Passion Parfums

 

 

 

Je vous emmène dans les pays scandinaves. Il y a quelques années (même pas mal), je suis allé deux fois en Suède et notamment à Stockholm pour une passion qui n’avait rien à voir avec la parfumerie. J’ai vraiment beaucoup aimé cette capitale aux dimensions humaines, baigné d’un soleil parfois faible, avec des constructions toutes en couleurs. Je me souviens de tout. Le froid, bien sûr, même au début d’octobre, les cafés un peu standardisés à l’américaine où je buvais un thé peut-être insipide dans d’immenses mugs, le fleuve, l’impression de paix et de calme qui m’éloignait des autres capitales européennes que je connaissais. Stockholm était alors, je le pense, et en dépit du climat, une ville agréable à vivre. Pour ce qui est du parfum, à l’époque, je portais beaucoup « Sables » d’Annick Goutal et il fait un peu partie de ce carnet de voyage mais j’ai eu plus envie, finalement d’associer Stockholm à une création un peu différentequi se rapproche plus des univers nordiques. Créé, en 2023, par Pierre-Constantin Guéros pour la Blue Collection de Paradis des Sens, « Valhalla » m’a semblé tout indiqué à cause de son nom mais aussi de l’originalité de sa formule que je trouve aussi singulière que les déplacements à Stockholm et les différentes ambiances nordiques , clichés ou plus réelles. En tout cas, en l’ayant re-senti, je l’ai trouvé absolument parfait.

 

Il s’agit d’un fruité mais pas du tout dans l’air du temps. Il s’affranchit des modes, des tendances actuelles pour se faire beaucoup plus atypique. « Valhalla, un parfum qui réenchante vos émotions et vous apporte une sensation de fraîcheur pour ensuite évoluer vers un accord gourmand et ambré. En tête, une explosion de notes fraiches, hespéridées couplées à une mangue plus exotique. Valhalla est enrichi pas les notes épicées et boisées du bois de cèdre qui s'harmonisent parfaitement avec la facette douce et sensuelle du cashmeran. Le jasmin vient alors apporter une certaine élégance florale à cette fragrance enivrante. Lorsque le parfum évolue, il révèle des notes chaudes de bois de santal et d'ambre qui apporteront une touche de mystère. Valhalla vous transporte vers un sentiment de quiétude, vers un jardin luxuriant rempli de fleurs et de verdure ». Le départ m’accroche tout de suite avec des notes de mangue un peu juteuses associées à la douceur fruitée de la mandarine et de la bergamote puis du côté un peu « rugueux » de la peau de la poire. Le coeur de jasmin, légèrement animal mais très floral sur moi, se fond aux notes de cèdre très sèches et de cashmeran plus réconfortantes qui nous entraînent vers un fond ambré, chaud, renforcé par la fève tonka et rehaussé de cette note d’ananas que, finalement, j’aime bien en parfumerie, la vanille n’étant présente que pour arrondir le parfum. J’ai beaucoup aimé « Valhalla ». Je trouve qu’il est une invitation au voyage vers une Scandinavie à la fois belle, suave mais aussi tendant vers le froid glacé du nord. Non, je ne regrette pas ce rapprochement. Il me semble opportun.

* Article enrichi

Floris est probablement l’une des dernières maisons britanniques à appartenir toujours à la même famille que lors de sa fondation au XVIIIème siècle. Lorsque je l’ai découverte, il y a bien longtemps, j’ai eu un vrai engouement pour la manière dont les jus ancestraux ont étés habilement adaptés mais aussi par les créations plus récentes qui permettent à la marque de se renouveler sans cesse et de rester au top de l’élégance à l’anglaise en faisant cohabiter grands classiques et parfums résolument contemporains et ce, grâce à la collaboration de la marque avec les parfumeurs Shelagh Foyle, Penny Ellis et Nicola Pozzani. Je ne vais pas vous proposer une revue de la marque reprenant les iconiques car je l’ai déjà fait mais j’ai remis mon nez dans les échantillons que j’ai pu glaner ces dernières années et j’ai eu envie de vous parler de quatre parfums qui ont vraiment retenu mon attention et qui sont vraiment des réussites. Attention, la marque est très mal distribuée sur le continent. Je ne connais que deux ou trois points de vente. Ceci dit, je pense que la marque, qui n’a pas vraiment su s’implanter de ce côté de la Manche, propose des sets d’échantillons. C’est une exception mais je pense que commander directement est la seule solution… hélas. Ceci dit, il serait dommage de ne pas découvrir cette marque vraiment emblématique de la parfumerie très fine à l’anglaise.

Le premier parfum sur lequel je voulais revenir est « Jermyn Street » et a été créé en 2015 en référence à l’adresse de la boutique londonienne que j’ai eu l’occasion de voir et qui est, à la fois très luxueuse et, il faut le dire, un peu intimidante. La marque décrit ainsi cette fragrance : « Jermyn Street est un hommage à ce qui a été le lieu de l'entreprise familiale Floris durant 284 années et la maison de la famille, au 89 Jermyn Street, dans le quartier de St James's à Londres. Ce parfum, tout comme son inspiration, dégage une sensation d'élégance, de raffinement, et de classe, par son accord frais de gin et de citron mélangées au vétiver ». C’est un floral hespéridé tellement bien réalisé qu’il réconcilierait n’importe qui avec l’esprit Cologne ! Sa concentration eau de parfum est particulièrement adaptée et lui confère une très belle tenue. Il s’ouvre sur des notes de bergamote, de citron vert, de mandarine, de citron vert et de violette. Cette envolée, dont la richesse donne tout de suite le ton d’un parfum luxueux, nous conduit sur un coeur d’armoise très boisé, de coriandre et à nouveau de vétiver qui est le fil conducteur puisqu’on le retrouve tout au long de l’évolution. Au fond, il se mêle à un très bel accord ambré ainsi que des notes de cèdre et de muscs. Je trouve que ce parfum est parfaitement androgyne et qu’il peut plaire autant aux hommes qu’aux femmes. Pour ma part, je le porterai plus volontiers au printemps, en été ou en automne qu’au plus froid de l’hiver mais il me plairait. Je le trouve particulièrement bien travaillé.

 

« Rencontrez la nouvelle floraison, confiante et moderne, sûre d'elle-même et chaleureuse, une élégante contradiction de soie et d’épices. Découvrez un bouquet de roses en velours, pétillant d'une touche inattendue d'iris frais, enveloppé d'un ambre chaud et d'un musc riche et terreux. Découvrez une histoire de contrastes - le vieux monde et le nouveau, le parfait avec l'imparfait, le drame et l'équilibre, la ville et la campagne. S'appuyant sur la maison créative de la famille Floris, White Rose a son cœur à Mayfair à Londres. Entourée de beauté et d’art, de mode et d’architecture, la scène forme une toile de fond naturelle pour le dynamisme intemporel du parfum ». Parfum iconique de la maison Floris London, « White Rose » a été lancé en 1800 et est, je dois bien le dire, tout à fait singulier et intemporel. Sa concentration eau de toilette lui confère une légèreté et une transparence qui le rendent tout à fait unisexe ce qui est rare pour une création présentée comme un soliflore. L’envolée est clairement rose blanche, douce, profonde et pleine de charme et le coeur de rose thé, de violette, d’iris et de jasmin est délicatement épicé de clou de girofle et de cardamome. Le fond est un accord poudre de riz, ambre et muscs blanc. L’élégance de cette rose légère, translucide et aquarelle à la fois est absolue. Je l’ai essayée sur mon écharpe et je me suis fait plaisir à la re-sentir moment après moment de l’après-midi. J’ai toujours eu un faible pour les créations de la très belle maison Floris London et j’en ai porté plusieurs. Je pense que je pourrais m’approprier « White Rose » très facilement et contre toute attente.

 

« Inspiré par la Lotion Elite de 1851 : une fragrance verte et fraîche avec un riche caractère boisé résineux évoluant avec de l'ambre, des muscs et une pointe de cuir à la base ». Lancé par la maison Floris London, mythique marque britannique, en 1980, « Elite » est sans doute l’une des eaux de toilette que je préfère entre toutes depuis toujours. Je trouve qu’elle traduit bien à l’instar par exemple du « N°89 » que j’ai beaucoup porté, l’art de l’élégance très haut de gamme de cette si belle maison londonienne et je l’aime depuis que je l’ai découvert il y a six ou sept ans. Curieusement, je ne parle pas toujours régulièrement de Floris et pourtant je crois que j’aime quasiment chacun des parfums que j’ai pu sentir. « Elite » est complètement atypique. On pourrait penser à une fragrance de barber shop mais il est beaucoup plus que ça. C’est un parfum à mi-chemin entre une aromatique fougère et un cuiré. Je le trouve tout à fait surprenant et unique. Je ne peux le rapprocher de rien de ce que je connais et c’est aussi pour cela qu’il demeure l’un de mes parfums préférés. Je ne l’ai pas énormément porté mais je pense y remédier en cet été étrange où la pluie et la fraîcheur semblent s’installer en juillet. Un départ de bergamote, de citron de baie de genièvre, de pamplemousse et de petitgrain, un coeur de fir balsam, de laurier (qui est une note avec j’ai souvent du mal pourtant) et de lavande et un magnifique fond d’ambre, de cèdre, de cuir, de mousse, musc, de patchouli et de vétiver. Complexe et peut-être estampillé masculin, il est, pour moi, terriblement androgyne et son côté à la fois stylisé et intemporel lui donne une élégance particulière et complètement hors du commun. Pour moi, il est totalement inclassable et tant mieux. C’est un parfum chic et mystérieux tout à fait « à l’anglaise » et il est évidemment la quintessence de ce que j’aime. Je donne toujours mon avis qui est parfaitement subjectif mais j’espère, à chaque fois, vous donner envie de sentir de belles choses, de vous plonger dedans, d’aimer ou de détester les fragrances dont je vous parle. « Élite » n’est pas consensuel, il plaira à certains et en déroutera voire en rebutera d’autres. C’est aussi le jeu en parfumerie. D’aucun le trouverons vintage, d’autres très moderne, il ne sera jamais dans une case et c’est peut-être pour ça aussi que j’avais envie d’en parler.

 

Le « N°89 » a été lancé par la maison Floris en 1951 et je le trouve peut-être plus inspirés des grands parfums à la française que « Blenheim Bouquet » ce qui ne l’empêche pas d’être une parfaite réussite. Il a d’ailleurs été mon premier coup de coeur dans cette très belle marque que j’affectionne particulièrement. « L’orange et la bergamote mélangées avec la lavande et le néroli donnent à N° 89 son aspect classique d’eau de cologne. Réchauffé par une touche épicée de noix de muscade, le cœur floral est souligné par un accord boisé dominant de bois de santal, bois de cèdre et vétiver dans cette fragrance emblématique des gentlemen anglais ». Alors vous me direz qu’il est très différent de « Blenheim Bouquet » et que, pourtant, je l’aime quand même. Il évoque parfois « Jicky » de Guerlain à ceux qui ont connu les anciennes versions . Pour moi qui n’ait pas connu cette époque, il est surtout le chic londonien tel qu’on se l’imagine et même tel qu’il est. Ayant passé pas mal de temps dans la capitale britannique, je peux en parler facilement. Il s’ouvre avec des notes de bergamote et de lavande associées au néroli, à l’orange, au petit grain, épicés par la noix de muscade et rendu poudré et aérien par une profusion d’aldéhydes. Le coeur est résolument floral avec le géranium, la rose et l’ylang-ylang. Le fond de cèdre, de mousse de chêne, de santal de vétiver et de muscs est vraiment étonnant car le parfum a presque une toute fin vanillée. Je le trouve d’une élégance absolue et il est sans doute plus facile à porter que le précédent. Il a eu aussi ses adeptes, notamment l’écrivain Ian Fleming qui imagina James Bond. En tout cas, je l’ai énormément porté et il est bien possible que l’envie me revienne. C’est un parfum complet et complexe.

 

« Le numéro spécial 127 a été créé en 1890 pour le prince russe Orloff et nommé « Orloff Special ». Plus tard, le parfum a été lancé dans le répertoire Floris après avoir été renommé d'après la page du livre de formules "Specials" dans laquelle la recette a été enregistrée. Le parfum est devenu un favori avec beaucoup au fil des ans - hommes et femmes. Les adeptes dévoués comprenaient Eva Peron et Winston Churchill. Un reçu envoyé à Winston Churchill pour une commande comprenant le numéro spécial 127 se trouve toujours dans les armoires du 89 Jermyn Street, tandis que ses registres restent exposés dans notre parfumerie ». Je n’avais pas senti ce parfum depuis longtemps et j’ai l’occasion désormais de le découvrir et de le porter. Je trouve qu’il est un superbe classique et je suis ravi de pouvoir l’avoir un peu autour de moi tant il est élégant et bien travaillé. C’est une création complexe, lancée par la maison Floris en 1890. C’est un esprit Cologne mais pas forcément classique car les notes et les matières utilisées ne sont pas convenues ni trop classiques. Il s’agit d’un parfum à l’anglaise, androgyne, certes un peu vintage mais élégant et fort agréable. Il s’ouvre sur un accord de bergamote, de lavande, d’orange et de petit grain, puis vient un coeur de géranium, de néroli, de rose et d’ylang-ylang puis un fond de muscs blancs et de patchouli. Pour moi, il s’agit surtout d’un parfum très important dans la collection car il fait, il faut bien le dire, entre fraîcheur et profondeur. Je trouve que le porter est parfaitement jubilatoire. J’aime énormément l’idée d’un beau classique aussi intemporel qu’indémodable et tel est le cas du Special n°127 » de Floris London qui est, je trouve, un petit bijou. J’avais donc envie d’en toucher quelques mots. En tout cas, quel plaisir de le porter même le temps d’un été de canicule.

 

Outre « White Rose » qui existe quasiment depuis la fondation de la maison par exemple ou les créations réalisées pour les deux jubilés d’Elizabeth II, mais j’ai choisi une composition un peu moins connue. Il s’agit de « Edwardian Bouquet » créé en 1901 et réédité pour le mariage du prince William. « La nouvelle tradition, avec une individualité affirmée, un goût pour l'excentrique et une touche de décadence. Edwardian Bouquet est une expression de la belle vie ; c’est le meilleur de la ville et de la campagne. Des pièces parfumées de jacinthes au printemps, de délicates fleurs de jasmin blanc dans le jardin et des promenades en forêt le week-end, l'air d'automne chargé de bois et de riche mousse de chêne. Éternellement moderne et élégant, notre parfum floral boisé est à la fois éclectique et rassurant. Son caractère incomparable mêle la promesse du futur, la chaleur du présent et les échos du passé. Edwardian Bouquet est heureux de créer et de défaire de nouvelles traditions ». Il s’agit-là, et ce n’est pas un hasard, d’une concentration eau de toilette mais dont la tenue est, il faut le dire, absolument excellente. C’est aussi ce qu’on appelle un parfum « à partager » car il plaira autant aux femmes qu’aux hommes. Comme par hasard, la construction est chyprée avec une envolée de bergamote, de notes vertes, de jacinthe et de mandarine, un coeur de jasmin, de rose et d’ylang-ylang et un fond, bien sûr, mousse de chêne et patchouli mais associé à des notes d’ambres, de muscs blancs, de notes poudrées et de bois de santal tout doux. Il en résulte un joli cocon, floral mais pas trop, élégant mais pas guindé. Je suis frappé en le réessayant par la modernité incroyable de ce parfum. Je ne sais pas si elle tient à une reinterprétation de la formule originale ou s’il était vraiment comme ça au début du XXème siècle. J’aime énormément « Edwardian Bouquet ». Je pourrais le porter très facilement. Il allie élégance à un twist légèrement provocateur et sensuel.

 

Créé en 2011, « Sirena » fait aussi partie de la collection des eaux de parfums. C’est un marin floral si j’ose dire. Il est particulièrement addictif et je l’aime beaucoup même s’il se fait, sur ma peau, peut-être un peu trop « aquarelle » et si sa tenue est un peu limitée. « Sirena est une fragrance marine et florale rappelant la fraîcheur d’une brise de mer et le cœur floral des lauriers-roses, des pivoines et des baies de roses d’été sur un fond musqué et boisé ». Après une envolée de poivre rose, de bergamote et de jasmin quelque peu rendues salées par des notes marines qui pourraient bien être de la calone mais qui, pour le coup, ne me dérangent pas, le coeur de fruits rouges et noir, de laurier, de pivoine et de rose le rend peut-être un peu plus doux et cette impression est renforcée par le musc et le santal qui en constituent le fond. « Sirena » est aussi complètement idéal l’été. Je l’aime beaucoup mais je reconnais que, sur ma peau, il est un peu léger. Il révèle beaucoup de facettes mais elles sont relativement fugaces. C’est un parfum très transparent, très agréable au plus chaud de l’été. Si la tenue est un peu juste, je trouve que la concentration eau de parfum ne nuit pas, pour une fois, au côté facetté qu’il peut révéler. Je pense que je pourrais tout à fait porter « Sirena », c’est un très beau parfum.

 

« Inspiré des origines de Juan Famenias, fondateur de Floris, qui s’implante sur l’île de Minorque, dans les Baléares, ce parfum incarne un esprit méditerranéen apaisant. Le nom Soulle, signifie en espagnol "soleil et vent d'Orient". Lentisque et galbanum apportent un accord vert élégant et moderne, équilibré avec des fruits frais et croquants, avant d'ouvrir un cœur floral de jasmin, de géranium et de mélilot accompagné d'épices. La vanille, l'ambre et le musc constituent une base chaleureuse et sensuelle pour compléter le parfum ». Quand j’ai découvert « Soulle Ambar », lancé en 2013 et qui rentre dans la collection des eaux de toilette, je ne l’ai pas aimé. Je l’ai trouvé trop fruité et trop gourmand mais, en le mettant sur ma peau, j’ai découvert une évolution que je ne soupçonnais pas du tout. Il s’ouvre sur des notes de bergamote, d’ananas et de cerise rendues plus vertes par le labdnanum et de lentisque puis arrive un coeur de poivre rose, de géranium et de jasmin enveloppés d’une douce vanille. Je trouve que la concentration eau de toilette présente deux avantages : tout d’abord, et ce n’est pas négligeable, il est vendu à un prix très raisonnable et ensuite, la dilution est plus propice aux développement de la multitudes de facettes. De plus, la tenue est très bonne ce qui ne gâche rien. J’aime finalement beaucoup « Soulle Ambar » et je pourrais tout à fait l porter. C’est une fragrance addictive aux effluves fruitées et musquées parfaitement harmonieuses.

 

En 2017, lorsqu'il est sorti, j'ai essayé "Chypress" de Floris London et je dois dire qu'il m'a énormément séduit. Entre chypre et fleuri, il exhale une effluve toute en subtilité et en élégances comme savent si bien le faire les parfumeurs britanniques. À la fois, original et profond, délicat et discret, c'est un parfum particulièrement réussi. Enfin je trouve. Sa concentration eau de toilette est tout à fait suffisante et il vient rejoindre la collection des belles réalisations historiques de la marque comme le "N°127", "Élite" ou encore le "N°89" dont je vous ai souvent parlé. J'aime beaucoup le chic à l'anglaise des parfums Floris et je trouve que celui-ci est une vraie réussite. J'ai eu l'occasion de le sentir à nouveau samedi dernier et j'ai été à nouveau particulièrement séduit par cette fragrance "so british". À découvrir absolument.

 

« Cefiro », comme un vent léger et un peu « exotique », a été créé en 2001. C’est un chypré mais pas comme « Chypress » dont je vous ai déjà parlé souvent. Celui-ci n’est pas classique mais plutôt étonnant et moderne. « Cefiro se dévoile sur des notes de citron jaune et de citron vert, soutenu par de la bergamote et de la mandarine. Le tout est rehaussé par des notes épicées de cardamome et de noix de muscade sur un bouquet de jasmin frais conduisant à un fond musquée et boisée ». Après l’envolée de bergamote, de citron et de citron vert, de mandarine et d’orange, le coeur floral et épicé vient se faire sentir. J’y retrouve des notes de jasmin et de rose à la Floris mais elles sont rehaussées d’épices (muscade et cardamome. Puis le parfum se pose sur un fond de muscs, de santal et de cèdre ancrés dans l’accord mousse et patchouli typique. « Cefiro » plait autant aux hommes qu’aux femmes même s’il est présenté comme plutôt féminin. Je le trouve particulièrement chic et vraiment sophistiqué. Je pourrais tout à fait le porter et il n’est pas certain que je ne le fasse pas. C’est un chypre floral et frais qui m’a vraiment bien plu, comme un zéphyr soufflant dans un pays exotique. Je le trouve vraiment très réussi et très contemporain.

Globalement, j’ai beaucoup aimé me replonger dans l’univers de Floris. Je regrette que nos n'ayons plus accès à la totalité de la collection sur le continent. Il faut traverser "le Channel" pour découvrir ou redécouvrir certaines de ces créations. J'aime beaucoup Floris London. La boutique londonnienne de Jermyn Street est tout aussi magnifique que la tradition parfumée dans laquelle les parfums sont créés. L'une des dernières sorties, "Wilde" a fait partie de mon top 2024 et c'est mérité. Croisons les doigts pour que des parfumeries indépendantes s'intéressent à cette si belle maison.

 

 

 

Je ne connaissais pas du tout la maison de parfums Alfred Ritchy. Il faut dire que la première création remonte à 2022. Ma découverte coïncide avec mon premier passage dans la boutique lyonnaise du premier arrondissement Evok que je connaissais pour sa sélections de baskets haut de gamme mais qui, depuis deux mois, propose une sélection d’une dizaine de marques exclusives chez nous. Je tiens d’ailleurs à remercier Kenza qui m’a super bien accueilli et qui m’a permis de découvrir les créations d’Alfred Ritchy. Je reviendrai, dans de prochains articles, sur le concept très original de la boutique et également, peut-être sous forme d’interview, sur les raisons qui en a poussé les responsable à se diversifier en faisant une grande place à une parfumerie qui complète remarquablement l’offre. Mais revenons à Alfred Ritchy. Je ne connaissais pas du tout la marque, pas plus que ses fondateurs et que ses parfumeurs. Je suis allé chercher sur leur site mais l’origine de la maison reste un peu mystérieuse. Tout ce que j’ai réussi à comprendre c’est qu’à ce jour, la marque propose huit parfums tout à fait mixtes, contenu dans des flacons à la fois épurés et joliment décorés, pour un prix encore abordable. J’ai découvert toute la collection et j’en ai retenu quatre, soit que j’ai vraiment aimés soit qui me semblent emblématique du style Alfred Ritchy.

Avec le premier, lancé en 2024, nous voici aux Bahamas, au large de la Floride, dans un cadre de vacances. Il porte le nom évocateur de « Nassau » : « L'étreinte des eaux turquoise et le charme du sable rose magique de Nassau ». Il faisait froid lorsque je l’ai découvert et le temps n’était pas spécialement clément or, il m’a vraiment emmené au soleil outre-Atlantique. C’est un joli floral fruité très gourmand mais sans le côté trop sucré qui aurait pu me déranger. Il s’ouvre sur des notes de bergamote, de noix de coco mais aussi de lavande puis vient un coeur, composé d’un accord crème fouettée, pistache et praliné qui se pose sur des muscs blancs très propres et des notes boisées. C’est une création duelle et sa concentration eau de parfum lui confère quelque chose de dense. J’ai bien senti les notes de fond et je le crois très facile à porter. Pour moi, plus qu’une invitation au voyage, « Nassau » est un séjour dans un univers doux et un peu, il faut le dire, « dans l’air du temps, mais remarquablement bien réalisé. Il n’est indéniablement pas pour moi mais j’ai aimé le découvrir. Je trouve qu’il constitue une très belle entrée en matière dans la marque.

 

 

 

Inspiré d’un quartier de Milan qui évoque la fête et les sorties entre amis, « Nolo », sorti en 2023, est un peu, finalement, l’oriental de la collection. « Nolo est un quartier multiculturel et créatif, célèbre pour sa vie nocturne animée ». Je ne connais pas cet endroit mais je l’imagine assez bien. Lorsque j’ai découvert ce parfum, je me suis vraiment laissé porter. Là encore, il est gourmand mais sans excès et dégage quelque chose d’à la fois très « confortable » et un peu inattendu. Il s’ouvre un peu comme un Ramon Monegal avec des notes de bergamote, de framboise et de coriandre qui semble un peu incongru mais, très vite, le labdanum, très cuiré et l’encens, enveloppés d’un accord caramel, lui apportent un coeur à la fois fort et suave. Les notes de fond sont plus classique puisqu’on y retrouve un accord ambre, des muscs blancs mais aussi du patchouli et de la vanille. Là encore, « Nolo » n’est pas forcément fait pour moi mais j’ai aimé le découvrir. Je le trouve qualitatif et très intéressant. C’est un très joli parfum cuiré, un peu fruité, un peu gourmand. Il m’a semblé très bien construit.

 

 

« Les datchas sont de petits châteaux loin des bruits de la ville »… Lancé en 2022, « Dacha » est vraiment mon premier petit coup de coeur de la marque. Je ne suis pas un fanatique des boisés mais je lui trouve un super équilibre. Les notes d’agrumes et de pêche blanche en tête lui donnent un côté très fruité et doux puis le coeur, construit autour d’un accord ambré explose pour conférer quelque chose d’addictif, enfin les muscs blancs et la vanille en fond renforcent un côté boisé assez sec. Je trouve que « Dacha » est un peu moins androgyne que les deux précédents et j’imagine qu’il plaira plus aux hommes mais je lui trouve une certaine élégance intemporelle et universelle qui pourrait convenir à tout le monde. J’ai trouvé les notes de fond très agréablement surprenantes. Il a un côté très musqué mais pas seulement. Pour moi, c’est un boisé un peu ambré assez atypique. En tout cas, c’est une jolie trouvaille.

 

« Mamba », créé en 2022 est indéniablement mon coup de coeur et le parfum de la marque que je pourrais porter mais il faut dire qu’il s’inscrit complètement dans mes goûts. C’est un floral solaire très rond. « Soyez un Mamba unique et embrassez vos passions ». Il me semble que le mamba est un un serpent mais le mot doit avoir une autre signification qui m’échappe. Ce n’est pas très grave car, avec son départ de poivre rose, de poire et de pomme, le parfum se fait à la fois suave et presque piquant mais c’est le coeur de tubéreuse, de jasmin et d’ylang-ylang que je préfère. Alors là, c’est, pour moi, une réelle invitation au voyage. Je suis très séduit par ces notes florales, jaunes, chaudes, ensoleillées et, en même temps, d’une grande élégance. Le fond de patchouli et de muscs blancs n’est présent que pour soutenir le parfum car je trouve que les notes de coeur durent très longtemps. J’aime beaucoup ce bouquet certes opulent mais d’une jolie finesse, qui m’a accompagné toute la journée. « Mamba » est un vrai coup de coeur et une option sérieuse pour l’été 2025.

 

 

Globalement, j’ai bien aimé la marque. Je trouve, malgré pas mal de synthèse, les parfums très bien travaillés, reprenant des thèmes un peu dans l’air du temps mais avec un côté toujours chic qui se développera. J’ai aussi été ravi de découvrir Evok, dans le haut de la rue du Président Edouard Herriot où je suis très souvent, dans sa nouvelle évolution. Je remercie une nouvelle fois Kenza pour un échange sympathique et la totale liberté qu’elle a pu m’accorder pour découvrir la marque. Je reparlerai de Evok et des marques proposées par la boutique très prochainement. J’ai déjà plusieurs articles en tête.

 

 

 

Il est une ville où je suis allé il y a longtemps et dans laquelle je ne suis resté que quelques jours, il s’agit de Madrid, l’un des joyaux de l’Espagne et pôle culturel dont je me souviens. J’étais adolescent et, avec mes parents, j’ai visité des musées, me suis promené… C’était la fin de l’hiver et le monde bigarré des films d’Almodovar était certainement dans l’air ambiant même si j’ai un peu du mal à me souvenir de l’ambiance. Pour écrire ce parallèle, j’ai décidé de plutôt l’imaginer. Alors, on est un peu plus avancés dans la saison et je suis adulte. Après avoir visité le Prado ou le musée Miro, avec des amis, nous nous installons dans un bar rouge et noir pour boire un verre. Il fait beau, les façades de la capitale de l’Espagne sont belles et baignées de soleil. La musique diffusée est un peu cliché… Peut-être une chanson de Luz Casal ou de Sara Montiel… Peut-être « Porque te vas », un succès des années 70… Je ne sais pas. Le parfum que va m’évoquer ce voyage mi-culturel, mi-déjanté sera bien évidemment créé par Ramon Monegal pour sa maison éponyme. Il est puissant, atypique, pas forcément élégant mais plutôt un peu charnel, musqué, « coloré »… J’ai donc imaginé les notes. Je pense que la principale pourrait être la cerise pour évoquer le rouge du décor. Pour écrire, j’ai donc re-senti avec avidité « Faïsa » qui est devenu l’un des emblématiques de la maison, lancé en 2020. C’est un parfum envoûtant qui, je trouve, traduit bien une ambiance madrilène à la fois dense et festive.

 

 

Pour décrire ce parfum, Ramon Monegal utilise des mots choisis : « Le Soleil, source de vie, symbole de bonheur qui émet la lumière qui nous illumine. J'ai relevé le défi de créer une image olfactive d'un éclat de soleil d'où jaillit une énergie créatrice. La lumière Faïsa, un fantasme en forme de fable optimiste, un contrepoint au moment gris présent, un manifeste sur le courant transformationnel et énergisant du Bonheur. Là où il y a du soleil, il y a de la vie et là où il y a de la vie, il y a de la joie ! ». Après un départ très foisonnant de cannelle, d’anis, d’ylang-ylang et de safran vient un coeur que j’appellerai « typiquement Monegal » avec le jasmin, la framboise (pour une fois très subtile), de mimosa, de oud et de rose. Le fond est trompeur car il se fait suave avec un accord ambré, du santal, de la vanille et de la tonka ainsi que des traces de caramel. « Faïsa » est à la fois atypique et très net pour retrouver les codes de la marque. Il n’est pas forcément pour moi mais je lui reconnais un côté à la fois solaire et pétillant, plus audacieux que réellement élégant, plus charnel et séducteur que sage. C’est un parfum à découvrir absolument.

* Article modifié

Comme celle du circuit sélectif, la parfumerie de niche, telle qu’elle s’appelait avec raison lors de ses premiers balbutiements, a également, dans ses marques et leurs collections, des parfums emblématiques qui, issus d’un « bricolage » d’artistes et de chimistes, sont devenus, contre toute attente, des classiques, voire des best sellers. Il faut rappeler que Diptyque a été la première marque indépendante et qu’elle a été lancée dès 1968 par trois amis propriétaires d’un « bazar de luxe » qui se trouvait au 34 boulevard Saint-Germain, dans le sixième arrondissement de Paris. En faisant appel à des parfumeurs alors indépendants ou non, Christiane Montadre-Gautrot, Yves Coueslant et Desmond Knox-Leet ont inventé une parfumerie qui leur ressemblait et qui, encore aujourd’hui, occupe une place importante dans l’univers olfactif français. Dix ans plus tard, en 1978, Jean-François Laporte, chimiste et ayant travaillé dans le milieu, crée, suite à un concours de circonstance L’Artisan Parfumeur et devient le premier éditeur de parfum mettant en valeur ses créateurs comme le fera onze ans plus tard Frédéric Malle et le succès, grandissant de sa marque, fait que désormais, elle compte cent-une création lancées (certaines ont été arrêtées) au fil des années. L’univers de la maison est, comme nous l’avons déjà vu, un éclectisme assumé. Parmi les pionniers de la parfumerie indépendante, la troisième était à la base pianiste, un peu antiquaire et portait le doux nom d’Annick Goutal qui, en 1980, après s’être passionnée pour les fragrances et avoir appris le métier avec un parfumeur grassois, lance sa marque à l’univers à contre-courant de ce qui se faisait à l’époque. Sa collaboration avec la très talentueuse Isabelle Doyen lui assurera des créations inoubliables et un succès indéniable. En 1989, c’est au tour de Patricia de Nicolaï, nièce de Jean-Paul Guerlain, de se lancer et de produire ses propres créations, des jus plus classiques et dans la tradition de la belle parfumerie française. Je peux également citer, dans cette introduction qui est un tour d’horizon des premières marques, évidemment Serge Lutens dont le parcours est plus sinueux grâce à sa collaboration avec Shiseido, « Maître Parfumeur et Gantier », créé par Jean Laporte, après qu’il ait vendu l’Artisan Parfumeur, et Nicolas de Barry ou encore, évidemment, les éditions de parfum Frédéric Malle et la très belle marque de Marc-Antoine Corticchiato, Parfum d’Empire. La parfumerie de niche est donc ainsi née. Je me devais ce petit rappel avant d’entrer dans le vif du sujet et vous parler de cinq créations qui sont devenues moins confidentielles et demeurent, longtemps après leur création, des classiques voire des bests sellers.

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que lorsque Jean-François Laporte a créé « Mûre et Musc » en 1978 pour sa marque L’Artisan Parfumeur, il a fait un coup de maître, je l’ai souvent évoqué. Il se partage avec sa version extrême, créée en 1993 par Karine Dubreuil la tête des ventes de la maison désormais revendue à un groupe financier. S’il était audacieux car l’association des fruits noirs et rouges et particulièrement de la mûre à l’odeur si particulière avec les muscs blancs, était complètement inédite et, je dois bien le dire, ce parfum est vraiment identifiable immédiatement et je le trouve à la fois impertinent et élégant. C’est sans doute cette dualité qui en a fait un classique dont le succès ne s’est jamais démenti.

 

 

Il est impossible de parler des bests de la parfumerie d’auteur sans revenir, une fois de plus sur « L’Eau d’Hadrien », créé en 1980 par Francis Camail et Annick Goutal pour sa marque. Il est le parfum hespéridé incontournable. Isabelle Doyen dit qu’il est comme Tintin et qu’il s’adresse à tous les humains de sept à soixante-dix-sept ans et je la rejoins tout à fait. Facile à porter malgré son identité très marquée, il est vraiment intemporel et unique. Si j’ai un faible pour l’eau de parfum, je pense que la marque a eu raison d’en créer une version eau de parfum même si l’original a déjà, pour un parfum « agrumes », une excellente tenue. Je l’ai toujours aimé et je pense que ce n’est pas fini.

Je ne connais pas très bien la marque de Patricia de Nicolaï et il faudra que je prenne le temps, lorsque j’irai à Paris, de découvrir quelques unes de ses créations mais je ne suis pas passé à côté de « New York » qui est un best il faut bien le dire et qui, s’il plait plutôt aux hommes, est tout à fait mixte et identifiable entre mille. C’est un parfum oriental fougère qui tend vers un côté boisé avec une envolée de bergamote, de thym et d’armoise, un coeur de camomille, d’épices et de lavande et un fond de civette, de castoreum, de vanille de styrax et de muscs blancs. L’un de mes proche l’a porté durant des années et je dois bien dire que, s’il s’en est un peu éloigné, je trouvais qu’il était sa signature. Je pense que sa formule, à la fois complexe et classique en a fait un incontournable non seulement de la marque mais aussi de la parfumerie en général. Il m'a rappellé "Habit Rouge" de Guerlain dans une très ancienne version...

C’est en 1996 que la toute jeune Olivia Giacobetti a inventé le best de la marque Diptyque. J’ai nommé évidemment « Philosykos ». L’idée était de retrouver l’odeur du figuier en pleine nature et, vraiment, c’est une parfaite réussite. L’ouverture de feuille de figuier, de figue mûre nous conduit sur un coeur de bois de figuier et de noix de coco pour terminer sur le fond presque acidulé à dominante de cèdre. Je comprends parfaitement son succès. Il est tout l’esprit de la maison en un parfum. Très végétal et un peu fruité, il ne ressemble à rien d’autre et, lorsqu’on le porte, il est vraiment porteur de bien être. C’est un très joli parfum mais j’admets qu’il n’est pas vraiment pour moi car je le trouve un peu trop « figue » et que ce n’est pas nécessairement une effluve qui me séduit mais force m’est de constater que sa construction olfactive est parfaite et qu’il s’en dégage quelque chose de naturel et élégant. C’est un parfum très facile à porter et très subtil comme sait si bien les créer Olivia Giacobetti.

 

 

J’aurais pu évoquer, une fois de plus, « Teint de Neige » de Lorenzo Villoresi ou encore « Féminité du Bois » mais je l’ai déjà tellement fait au fil des pages de ce blog que je pense que j’ai fait le tour alors mon cinquième « best » (et non le moindre) est indubitablement « Cuir Ottoman » créé en 2006 par Marc-Antoine Corticchiato pour sa marque Parfum d’Empire. Je pense qu’il est, non seulement, une belle vente de la maison mais qu’il a également beaucoup inspiré les parfumeurs car, s’il s’inscrit dans la plus belle traditions des cuirs à la française, il s’en dégage une modernité extraordinaire. Poudré et baumé dès le départ d’iris, de jasmin et de ciste, il évolue sur un accord cuir de Russie, de baume de Tolu, de styrax et de benjoin pour se poser délicatement sur un fond d’encens, de benjoin et de vanille. « Cuir Ottoman » est presque une famille olfactive à lui tout seul tant il a été copié (plus ou moins adroitement d’ailleurs) et porté. Pour ma part, il est celui de cette sélection que je connais le mieux car je l’ai porté très longtemps. Je l’aime énormément.

Il y a, bien évidemment d’autres bests plus modernes de la parfumerie de niche. Je pense par exemple à « African Leather » de Memo ou encore « Nuit de Bakélite » de Naomi Goodsir mais j’ai choisi de me concentrer sur les premiers. Ceci dit, si cet article vous a intéressé, rien ne vous empêche de me le dire afin que je commence des recherches pour une suite. En tout cas, me replonger dans ces fragrances que je crois connaître et que je découvre finalement à chaque fois, m’a en partie expliqué leur succès. Ce sont tous des merveilles de créativité et de singularité.

 

 

 

« « De la même façon qu’un aphorisme doit contenir une vérité en quelques phrases, j’ai cherché une inédite construction. J’ai fait avec ce que je suis, mon parcours, j’ai posé un nouveau regard sur les grandes familles du parfum, pour que puissent éclore de nouvelles expressions olfactives, résolument modernes. » - Dominique Ropion ». Il y a déjà quelques temps que j’ai découvert les parfums Aphorismes créés par Dominique Ropion mais, après avoir échangé avec Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures, j’ai hésité à leur consacrer un article pour plusieurs raisons mais, finalement, je me suis mis à reprendre mes notes pour vous proposer un article qui reprend mes impressions au premier abord. Pour son lancement, en 2024, la collection compte six parfums dont deux construits autour du oud qui ne sont, finalement, pas ceux que j’ai préféré. J’en ai retenu trois et je vais essayer de vous faire un compte-rendu de ce qu’ils m’ont évoqué. Attention, je le dis d’emblée, les prix sont vraiment très élevés (entre 260 et 330 euros les 50 ml) et je les ai découverts sans avoir à l’esprit de m’en procurer un. Je vous emmène donc dans prolongement au livre de ce parfumeur que j’ai dévoré en son temps.

 

 

 

J’ai eu tout de suite envie de découvrir « Innocent Tuberose » dès que j’ai lu son nom et c’est celui que l’on m’a fait découvrir en premier. Après une envolée très indéfinissable, épicée et acidulée de gingembre, de fleur d’oranger, de mandarine, de poivre rose, de bergamote, de cassis et de cardamome rendu un peu amer avec une note de pamplemousse, le coeur de tubéreuse se fait très fleuri, pas animal et ni aldéhydé. La tubéreuse se pare des facettes fraîches du muguet et solaire de l’ylang-ylang ainsi que du jasmin et il est vrai que c’est une réussite. En revanche, je trouve que le fond vétiver et cashmeran est un peu plat sur ma peau car je ne sens pas l’ambre gris ni le cypriol. En toute fin, j’avais noté la présence foisonnante des muscs blancs. « Une nouvelle coloration de la fleur charnelle se déploie d’emblée sous l’esprit libre de notes végétales, épicées, pulsé de gingembre, cardamome et poivre rose. De cette promenade vivifiante se déploie la tubéreuse, presque naturaliste, verte, sensuelle sans être trop capiteuse. Lactones, muguet, jasmin et extrait d’ylang-ylang lui procurent une aura aussi fraîche que solaire dans un registre aérien inédit. Cette atmosphère lumineuse se prolonge dans un bain de vétiver, de cypriol et de muscs, qui fait osciller, sans cesse le sillage de la chaleur à la fraîcheur. Pour saisir l’énergie en perpétuel mouvement d’une tubéreuse d’un nouveau genre ». Le résultat est joli, impeccablement pensé et réalisé mais, si je suis honnête jusqu’au bout, il m’a laissé un peu sur ma faim car j’ai trouvé que, s’il avait été un peu plus audacieux, il y aurait gagné. Ce n’est que mon avis.

 

 

« D’un grand thème classique hespéridé citron, orange douce et mandarine à la saveur aldéhydé surgissent de généreux dosages d’essence de néroli, absolu de fleur d’oranger. Le crissement d’une essence de menthe crépue associé à un bourgeon de cassis procure d’emblée, ce mordant surprenant. Au cœur de l’envolée, c’est bien un bouquet floral qui s’assemble – jasmin et fleur de violette – mais en une abstraction florale mystérieuse. L’élégance facetté par la colonne vertébrale chyprée fait miroiter un patchouli dense, mêlé de notes ambre gris et de mousse d’arbre. Le sillage ruisselle sur peau pour se fait tenace. L’expression d’une nature mystérieuse ». Là encore, le départ est foisonnant avec des agrumes très présents (Orange, citron, mandarine), des notes de cassis très fraîches, le vert du petit-grain, l’élégance discrète du néroli et de la menthe. Au coeur, le côté floral de la violette et du jasmin est vraiment super joli et, en fond, la construction chyprée précise une fin d’évolution particulièrement réussie avec, autour de l’ambre gris, le traditionnel duo mousse de chêne et patchouli adouci par les muscs blancs. Bon, vous l’aurez compris, « My Clementine » est l’un des parfums de la collection que je préfère. Il tombe pile dans mes goûts mais, là encore, il ne me surprend pas. Je le trouve très classique, intemporel et ancré dans la tradition de la parfumerie à la française. C’est un chypre hespéridé et floral très bien réalisé mas je n’ai pas toujours le goût de porter ce genre de parfum. Il fait bien le boulot comme on dit mais, vraiment, je le trouve très cher.

 

 

J’ai, c’est vrai, beaucoup aimé le second chypré de la collection. Il s’agit du très moderne « Crazy Garden » qui, à défaut d’être réellement un coup de coeur, est, à mon sens, le plus étonnant. Le départ est très vert, incisif, avec des notes de galbanum, de citron, de mandarine et de cassis ainsi que de romarin. Le coeur floral vert de muguet, de tubéreuse, de rose et de jasmin est vraiment très réjouissant et s’enrichit d’un fond complexe construit atour de l’ambre gris et du cashmeran enrichi du trio mousse de chêne, patchouli et vétiver associé à la vanille, au labdanum, aux muscs blancs et à la fève tonka. Le tout est très beau, il faut le reconnaitre. C’est un parfum facile à porter, super bien réussi mais, là encore, je le trouve très classique. Il n’y a pas le petit grain de folie que j’attendais de Dominique Ropion. « Crazy Garden est l’empreinte d’un regard neuf sur le floral vert. Ici fusent d’emblée les hespéridés, essence de citron et de mandarine couplées aux notes agrestes et au bourgeon de cassis en un effet vivace à la personnalité singulière, émancipée … Un cœur floral frais de jasmin, muguet et rose s’immisce, augmenté par une heureuse tubéreuse enveloppée de saveurs lactées. A la façon d’un tableau du Douanier Rousseau et du terrain fertile de son imaginaire, cette explosion florale laisse surgir un édénisme rêvé où essence de patchouli, absolu de mousse de chêne et labdanum se fondent sur un accord ambre gris-vanille ». En tout cas, il demeure mon préféré de la sélection et j’ai bien aimé le découvrir.

 

 

Globalement, j’ai trouvé la collection que j’avais pu découvrir en légère avant-première, jolie mais il lui manque quand même l’originalité que j’attendais. Dominique Ropion, pour ses premiers parfums « à son nom », soit un peu plus audacieux. Il est resté très sage… Je vous encourage à aller également les découvrir. C’est une jolie expérience olfactive « rassurante ». Un autre bémol toutefois, j'ai trouvé les flacons tarabiscotés et pas très chics, mais les goûts et les couleurs...

* Article actualisé

« Filippo Sorcinelli est un artiste émérite italien. À 13 ans, il devient organiste dans les cathédrales de Fano, Rimini, San Benedetto del Tronto, et ,plus tard, suit des études à l’institut pontifical de musique sacrée et s’implique dans de prestigieux festivals de musique en Italie. 
Il combine, en 2001, l’Art et la religion en créant un atelier haute couture du clergé et se trouve parmi ses clients les papes Benoît XVI et François. Il co-fonde en 2013 « UNUM », s’inspirant de l’architecture gothique, une collection de 5 parfums actuels, mélangeant des encens précieux, des roses mythiques, pour recréer l’atmosphère religieuse intemporelle du Vatican ». Aujourd'hui, Unum est devenue une collection de la marque éponyme de Filippo Sorcinelli qui en compte désormais 10. Autant dire que la maison a pris une ampleur très étonnante. En France, des extraits de chaque collection sont distribués à Paris chez Nose. J'avoue que je suis très loin d'avoir tout découvert, je ne crois même pas avoir senti la totalité de celle-ci. Il me faudra plusieurs séjour à Paris pour explorer chaque univers dans l'univers. J'ai donc décidé de republier mon article qui date de l'époque où Unum était une marque à part entière pour commencer peut-être une plongée dans les univers de Filippo Sorcinelli.

C’est grâce à la chaine YouTube Des Paons Danse Cent Heures Parfum que j’ai eu l’idée de découvrir la marque Unum et les créations du très atypique artiste et parfumeur italien Filippo Sorcinelli il y a quelques années. S’il a créé quelques parfums pour d’autres marques, il s’est surtout investi dans sa marque qui propose à ce jour cinq extraits de parfum dans un conditionnement important puisque les flacons ont une contenance de 100 ml. J’ai donc senti les cinq créations et j’ai même passé pas mal de temps à les essayer afin d’en faire une revue la plus précise possible en m’appuyant sur mes impressions. Je dois dire que, si je n’étais pas très convaincu au départ, j’ai trouvé que, finalement, au contact de la peau, chacun avait une évolution intéressante et qu’ils méritent qu’on s’y arrête.

Le premier est un boisé qui a pour nom « Lavs » lancé en 2014. Il a été baptisé ainsi car l’atelier de création d’habits liturgiques de Filippo Sorcinelli s’appelle Laboratoire Atelier Vêtement Sacré. La marque précise qu’il est « l’hommage ultime du sanctuaire de son créateur, où tout est fait main avec la plus grande précaution ». La pyramide olfactive est assez classique puisqu’on retrouve du jasmin, du poivre noir et de la cardamome en tête puis de la coriandre, du clou de girofle, du labdanum et une note d’elemi en coeur et le parfum s’appuie sur un fond d’ambre, de cèdre, de cuir, de résine oliban, de mousse de chêne, d’opoponax et de tonka. L’ensemble est vraiment très singulier et c’est vrai que le côté encens de l’oliban prend vite le dessus et me rappelle un peu l’odeur des églises plutôt un soir d’été. Il n’a jamais le côté métallique que j’ai du mal à supporter et qui est souvent présent dans les parfums où l’encens est prégnant. La dimension mystique du parfum est assez révélatrice de l’univers gothique de Filippo Sorcinelli. Pour ma part, je l’ai trouvé relativement facile à porter et, même si ce n’est pas un parfum pour moi, je reconnais que c’est une très belle option pour les amateurs d’encens.

 

 

 

La marque décrit « Opus 1144 » créé en 2015, de la façon suivante : « Le choeur et la façade de la basilique Saint-Denis sont la genèse architecturale de l’esthétisme gothique. Les nefs sont plus hautes et les vitraux sont deux fois plus grands, laissant ainsi la lumière irradier tout son intérieur. Opus 1144 est à l’image de cette basilique mythique : spirituel, serein et lumineux. » Plus oriental que le précédent, il est, je trouve très résineux et baumé. La pyramide olfactive est la suivante : en tête, des notes de bergamote, d’elemi, de jasmin et de mandarine qui est très présente, en coeur du bois de cachemire profond, un iris très poudré presque poussiéreux et une note d’orchidée opulente. Le fond mêle ambre gris, benjoin, cuir blond, musc blanc, bois de santal et vanille. Pour moi, « Opus 1144 » est résolument oriental vanillé mais son côté baume de benjoin lui donne une facette presque huileuse. C’est sans doute le parfum le plus classique de la collection mais j’aime beaucoup le côté ambré poudré qui me rappelle en beaucoup plus moderne, des créations de parfumerie italienne que je connais bien tout du moins dans l’esprit.

 

 

 

« La Madone, sans connaitre la corruption du corps, entre dans la gloire du Ciel. Sa dématérialisation fascine. Filippo Sorcinelli a voulu retranscrire ce miracle dans son parfum et le choix de ce verre transparent fut évident : il est à la fois pur et dématérialisé. » Telle est la description que la marque donne de « Rosa Nigra » (2015). Floral, fruité, c’est une rose poudrée et ambrée très classique. La pyramide olfactive est très facilement reconnaissable. On retrouve, en tête, de la pêche et des notes vertes très herbe coupée, en coeur, des notes de frésia, d’iris, de rose et de violette qui confère au parfum une facette poudrée qui perdure sur les notes de fond avec des muscs blancs mêlés à l’ambre, au bois de cachemire et de santal et à une vanille opulente. Personnellement, je n’ai pas tellement apprécié cette rose ambrée car la note de pêche m’a un peu entêté mais il ne faut pas se fier à mon goût pour ce genre de parfum car j’ai toujours un peu de mal à les apprécier. Je reconnais que la construction olfactive est plutôt intéressante mais elle c en’est vraiment pas un parfum pour moi.

 

 

 

Décrit par la marque de la manière suivante : « En 1921, Marcel Duprez compose son oeuvre sur son orgue en live, en 4 mouvements. Une magnifique performance à l'époque qui ne dura malheureusement qu'un instant. Il fallut 3 ans à Marcel Duprez pour pouvoir fixer éternellement ce souvenir sur papier. Filippo Sorcinelli est un artiste, et sa première façon d'exprimer sa créativité fut sur un orgue. Par amour de cet instrument et grâce à sa passion, il a retranscrit dans ce parfum le coté métallique de la tuyauterie, l'atmosphère d'une église, et le vent qui passe dans ces tubes pour en façonner les notes. », « Symphonie Passion » (2016), est sans aucun doute la création de cette maison que j’ai préféré. Je vous livre la pyramide : en tête, des notes de citron acidulé, de pivoine opulente, et de poivre qui commence déjà à nous mettre dans l’atmosphère du parfum. En coeur toujours un bois de cachemire discret et un vétiver très présent et vraiment élégant. Le parfum est soutenu par un fond cuiré et boisée avec des notes de santal très lacté et de cèdre plus sec, le tout poudré par des notes musquées. Dès les notes de tête, j’ai apprécié ce parfum et je me suis dit que je pourrais le porter. Il a un côté très « parfum de soirée », très original, audacieux, et surtout il ne ressemble à rien d’autre. Il est, à mon sens, le plus aboutit de cette courte collection, en tout cas, il est celui que j’ai envie de réessayer dès que j’en aurai l’occasion. Je suis assez emballé.

 

 

 

« Ennui Noir » (2016) est le chypré de la collection. « L'ennui est nécessaire, car il n'y a que dans ces moments là que nous pouvons découvrir qui nous sommes réellement. Nous poser les bonnes questions afin de donner de la lumière sur nos plus grands points d'ombre. Dans l'ennui, nous sommes contraints à nous regarder en face, dans ce miroir que l'on évitait, et enfin jaillit en nous cette nouvelle vision, ce nouveau moi, cette nouvelle vie. », tell est la description qu’en donne la marque. J’avoue que, si j’ai été un peu dérouté par son nom, je suis passé outre et je l’ai essayé avec plaisir. C’est un beau chypre musqué faussement dans la plus pure tradition des parfums du début du XXème siècle mais à l’italienne. Je dois dire que son évolution est tout à fait surprenante. La pyramide est la suivante : en tête, bergamote, figue, lavande myrte, en coeur, bois de cèdre et héliotrope (tiens tiens…) et en fond, musc, vétiver, vanille et patchouli. Attention à « Ennui Noir », il pourrait, si on le sent superficiellement, paraitre un peu convenu mais il n’en n’est rien. Il faut l’essayer sur la peau. Il devient ultra chic et même ses accents sont très modernes. Je pensequ’il peut plaire aux amateurs de parfums singuliers.

 

 

 

« Io non ho mani che mi accarezzino il volto »… Ouf, j’ai réussi à l’écrire ! Voilà donc le dernier parfum de ma sélection. C’est un chypré très moderne, très unisexe qui se présente dans un flacon métallique surmonté d’un capot orné d’une cape style cuir très originale. C’est avec une certaine liberté que j’avais, à l'époque, pu redécouvrir toute la collection à «L’éclaireur du Marais qui, hélas n'existe plus et à la parfumerie Nose à Paris. Ce parfum m’a pas mal séduit. Les notes de tête d’absinthe et de clou de girofle sont tout à fait étonnantes et le coeur de rose vient l’arrondir très vite. Le fond d’encens, de cuir et de patchouli entourent des notes de tabac et surtout d’ambre gris. Ce n’est pas un parfum rond. Je le décrirai presque comme froid, voire métallique malgré cette rose « à l’ancienne » qui lui donne toute son âme. J’ai adoré ce parfum. Je pense que, si je me décidais pour une référence de cette marque, ce pourrait bien être celle-ci. La marque le décrit de la manière suivante : « Pour cette sixième fragrance Unum, le parfumeur Filippo Sorcinelli rend hommage au photographe Mario Giacomelli. Le nom de la fragrance tire son nom d'un poème italien, " Io non ho mani che mi accarezzino il volto " (je n'ai pas de mains qui me caressent le visage) qui fait écho au voeu de solitude de jeunes séminaristes que Giacomelli a photographiés ». Quant à moi, il m’a beaucoup plu. « io_non_ho_mani_che_mi_accarezzino_il_volto » est un parfum qui me semble vraiment très réussi. Je parlais de chypré mais peut-être que le terme néo-chypré serait plus approprié. Il s’ouvre sur des notes d’absinthe et de clou de girofle puis nous sommes conduits sur un coeur de rose qui se pose sur un fond d’ambre gris, de notes de cuir et d’encens soutenus par un patchouli très présent et associé au tabac. Ce parfum, ultra complexe, très étonnant, Filippo Sorcinelli l’a conçu d’une manière très poétique. Il est résolument moderne de par sa construction mais je trouve que le résultat évoque bien les premiers chypres cuir comme « Bandit » créé en 1944 par Germaine Cellier pour Robert Piguet que je cite tout le temps. Il est plus rond, moins vert mais l’esprit est là. C’est une création subversive, étonnante, segmentante. Je n’ai pas vraiment accroché avec la marque mais ce parfum-ci m’a énormément marqué. Je ne l’ai pas senti depuis un moment et pourtant j’en ai un souvenir très précis.

 

Je ne connais la marque en entier et je n'ai même pas du sentir toute la collection donc, pour vous faire cette revue, je n’ai pu me baser que sur mes impressions en sentant les parfums, en les essayant, et sur ce que j’avais pu lire, ça et là sur internet à propos du créateur au look si atypique et presque gothique. Je ne suis pas tellement réceptif au côté spirituel voire même mystique de la marque. En revanche, je reconnais que les créations sont toutes assez belles, complexes, avec de très intéressantes évolutions. Je ne suis pas certain que cette marque me convienne mais je comprends tout à fait que ces jus très travaillés puissent plaire et je pense même qu’ils peuvent être vraiment magnifiques sur quelqu’un qui les porte avec conviction. Je pense que, lors de prochains séjour à Paris, petit à petit, je découvrirai un pannel de l'oeuvre de Filippo Sorcinelli et que, pas à pas, je vous le décrirai.

 

La maison de Karen Blixen à Nairobi

 

« Out of Africa », « Sur la route de Nairobi »… Je ne suis jamais allé au Kenya mais, je dois bien l’admettre, j’ai toujours trouvé l’idée beaucoup plus romanesque que ce que doit être ce pays aujourd’hui. J’ai déjà souvent évoqué Karen Blixen qui est une auteure que j’aime particulièrement et son livre « La Ferme Africaine ». Je me devais d’inscrire Nairobi dans mes carnets de voyage même si celui-ci est complètement imaginaire. J’ai toujours en tête les livres, les films, la beauté des paysages, de la maison de la baronne Blixen, les histoires très flamboyantes qui se déroulent dans un pays mystérieux, où tout parait immense et où la main de l’homme n’a modifié la savane que par endroits. Alors les parfums qui m’évoquent les plaines africaines se comptent sur les doigts d’une main. J’aurais pu choisir « L’Eau de Blixen » créé par Anaïs Biguine bien sûr ou encore « Savannah’s Heart », imaginé par Luca Maffei pour Olibere mais, finalement, j’ai eu envie de remettre au centre de mon propos un iconique, composé pour la collection Cuirs Nomades de Memo par Aliénor Massenet. J’ai donc opté pour « African Leather » sorti en 2015. Je l’ai porté, je ne le pourrais plus le porter maintenant mais je le considère vraiment comme une très impressionnante création.

 

 

« Inspiré du continent africain, ce parfum dévoile des notes épicées chaudes de cardamome et de safran sur une touche florale de géranium, qui se mêlent à un accord cuir pour donner vie à un cuir sauvage d’exception ». Ce qui m’a frappé durant la période où je l’ai porté, c’est tout d’abord sa tenue et son sillage qui sont absolument exceptionnels sur ma peau ce qui est suffisamment rare pour être mentionné. J’ai eu, avec ce parfum, une autre surprise. En effet, je l’ai porté indifféremment été comme hiver et il est rare que je puisse faire ça. Il est « costaud » et envahissant mais il peut garder un côté frais. Je le trouve, pour le coup, vraiment très unisexe. Il est aussi beau sur les femmes que sur les hommes et c’est un aimant à compliments. Rarement, je n’ai eu autant de réflexions positives sur un parfum. Côté pyramide olfactive, la formule semble assez courte et épurée. Puisque la marque communique sur les notes, j’ai pu comparer avec mes impressions. Le parfum s’ouvre sur une très belle essence de bergamote parée d’épices comme le safran et la cardamome puis vient un coeur de patchouli très net et qui garde une certaine transparence. Le fond du parfum est basé sur un accord oud avec des notes de vétiver et de musc. Je trouve qu’il y a quelque chose de tout à fait addictif à le porter mais aussi parfois répulsif. J’en ai utilisé 75 ml puis je n’ai pas racheté de flacon. M’en suis-je lassé ? Y reviendrais-je ? Je ne sais pas. La seule chose que je peux dire c’est qu’il est sans doute le plus difficile d’abord des parfums devenus iconiques que je puisse connaitre. J’aime beaucoup l’idée qu’une création vraiment originale, qui n’avait pas vocation de rencontrer un public relativement large ait réussi. Aliénor Massenet a vraiment beaucoup de talent et elle le prouve une fois de plus.

« On dit que nous allons vers une civilisation de l’audiovisuelle. Plus vraisemblablement nous irons vers une civilisation sensorielle dans laquelle le parfum devrait pouvoir trouver une large place. (…) Parviendra-t-on un jour, comme on l’a réussi pour l’image, à transmettre les messages olfactifs à travers l’espace ? ». Edmond Roudniska était, non seulement l’un des meilleurs parfumeurs du XXème siècle, mais, par ses écrits, il a aussi été le premier à parler du parfum comme d’une expression artistique. Dans « Une vie au service du parfum », publié en 1991, il met aussi le doigt sur les avancées technologiques qui apportent de plus en plus d’outils au parfumeur. Dans cette citation, on peut se rendre compte que théoriser à la fois la dimension artistique et technique de la création est une manière comme une autre d’exprimer la difficulté d’inventer des compositions qui seront certes éphémères après la vaporisation mais qui peuvent tout de même marquer les esprits et constituer une bibliothèque olfactive propre à chacun. Si Marc-Antoine Corticchiato dit qu’il faut toujours sentir, pas seulement du parfum, mais les odeurs qui nous entourent, d’autres en on fait des livres. J’avais envie d’une petite bibliographie, très courte, d’ouvrages techniques, philosophiques ou encore historiques écrits par des parfumeurs… ou pas. En tout cas, j’ai pas mal lu et j’ai trouvé que partager était une bonne idée.

Outre Edmond Roudnitska dont les oeuvres sont absolument passionnantes, particulièrement son Que Sais-Je ? « Le Parfum », je citerai Jean-Claude Ellena car j’aime non seulement le lire mais aussi l’écouter. On ne présente plus le parfumeur qui a inventé tant de merveille mais j’ai dévoré ses livres et notamment « Journal d’un parfumeur » paru en 2011 que je trouve à la fois passionnant et super bien écrit, ce qui le rend facile à comprendre et à manipuler. J’ai relevé une citation que je trouve particulièrement juste : « Je crois ... que la meilleure situation pour développer sa créativité est de travailler seul et sans évaluation, ce qui ne veut pas dire sans échange. La majorité des idées sont la conséquence d'un travail assidu et quotidien, parfois le résultat de rencontres, de promenades, de flâneries, de lectures, de moments de disponibilité d'esprit. Mon carnet de Moleskine, servant à recueillir idées, mots ou débuts de formule, me quitte rarement ». Cela donne envie d’aller plus loin je trouve. Jean-Claude Ellena est prolifique autant comme auteur que comme « écrivain d’odeurs » tel qu’il définit son métier. C’est un homme passionnant qui retranscrit cela dans ses livres. Il est, pour moi, celui qui, philosophiquement, décrit le mieux son art. Tous les livres que j’ai lu parmi ceux qu’il a écrit sont passionnants.

« Il y a toujours un parfum ou des odeurs associées à un événement, un lieu ou une rencontre, comme un aide-mémoire infaillible et fidèle, une formule pas forcément reconnue mais toujours disponible, en cas de besoin ». Dans son livre, « Aphorismes d’un parfumeur », Dominique Ropion évoque aussi de très belle manière, son métier tant du point de vue presque philosophique ou tout du moins artistique que technique. Il est l’un des créateurs préférés des passionnés et pour cause, il a inventé des chefs-d’oeuvres. Je trouve que, dans son livre, tout comme Jean-Claude Ellena, il n’intellectualise pas pour rien et il n’est jamais grandiloquent. Je l’imagine donc avec une personnalité toute en finesse et en humour. « Aphorismes d’un parfumeur » se lit avec une déconcertante facilité. C’est un livre plaisir mais aussi un outil pédagogique qui m’a appris des choses et je me suis passionné pour cet ouvrage que j’ai acheté il y a déjà longtemps. Je m’y réfère parfois quand je cherche un éclaircissement sur un sujet que je veux traiter sur mon blog.

Sociologue de formation, Nicolas de Barry est un passionné d’histoire. Il a créé avec Eddy Blanchet de merveilleux parfums historiques d’abord pour Maître Parfumeur et Gantier puis pour sa marque éponyme. Il a aussi pas mal écrit, peut-être plus comme un historien, sur les parfums qui ont marqué leur génération et les suivantes. J’aime beaucoup son livre « 101 parfums à découvrir » que j’ai offert très tôt. « …un bon parfum est un parfum équilibré, beau au débouché avec de belles notes de tête (les plus volatiles), un élégant accord de notes de cœur (moins volatiles, qui vont vraiment caractériser le parfum), sans oublier l’accord des notes de fond (l’équivalent des contrebasses et timbales dans l’orchestre symphonique…). Nous proposons d’ailleurs pour chaque parfum, en fin d’article, la pyramide olfactive qui résume ces différents niveaux. Il s’agit d’un bréviaire à lire avec précaution. La plupart des parfums commerciaux sont constitués en majorité de produits synthétiques, donc pas de vraie rose, mais de copie de l’odeur de rose. On a inventé des milliers de molécules, mais il faut encore pour nous plaire reconstituer une pomme verte, un cuir bien ciré ou un muguet ! Mais il se peut que les notes fraîches que vous sentirez d’emblée cachent des notes de cœur ou de fond qui vous déplairont plus tard. D’où ma recommandation de prudence ». Je trouve ce petit dictionnaire des incontournables très bien écrit et documenté. En tout cas, c’est un plaisir à découvrir.

Parler de celles et ceux qui écrivent sur le parfum avec talent sans citer Élisabeth de Feydeau me semble impossible. Elle est historienne mais son écriture est tout sauf didactique ou poussiéreuse. On sent, dans ses mots, les étincelles qui pétillent dans ses yeux de « petite fée clochette » passionnante et dynamique qui nous emmène avec elle dans des univers olfactifs passés ou rêvés qu’il convient de lire comme on vaporise son parfum préféré. Son anthologie des parfums est, pour moi, l’une des plus importantes références en matière d’écriture. C’est un peu une mine d’information dans laquelle elle se fait à la fois historienne et interprète des parfums dont elle parle. J’ai repris une citation qui, à elle seule, me donne envie : « Et si toutes ces explorations odorantes que nous enfermerons dans des flacons étaient les préfaces de mondes encore non écrits… ». Non seulement, Élisabeth de Feydeau est pertinente mais son écriture est riche, foisonnante, plaisante à parcourir et pourtant, on s’arrête toujours dessus. Pour moi, c’est un talent de conteuse inestimable qu’elle révèle dans ses écrits. Vraiment, je suis très content de parler de ses ouvrages dans mon article car ils sont passionnants.

Voilà quelques idées de lecture. J’ai fait l’impasse sur les livres plus ou moins récents publiés par des soi-disants « critiques de parfums » car ceux que j’ai eu entre les mains ne correspondent pas à ce que j’ai envie de lire. Je trouve qu’on peut donner son ressenti mais s’ériger d’une manière dogmatique en donneurs de vérités est absurde tant notre goût du parfum est subjectif. On pourrait arguer qu’il y a un label de qualité à donner ou non mais est-ce vraiment l’important ? Pour moi, passionné et amateur, seul compte l’émotion qu’une création va me donner. Je vais reconnaitre la qualité des matières ou l’inventivité du parfumeur mais, souvent, cela ne me suffit pas, il faut que je ressente les choses. Je vous livre ce que je ressens en sentant (tiens c’est peut-être un peu redondant) et cela n’engage que moi. Je ne détiens aucune vérité et mes connaissances sont limitées par manque de formation mais aussi par joie de partager des impressions personnelles et d’échanger avec vous. En tout cas, ces livres m’ont passionné et j’espère qu’il en sera de même pour vous.

 

Je ne suis pas spécialement attiré par la collection L’Art et La Matière de Guerlain au premier abord et il m’a fallu toute la redécouvrir pour en tirer un top 3 que vous m’avez très souvent demandé. J’ai donc pris mon temps, plusieurs, jours en fait, pour m’y remettre. Si elle est composée de beaucoup de créations qui ne me parlent pas, j’ai quand même quelques coups de coeur. J’en ai donc choisi trois pour vous mais j’aurais aussi pu adjoindre, contre toute attente, « Cherry Oud » et la nouveauté de cette année « Pêche Mirage » mais il me fallait garder le postulat de départ et ne conserver que trois parfums. Je crois que ça va plaire aux « guerlinophiles » et peut-être aux autres...

Mon premier coup de coeur de la collection est indéniablement « Angélique Noire » créée par Daniela Roche Andrier en 2005. Sur son site, la marque présente ce parfum ainsi : « Sensuelle et contrastée, cette interprétation rend à l’angélique ses lettres de noblesse. Elle associe la facette verte croquante de l’angélique à la douceur enveloppante de la vanille. ». Je trouve cette variation autour de la note verte de l’angélique très intéressante. Elle est présente à la fois en tête, associée à des notes de poire et de poivre rose, un coeur de jasmin et de carvi et un fond de vanille et de cèdre. J’ai beaucoup de mal à classer « Angélique Noire » dans une famille olfactive tant ce parfum est singulier. Il m’évoque l’angélique confite de mon enfance avec cette vanille omniprésente. J’avoue qu’il est, de loin, mon préféré de la collection car je trouve les autres un peu ordinaires (surtout lorsque j’ai découvert leur prix) mais celui-ci est vraiment singulier et doté d’une belle personnalité. Pour écrire cet article, je suis allé au stand du printemps pour le redécouvrir et demander à la vendeuse de me le faire essayer car en ce moment tous les testeurs sons sous clef. En fait, j’ai bien aimé la dualité entre le côté oriental de la vanille et herbacé de l’angélique. C’est un beau parfum.

 

 

« Néroli ou la blancheur fusante et Outrenoir, son opposé. Tel un éclat dans l'obscurité, l'essence de néroli, éclairée par la bergamote et le petit grain, affronte des notes plus ténébreuses et énigmatiques de thé fumé. De cette collision des matières naît un clair-obscur magnétique qui nous plonge dans une fascinante perte de repère. Un néroli lumineux plongé dans la profonde obscurité d’un thé fumé. Si c'était un tableau, un monochrome au noir de Pierre Soulages. Néroli Outrenoir propose une nouvelle blancheur au noir, à la manière d'une œuvre de Pierre Soulages. Les Parfumeurs Guerlain se sont inspirés des chefs d’œuvre de ce peintre qui a su donner des reflets insoupçonnés au noir ». J’ai vraiment adoré ce parfum créé par Delphine Jelk et Thierry Wasser en 2016. Je trouve l’idée de conjuguer le côté vert et floral du néroli avec le thé fumé très original. En effet, les notes fumée d’un lapsang souchong très sombre, parsemé d’épices se marie avec le côté ultra lumineux de cette fleur de bigaradier. Le résultat est un parfum doux-amer, presque gourmand sur la peau mais toujours chic comme la nuit. Je trouve la réalisation parfaite mais, il faut le dire, je ne suis pas prêt dans l’immédiat à franchir le pas car c’est une eau de parfum très onéreuse et il faudrait vraiment que je sois certain de mon choix. Je le réessayerai prochainement pour évaluer s’il me plaira toujours autant.

 

 

Je ne pensais pas avoir de coup de coeur réel avant la sortie de « Patchouli Paris » créé par Delphine Jelk en 2024 et dont je n’attendais absolument rien. « Patchouli Paris dévoile une facette de la capitale française encore jamais explorée par la Maison : le magnétisme des nuits parisiennes. Désinhibé, le patchouli fait son show. Un contraste éblouissant entre la fraîcheur immédiate qui rappelle celle des bords de Seine et la chaleur enivrante d’une note boisée du patchouli, évoquant l’effervescence de l’air de fête parisienne et les boiseries des grands théâtres ». C’est une explosion ! Comme toujours, la marque ne communique pas vraiment sur la pyramide olfactive mais j’ai pu glaner quelques informations et surtout je me suis fié à mon nez. J’ai senti un peu d’iris, des notes boisées et des traces délicates de vanille. J’aime beaucoup le parfum déjà à l’envolée. Il est juste bluffant avec une élégance un peu subversive puis il se fait rond, enveloppant comme un foulard et enfin, lorsqu’il a évolué sur ma peau, je sens des notes poudrées presque comme de la fève de cacao. J’ai un vrai coup de coeur pour « Patchouli Paris ». Je trouve qu’il complète complètement l’offre. Pour moi, il est très élégant et surtout il reste moderne. Côté tenue, je n’ai eu aucun problème. Je l’ai senti sur ma peau durant toute la journée et le sillage est vraiment modéré ce qui n’est pas pour me déplaire. C’est un parfum de peau, sur la peau, dans la peau. Vraiment, pour moi, c’est carton plein comme quoi, il ne faut jamais dire jamais.

 

 

Voilà, vous savez tout ou presque… Envoyez-moi vos retours. Je serai curieux de connaitre vos préférences.

 

 

Après le Japon et l’Europe Centrale, je vous emmène de l’autre côté de l’Atlantique, sur les bords de l’Hudson, dans « La Grosse Pomme », c’est à dire New York. Derrière les clichés, les buildings, Central Park, la 5ème Avenue, la Statue de la Liberté et j’en passe, s’érige une mégalopole composite, faite de quartiers qui semblent des villes à part entière. J’ai adoré New York pour plusieurs raisons. La première est qu’elle est unique au monde et pas du tout représentative de ce que j’ai perçu du reste des États Unis, la seconde est que c’est une cité des arts absolument gigantesque où peinture, sculpture, musique et même cinéma se croisent et s’entre-croisent. Enfin parce que j’étais jeune et peut-être facile à émerveiller. Mais j’en reviens à mon sujet. Dans mes carnets de voyages, réels ou imaginaires, j’associe une ville du monde à un parfum. New York se doit de m’évoquer une création à la fois très contemporaine, sophistiquée et, quand même un peu avant-gardiste. J’ai eu plusieurs idées mais j’ai quand même choisi déjà une marque « locale », j’ai nommé DS & Durga qui, c’est vrai, ne remporte pas, chez nous le même succès que de l’autre côté de l’océan même si, je l’avoue, quand je l’avais découverte, elle m’avait assez impressionné.

 

Le parfum que j’ai choisi est « Burning Barbershop », présenté, comme son nom l’indique, par la marque comme un masculin mais, vous le savez, en parfumerie, aucune règle de genre n’est vraiment valable si ce n’est pour l’utilisateur. Créé par David Seth Moltz en 2010, il est vraiment, pour moi, l’incarnation olfactive de ce que pourrait être l’effluve d’un salon de barbier très branché de New York ou d’une autre métropole. Il est sans doute le plus urbain des aromatiques que j’ai pu découvrir. La marque le décrit ainsi : « Un incendie a explosé dans le salon de coiffure Curling Bros à Westlake, N.Y., en 1891. Toutes les lotions toniques pour les barbes et les crèmes à raser avec leur menthe verte, citron vert, vanille et lavande ont brûlés. Une bouteille carbonisée a été trouvée à moitié pleine. Ça sentait comme ça ». Je n’ai pas pas vraiment ressenti cela mais c’est vrai qu’après un départ de citron et de menthe, un coeur de lavande et de rose, le fond a un côté fumé, presque brulé adouci par des notes de vanille et de foin coupé et renforcé par un accord cuir. Il est des parfums que j’ai pu sentir voire essayer que j’ai trouvé vraiment dingues, « Burning Barbershop » est de ceux-là. Je pense qu’on peut dire que c’est l’un des coups de coeur que j’ai pu avoir dans la marque et pourtant je ne suis pas un amateur d’aromatiques en général. Pour moi, il évoque une promenade dans Manhattan et me rappelle presque certains commerces iconoclastes que j’ai pu apercevoir. C’est un parfum « barber shop » très différents de ceux très géranium, mentholés, que l’on connait en Europe. Il est résolument moderne, clivant et fascinant… Comme New York !

 

Avec l’année 2025, je vais fêter les 5 ans de mon blog. Je n’en reviens pas ! Quand j’ai commencé à écrire, bien maladroitement je trouve, pendant le premier confinement, c’était surtout pour conjurer l’angoisse que me provoquait la privation de liberté d’aller et venir comme je voulais et je n’imaginais pas que vous seriez, un jour, si nombreux à lire mes bien modestes articles. Je vous en remercie. J’avais commencé par évoquer la rose et mon côté attirance-répulsion pour la reine des fleurs travaillées en majeur puis, et je l’en remercie, j’avais réalisé une première interview avec Céline Ellena Nezen à qui nous devons tant de beaux parfums. Elle m’a toujours soutenu depuis et a répondu présente à chaque fois que je l’ai sollicitée. « Sel de Vétiver », « Bana Banana », « De Bachmakov », « Figuier Noir » ou encore « Sublime Balkiss » et j’en passe, je ne compte plus les parfums qu’elle a créé et que j’ai porté. Il en est un que j’ai plus rarement évoqué et, franchement, je le regrette car je le trouve absolument magnifique et je pense que, pour l’instant, il n’a pas été discontinué par The Different Company. Il s’agit de « Pure eVe », lancé en 2011, qui est considéré comme un grand féminin (d’où son nom) et que, pourtant, j’ai porté dans le passé avec délice et c’est le cas de le dire. Après une discrète envolée d’aldéhydes vient un coeur de graine de lin, de mimosa et de rose qui se pose sur un fond d’amande, de musc, de cèdre enveloppé d’un accord calisson. Il s’agit-là de quelque chose de confortable, de cocon mais également de tout à fait régressif. Quand j’ai essayé ce parfum pour la première fois, il m’a séduit et je l’aime toujours aujourd’hui même si je le porte moins, c’est vrai.

 

Céline Ellena

« Je suis sans artifices, un parfum élégant et confortable. Je vous enveloppe de mon sillage de velours, une caresse délicieuse, tel un vêtement de coton blanc, intemporel et raffiné.  Je suis un parfum de peau. Mon parfumeur a utilisé une des plus belle qualité de Musc pour recréer cette sensation de la soie glissant sur les courbes de votre corps. Soutenu par le Bois de Cèdre, mon sillage se fait alors plus rond et floral avec la Fleur de Lin, et enfin se délecte de douceur avec le gourmand Calisson.  Je suis un contraste olfactif, vertueux et transgressif. Mes notes pures d’Aldéhydes et Rose Blanche cachent gourmandise et intensité. Je suis un luxe purement sensuel, je suis Pure eVe, Just Pure », tels sont les mots de la marque pour décrire « Pure eVe » et je trouve que, pour une fois, je n’ai pas grand-chose à rajouter. Voilà une création tendre, douce et profonde qui m’a donné envie de le sentir dans mes écharpes. Avec l’hiver, je me suis remis à le sentir, voire même à le porter un peu tout en l’économisant pour l’instant car je ne possède qu’un tout petit conditionnement. Voilà une création qui n’a de cesse de me réjouir. Malgré son nom, je crois que je le rachèterai tant je l’aime. Avec le retour des parfums amandés, il retrouvera peut-être le succès qui lui est du. En tout cas, je l’espère vraiment car « Pure eVe » est vraiment un bijou de ce que devrait être tout le temps la parfumerie de niche.

 

 

Cette année, la maison britannique Jo Malone London ne sortira pas une collection de rose puisée dans les fragrances déjà existantes. En effet, sous l’impulsion de Céline Roux qui assure, depuis quelques années, la direction artistique de la marque, la parfumeure Marie Salamagne a créé une Cologne Intense en 50 ml contenue dans un flacon fushia et lumineux qui sort en série limitée. Son nom évocateur « Taïf Rose ». « Au pied des montagnes de Taif, le soleil d'Orient réchauffe la rose exceptionnelle de la ville. Cette fleur admirée, s'épanouit au milieu d'un paysage désertique, cueillie uniquement à son apogée. Un parfum sensuel, irrésistible avec le café et l'ambre, évoque cette fleur radieuse et emblématique. Précieuse et majestueuse ». Cette rose turque, variante de celle de Damas est réputée pour ses effluves envoûtants et imposants. La créatrice a donc voulu lui donner ses lettres de noblesse dans un une composition à la fois limpide, épicée, chaude et opulente.

 

Marie Salamagne

À la vaporisation, j’ai été frappé par l’opulence de l’infusion de rose qui s’impose dès les notes de tête et se renforce avec cette rose de Taïf addictive, puissante et particulièrement prenante. Le fond de café, torréfié, presque grillé, s’harmonise à un accord ambré sensuel, voire même presque séducteur. Il en résulte un parfum très profond, d’une intensité rare chez Jo Malone et avec ce côté faussement solinote dont nous n’avons pas vraiment l’habitude. J’ai testé « Taïf Rose » et la création n’est résolument pas pour moi. Le côté hyper dense et rond, enveloppant s’avère très chaud et je n’arrive pas trop à porter ce genre de parfum ce qui ne m’empêche pas de le trouver réussi. Alors « Taïf Rose » sera-t-il intégré à la collection permanente comme « English Pear & Sweet Pea » ou demeurera-t-il une série limitée éphémère. Je pense que cela dépendra de son succès et de son public s’il s’y reconnait. Pour ma part, je trouve que c’est un parfum abouti, élégant, oriental et qu’il fait la part belles aux matières premières qualitatives et à l’inventivité.

Quand est sortie la collection Les Éternels de Balmain, j’avoue que j’étais circonspect. Je dois dire que je ne me suis pas précipité pour aller les découvrir et, pour être honnête jusqu’au bout, je ne les ai découverts que parce que j’ai eu le kit d’échantillons entre les mains. Depuis, j’ai fait des recherches et j’ai découvert que les créations ont étés réalisées, sous la direction artistique d’Olivier Rousteing, par Maurice Roucel, Shyamala Maisondieu, Quentin Bisch, Dominique Ropion et Calice Becker. Certains parfums portent le nom de références disparues de la maison et d’autres se veulent des créations à part entière. Pour moi, il est un peu difficile de s’y retrouver mais j’ai essayé sur les huit fragrances, d’en choisir quatre que je trouve significatives du style de la collection. Je remercie chaleureusement Jeremy de m’avoir prêté le kit de doses d’essai et permis d’écrire mon article.

J’ai commencé, bien évidemment par « Vent Vert » car j’étais un grand fan de la première version créée par Germaine Cellier et qui a bercé mon enfance. Sa fraîcheur incisive manque un peu sur le marché et j’attendais beaucoup de la re-création de ce parfum par Shyamala Maisondieu et Calice Becker. La marque décrit ainsi la démarche artistique : « Vent Vert a un lien direct avec la nature. Dans son flacon vert émeraude translucide, ce parfum exaltant insuffle une nouvelle vie au vert classique pionnier créé par Pierre Balmain en 1947. Réinventé pour une nouvelle ère, le parfum vert emblématique incarne le respect de la nature dans un voyage intemporel à travers le passé, le présent et le futur. Une association de vert de mandarine aérien et de jasmin sensuel en pleine floraison ». L’envolée de mandarine verte renforcée d’un peu d’essence de galbanum m’a laissé sur ma faim et je l’ai laissé évoluer vers des notes de figue et de jasmin puis un fond de muscs blancs. Mon avis est un peu mitigé. En effet, je l’ai trouvé un peu « déjà senti » même si assez joli. Par contre, si je voulais retrouver l’esprit « Vent Vert », force m’est de constater que je commençais ma découverte par une déception. Cette réalisation tient plus de « Ninfeo Mio » de Goutal que du travail de Germaine Cellier réalisé en 1947. Je suis donc un peu frustré par ce que j’ai ressenti comme un manque d’inventivité même si, je le dis, le parfum est agréable et facile à porter.

 

 

 

« Rouge s’inspire du lien profond qu’entretiennent Pierre Balmain et Olivier Rousteing avec l’attrait de la célébrité et du succès. Dans son flacon rouge passion, le parfum rayonne d’un amour addictif, qui rappelle l’heure magique de Los Angeles, où le ciel n’est même pas la limite. Un bouquet floral fruité électrisant flirtant avec des boisés rayonnants ». C’est le best-seller de la collection et, pour une fois, je dirai vraiment que c’est mon coup de coeur. Il s’agit évidemment de « Rouge » composé par Quentin Bisch. C’est un floral enveloppant et chaleureux, puissant et peut-être un peu « grosse machine » mais vraiment, il m’a plu. Je l’ai posé sur peau et il matche très bien avec ma carnation de blond. Le départ de lys et de magnolia nos emmène sur des notes abricotées d’osmanthus et florales solaire d’ylang-ylang puis le fond, légèrement boisé se fait très élégant et suffisamment discret pour garder ce bouquet floral, légèrement fruité, sur la peau. Vraiment, je comprends le succès de « Rouge ». Il est très réussi, peut-être pas aussi surprenant que ce à quoi je m’attendais mais, vraiment, il fonctionne super bien sur ma peau. Je l’aime bien. Je pourrais tout à fait le porter. C’est un floral qui pourrait apporter un peu de soleil en hiver.

 

 

Je ne connaissais pas « Ébène » original et je me suis laissé porter par la création de Maurice Roucel qui en reprend le thème. « Ébène est la reprise du parfum d'inspiration africaine de Pierre Balmain de 1983, envisagé à travers le prisme de la découverte par Olivier Rousteing de ses origines. Dans son flacon marron foncé très brillant rappelant l'ébène, ce parfum intemporel inaugure l'ère de la découverte de soi et un voyage pour révéler notre origine universelle. L’huile précieuse de myrrhe s’enroule autour des racines éternelles d’un ébène pour ancrer le parfum dans son essence et sa permanence ». Sur le papier, ce parfum « ethnique » et boisé n’avait pas grand chose pour me plaire et pourtant, il fait partie de ma sélection car je le trouve net, efficace et réussi même s’il m’éloigne un peu de mes goûts habituels. Très franchement, le départ de géranium ne m’a pas séduit mais, plus tard, quand s’y mêlent les notes de bois d’ébène, de feuille de tabac, de cèdre de l’Atlas et surtout de myrrhe, j’avoue qu’il me plait. Le côté un peu encens s’en va sur ma peau et il reste cette facette bois et myrrhe qui va très bien s’arrondir et se faire un peu « confortable ». J’ai bien aimé « Ébène », sombre et un peu sauvage. Virtuose, Maurice Roucel invente là un parfum intéressant et très addictif. Je ne pourrais pas forcément le porter mais j’ai bien aimé l’essayer.

 

 

 

J’ai fait l’impasse sur les recréations de « Ivoire » et « Carbone » qui ne m’ont pas vraiment provoqué d’émotion et j’ai choisi, pour clore ma sélection, « Bleu Infini » créé par Quentin Bisch non pas pour son originalité mais pour le côté incontournable et dans l’air du temps : « Bleu Infini transporte vers des cieux sans fin, des mers infinies et leur appel à vous libérer. Dans son flacon bleu méditerranéen translucide, le parfum s’inspire de la Villa Balmain, le refuge moderniste de Pierre Balmain sur l’île d’Elbe. La terre rencontre la mer quand la chaleur du maquis, l'absolu de ciste, embrasse le lichen salé ». C’est un boisé un peu « moussu » et iodé assez loin de mes goûts mais que je trouve, si ce n’est un peu synthétique, très bien réalisé avec des notes de ciste absolu, de lichen salé, de baies roses, de sauge sclarée et de mousse de chêne qui viennent enrichir l’akigalawood ou patchouli fractionné si cher au parfumeur. Ce parfum m’est apparu comme une variante autour du thème déjà réalisé par Quentin Bisch de « Ganymède » ou de « Bois Impérial » et je pense que, s’il n’est pas encore le best, il va vraiment trouver son public. Il est redoutablement efficace et suffisamment consensuel pour avoir retenu mon attention et pour que j’ai envie d’en parler mais il n’est absolument pas pour moi. En tout cas, il porte bien son nom et son flacon et il est à découvrir.

 

 

 

Globalement, j’ai trouvé la collection initiée par Olivier Rousteing très consensuelle ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas réussie. Je pense que la plupart des parfums sont réalisés avec talent et s’inscrivent dans une tradition des collections privées de marques de mode qui tend à se généraliser. Il y a, on ne va pas se mentir, un côté « grosse machine » avec des compositions faites pour être aimées et non pas pour surprendre mais pourquoi pas finalement… En tout cas, j’ai été content de les découvrir. Le prix est très élevé et je ne sais pas si j’aime suffisamment pour franchir le cap d’un achat mais la collection n’est pas inintéressante. Ne serait-ce que pour ma culture olfactive et pour enrichir ma bibliothèque, j’ai été content de le faire.