Un retour en quatre parfums sur le travail d'Aliénor Massenet
C’est en 2015, avec « African Leather » de Memo que j’ai découvert le travail d’Aliénor Massenet et depuis, j’ai souvent admiré son travail. D’ailleurs, j’en ai d’ailleurs parlé à plusieurs reprises. Parmi les parfums qu’elle a composé, je peux citer « Russian Leather » (2016), « Cuir Tassili » (2019), « The Favorite » (2020), « Solaris » (2023). Il faut aussi expliquer que, pour Memo, elle a vraiment inventé une nouvelle sorte de cuir, loin des aspects goudronnés du bois de bouleau associé à la mousse de chêne. Elle a a créé des parfums cuirés lumineux, plus basés sur le styrax et d’autres matières premières. Je lui ai déjà consacré un article au début de ce blog mais j’ai eu envie de revenir sur quatre créations très étonnantes qu’elle a composé pour différentes marques. Alors, je vous emmène sur les traces d’Aliénor la magicienne, qui ne s’interdit rien et invente selon son inspiration avec beaucoup de talent.
C’est pour la maison J.U.S. qu’Aliénor Massenet a composé « Sexycrush » en 2018. Je connais ce parfum depuis déjà longtemps mais j’ai remis mon nez dessus récemment lors d’un passage au stand de la marque au Printemps Haussmann. Elle le présente avec ces quelques lignes : « Un parfum à fleur de peau avec un sillage incroyable, une forte signature, une vraie personnalité ». C’est un parfum dense et cuiré avec une envolée de cédrat, un coeur de rose et un fond de oud et de patchouli. Dans ma sélection, ce parfum est peut-être le plus classique. C’est une rose charnelle, sexy associée à un oud très animal. Je lui trouve des notes très profondes et baumées sur ma peau et un côté vanillé. La rose se développe bien mais il y a quelque chose de cuiré et boisé très dense dans le fond. C’est une création emblématique du travail d’Aliénor Massenet. Il est « corsé » mais élégant. Je ne trouve qu’il soit trop animal. C’est un oud rose élégant et particulièrement floral. Je me posais la questions de savoir si je ne pourrais pas le porter. Il est, je crois, l’un des bests de la maison. Je dois dire que je comprends son succès car, tout en étant dans l’air du temps avec une composition autour de la rose, du oud et de la vanille, il reste parfaitement singulier et conserve son identité. Ce n’est pas un parfum pour moi c’est clair mais de ce flacon noir élégant sort un jus tout à fait chic et envoûtant voire un peu subversif. Je retrouve complètement la signature d’Aliénor Massenent dans ce parfum dont l’inspiration est ainsi décrite : « La sensualité de la rose, l’opulence du oud, la gourmandise de la vanille, la profondeur du ciste labdanum, l’émotion de la route des épices. Une partition sensuelle et addictive écrite par Aliénor Massenet avec l’objectif de laisser une trace dans les esprits mais pas sur la planète. Chaque matière première de Sexycrush a été choisi pour son absence d’impact sur l’environnement (89 % carbone renouvelable). Une composition d’une grande générosité ». Je dois dire que je l’ai retenu surtout pour vous car il n’est pas vraiment dans ma zone de confort mais je sais que plusieurs de mes lecteurs aiment cette famille olfactive très particulière et enveloppante. Il est trop loin de ce que je pourrais porter mais cela ne l’empêche pas d’être une très belle réussite et un bijou olfactif incontestable. Je comprends complètement son succès.
Je ne suis pas vraiment un adepte de Comme des Garçons mais, à sa sortie, j’avais bien aimé « Copper » créé par Aliénor Massenet en 2019. « La force du métal rouge, chaud et frais à la fois. Les notes lumineuses de baies animent celles des feuilles sombres. Le cuivre est une interrogation olfactive autour de l'harmonie et des contrastes. Les notes synthétiques de métal se heurtent avec élégance à la vanille naturelle et à la myrrhe d'Ethiopie, dans un accord olfactif qui ne cesse d'évoluer sur la peau ». Je trouve que le parfum figure très bien les notes de cuivre. En effet, il y a vraiment quelque chose de métallique dans son développement. C’est comme si le « N° 19 » de Chanel avait séjourné ans un flacon en cuivre ! Les notes de têtes sont très fraîches avec le cassis et le poivre rose mais le coeur se fait complètement original avec quatre facettes différentes, une qui serait verte, avec le galbanum, une autre plutôt baumée avec le benjoin, une troisième épicée avec le gingembre et une autre, indéfinissable, un peu froide et poudrée à la fois. Le fond, très tenace est un un accord ambre et tabac avec des versants vanillés et un côté myrrhe. « Copper » est vraiment original et sa tenue s’avère très bonne mais je lui trouve quelque chose d’un peu déstabilisant. En tout cas, il a plu aux professionnels car il a remporté, en 2020, le FIFI Award du meilleur parfum d’une marque de niche affilié à un groupe.
L’un des parfums d’Aliénor Massenet que j’aime particulièrement est « Couleur Vanille » qu’elle a créé en 2020 pour L’Artisan Parfumeur. Pour moi, c’est indéniable, il s’agit d’une pépite et je pèse mes mots. « Une vanille salée, inspirée par la douceur des alizés et créée autour de notre qualité d’extrait de Vanille ». À l’époque, depuis que j’avais su que "Couleur Vanille" créé par Aliénor Massenet était sur le point de sortir sortir chez l'Artisan Parfumeur, j’étais vraiment curieux de le découvrir. Il y avait plusieurs raisons à cela. La première était que je n’avais pas porté de parfum dont la note dominante est la vanille depuis des lustres. La seconde était que ce jus marquait la première collaboration entre une parfumeuse dont j’aimais déjà le travail (notamment pour Memo) et la marque. S'il en faut une troisième, je dirais seulement que je suis très très curieux de nature. Depuis plusieurs années, c'est donc chose faite. Si le départ m'a évoqué un solinote très agréable et la sensation de sentir une vraie vanille bourbon et non pas une overdose de vanilline de synthèse que l'on retrouve dans nombre de parfums orientaux à la mode, l'évolution est plutôt assez surprenante. En effet, à cette odeur d'orchidée vanillée et envoutante se mêlent des notes salées, presque iodées qui lui donnent une certaine originalité. Je poursuivrai en admettant que ce n'est en aucun cas un parfum pour amateurs de vanilles gourmandes voire "culinaires" mais plutôt pour ceux qui préfèreront le côté presque épicé de cette gousse précieuse venue de Madagascar. En résumé, je dirai que cette nouvelle création tourne autour d'une vanille pure mais aérienne avec une petite arrière-note marine et qu'elle est à la fois subtile et originale si on a la patience d'attendre les notes de fond. C'est, à mon sens, une parfaite réussite... À découvrir et redécouvrir !
J’avais évoqué ce parfum brièvement à sa sortie alors que je faisais un petit focus sur les nouveautés de la maison Memo mais, étant donné qu’il était encore une exclusivité de la boutique parisienne et de l’Atelier Parfumé à Lyon, j’avais trouvé peu d’infos sur « Argentina » qui m’avait pourtant bien plu. Il semblerait que la marque ait décidé de lui assurer une plus large diffusion et je vais pouvoir vous en parler un peu plus précisément. Je l’ai réessayé car je possédais une dose d’essai et, même s’il n’est pas forcément pour moi, je le trouve particulièrement beau et réussi. « Avec Argentina, Memo plonge au cœur d’un territoire, d’un pays, au rythme d’une danse, d’un élan passionné. L’Argentine est embrassée dans sa globalité, emportée dans un seul mouvement ; celui d’un tango virevoltant. Une danse du brassage, du voyage, et sur la piste, des formes en corolle se dessinent. Comme une rose, emblématique du parfum, reine des fleurs et symbole d’un amour ardent.Un floral aromatique avec un fond doux et chaleureux qui vous enveloppe de manière élégante et délicate, en organisant la rencontre de la rose et du oud, dans un pas de deux envoûtant » ainsi Clara et John Molloy présentent cette nouveauté sur leur site. Lancé en 2020 et créé par Aliénor Massenet, « Argentina » figure l’ambiance d’un tango particulièrement sensuel. L’ouverture de poivre rose et d’essence de rose de Turquie est très cosmétique et se pose sur un coeur très opulent de jasmin sambac et de jasmin d’Égypte rehaussé par le côté presque aquatique d’huile de magnolia pour se poser sur un fond de cypriol, d’ambrette et de quelques petites touches de oud. Attention, ce n’est pas un tango entre la rose et le oud comme nous avons l’habitude d’en sentir pas mal depuis plusieurs années. C’est un fleuri, boisé et complexe avec une envolée discrète et un coeur très profond. Sur ma peau, il a quelque chose de très huileux au bon sens du terme, comme un baume bienfaisant mêlé à l’odeur du rouge à lèvres. Féminin m’objecterez-vous ? Et bien, je ne dirai pas ça. Je pense que ce parfum est parfaitement mixte et peux s’adresser à des hommes qui se moquent des conventions imposées par le marketing et osent porter des fleuris. Je dois dire que je suis de ceux-là. En tout cas, j’ai bien aimé essayer « Argentina ». Je ne sais pas s’il est vraiment pour moi mais c’est une rose très étonnante, très facettée et complètement atypique associée à deux des plus opulentes variétés de jasmin et à l’ambrette. J’aime beaucoup cette graine. Je trouve qu’elle donne vraiment beaucoup de relief aux parfums dans lesquels elle est utilisée en majeur. Ici, elle vient tempérer un côté qui pourrait se révéler un peu trop floral et apporte à la fragrance beaucoup de sa singularité. En tout cas, je suis très séduit. Pour résumer, je dirai que j’aime beaucoup « Argentina » mais peut-être pas assez pour franchir la limite de prix que je me suis fixée. Il est très original, la tenue est le sillage sont impeccable et, comme toujours, Clara et John Molloy ont voulu un parfum d’exception et ont réussi à le sortir. Ceci dit, il est un peu trop opulent pour moi et je ne suis pas certain de le porter. En revanche, je vous engage vraiment à aller le sentir et l’essayer car il gagne vraiment à être découvert voir déniché.
J’ai été un peu long sur « Argentina » mais, dans ma sélection (non pas dans la totalité des oeuvres d’Aliénor Massenet), c’est surtout « Couleur Vanille » qui m’a séduit et re-séduit lorsque je l’ai porté à nouveau pour écrire mon article. Il est particulièrement magnifique en toute saison. Je me suis attaché à poser ce parfum sur ma peau et j’en ai profité de longues heures. Bien sûr, j’aime plein de parfum que celle que j’appelle volontiers « la magicienne » a créé, j’en ai cité quelques uns en introduction mais, à chaque fois, que je remets mon nez dans l’une de ses compositions, je me surprend à la redécouvrir presque autrement que durant les essais précédents. Le travail d’Aliénor Massenet, je le qualifierai d’expression libre dans une parfumerie parfois peut-être un peu trop modifié et de parangon de modernité car elle évite les écueils qui pourrait la conduire à une certaine redondance. Je me suis dit qu’un second article sur son talent n’était pas du luxe alors…
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