et que je ne pourrais pas le porter. Ceci dit, il est très bien construit et rencontre un franc succès auprès des adeptes de ce genre de fragrances. Je ne lui trouve pas vraiment de côté sensuel. Il m’évoque les encensoirs qui se balancent dans une église un peu froide et accompagnent des rites liturgiques. Sans doute qu’il peut avoir quelque chose de très mystique mais, étant donné, qu’il sort vraiment trop de ma zone de confort, je ne l’ai pas essayé. En revanche, son succès ne m’étonne pas vraiment car, lorsque l’on parle de parfumerie d’auteurs, nombre d’amateurs d’encens le citent en exemple. Il est donc absolument à découvrir ne serait-ce que pour la très belle qualité de ses matières premières et la complexité de sa création.
Yann Vasnier a plusieurs fois collaboré avec la maison Tom Ford. Il a, entre-autres participé, au sein d’un collectif de parfumeurs, à la composition du très beau « Velvet Orchid » mais la création que je retiendrai fait partie de la Private Blend et c’est « Plum Japonais » que je suis allé découvrir car sa note de prune m’attirait comme vous pouvez vous l’imaginer. Complexe, intense, doté d’une tenue absolument exceptionnelle et d’un sillage terrible ce parfum est vraiment incroyable. Comme son nom l’indique, il tire son inspiration d’une prune japonaise confite que je connaissais car on en fait un délicieux vin cuit qui est servi en apéritif dans de nombreux restaurants ainsi qu’une sauce délicieuse qui accompagne viande et poissons. Elle est un peu différente des prunes que nous avons en Europe, plus suave, plus facilement sucrée, sans aucun côté acidulé et je trouve que cela se retrouve dans ce parfum d’autant plus qu’elle est associée, en notes de tête à la cannelle et au safran. Le coeur est très liquoreux et son côté très profond est renforcé par des notes tirées de la fleur de l’arbre qui la produit et prolongée, entre-autre par une pointe d’immortelle. Le fond est très oud et ambre mais il est également baumé et vanillé. Avec « Plum Japonais », Yann Vasnier a vraiment inventé un parfum complexe et, je dois bien le dire, exceptionnel. Je dois dire qu’il n’est pas tout à fait dans mes goûts car je suis un peu gêné par le côté oud et très oriental qui vient prendre de la place au cours de son évolution mais je lui reconnais vraiment une singularité et une qualité incroyable. Je me suis laissé dire, hélas, qu’à l’instar de « Shanghaï Lily » et « London » que j’aimais beaucoup, il allait être discontinué et c’est bien dommage.
Voilà, j’ai essayé d’explorer différents univers dans lesquels on reconnait, je trouve, très bien l’imaginaire parfumé de Yann Vasnier. Je sais qu’il avait, après Michel Roudnitska, collaboré avec la marque américaine DelRae que j’aimais beaucoup et qui a, hélas, disparu faute de repreneur lorsque sa créatrice a décidé de prendre une retraite bien méritée, mais je ne connais pas les parfums qu’il a composé pour elle et je le regrette. Yann Vasnier est vraiment un parfumeur hériter de la belle parfumerie à la française mais qui a su explorer des univers très singuliers et contemporains. Son travail mérite vraiment d’être découvert et j’espère que je vous en aurai donné l’envie.
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