Passion Parfums

Créée par Antoine Lie et Luca Maffei, la nouvelle collection d’Houbigant se veut mixte et s’appelle tout simplement Les Ambres. Il s’agit, pour l’instant d’une trilogie de parfums qui sortent en ce mois de septembre. Il se trouve que je les ai découvert en avant-première avant l’été. Je dois dire que, contre toute attente car je ne porte que rarement des parfums ambrés, j’ai été très impressionné par leur qualité et leur élégance. Je suis content de les voir pointer le bout de leurs flacons en ce mois de septembre. J’ai beaucoup aimé ce que j’ai senti et mis sur ma peau. J’espère vous donner envie de les découvrir.

Comme les deux autres compositions, « Vanille Impériale » est contenu dans un flacon rouge qui reprend la forme de celui des masculins d’Houbigant. C’est la création la plus classique de la collection. « Vanille Impériale capture l'essence de cette nuit enchanteresse sous un ciel étoilé. Elle transporte l'esprit vers des horizons lointains, où le ciel devient un tableau vivant de rêves et de possibilités infinies. Découvrez ce mélange exquis de notes ambrées, florales et vanillées ». Après une envolée d’orange sanguine, de bergamote et de néroli, se développe un coeur de tubéreuse, de rose, de jasmin et de vanille qui vient arrondir la fragrance et lui donner quelque chose de très oriental qui se corse avec un fond de bois d’ambre, d’ambre, de graine d’ambrette et de muscs pour le côté un peu plus animal. « Vanille Impériale » est élégant, profond, très bien réalisé mais je ne peux pas dire que ce soit le film qui m’ait le plus séduit. C’est un très joli parfum excellent, un peu oriental, qui m’emmène un peu en voyage dans les pays du sud. Je le pense très tenace et j’imagine que je l’apprécierai plus en plein hiver mais, lorsqu’on me l’a présenté, nous approchions de l’été et je ne suis pas certain que j’avais envie de le poser sur la peau.

 

 

 

Une ouverture d’orange sanguine, de poivre rose et d’encens qui nos emmène sur un coeur de cerise, de rhum et de jasmin vraiment très rond et presque liquoreux. J’aime bien quand il évolue vers le fond d’ambre, de sapin baumier et de bois de cèdre. Je le trouve à la fois singulier et très facile à porter. « Ambre Rubis est un hommage au « roi des pierres précieuses », découvert par un explorateur talentueux et conservé dans un palais isolé pendant des siècles. Cette pierre précieuse symbolise la vitalité, le courage et la prospérité. Découvrez cette étonnante combinaison de parfums ambrés, fruités et poudrés ». Il plaira peut-être plus aux femmes quoi que les garçons des jeunes générations se mettent de plus en plus aux gourmands et pourquoi pas ? En tout cas, il est une alternatives aux cerises peut-être un peu simpliste qu’on trouve dans la parfumerie grand public mais aussi de quelques marques de niche. Je trouve assez intéressant d’avoir rapproché l’accord cerise d’un parfum ambré très construit, rond, moderne et pourtant chic et élégant. Il s’avère peut-être sur moi, un peu trop féminin mais, du point de vue de la création, il m’a beaucoup plu et il revêt une certaine originalité. Antoine Lie et Luca Maffei ont créé un parfum qui me rappelle un peu « Bendelirious » d’État Libre d’Orange que j’avais porté et qui n’existe plus.

 

 

Mon préféré de la trilogie est indéniablement « Fleur du Désert ». Pour moi, les parfumeurs ont créé dans le style oriental, une rose complètement inédite et d’une grande élégance. « La Rose du Désert capture l'essence de la délicatesse d'une rose qui pousse dans le paysage accidenté du désert. Entourée par la rudesse de la nature, cette rose délicate est cueillie à l'aube pour sa douceur florale délicate et ses nuances de sable chaud. Explorez cette magnifique fragrance ambrée, citronnée et musquée ». Le départ de fleur de citronnier, de bergamote et de yuzu qui donnent un côté vif au parfum qui s’assagit avec un coeur de rose tuque, de violette, de vanille et d’iris pour le côté poudré. Le socle d’ambre, de musc, de bois de cèdre et de patchouli est très joli sur ma peau. Je l’ai réessayé depuis sa sortie et, vraiment, il m’a convaincu. Je pourrais tout à fait porter cette rose, sèche, poudrée, presque battue par les vents. Je ne sais pas pourquoi, ce parfum m’a rappelé « The Garden of Allah », un film des années 30 réalisé par Richard Bolelawski avec Marlene Dietrich et Charles Boyer que je n’ai pas vu depuis des années. Parfois, la correspondance entre l’odorat et les images est curieuse. En tout cas « Fleur du Désert » est vraiment une belle nouveauté.

 

 

 

Contre toute attente, j’ai vraiment bien aimé Les Ambres d’Houbigant même si ces trois parfums sont un peu éloignés de ce qui me plait habituellement. Parfois, il faut explorer des familles olfactives que l’on porte peu ou pas pour découvrir des pépites. Je suis un peu moins sensible à « Vanille Impériale » mais la séduction à opéré sur moi avec « Ambre Rubis » et « Fleur du Désert ». Je pourrais porter chacun d’entre-eux et ce ne sont pas pourtant des parfums complètement des créations vers lesquelles je serais allé instinctivement.

 

 

 

Créé par Antoine Lie comme une déclinaison ultra luxueuse du best seller de la maison savoyarde Les Indémodables, « Vanille Havane Coeur de Oud » est l’édition limitée de cette rentrée. Onéreux, très qualitatif, ce parfum est, à mon sens, assez unique et qualitatif tant de par sa teneur en oud naturel très rare issu d’une plantation privée cambodgienne, que par sa concentration et la qualité des autres matières premières. Avec ce parfum Valérie et Rémi Pulvérail proposent leur envie de mettre en valeur des ingrédients exceptionnels ce qui est toujours leur postulat. Il n’existera qua 500 exemplaires numérotés qui seront vendus chez les détaillants ou sur le site internet. La marque explique : « Antoine a ainsi composé, dans le secret le plus absolu, une version de Vanille Havane enrichie des facettes profondes et complexes de cet extrait: un accord qui tient véritablement du tour de magie, tant l’harmonie subtile préserve la structure originale, tout en nous projetant dans une autre dimension, lumineuse par ses facettes aromatiques et épicées, obscure quand sur peau se dévoile un sillage de bois précieux, de peaux tannées, et  de résines pyrogénées ». Je suis allé plusieurs fois sentir ce parfum à la parfumerie Odorem à Lyon et je l’ai posé sur ma peau même si je ne suis pas un fou de oud. Je dois admettre que j’ai trouvé l’évolution exceptionnelle même si cette composition sophistiquée, parfois insaisissable, sort un peu de mes goûts habituels. Quelques amateurs, quelques collectionneurs également, se laisseront envoûter par cette version de « Vanille Havane ». Ce n’est pas du tout un parfum pour moi mais je reconnais que tout y est : la qualité et la sophistication.

 

 

 

Valérie Pulverail n’a pas souhaité communiquer sur la pyramide olfactive et ses différences avec les deux précédentes versions de « Vanille Havane » et je respecte le mystère mais, pour moi, découvrir ce parfum à part-entière est quand même quelque chose de très étonnant et cela constitue une expérience olfactive hors norme. Je pense que Valérie Pulverail a bien fait d’en faire une édition limitée dans les limites des stocks de ce oud précieux et rare plutôt que d’utiliser une matière première moins qualitative pour le faire intégrer la collection. En tout cas, je me considère comme très privilégié d’avoir eu la chance de pouvoir à la fois découvrir « Vanille Havane Coeur de Oud » en avant-première et de le poser sur ma peau. Je remercie donc Nicolas et Benoît pour avoir collaboré avec passion à l’élaboration de cet article. Je n’aurais pas pu y avoir accès autrement. Le parfum est parfois du rêve et celui-ci s’avère plus qu’une chimère olfactive, une réalité fugace à découvrir absolument.

Après une fin d’été très chaude, le temps a changé au cours du mois de septembre et ça a été vraiment radical. Un de ces mains où je me suis réveillé très tôt, il faisait vraiment plus que frais et cela m’a donné envie d’anticiper et de me plonger dans des parfums que je ne pourrais porter qu’en plein hiver mais que je trouve vraiment agréables à sentir. J’ai donc sélectionné cinq parfums chauds et épicés que j’aime particulièrement. Il m’arrive parfois d’apprécier ces « écharpes olfactives » enveloppantes et réconfortantes. Alors je vous emmène dans des univers contrastés mais toujours dans un esprit épicé.

" La "Bonne Chauffe" est le secret le mieux gardé des maîtres distillateurs, cette seconde distillation qui fait la réputation de la maison Frapin. C'est pour évoquer ce savoir-faire ancestral que nous avons créé avec Maebh Mc Curtin un parfum à déguster en hiver au coin du feu ". J’ai découvert « Bonne Chauffe », composé par Macbh Mac Curtin pour Frapin il y a déjà à peu près un an. En fait, c’est un coup de coeur. Pour moi, voilà une très belle sortie dans la lignée de parfums comme « Bois de Paradis » de DelRae qui n’existe plus hélas, ou encore « Féminité du Bois ». Pour moi, s’il est très différent, très original, il est de la même force et de la même qualité. La créatrice décrit ainsi son inspiration : « Les notes de prune et de davana rivalisent avec les notes boisées et fumées du vétiver, du benjoin et du bois de cèdre pour un parfum puissant et chaud comme une longue nuit d'hiver au coin du feu ». Dès l’envolée de davana et de poivre noir, je suis surpris par l’originalité du parfum qui se fait épicé et très élégant lorsqu’il évolue vers un coeur de prune et de céréales enveloppées de notes boisées puis vers un fond de vétiver, de patchouli, de cèdre et, bien sûr, de benjoin. Je dois dire que je trouve « Bonne Chauffe » très inédit. Je ne sais pas s’il plaira aux clients de la marqua car je le trouve vraiment très réussi. J’étais un peu fâché avec la marque depuis l’arrêt de « Caravelle Épicée » que j’aimais beaucoup mais la sortie de « Bonne Chauffe » a valeur de réconciliation.

 

 

" A l’Orient de l’Orient s’élève le suprême Orient… sur une carte secrète et tatouée dans l’imaginaire, en des jardins suspendus… A l’heure où la nuit poursuit le jour, tournent des roses désinvoltes dans le sillage de fleurs blanches délicates. Confites dans un sirop de gousses de vanille sombres, de pêches blanches juteuses et de noix de coco à la chair douce, leur chanson se mêle aux fumées rauques du patchouli ". Tels sont les mots de Stéphanie Poulage pour décrire « Surprême Orient » qu’elle a créé pour sa marque éponyme et qui est, selon moi, une belle illustration du thème de cet article. Après un départ très noix de muscade (que j’adore en parfumerie) et gingembre, une rose turque légèrement truffée et un jasmin sambac opulent se mêlent au beurre d’iris puis à un absolu de cacao et de vanille de Madagascar en fond. La créatrice a su trouver un équilibre parfait entre les notes fleuries, boisées et fruitées et le côté vraiment transparent imprimé au parfum. Je le sens au fur et à mesure que j’écris et force m’est de constater que lorsque je le porte, j’éprouve un plaisir sans cesse renouvelé. Je le trouve addictif et je le sors de son étui qui ressemble à un paquet de cigarettes pour remettre le cabochon sous mon nez… Vous l’aurez compris, je suis séduit ! J’en ai parlé souvent mais j’avais vraiment envie d’y revenir.

 

"Parfum abstrait et mystérieux, Noir Épices est un bouquet d'épices signé Michel Roudnitska. Un somptueux bouquet d'épices sur une base crépusculaire de bois précieux : santal aux effets veloutés, patchouli aux effluves exotiques, évocateurs de lointains ailleurs. Comme un souffle de lumière, le départ d'orange et de géranium, provoque un clair-obscur et fait vibrer ce tableau abstrait. Composé comme une toile de Rothko, Noir Épices révèle couche après couche des couleurs plus sombres, profondes et infiniment mystérieuses. Sur la peau, son sillage évoque un noir chatoyant de reflets d'or, captivant. Profond comme la nuit", tels sont les mots de la marque pour expliquer l'inspiration de Michel Roudnitskak qui a créé « Noir Épices ». Avec cette composition, quelque chose de vraiment inédit. Je dirais qu'il s'agit d'un oriental atypique qui ne serait pas un ambré puisqu'il s'ouvre avec des notes d'orange amère, de géranium, d'épices et principalement une overdose de noix de muscade, le coeur est fleuri et le fond boisé avec le santal et un peu végétal avec le patchouli. L'ensemble ne ressemble à rien d'autre et je me sens toujours très "confortable" lorsque je le porte même si son originalité peut me dérouter. "Noir Épices" est un peu l'une de mes signatures surtout l’hiver. Dans le style « chaud et épicé », il est vraiment parfait.

 

Lancé en 2017 et créé par Émilie Coppermann, « Majaïna Sin » avait tout pour me séduire sur le papier. La marque le décrit ainsi : " Je suis une fraîcheur opulente, faite d’une Vanille outrancière, trésor brun de Madagascar. A ses côtés, d’autres bijoux de la terre fertile qui m’a inspirée : Cannelle explosive et Gingembre salivant. Je ne cache pas les hautes doses de Bergamote et de Néroli qui me constituent. Me sentir provoque une forte dépendance, un sentiment d’appartenance. Je suis un hommage à un pays et à ses habitants. Je suis une folie gourmande et rafraîchissante, un paradoxe olfactif. Je suis Majaïna Sin ". Après un départ d’orange confite, de fleur d’oranger, de bergamote, de néroli et de gingembre, le coeur amandé de fleur d’héliotrope, construit avec des notes d’orchidée, de cannelle, de marron et de sirop d’érable est particulièrement gourmand, presque trop pour moi d’ailleurs. Il faut attendre un bon moment pour découvrir un fond de vanille construit avec des accents d’ambre opulente, de bois de santal un peu lacté, de musc et de tonka. « Majaïna Sin » est résolument gourmand. Sans doute trop pour moi mais il faut bien dire que c’est un parfum qui plaira à un grand nombre car, dans le style, il est particulièrement bien construit et réalisé. Sur ma peau, il devient vraiment très sucré et je ne pourrais pas le porter mais je reconnais qu’il présente de petits côtés jubilatoires comme une boite de marrons glacés et d’orangettes offertes à Noël. Quand je le sens, j’ai plutôt envie de grignoter des confiseries que de le porter mais peut-être vous plaira-t-il.

 

 

 

" Constance est une femme résolument moderne. Elle n’a que faire des conventions et fait exactement ce qui lui plaît. Cardamome fraîche, piment chaud, caramel salé : son parfum s’affranchit de toutes les conventions ". Juliette Karagueuzoglou a créé l’un des portraits de Penhaligon’s que je préfère. Je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises de « Changing Constance » lancé en 2018 que je considère comme le pendant féminin de « Roaring Radcliff » que je portais, qui n’existe plus et qui fait partie de ces parfums qui arriveraient à me réconcilier avec les gourmands. Dès l’ouverture épicée par des notes de piment et de cardamome on sait que le jus va être singulier et réussi, le coeur de caramel et de sel marin équilibre tout à fait la fragrances et le fond de tabac blond, de cashmeran et de vanille le rend encore plus « fini » si j’ose dire. On a envie de suivre Constance la suffragette dans ses combats et ses aventures de femme libre. « Changing Constance » est une merveille, il faut bien le dire, il est super bien équilibré et très original.

 

 

 

Voilà, il n’est pas encore temps de sortir ces parfums-là mais les redécouvrir m’a été très agréable. J’espère vous donner envie et je serais content d’avoir vos avis, vos suggestions… En tout cas, les matins froids commencent à me donner des envies.

 

 

Le galbanum ou férule gommeuse est une herbe vivace qui forme une sorte de buisson. Sa fleur est jaune et son odeur au naturel est assez déroutante. Elle pousse notamment dans des pays désertiques et montagneux C’est de sa racine que l’on extrait un liquide blanc et laiteux. On peut aussi utiliser ses feuilles pour une autre facette du « vert ». Utilisée pour rehausser ou rafraîchir une fragrance, elle est aussi très présente dans des parfums floraux, cuirés ou poudrés auxquels le parfumeur a voulu conférer une facette feuillage ou même herbe coupée. Je me suis rendu compte que je connaissais plusieurs parfums dans lesquels le galbanum est utilisé dans des quantités importantes. Je dois bien dire que c’est une odeur assez clivante. On aime ou pas mais personnellement, je très amateur. J’ai sélectionné plusieurs parfums aux accents verts mais très différents dans lesquels le galbanum tient une place importante.

Créé par Henri Robert en 1970, Le « N°19 » de Chanel est vraiment le premier qui me vient à l’esprit notamment dans sa version originale. « Un parfum audacieux au caractère affirmé. Un fleuri-boisé-vert à l’équilibre parfait. La dernière fragrance lancée et portée par Gabrielle Chanel. Une composition sans concession, à l'image de la créatrice. N°19, c’est l’autre grand numéro de CHANEL. Le dernier parfum que lance et porte Gabrielle Chanel. Une fragrance qui rend hommage à sa date de naissance. Le 19 août 1883. Lorsque lui vient l’idée de ce nouveau parfum féminin, elle affronte les réticences de son entourage qui ne croit pas qu’une nouvelle fragrance puisse cohabiter avec le N°5. Obstinée, Coco ne lâche pas prise et commande à Henri Robert une composition au parti pris aussi puissant que celui de N°5. Et elle l’obtient, dans un registre olfactif complètement différent : un accord contrasté de notes vertes et poudrées. Mademoiselle décède quelques semaines seulement après le lancement de ce nouveau jus, le 10 janvier 1971 ». C’est un grand succès de parfumerie que je trouve, pour le coup, vraiment mixte et facile à porter. Il a été décliné en deux version, une eau de parfum et une version poudrée que je préfère, pour ma part, à l’original. Le départ de galbanum, de jacinthe et de bergamote annonce la couleur si j’ose dire car j’ai une impression d’herbe coupée fraîchement, presque de soleil de printemps. Le coeur d’iris, de rose, et de narcisse lui donnent deux facette, la première est franchement poudrée et la seconde à la fois florale et poudrée. Le fond de mousse de chêne et de vétiver renforce le côté très vert, voire naturel du parfum. Pour moi, c’est « le » poudré de la maison Chanel et ses facettes vertes et herbe sont tout à fait originales. Je l’imagine dans les années 70 comme un must de la modernité. Je trouve qu’il est complètement en rupture avec tout ce qui a été fait avant. Aujourd’hui, ce n’est plus un parfum avant-gardiste mais je dois dire que je le trouve toujours très actuel.

« Je suis un splash aérien et pur, un souffle vert, soutenu par les feuilles de basilic et le pissenlit, qui rafraîchit l’esprit. Mon équilibre olfactif est instable, entre des notes florales et des facettes aromatiques teintées d’une douce lumière. Je suis une balade dans un jardin japonais, je déambule dans les allées de cerisiers en fleurs, bercés par le chant des bambous qui s’entrechoquent, humant l’intense odeur de l’herbe fraîchement coupée. Je suis un hommage à cette 5ème saison japonaise, un temps étrange entre le printemps et l’été : fleuri, frais et chaud. À l’image de ces instants, jasmin étoilé et cyclamen se mêlent en mon coeur, et c’est alors que mon musc overdosé entre en scène pour révéler toute ma sensualité, je suis Tokyo Bloom ». Alors là, c’est une révélation. Je suis complètement séduit par ce parfum léger, aérien et vert qui, c’est vrai, évoque la discrète élégance des allées empierrées de jardins japonais. Le départ très aromatique de basilique et de pissenlit est cassé par le croquant du bourgeon de cassis et la verdeur presque acidulée du galbanum. Le jasmin étoilé et le cyclamen au coeur confèrent à l’évolution une douceur florale qui vient contrebalancer le côté incisif de l’envolée et je trouve qu’il y a un côté bambou en effet à ce stade de l’évolution quand au fond très muscs blancs, il est arrondi par le bois de gaïac et l’ambre. J’ai un vrai coup de coeur pour « Tokyo Bloom » qui est sans doute mon préféré de ma sélection mais aussi de la collection. J’ai adoré ce parfum sur ma peau. Il est tout en légèreté et en douceur tout en gardant son côté vert. C’est carton plein !

 

 

Lorsque je sens « Heure Exquise », créé par Isabelle Doyen et Annick Goutal en 1984, je ne peux m’empêcher de penser à la poudre à perruques utilisée au XVIIIème siècle. Les mots de la maisonsur son inspiration sont les suivants : « L’heure exquise est cet instant furtif, entre chien et loup, où le jour disparaît et la lune reprend sa place. A ce moment précis, au bord d’un étang, les iris d’un bleu sombre presque violet dressent leur silhouette élégante et répandent leur parfum poudré et envoûtant dans l’humidité du soir ». Pour moi, si on peut le rapprocher un peu du « N°19 » de Chanel par certains côtés, « Heure Exquise » est avant tout un poudré pur et simple avec surtout une construction autour de l’iris et du galbanum qui donne un aspect frais à la vaporisation. La rose turque en coeur renforce le côté très poudré de la fragrance et le fond de bois de santal est, finalement assez neutre pour permettre à « Heure Exquise » de garder ce côté entre poudre, fleurs et herbes coupées. Pour moi, c’est un parfum de rosée, idéal en ce moment avec le retour de températures plus fraîches. Je dois dire que je connais bien « Heure Exquise ». Je l’ai énormément porté et il est un peu un ovni dans la parfumerie actuelle. Je suis à la fois content et particulièrement surpris qu’il rencontre encore un nombreux public tant il a un côté vintage et presque « trop habillé ». Personnellement, il fait partie de mes musts même s’il s’adresse à la base à une clientèle féminine. Je le porte sans aucune difficulté et je l’aime vraiment beaucoup.

« Panorama » créé par Clément Gavarry en 2014 pour la collection classique d’Olfactive Studio est également un coup de coeur. Je l’ai redécouvert pour cet article et il m’a énormément plu. « Vert et sauvage, Panorama est le parfum d’une jungle urbaine. Un jeu d’alliances inédites dont un surprenant accord wasabi, piquant et épicé. Quand surgit la myrrhe, parmi d’autres notes résinées chaleureuses et envoûtantes, un contraste incroyable s’invite avec raffinement. Composition ample, généreuse et inattendue, Panorama ouvre l’imaginaire olfactif ». Clément Gavarry a élaboré une fragrance vraiment très étonnante, verte et particulièrement originale. L’envolée déjà est tout à fait incroyable avec des notes de wasabi, de citron, de bambou et de feuille de figuier. Il y a presque quelque chose de piquant dans ce départ et cela va se transformer avec un coeur de galbanum, de feuille de violette, d’herbe et surtout de cardamome qui renforce la fraîcheur du parfum. Le fond, plus rond se fait enveloppant avec des notes de myrrhe, de labdanum, de sapin baumier, de vanille, de musc, de patchouli et de fève tonka. Je suis vraiment content qu’Alain et Serge de la parfumerie lyonnaise Le Paravent, m’aient fait découvrir ce parfum que je trouve tout à fait magnifique et vers lequel je ne serai sans doute pas allé sans leur conseil éclairé. J’aime beaucoup « Panorama », il s’agit un très beau parfum, rare, original et pourtant facile à porter.

 

Cet article sur la férule Gommeuse est aussi une manière de revenir sur l’une des sorties évènement de cette année. J’ai nommé « Synthetic Jungle » créé par Anne Flipo en cet automne 2021 pour les Éditions de Parfum Frédéric Malle et qui s’ouvre très nettement sur une note de galbanum très prononcée même si la marque ne communique pas complètement dessus. Elle se pare de basilic et de muguet que je trouve particulièrement persistant sur ma peau. Le coeur est un jasmin qui se mêle vraiment à cette note d’une manière très fusionnelle et je retrouve la mousse de chêne prenant le pas sur le patchouli en fond. C’est un chypré floral et très vert. Je trouve qu’il n’a peut-être pas la modernité que j’attendais car, par certains côtés, sa construction est assez classique à mon nez. La marque le décrit ainsi : « Mystérieux et provocant, Synthetic Jungle est un paysage luxuriant en technicolor. Hommage aux parfums cultes des années 70, il dépeint une nature fantasmée, à sa manière moderne et stylisée. Et il marque l’entrée du parfumeur Anne Flipo au sein des Editions de Parfums Frédéric Malle. Anne Flipo a conservé la note de basilic, qu’elle a associée à un bouquet de jacinthe, muguet, jasmin et ylang ylang. Pour ciseler et moderniser l’ensemble, elle a ajouté une note de cassis synthétique et d’acétate de styrallyle : un véritable filtre de brillance et d’éclat pour les fleurs. Elle a également simplifié et épuré les facettes chyprées et cuirées d’origine. Enfin, elle a introduit une note de patchouli, l’un des ingrédients les plus complexes et les plus évocateurs de la palette des parfumeurs ». J’avais essayé ce parfum en avant-première au mois d’août et il m’avait beaucoup plu. J’ai eu l’occasion de le réessayer plus sur ma peau que sur mes vêtement et je trouve que la facette galbanum que je trouve clivante et surprenante, en s’associant avec le muguet et les fleurs blanches me correspond peut-être moins que je ne l’aurais cru. Il n’en demeure pas moins que c’est un magnifique parfum qui figurera dans mon top de cette année à coup sûr.

« La force du métal rouge, chaud et frais à la fois. Les notes lumineuses de baies animent celles des feuilles sombres. Le cuivre est une interrogation olfactive autour de l'harmonie et des contrastes. Les notes synthétiques de métal se heurtent avec élégance à la vanille naturelle et à la myrrhe d'Ethiopie, dans un accord olfactif qui ne cesse d'évoluer sur la peau ». Créé par Aliénor Massenet en 2019, « Copper » de Comme des Garçons est mon dernier choix pour parler du galbanum car il est encore différent. C’est un parfum très déroutant avec un départ de poivre rose et de cassis, un coeur oscillant entre le côté baumé du benjoin, épicé du gingembre, très vert et même un peu poudré du galbanum reposant sur un fond de notes métalliques. Le fond ambre, myrrhe, tabac et vanille renforce ce côté métallique mais solaire. J’avais compris tout à fait l’obtention par ce parfum d’un FIFI Award car je le trouve particulièrement réussi et bien vu. J’ai eu l’occasion de l’essayer et j’ai beaucoup aimé son développement entre notes vraiment « cuivrées » pour le coup et vertes comme l’herbe d’un sous-bois. C’est un parfum singulier certes mais vraiment facile à porter. Je le trouve vraiment très moderne et j’ai beaucoup aimé. J’avais même un peu tourné autour lors de sa sortie.

Le galbanum est une matière première très utile en parfumerie mais c’est vrai que son odeur, presque anisée parfois, peut prendre beaucoup de place et il convient au parfumeur de l’associer avec une certaine parcimonie à une formule qu’elle va immanquablement rafraichir. Pour ma part, je l'aime de plus en plus et je comprends l’engouement de certains créateurs (et ils sont nombreux) pour son utilisation. Il est de nombreux parfums très verts qui en contiennent qui me plaisent énormément.

 

 

 

Créé par Yasmin Sewell qui vient du milieu du parfum, Vyrao a vu le jour en 2021 en Australie. C’est grâce à l’institut Oh My Cream à Lyon que j’ai découvert cette marque qui compte aujourd’hui sept eaux de parfums créées par Lyn Harris et Meabh McCurtin. Je dois le dire, la marque est un coup de coeur dans son ensemble et j’ai eu envie d’en parler très rapidement car j’espère qu’elle va être diffusée en France plus largement pour que vous y ayez tous accès. Vraiment les compositions sont belles, originales, très bien réalisées. Le talent des parfumeuses est évident et s’exprime pleinement dans ces eaux de parfums très élégantes et dotées d’un sérieux caractère. Sur les sept, j’en ai découvert cinq et les ai tous gardés pour écrire cette revue. En tout cas, je suis content de vous emmener avec moi dans l’univers de Vyrao. Il y avait longtemps qu’une marque, dans son ensemble, ne m’avait pas séduit autant.

Le premier parfum est « Witchy Woo » lancé en 2021 et créé par Lyn Harris dont on reconnait la signature dès les premières minutes. « Witchy Woo est le parfum qui donne courage et créativité. Profond, terreux, l'absolu rare d'orris marocain donne la signature envoûtante du jus. Mêlé à la rose, à la noix de muscade, à la cannelle et au poivre noir, l’orris se combine aussi avec le patchouli, l'encens, l’opoponax et le musc pour signer cette fragrance unique ». La qualité des matières premières est sans doute la première chose que j’ai remarquée. En effet, le parfum s’ouvre sur des notes de beurre d’iris marocain et de rose mais s’enrichit presque immédiatement d’un coeur poivré de muscade, de cannelle et de poivre noir puis le parfum se pose sur un fond d’encens chaud, d’opoponax et de musc. Je ne vais pas ménager le suspens, ce parfum ethnique, mystérieux et diaboliquement bien construit m’a plu tout de suite et c’est un très gros coup de coeur. Il revêt quelque chose de vraiment addictif pour moi. Je l’ai d’ailleurs, d’emblée posé sur ma peau et son évolution m’a ravi. Il est indéfinissable et symbolise ce que devrait toujours être la parfumerie de niche. Pour moi « Witchy Woo » n’a pas usurpé son nom, il est magique !

 

 

 

J’ai continué avec une autre pépite. Il s’agit de « I Am Verdant », également imaginé par Lyn Harris en 2021 et qui m’a vraiment plu presque autant. C’est un parfum plus frais et poudré avec un départ de bergamote mais aussi de cyclament, un coeur d’encens assez discret mais un fond construit sur des notes de fleur d’oranger et un absolu d’iris. « I am Verdant est un parfum qui donne l’impression de respirer un jardin en plein renouveau. Avec ses notes florales et vertes twistées d’agrumes, il offre une sensation de renouveau et de vitalité, enveloppant les sens dans une aura de nature et de fraîcheur ». Il est vraiment très naturaliste mais, finalement, pas plus vert que cela. Je m’attendais à des notes de lierre ou de galbanum mais Lyn Harris en a décidé autrement et pourquoi pas ? Je n’ai pas trouvé que son évolution soit longue mais toutes les facettes semblent tourner, se perdre et revenir à leur heure. J’ai beaucoup aimé ce parfum car je trouve qu’il me ramène pas mal à l’univers de Perfumer H, la maison de sa créatrice et, vu que j’avais aimé beaucoup, je ne pouvais qu’adhérer. C’est une création toute aussi singulière que le précédent, avec une vraie identité mais facile à porter et très attirante.

 

 

 

« Free 00 associe la fraîcheur du citron de Sicile, de la mandarine et de l'absolu de fleur d'oranger à la sensualité du jasmin égyptien et de la vanille, ainsi qu'à des notes de bois de santal et de nénuphar apaisantes ». Également créé par Lyn Harris en 2021, « Free 00 » est tout aussi singulier que mes deux précédents choix. En effet, c’est un faux hespéridé qui tourne autour du floral aquatique avec un un départ de citron, arrondi par la fleur d’oranger et la mandarine. Après un court développement, un très beau coeur de vanille et de jasmin, frais et très fleuri vient enrichir la fraîcheur de l’envolée et le fond de bois de santal pour la douceur et la tenue est enveloppé du côté à la fois floral et aquatique du nénuphar. Si la marque est australienne, j’ai trouvé vraiment cette composition très anglaise, à la fois moderne et idéale au printemps frais des côtes de Cornouailles ou du Devon. Comme quoi les impressions olfactives sont toujours ultra subjectives. En tout cas, ce parfum est à essayer. Je m’y repencherai au printemps avec plaisir et me l’approprierai peut-être… qui sait ?

 

« Magnétic 70 », toujours lancé en 2021 et imaginé par Lyn Harris est un parfum plus boisé avec une pyramide olfactive un peu « remuée » puisqu’il s’ouvre sur des notes de cèdre et de vétiver qui nous emmène sur un coeur d’encens, de graine d’angélique et d’iris et se pose sur un fond de bois de genévrier, d’élémi et de poivre noir. Je le trouve à la fois très boisé, je l’ai dit, mais aussi légèrement fumé et épicé. « Magnetic 70 est profondément ancré et spirituel, offrant une expérience sensorielle riche et complexe. Les notes boisées et résineuses se combinent parfaitement avec les touches florales et épicées pour créer une signature olfactive unique qui rappelle l'importance de vivre pleinement le moment présent ». Je dois dire qu’il me fait un peu sortir de mes habitudes parfumées et ce n’est pas plus mal. Je le trouve tellement réussi que je pourrais le porter même si son évolution est un peu déroutante. Je ne pense pas qu’il pourrait être mon premier choix dans la marque mais le côté à la fois fumé et épicé m’intrigue. Je ne l’ai senti que sur touche mais il me faudrait l’essayer sur la peau. Je pense que, cet hiver, je tenterai l’expérience.

 

 

« Georgette élève les vibrations et inspire l'amour de soi. Ses notes de rose, de violette, de bois de santal, de patchouli et de bois de gaïac créent une expérience sensorielle riche et profonde. Enveloppé de poivre rose et de tabac noir, ce parfum évoque à la fois la force et la douceur, la purification et l’enracinement ». Je termine donc avec le dernier parfum choisi par Oh My Cream qui porte le nom incongru de « Georgette » et qui a été également créé par Lyn Harris en 2021. Je dois bien dire qu’il est très étonnant et que je l’aime bien même s’il est clair qu’il est peut-être un peu sombre pour que je l’apprécie complètement en ce moment. Après une envolée de rose turque très étonnante, associée au côté poudré de la feuille de violette, vient un bois de santal très doux associé, au coeur, avec le patchouli et les notes les plus gourmandes du bois de gaïac. Le fond est très dense et oscille entre le côté intense du tabac noir et de la vanille et une fleur d’oranger très présente. « Georgette » est vraiment très original. J’ai beaucoup aimé le sentir mais je l’imagine plutôt se porter l’hiver. Je pense que j’y reviendrai lorsqu’il fera plus froid.

 

 

J’ai vraiment aimé Vyrao. C’est une marque coup de coeur et j’espère un jour pouvoir découvrir les deux dernières créations composées par Meabh McCurtin. J’ai été impressionné par les premières et je pense que ce sera toujours le cas car l’esprit de la marque, son univers, y compris visuel, est très séducteur, très « niche » si j’ose dire et je me suis fait plaisir à essayer ces parfums. Ma préférence, à l’heure où j’écris, va à « Witchy Woo » et je dois dire qu’il tourne un peu dans ma tête… Qui sait s’il ne sera pas l’un de mes prochains choix. Je ne sais pas si vous avez un Oh My Cream près de chez vous mais si c’est le cas, courez découvrir la marque ! De plus, si l’équipe est aussi sympathique que celle de Lyon, elle vous fera un très bon accueil et vous passerez un joli moment d’échange.

Depuis que je l’ai découvert, en avant-première, j’ai eu envie de consacrer un article entier à « Comme Un Gant », le nouveau parfum créé par Camille Goutal et Isabelle Doyen pour leur très belle maison Voyages Imaginaires. Le postulat de départ est, comme d’habitude d’éditer des créations à la fois sophistiquées et facettées avec la contrainte du 100% naturel donc une palette réduite. Comme à chaque fois, le gant est relevé si j’ose dire et le pari est réussi en ce qui concerne cette création épicée et délicatement gourmande autour du bois de santal. J’attendais une belle réussite mais, vu que je ne suis pas forcément adepte de cette note, je ne pensais pas que ce serait un coup de coeur. C’était sans compter sur le talent et l’inventivité d’Isabelle Doyen et Camille Goutal car, une fois de plus, elles ont su inventer un parfum qui a su me bluffer ! J’ai eu l’occasion de le porter un peu avant sa sortie et, ensuite, j’ai attendu sa sortie avec impatience. C’est chose faite ! La marque explique l’inspiration : « Venise… La Biennale… Au creux d’une œuvre immaculée danse la lumière. Nimbés d’un halo mystérieux, les volumes délicats en papier de soie froissée, ici transparents, là duveteux, inspirent ce sillage abstrait, boisé et pourtant radieux. Une émotion intense en nuances de blanc. Une odeur qu’on croirait toucher. Une seconde peau à porter seule… ou en duo avec un autre parfum »

Camille Goutal et Isabelle Doyen

Rien que la pyramide olfactive fait rêver. Jugez plutôt : Après une superbe et fraîche envolée de caramome du Guatemala vient un coeur de santal bio du Népal absolu, travaillé sur son versant vraiment boisé et enveloppé d’une infusion de vanille de Madagascar. La tenue est assurée par un fond composé autour d’une très belle qualité de vétiver d’Haïti. Comme toujours, Isabelle Doyen et Camille Goutal ont réussi le tour de force de composer, avec la palette réduite imposée par le 100% naturel, un parfum soyeux, lumineux et sophistiqué, entre notes gourmandes et boisées. Il faut le dire, je suis complètement séduit par ce parfum. Il est certes plus accessible que les autres références de la marque et je pense qu’il peut toucher un public plus large. Cela ne l’empêche pas du tout de se glisser dans un gant de velours qui pourrait avoir une couleur originale, presque sépia. Je me répète mais il me semble que « Comme un Gant » est l’une des très belles sorties de cette année. Après « L’Eau des Immortels », Camille Goutal et Isabelle Doyen tournent avec un virage à 180° tout en se conformant à l’esprit de finesse et d’élégance de la marque. Pour moi, c’est carton plein !

 

 

« L'âme du bois représente une véritable lettre d'amour aux forêts et à leurs essences boisées. Dans cet esprit Fabrice Croise, le charismatique créateur de la marque, a sollicité les plus grands parfumeurs  en leur demandant d'imaginer, en parfum, leur forêt personnelle idéale. Les magnifiques fragrances qu'ils ont créées puisent ainsi leurs racines dans leurs émotions et souvenirs les plus anciens. Chaque parfum utilise un alcool de canne bio vieilli dans un tonneau en bois qui avait souvent été utilisé pour infuser d'autres substances nobles : whisky ou cognac de luxe, Sirop d’érable... Ce procédé unique et révolutionnaire assure donc une senteur impossible à reproduire ». Scents of Wood est une maison très étonnante que j’ai pu découvrir il y a déjà quelques temps. Elle est très peu distribuée en France mais nous avons la chance, à Lyon, à la parfumerie Le Paravent, de pouvoir les découvrir (et les acquérir en cas de coup de coeur). J’ai pu découvrir les trois nouveautés de l’année 2024 et j’avais envie de vous en proposer une revue.

« Vanille en Armagnac », lancé en 2023 est le premier parfum qui a traversé l’Atlantique et que j’ai pu découvrir. Créé par Natasha Côte, il s’agit-là d’une magnifique vanille liquoreuse, il faut bien le dire. Je pense que ce parfum a toutes les qualités pour rencontrer son public et devenir un des bests de la marque. « Dangereusement addictif et sophistiqué, ce luxueux mélange d'extrait de gousse de vanille et d'Iso E Super est une version élevée et moderne de la nostalgique Bûche de Noël. Un mélange vibrant de vétiver boisé et terreux, de citron vif et d'orange amère pétillante contraste parfaitement avec une surdose indulgente de gousse de vanille crémeuse et sirupeuse. Pour compléter cette richesse paradisiaque, les notes boisées lumineuses et modernes d'Iso E Super rencontrent les résineuses chaleureuses et enveloppantes AmbertonicTM et Amber XtremeTM, créant une complexité profonde et captivante. À mesure que le parfum s'assombrit, des notes veloutées et errantes de résinoïde de coque de cacao et d'absolu de cacao fondent la structure globale dans une signature séduisante et durable ». Lorsque la marque avance le terme « texturé » je trouve que c’est le mot. C’est une « vanille en couches successives ». Après un départ d’orange amère et de citron, le coeur, construit autour d’un absolu de cacao et d’un vétiver d’Haïti de très belle qualité est comme enveloppé par une vanille en gousse aromatique et ronde. Le fond ambré est soutenu par des notes rondes d’ISO E super. Au départ, le côté, vieilli dans un fût d’armagnac m’a un peu surpris car je n’ai pas aimé le versant liquoreux mais la qualité de la vanille reprend le dessus et, vraiment, le parfum, certes rond, prend vraiment du caractère et une certaine singularité. Pour moi, il s’agit d’une vraie réussite.

« Pin en Acacia », créé par Pascal Gaurin en 2020 et dont j’avais beaucoup entendu parler est donc désormais disponible en France. C’est un parfum à la fois vert et résineux qui, après une envolée de poivre rose, de notes vertes, de lavandin et d’huile de pin, vient un coeur de cyprès, de sapin baumier et de thym blanc puis un fond de vétiver. Aux confins de trois style, résineux, vert et aromatique, ce parfum très étonnant presque salé. « Évoquant le parfum du rivage océanique et d'une vaste forêt, l'huile de pin et le cyprès ultime s'harmonisent créant une synergie unique d'une énergie fraîche et audacieuse de l'océan et de l'énergie lumineuse, résineuse et terreuse de la forêt. il dévoile une tonalité rafraîchissante et rafraîchissante avec des nuances séveuses et boisées, tandis que Cypress Ultimate a une tonalité plus profonde avec des notes de bois, d'ambre et de mousse ». J’ai bien aimé ce parfum et sa fraîcheur même si je trouve qu’il arrive en France un peu tardivement car je n’ai pas de toute, il aurait remporté un vif succès cet été. Pascal Gaurin a signé, sans aucun doute, le parfum le plus facile de la sélection qui arrive en France. Cela ne signifie pas qu’il soit le moins du monde simpliste. Il s’avère complexe, élégant mais peut-être plus destiné à une clientèle masculine un peu moderne.

 

 

 

« Un contraste parfaitement orchestré entre ombre et lumière. Imprégnez-vous du soleil méditerranéen avec un mélange vibrant de figue verte croquante et de feuille de violette avec du cassis éclatant et du mimosa sucré. Au fur et à mesure que le parfum s'approfondit, l'intensité sombre du bois de Oud prend le dessus en s'entrelaçant avec le cœur cuiré de Cypriol, la fève Tonka chaleureuse et le vétiver boisé ». « Calm in Cedar » est vraiment très étonnant, il faut le dire. Il est à la fois « cocon » et un peu frais avec des notes de cèdre évidemment mais aussi un accord ambré et de la fève tonka. La marque parle d’une retraite un peu spirituelle au bord d’un lac et au milieu des arbres et il me semble que je suis assez en phase avec cette explication. Ce parfum est l’un des plus originaux de la collection. En tout cas, il ne ressemble à rien d’autre et, d’ailleurs, il est présenté dans le même flacon coeur (qui me rebute un peu, je dois le dire), mais dans une couleur gris-vert presque minérale. La concentration eau de toilette, concentrée à 15% permet à toutes les facettes de vraiment s’exprimer lorsqu’il évolue.

J’avais beaucoup aimé certaines créations, notamment les parfums signés Natasha Côté dans la première sélection que nous avons eu à Lyon et je suis content d’avoir découvert ces trois inédits. En tout cas, ils complètent très bien l’offre, il faut le dire. J’ai une certaine prédilection pour « Vanille en Armagnac » que je trouve à la fois chic et universel même s’il n’est vraiment pas fait pour moi. En tout cas, les créations de Scents of Wood sont difficile à approcher en France car je crois qu’il n’y a que deux points de vente mais ils valent le détour. Je m’en rends compte une fois encore.

Je me suis enfin décidé à aller découvrir la collection 777 de Stéphane Humbert Lucas. Elle est assez importante et très différente de celle consacrée au Serpent. « Lancée par Stéphane Humbert Lucas en 2012, s'inspire de ses voyages au Moyen-Orient et de son amour pour cette région, qu'il considère comme le berceau de l'univers. Évoquant luxe et raffinement, cette collection intègre des éléments spirituels et philosophiques, enrichis par la signification du chiffre sept, symbole de perfection et de sagesse ». Elle se compose de subdivision comme celle inspirée par sa création « Soleil de Jeddah » sortie en 2016 qui est devenue une trilogie ainsi que d’autres compositions, tout en gardant un thème central, celui des parfums plutôt ambrés, est assez hétéroclite ou tout du moins éclectique. J’ai quasiment tout senti, j’en ai essayé quelques uns que j’ai un peu porté. Bien sûr, il y a mes préférences personnelles mais je veux aussi parler de parfums que je trouve qualitatifs même s’ils ne me plaisent pas forcément. J’ai donc décidé de diviser cet article en deux partie. La première traitera de « Soleil de Jeddah » et de ses deux déclinaisons tandis que la seconde mettra en exergue trois autres parfums que je trouve soit à mon goût soit emblématique de cette collection. L’article sera donc un peu plus long que d’ordinaire, j’espère tout de même que vous le lirez jusqu’au bout.

« Les » « Soleil de Jeddah »

Je le disais en introduction, « Soleil de Jeddah », lancé à 2013, est un parfum emblématique de la marque. L’inspiration est ainsi décrite : « Au cœur du désert, les dunes ocre et dorées scintillent sous le soleil à son zénith. Le ciel se pare d’or et de paillettes. La chaleur intense et écrasante enveloppe les âmes aventureuses et les transcende pour ne faire qu’une. Un instant suspendu au cœur de l’Orient. Un parfum aussi lumineux que le soleil qui lui a donné son nom. Un départ intense et vertical aux éclats de citron d’Italie, traversant un cœur exotique de vanille et d’osmanthus. Amber se pare d’un sublime iris de Florence aux facettes poudrées et révèle son caractère affirmé avec des notes de cuir profond. Un parfum qui procure la sensation divine d'une aura radieuse au sillage puissant et sophistiqué ». Il s’agit-là d’un parfum ambré très élégant et complexe qui s’ouvre sur des notes d’huile essentielle de citron associées à la camomille sauvage et à l’osmanthus qui confère déjà à la composition un côté cuir très prononcé même s’il s’avère un peu caché. Le coeur d’iris et de notes terreuses se pare d’un accord d’ambre que je trouve tout à fait moderne puis le beurre d’iris revient en fond avec un duo basé sur l’accord cuir de Russie et la vanille de Madagascar. Ce parfum a déjà quelques années et il oscille entre un parfum oriental vanillé et un cuir de Russie sombre et goudronné. Je l’ai trouvé relativement original mais surtout il m’a semblé très qualitatif. Sans vraiment l’expliquer, je comprends son succès. Avec « Soleil de Jeddah », Stéphane Humbert Lucas brouille les cartes et nous entraine dans un univers singulier qui est le sien et qu’il ne faut pas forcément chercher à décortiquer.

 

 

En 2022, Stéphane Humbert Lucas propose deux déclinaisons de « Soleil de Jeddah ». Le premier est aussi, je crois, devenu un best seller de la collection et s’appelle simplement « Mango Kiss ». Comme son nom l’indique, Il reprend les notes originales notamment en tête avec l’huile de camomille sauvage, qui est cette fois associée à la fleur d’oranger et à un accord mangue. Le coeur est plus solaire car il est construit autour de l’ylang-ylang et de la noix de coco construit avec un accord ambre classique. « Au cœur de la palmeraie, les parasols sont alignés au bord de l'eau turquoise. Le soleil du matin, encore doux et caressant, est divin. Quelques longueurs dans la piscine et déjà les délicieux cocktails de fruits frais se préparent. Une journée au paradis. Soleil de Jeddah Mango Kiss est une version audacieuse et vitaminée de Soleil de Jeddah.Les notes acidulées de Mandarine et de Mangue pétillent dès l'ouverture. La fraîcheur d'un sorbet Coco contraste avec les facettes sucrées de l'Ylang Ylang tandis qu'une douceur addictive d'Ambre Solaire et d'absolu de Vanille sublime les gourmandises facétieuses ». J’ai un peu plus de feeling avec ce parfum-ci. Je considère qu’il s’agit-là du parfum le plus facile à porter de la trilogie. Je le trouve très séduisant, je ne dirai pas le contraire. Je pourrais même sans doute le porter même s’il est assez éloigné de mes goûts.

 

 

 

La même année, la marque lance « Soleil de Jeddah Afterglow » qui est peut-être celui qui m’a le moins attiré. « Le soleil vient de se coucher à l'horizon. Le ciel est en feu. La mer aux reflets éphémères est sublime. Le bruit des vagues accompagne les amoureux au bord de l'eau et les pensées se perdent dans des rêves d’éternité. Soleil de Jeddah Afterglow est une version sensuelle et voluptueuse de Soleil de Jeddah. Un départ original de fumées de mandarine et d’encens virevolte avant de se poser sur une Vanille cuirée. Au cœur du spectacle, l’Orchidée tisse de fines lianes autour du mythique Iris dans le secret espoir de l’apprivoiser. Devant la beauté du Benjoin de Sumatra, l’Ambre flamboie majestueusement et souffle ses dernières lueurs dorées jusqu’à la nuit ». Si le départ compte toujours dans ses rang l’huile de camomille, elle est, ici, associée à la bergamote et à un huile d’encens qui nous emmène sur un curieux coeur de cuir, d’orchidée et d’ambre puis sur un fond légèrement poudré d’iris associé au styrax, au benjoin e Sumatra, au vétiver et à la vanille de Madagascar. Plus sombre que les précédents, il est aussi plutôt froid. Je le trouve également peut-être plus original mais il y a certaines notes qui me dérangent un peu. Je ne pourrais pas le porter. Il n’empêche qu’il trouve apparemment facilement sa clientèle.

 

 

 

Trois autres 777

« Khol de Barheïn », lancé en 2013, est également un emblématique de la marque. À mon sens, c’est un ambré que l’on peut rapprocher de compositions très classiques comme « Grand Soir » de Maison Francis Kurkdjian par exemple peut-être dans une version un peu plus contemporaine. « Khôl de Bahreïn est un parfum glamour qui fait référence au Khôl, un ancien cosmétique pour les yeux utilisé par les pharaons et les reines égyptiennes et toujours porté par les femmes au Moyen-Orient. Une sensation de maquillage fantastique pour ce parfum séduisant, aux notes poudrées de Violette et d'un splendide Iris de Florence. Un hommage à l'élégance soulignée par les notes chaleureuses de l'Ambre et du Nougat onctueux. Un parfum ambré subtil et intime, une gracieuse arme de séduction ». Lorsque je l’ai découvert, le mot qui m’est venu est « qualitatif ». En effet, les matières premières sont belles, la composition est adroite et je comprends le côté « valeur sûre ». Le départ est très rond et poudré avec des notes de violette mais aussi de gommes peut-être un peu comme la guimauve et de nougat délicatement miellé. Le coeur, un accord ambre adouci par le bois de santal, fait très bien l’affaire comme on dit et il n’évolue que peu avec un côté benjoin un peu résineux. C’est un succès indéniable et cela ne m’a pas du tout échappé. Pourtant, il n’est pas mon préféré. Je le trouve certes assez moderne mais les parfums ambrés ne sont que rarement ma tasse de thé. Il n’en demeure pas moins une très belle alternative à ce qui existe sur le marché. Il faut l’essayer, je pense, pour se l’approprier vraiment.

 

 

 

Je ne pensais pas avoir de coup de coeur dans cette collection mais c’était sans compter sur « Un Nuit à Doha » qui date de 2014. Dès l’ouverture, je suis accroché par des notes, certes fugaces mais quand même, d’anis étoilé, de mandarine cristallisée et confite et de gingembre puis le parfum évolue vers un superbe coeur d’immortelle corse (l’un de mes péchés mignons je l’avoue) et de vétiver d’Haïti puis le tout se corse en se posant sur un fond de tabac brun très sombre un peu arroni par des touches de vanilles. Original, élégant, « Une Nuit à Doha » est vraiment mon préféré. La marque en décrit ainsi l’inspiration : « Inspiré des nuits d'été dans la capitale du Qatar, Une Nuit à Doha est un parfum chaleureux et gourmand mais innocent, au crépuscule où la nuit commence à tomber. Une explosion d'agrumes gingembre et caramélisés rappelant les marchés voisins remplis de douceurs et d'épices orientales. Une Immortelle onctueuse, douce et raffinée qui se mêle à des notes de Vanille et de Tabac aussi chaudes que les vents du désert où la ville a été construite. Une belle promenade à travers la ville lorsque la nuit commence et que les rues prennent vie ». Voilà enfin un parfum oriental qui sort des sentiers battus. Je suis sous le charme de cette mille-et-unième nuit en clair obscur entre notes chaudes et sombres. C’est un parfum vraiment singulier, qui ne ressemble à rien d’autre et je le trouve parfaitement addictif.

 

 

 

Le clou de la collection est le très onéreux « Ô Hira », également lancé en 2014, et qui fait la part belle aux matières premières très précieuses et notamment à une concentration incroyable d’ambre gris fossilisé. « Ô Hira, évoque l'histoire du prophète Mahomet cherchant refuge dans une grotte sur le mont Hira au sommet de la Mecque. Utilisant les ingrédients les plus précieux, le «diamant de la collection» comme l'appelle l'auteur, est le résultat d'années de travail acharné. Stéphane Humbert Lucas présente le parfum comme un Ambre fossilisé et vise à exprimer une odeur primitive et noble. La composition est basée sur une construction ton sur ton, une superposition de notes d'Ambre, de Cuir et de bois, dirigée par un superbe Styrax pyrogéné. Le parfum, à la fois fort et doux, dévoile rapidement des impressions de terre, de salpêtre, d'ambre et de cannelle. Le noyau est solide et basé sur la fève Tonka, la vanille torréfiée et le musc ». Lorsque la marque décrit le parfum, on remarque, la construction très classique qui, met en valeur des facettes à la fois douces et ambrées, salines, végétales, minérales mais aussi animales. Attention, ce parfum n’est pas celui de tout le monde. Il a une diffusion et, j’imagine, une tenue très importantes. Je ne peux pas dire que je l’ai tellement apprécié car il n’entre pas du tout dans mes goûts mais je dois bien reconnaitre son extrême qualité. Je suis très content de l’avoir senti même si je n’ai pas osé le poser sur ma peau.

 

 

 

Voilà pour cette longue sélection. J’ai trouvé la collection 777 de Stéphane Humbert Lucas beaucoup plus complexe et luxueuse que la collection Serpent. Je pense qu’elle s’adresse surtout à des amateurs de parfums ambrés et orientaux très qualitatifs. Pour ce qui est du flacon, il me rebute aussi un peu moins, il faut le dire. Je n’en raffole pas mais il est « supportable ». Il est vrai que je préfère quand même un contenant plus sobre… Les goûts et les dorures…

* Article enrichi

 

 

Lorsque j’achète un nouveau parfum, le plus souvent, c’est après pas mal de réflexion et de nombreux essais. Ca a été le cas pour « Iris Cendré » de Naomi Goodsir. D’ailleurs, je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises de ce jus absolument inédit créé par Julien Rasquinet en 2015. Je ne sais pas vraiment comment le décrire et encore moins le classer dans une famille olfactive. L’envolée de bergamote et de mandarine est très fugace et on entre sur un coeur avec l’association iris et violette mais je trouve qu’elle est différente par rapport à ce que j’ai déjà porté. Elle est associée à une résine Oliban très délicate et repose sur un fond de ciste et d’ambre soutenus par une note de tabac.

J’aime beaucoup la note d’iris. Je l’ai souvent portée associée à la feuille de violette comme dans « Iris de Nuit » de James Heeley, « Après l’Ondée » de Guerlain ou encore « Iris Silver Mist » de James Heeley ou encore conjuguée avec le cuir et le jasmin dans « Iris Prima » de Penhaligon’s ou le cèdre dans « Bois d’Iris » de The Different Company. Avec « Iris Cendré », Julien Rasquinet donne une lecture épurée et très « végétale » de cette matière première absolument envoûtante.

Pour moi, le départ est un peu terreux. Je sais que, dit comme ça, ce n’est pas très engageant mais, comme dans tous les parfums de la maison Naomi Goodsir, il ne faut sûrement pas s’arrêter aux notes de tête car nous pourrions passer à côté d’un développement absolument magique. C’était un peu mon cas lorsque je l’avais senti sur touche. Je l’avais trouvé joli mais ne m’y étais pas arrêté, me concentrant plutôt sur « Nuit de Bakélite » que je porte ou encore « Cuir Velours » mais, finalement, après l’avoir pas mal porté, je me suis décidé.

S’approprier un parfum voulu par Naomi est toujours une aventure. Je pense qu’ils représentent à la fois son imaginaire et sa charmante excentricité. La maison compte, à ce jour, seulement cinq fragrances et les jus sont vraiment hors-norme. Je trouve que c’est l’une des marques, et je l’ai déjà dit, qui peut porter le nom souvent galvaudé de parfumerie de niche car, vraiment, chaque création est un concentré de créativité mais également d’élégance.

Naomi Goodsir et Renaud Coutaudier, les créateurs de la maison.

« Iris Cendré » est très moderne. Il sort des sentiers battus comme l’a fait, en son temps, « Iris Silver Mist » de Serge Lutens. Il ne ressemble à rien d’autre et je conçois qu’il puisse ne pas plaire surtout au premier abord mais il mérite vraiment d’être essayé. Pour ma part, je trouve qu’il me ressemble et qu’il est complètement dans mes goûts. J’ai pas mal de parfums. C’est parfois une passion à la fois onéreuse et encombrante. Ceci dit, je pense que je vais beaucoup porter celui-ci car il me plait vraiment énormément. J’en ai profité dès que je l’ai eu et il m’a vraiment accompagné.

Je ne voulais pas spécialement répéter ce que j’avais déjà écrit sur « Iris Cendré » mais, maintenant que je le porte, je suis plus à l’aise pour en parler précisément. Je dois dire que c’est un vrai coup de coeur.

Les parfums d’Orsay se lancent à leur tour dans la création d’extraits de parfums. J’ai beaucoup échangé avec Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heure car nous les avons découverts à quelques jours d’intervalle. Il sont donc au nombre de trois, contenus dans des flacons noirs et créés par Jordi Fernandez, Dominique Ropion et Julien Rasquinet. Globalement, je les ai trouvé réussis et il me semble qu’ils complètent très bien l’offre de la marque. Attention, sur touche, je les ressentais comme assez banals mais j’ai eu l’occasion de les porter et, finalement, s’il y en a un qui m’a moins parlé, j’ai trouvé l’évolution très jolie, élégante, pas forcément originale mais j’y reviendrai en conclusion. Je vais essayer d’être précis et de vous donner mes impressions parfum par parfum. En tout cas, je trouve que ce sont de jolies créations à découvrir.

« C'est un moment après un coup de foudre, quand la Mandarine et les Baies roses allument la première mèche, et que l'Iris et la Fève Tonka viennent ouvrir la brèche. Cet Extrait de Parfum imaginé par le parfumeur Jordi Fernandez, saisit la trame cachée de notre attraction et laisse le souvenir d'un sillage Ambré, Poudré ». Créé par Jordi Fernandez, « Tonka Hysteria » est le premier extrait que j’ai essayé et il est l’exemple parfait qu’un parfum, parfois, ne rend rien sur touche mais se développe sur la peau. Il s’ouvre avec des notes assez simples de mandarine, de cannelle et de baies roses mais sur la peau, au bout de quelques minutes apparaît un coeur poudré et floral d’iris, rafraîchi par un accord muguet que je ne sens pas tellement. Ce n’est que lorsque le parfum se pose que le fond de fève tonka, de benjoin et de vanille que je trouve vraiment très agréable. Il donne un côté un peu poudré, presque cacao. Je crois qu’il ne faut pas chercher, dans ce parfum, une folle originalité mais plutôt la discrète élégance des parfums D’Orsay. Le mot qui me vient est « qualitatif ». C’est un très joli parfum, chic, réconfortant, sans aucune prétention. La concentration extrait lui donne une belle profondeur et, de plus, son évolution n’est pas trop longue donc on peut se faire une idée assez facilement. Il m’a plu mais ce n’est pas réellement un coup de coeur. Pour moi, « Tonka Hysteria » plaira à un grand nombre d’amateurs de parfums ronds et un peu cocon.

 

 

 

J’ai nettement eu plus de mal avec « Incense Crush » réalisé par Julien Rasquinet dont j’aime pourtant souvent le travail. Je pense que c’est plutôt le thème qui ne m’a pas touché. « Cet élixir ouvre les chakras, révèle notre pouvoir de séduction et attire inexplicablement les autres à soi. Son sillage intense aux notes de Bois de Chêne et de Cèdre allument les braises de nos journées, quand la Cardamome mixée au Clou de Girofle viennent épicer nos soirées. Une fragrance mixte Boisée, Epicée, imaginée par le parfumeur Julien Rasquinet ». Après un départ très présent de clou de girofle et de cardamome, le parfum se fait à la fois dense et un peu clair obscur avec un coeur très synthétique de cuir enveloppé par un accord crémeux, ce qui n’est pas du tout ce que je préfère en parfumerie. Le fond, construit autour de notes fumées de résine oliban, de bois de cèdre et de vétiver me rebute un peu lorsqu’il apparait puis, quand il se calme, je le trouve quand même plus facile à porter. J’apprends, petit à petit, à apprivoiser les notes de myrrhe et d’encens mais ce n’est quand même pas ce que je préfère. « Incense Crush » est, de plus, pour moi, le plus convenu de ces trois extraits. J’ai déjà senti des parfums fumés contenant de l’encens un peu moins consensuels et je suis donc resté un peu sur ma faim. C’est mon ressenti et cela n’engage que moi.

 

 

 

Le parfum que j’ai préféré est signé Dominique Ropion et porte le nom de « Flower Lust ». Je pourrais tout à fait le porter et cela ne surprendra aucun des lecteurs de ce blog. Il s’ouvre sur une très belle envolée de baies roses et de poivre noir puis vient un coeur très riche de fleur d’oranger et d’ylang-ylang qui me réjouit. Le fond, très rond, de bois de santal, de benjoin, de fève tonka et de patchouli lui donne un petit côté oriental que je trouve vraiment très agréable. « Ici on aime la démesure, on prend la bonne mesure de la luxure. Poivre rouge et Poivre noir enivrent l’air, un épais Bois de Santal allume Ylang-Ylang et Fleur d’Oranger, pour un sillage puissant qui toute la journée explose en volupté. Un Extrait de Parfum mixte Floral, Ambré imaginé par le maître-parfumeur Dominique Ropion ». Sur ma peau, « Flower Lust » se développe très bien et il me convient parfaitement, je m’en rends compte. En revanche, je dois bien admettre que je ne suis pas complètement convaincu car il lui manque peut-être le petit quelque chose en plus qui me donnerait envie de le porter. C’est un parfum très élégant, très agréable voire jubilatoire et, c’est vrai que s’il n’y avait pas autant de nouveautés pour cette rentrée, il aurait peut-être retenu un peu plus mon attention. Il n’en demeure pas moins qu’il s’avère très réussi et que j’aime beaucoup le sentir.

 

 

 

Globalement, j’ai trouvé cette nouvelle collection un peu sage, pas très niche si j’ose dire. Ceci dit, chacun des parfums est vraiment très bien travaillé et je les ai trouvés qualitatifs. Je ne suis peut-être pas suffisamment séduit pour franchir le pas mais, comme je le disais en introduction, ils complètent bien l’offre des parfums D’Orsay qui présente maintenant, au fil des années, une gamme très complète.

J’aime beaucoup l’exercice qui consiste à essayer, à l’aveugle ou presque, des parfums dont je possède les doses d’essai pour vous faire part de mes impressions. Comme toujours, et je le redis, il ne s’agit absolument pas de critique mais simplement d’un ressenti personnel. J’ai choisi quatre parfums, très différents les uns des autres, peut-être parfois en dehors de mes goûts, mais toujours intéressants à essayer. Je pense que chaque création doit être posée sur la peau. Parfois, je ne le fais pas au premier abord alors le jeu des échantillons est toujours à la fois utile et stimulant. Alors, comme chaque moi, aurai-je eu un coup de coeur (ou deux, ou trois…) ? Vous le saurez dans ma conclusion.

Créé par Luca Maffei en 2021 pour Astrophil & Stella, "The Iris Way" est, comme son nom l’indique, un travail autour d’une très belle qualité d’iris. Après un départ très frais de fleurs de citronnier et d’élémi, un coeur d’iris, poudré, très profond, associé à la myrrhe puis, après une longue évolution, liée à la concentration extrait, des notes de muscs et d’ambre viennent enrichir le parfum et lui assurer une très belle tenue. « Seules les âmes nobles ont été autorisées à voir l'iris éthéré des corps célestes. Comme des yeux magiques, ils veillent sur les galaxies, et en dispersant leur poussière lumineuse, ils ont créé un mélange d'argent qui vibrait dans les cœurs les plus purs et les plus royaux, dans une harmonie enchanteresse dont le secret n'était connu que des étoiles ». Comme toujours, Luca Maffei, orfèvre de la parfumerie, s’approprie le thème avec talent. Le parfum est une véritable merveille, facetté, très bien travaillé mais il reste tout de même très classique. Pour moi, on est plus dans la parfumerie fine (ce qui n’est pas du tout un défaut) que dans une démarche d’auteur. C’est d’une interprétation d’un thème qu’il s’agit et c’est une totale réussite. « The Iris Way » rejoint, pour moi, les plus beaux parfums sur la même idée du marché. Je l’ai beaucoup aimé même s’il n’est pas le parfum de la marque que j’ai préféré. Ce n’est qu’affaire de goût car, objectivement et même un peu subjectivement, je le trouve magnifique.

 

 

Lancé en 2022 par la marque anglaise Thameen et créé par Phillipine Courtière et Pierre Constantin Guerros, « Blue Heart » est un parfum ambré et boisé qui m’a pas mal interpellé lorsque je l’ai essayé. « Inspiré par le plus gros diamant bleu en forme de cœur au monde, ce parfum ambré évoque une aura de mystère avec la richesse de l'Iris, de la Fève Tonka et de la Vanille pour évoquer l'éclat du charme séduisant du diamant ». Nous sommes, là aussi, face à une concentration extrait et le développement s’avère très long entre l’envolée de noix de coco et de safran, le coeur de vanille et de fève tonka et le fond d’ambre, de musc et de cypriol. J’aime beaucoup les notes de tête et, pour une fois, la note de safran ne me dérange absolument pas. Le coeur est classique d’un parfum oriental tout à fait traditionnel mais il y a quelque chose dans les notes de fond qui me dérange un peu. Je pense qu’il s’agit de l’association des muscs avec le cypriol. Il y a une certaine fraîcheur presque synthétique, très étonnante qui donne sa singularité au parfum mais qui ne me convainc pas du tout. Je sais comprendre qu’il s’agit d’une création très bien faite et inventive mais sans doute s’éloigne-t-elle trop de mes goûts pour que je puisse vraiment l’apprécier. Il n’en demeure pas moins que « Blue Heart » est un parfum original et parfaitement réalisé. Je suis certain qu’il a son public et c’est mérité mais il n’est pas mon favoris dans la marque.

 

 

Présenté dans un flacon blanc et givré, « Jany » a été créé en 2023 par Margaux Le Paih Guérin pour Sora Dora et je ne l’avais pas découvert alors que j’en avais beaucoup entendu parler. La parfumeuse en exprime ainsi l’inspiration : « Nous avons travaillé quasiment une année sur un accord « boulangerie ». j'ai finalement trouvé l’inspiration pour cette note si particulière. Après cela, tout est devenu limpide, le souvenir d’une tarte Tatin … ». Le moins que l’on puisse dire est que c’est réaliste. J’ai vraiment l’impression d’une tarte tatin qui sort du four. Le départ de pomme un peu caramélisée se pare de notes de pêche et d’abricot qui assurent encore plus de rondeur. Le coeur est un vrai accord de pâte feuilleté, beurrée et très profond qui est renforcé par un très lumineux osmanthus, une noix plutôt dark et une prune ronde et confite. Le fond de caramel et de vanille avec le côté amande s’enveloppe de muscs blancs. Je suis vraiment impressionné par le résultat mais je ne crois pas que j’aimerais porter un parfum qui sente la tarte tatin. J’aime beaucoup la pâtisserie en tant que tel mais le côté culinaire assumé me dérange beaucoup sur ma peau. J’en ai sur les doigts pendant que j’écris et l’odeur m’écoeurerait presque. C’est ainsi. Je suis très éloigné de mes goûts en parfumerie.

 

 

« Ce parfum a été inspiré par la chaleur australienne et ses grands espaces. Pour moi, ce sont les fleurs blanches et jaunes et les bois crémeux qui incarnent le mieux ce sentiment » tel sont les mots de Wessel-Jan Kos pour décrire « Velvet Splendour » qu’il a créé en 2019 pour Goldfield & Banks, une marque australienne qui, jusqu’à présent, ne m’a pas vraiment convaincu. Après une envolée de mandarine assez jolie, cette eau de parfum devient curieusement poudrée et cosmétique avec un coeur de jasmin et de fleur d’oranger mais c’est vraiment le fond qui fait la différence. La fève tonka associée au patchouli, au cuir, à l’opoponax, le santal et le vétiver s’avère vraiment très originale. Je trouve ce parfum très éloigné du velours annoncé car il m’évoque plutôt le poudrier qui aurait pu être celui de ma grand-mère. « Velvet Splendour » est particulièrement régressif grâce au mimosa et à la fleur d’oranger. C’est quand même un beau poudré. Je ne sens pas le floral sauvage annoncé. C’est une question de ressenti et d’émotion. J’aime beaucoup ce parfum mais il y a un bémol : je le trouve un peu trop synthétique et peu évolutif. C’est dommage car je garde une impression un peu mitigée.

 

 

 

J’avais assez adhéré à la re-création de la maison Cherigan par Sophie et Luc Gabriel en 2021 mais je crois que je confirme que « Or des Îles » est mon parfum préféré. L’avoir réessayé me conforte dans cette opinion. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que c’est encore un solaire. « Un autre exotisme se raconte dans le flacon d’Or des Îles, paradisiaque, brûlant. Comme un kaléidoscope du fantasme offert par les mers turquoises, plongé dans l’air épais d’une végétation luxuriante. Peintes par Gauguin au début du siècle, les Tropiques sont l’occasion d’une renaissance de l’art. Ce rêve insulaire a inspiré une création à l’ouverture hespéridée, mariant l’ylang et le jasmin à une vanille voluptueuse, musquée, vivante. Un hommage à la célèbre danse sauvage de Joséphine Baker sur les Champs-Elysées ». La marque mentionne le fait que ce parfum contient 99% d’ingrédients naturels et il est vrai que je trouve très évolutif son développement. Après une envolée fraîche de citron et de bergamote, le coeur d’ylang-ylang compose avec des notes de rose et de jasmin avant de se poser sur un fond de muscs blancs et de vanille. Très franchement, il n’est pas vraiment original mais sur ma peau, il matche parfaitement. La haute concentration nous fait profiter de son évolution lente. C’est un très joli parfum qui me plait mais j’en ai d’autres dans les mêmes notes donc je ne le porterai pas dans l’immédiat mais je pourrais.

 

 

Je n’ai pas eu vraiment de coup de coeur dans cette sélection mais je me suis aussi éloigné de mes goûts habituels, ce qui est particulièrement stimulant. J’ai sélectionné quatre beaux parfums mais je n’a pas ressenti d’émotion particulière qui m’incitent à y revenir ce qui ne remet absolument pas en cause le très beau travail, et le mot est faible, des différents parfumeurs. J’ai été impressionné par les partis pris. Ce sont ces prises de risques qui constituent le tissus de la parfumerie de niche.

 

 

« Mélodie de senteurs tendres, l'Eau du Ciel se compose de tilleul, de bois de rose du Brésil, de violette et d'iris. Le néroli et la fleur d'oranger viennent enrichir cette eau de toilette fine et délicate. Cette Eau du Ciel existe également en Eau sans alcool pour les femmes qui aiment se parfumer sous le soleil. L'Eau du Ciel évoque la nature, une grange à foin chauffée par le soleil, un champ de violettes... Aérienne et naturelle, l'Eau du Ciel séduit avant tout celles qui n'ont jamais tout à fait quitté les verts paradis de l’enfance… ». J’ai eu l’occasion de remettre mon nez dans « Eau du Ciel » créé par Annick Goutal et Isabelle Doyen en 1985. En effet, en 2021, ce parfum stoppé en édition limité était à l’occasion des quarante ans de la maison et il en reste, aux bonnes adresses, un ou deux flacons. Je me suis souvenu combien cette création était une réussite, je connais son succès et je ne comprends pas bien pourquoi le groupe coréen qui, désormais, détient ce qui est devenu Goutal Paris, a décidé de le supprimer. « Eau du Ciel » est absolument magnifique, tout en légèreté, plein de facette. N’ayons pas peur des mots, c’est un bijou.

Isabelle Doyen et Annick Goutal à l'époque de la création de "Eau du Ciel"

Après un départ très floral et légèrement poudré de tilleul et de néroli, la fragrance s’enrichit de fleur d’oranger et du côté poudré de feuilles de violette puis se pose sur un fond de bois de rose et d’iris. Le mot qui me vient est « délicatesse ». Il est vraiment iconique avec son départ miellé de néroli et de tilleul, son coeur de fleur d’oranger et de feuille de violette et son fond de bois de rose poudré par l’iris. Quand je l’ai redécouvert, j’ai un peu regretté de ne pas l’avoir porté. Peut-être un jour, si je tombe encore sur un flacon de la réédition, je me laisserais bien tenter. Je ne sais pas s’il était ressorti en eau de parfums ou dans sa version eau de toilette en 2015. Les notes miellées et tendres s’harmonisent merveilleusement avec le côté poudré et très floral du développement de cette création. J’aime « Eau du Ciel » depuis longtemps. À l’époque où il était commercialisé, je portais plusieurs parfums de la marque et ne l’avais pas choisi. Je pense qu’il rencontrerait un grand succès si la marque décidait de le ressortir.

 

 

 

Le nom de Delphine Jelk devient de plus en plus incontournable chez Guerlain. En effet, depuis quelques années, elle a signé de nombreuses nouveautés éphémères ou permanentes. J’avoue que je ne connaissais ni son parcours ni son travail mais que sa personnalité, très affirmée, m’intrigue. J’ai décidé de faire des recherches pour lui consacrer un portrait peut-être un peu différent de celui des autres parfumeurs car j’ai l’impression qu’il y a comme quelque chose sur le point d’éclore à la fois dans son travail et dans ses engagements pour une parfumerie plus équitable et plus axée sur les belles matières que précédemment dans la marque. En tout cas, je suis allé sur les traces de cette parfumeuse talentueuse et aux choix affirmés. Je vais essayer de vous donner mes impressions également sur son travail.

Delphine Jelk fait partie de ces créateurs qui ne se destinaient pas à une carrière dans la parfumerie sous cette forme. Elle a exploré d’autres pistes avant de se lancer. Le site Olfastory révèle : « Delphine Jelk ne se destinait pas de prime abord à intégrer l'univers de la parfumerie. Elle fit dans un premier temps des études dans la mode et acquit une expérience en marketing du parfum. C'est ainsi qu'elle fut séduite par cet univers peu commun. Elle se dirigea donc vers l’Institut de Parfumerie de Grasse, duquel elle sortit avec un diplôme en poche. Tout d’abord, elle occupa une place au sein de l'entreprise Drom. Cette entreprise est considérée comme étant le « Petit Poucet » du marché mondial de la parfumerie dominé par de véritables géants. Il s'agit d'une entreprise familiale allemande comptant seulement cinq unités de production dans le monde mais se dotant d'une créativité et d'une réactivité sans égale. C'est là que Delphine Jelk fit ses armes, développant une technique sans faille capable de faire naître les plus grands succès ». C’est donc au sein de la maison de composition Drom qu’elle a fait ses premières armes en créant des parfums tels « N°9 Posala » pour Odin, « Aubade » et « Anecdote » pour Aubade en 2013. Parallèlement à cela, elle compose, en 2009 la toute première version de « La Petite Robe Noire » qui sera adaptée à la maison Guerlain par Thierry Wasser dans une version plus commerciale et qui connaitra le succès que nous savons. C’est donc en 2013 qu’elle intègre la maison Guerlain et commence, petit à petit, à inventer de nouveaux jus et à en réinventer d’autres. Aujourd’hui, elle signe, seule ou avec Thierry Wasser, la plupart des créations et des éphémères de la marque et travaille pour toutes les collections de la maison. Je trouve qu’elle imprime vraiment sa marque et impose une signature radicalement différente de celle de son mentor même si elle reste dans la ligne fixée par la direction artistique de la marque. J’ai choisi deux parfums réalisés par Delphine Jelk que je trouve assez significatifs de son style.

Mon premier choix s’est porté sur l’une des plus récentes créations de la collection Aqua Allegoria, « Florabloom » lancée en 2024. « Florabloom, c'est l'explosion joyeuse d’un bouquet coloré comme un arc-en-ciel, illuminé en son cœur par une tubéreuse aussi vraie que nature. Autour de cette fleur blanche éblouissante, roses, notes d'iris et de violettes se mêlent sur fond de mousse et révèlent des facettes solaires et onctueuses. Une création inspirée par le spectacle éblouissant des superfloraisons du désert, phénomène naturel rare qui par des pluies intenses, donne vie à un parterre de fleurs aux mille couleurs ». C’est un floral et, même si je préfère la version Forte, je suis très client de ce genre de fragrances surtout l’été. En tout cas, c’est aux Galeries Lafayette de Dijon, lors d’un week-end dans la cité des Ducs de Bourgogne, que j’ai vraiment essayé ces deux créations. Delphine Jelk a donné sa version du bouquet floral, de la rose de Grasse et de la tubéreuse avec une très jolie touche fruitée, discrète, légèrement gourmande et particulièrement bien intégrée dans cette explosion de fleurs blanches. Je dois dire que je me suis vraiment fait plaisir à porter l’une et l’autre des versions qui sont assez différentes même construites autour de la même « colonne vertébrale ». Ces deux créations m’ont réconcilié avec la collection dont je m’étais détourné depuis très longtemps. Delphine Jelk, comme elle l’avait fait, dans un tout autre registre dans la version « Habit Rouge - Rouge Privé », une sortie éphémère, retrouver, à mon sens, l’esprit de la maison Guerlain de mon adolescence. Je pourrais parler de l’une et l’autre des versions.

 

 

Il me fallait quand même choisir un parfum de la collection L’Art et La Matière même si je ne suis pas complètement convaincu surtout avec la flambée des prix. Bien sûr, j’aurais pu revenir sur « Patchouli Paris » que j’ai découvert en début d’été et qui m’a vraiment beaucoup plu mais je n’ai pas voulu trop radoter. J’ai préféré mettre de côté mes goûts et tenter de trouver une création emblématique du style Delphine Jelk et j’ai finalement opté pour « Santal Pao Rosa » sorti en 2021. Ce n’est pas un coup de coeur comme le patchouli et je ne suis pas tellement fan du bois de santal donc, en le re-sentant, j’ai essayé d’être le plus objectif possible. « La Nature devient Art lorsque la force du santal s’enveloppe de tendres pétales de rose. Entre bois et fleur, une partition des contraires renforcée par une entrée fraiche et épicée de cardamome, et un fond plus sombre d'oud et de notes de myrrhe. Santal Pao Rosa emprunte son nom au patrimoine Guerlain : Pao Rosa était un parfum d'Aimé Guerlain de 1877 évoquant déjà la rencontre du bois et de la rose ». J’étais assez passé à côté de ce parfum et, en le réessayant, j’ai essayé d’avoir l’esprit ouvert. Je ne suis pas du tout un amateur de bois de santal et c’était globalement un défi. J’ai aimé le résultat que je trouve finalement très facetté et assez agréable à porter. Il y a un côté très élégant et on trouve quand même les petites notes un peu gourmande si je peux dire, que Delphine Jelk maîtrise royalement.

 

 

Delphine Jelk apporte à la maison Guerlain un souffle tout à fait moderne. Elle semble pourtant connaitre parfaitement les bases du patrimoine de la maison, preuve en est le très beau « Habit Rouge - Rouge Privé », hélas éphémère, qui nous a ramené, un an durant, aux origine de l’eau de parfum quand elle est sortie, avec une note davantage cuirée. Ça fait du bien. Delphine Jelk compose beaucoup de parfums pour Guerlain, sa signature s’impose de plus en plus et je me suis demandé si elle n’était pas en train de tourner la page Thierry Wasser et d’emmener la marque vers une nouvelle direction. En tout cas, son travail me semble significatif des orientations de Guerlain aujourd’hui. Je pense que l’évolution est inéluctable et il faut toujours essayer de voir comment elle se pratique.

En parfumerie, la feuille de tomate apporte indéniablement quelque chose de frais, de presque vert ainsi qu’une pointe d’acidité et d’amertume. Depuis « Passion » d’Annick Goutal, en 1983, elle est présente dans des compositions chyprées, florales, hespéridées, boisées et cuirées. J’aime beaucoup cette note que j’ai pu découvrir en portant « Jardin Sur Le Nil » créé par Jean-Claude Hellena pour la collection des Jardins d’Hermès. Je trouve que le côté vert et presque pétillant de la feuille de tomate donne une singularité dans les parfums qui en contiennent. J’ai eu envie de parler de cette matière première très intéressante à travers quatre parfums particulièrement réussis. J’ai pris infiniment de plaisir à réessayer ces trois parfums pour écrire mon article. J’espère bien susciter votre curiosité.

« Vétiver Écarlate » créé par Quentin Bisch pour Le Potager de L’Artisan Parfumeur en 2022 est une très grande réussite. Lorsque j’ai découvert ce parfum je crois que le mot qui m’est venu a été « parfait ». C’est un vétiver original, frais et très facile à porter. Je crois d’ailleurs qu’il est devenu le best-seller de la collection et même dans la marque en général. Sa concentration eau de parfum lui confère une évolution assez longue, une excellente tenue et un sillage très suffisant. Le vétiver y est associé bien sûr à la verdeur de la feuille de tomate pour un côté très lumineux et à l’amertume du pamplemousse. C’est une explosion de fraîcheur avec tout de même un côté boisé. La marque le décrit ainsi : « Un jeu de contrastes entre la fraîcheur de la feuille de tomate et la profondeur des bois ». Pour écrire cet article, j’ai pas mal porté « Vétiver Écarlate » car j’ai accès à un testeur facilement et je possédait plusieurs doses d’essais. Vraiment, il m’a plus. Je pourrais tout à fait me l’approprier. Il m’évoque la fraîcheur d’un printemps clément. Il n’est sans doute pas adapté, en tout cas de mon point de vue, à la saison mais je ne suis pas très loin du coup de coeur.

 

 

 

« Un déchaînement autour du lentisque, arbuste typique de la Corse. Bois, mousse, terre, foin, miel, résine, cuir… Vert à tous les étages et sur tous les tons, son sillage entraîne avec lui les odeurs du maquis. Fusant et fougueux. Furioso. Se dit, en musique, d’un morceau qui présente un caractère impétueux... Parce qu’elle n’est jamais reposante, cette Corse où Marc-Antoine Corticchiato a ses racines. Elle en met plein les yeux, plein les nez, plein le cœur. À force de fureur de vivre, parfois ça explose. Alors on prend le maquis…». Plus aromatique qu’hespéridé, « Corsica Furiosa » créé en 2014 est sans doute le parfum de ma sélection que j’ai préféré. J’aime beaucoup son côté hors norme. Les notes de tête de bergamote, d’herbe coupée, de miel et de foin sont particulièrement originales et Marc-Antoine-Corticchiato a construit le départ de sa création avec ces notes autour d’une matière première que je ne connaissais pas et a pour nom lentisque et qui, apparemment est tiré de l’huile essentielle du pistachier. Au coeur, on retrouve du poivre et de la menthe très « peps » et qui nous conduit vers un fond de ciste, de mousse et de feuille de tomate qui lui confère quelque chose de vraiment plus frais. « Corsica Furiosa » est un parfum complexe, inspiré et très baroque. Outre sa fraîcheur, je lui trouve quelque chose de très addictif. Il a beaucoup plu puisque, en 2015, il a obtenu le FIFI Award du meilleur parfum de niche d’une marque indépendante. Je l’ai essayé mais jamais vraiment porté.

 

 

Ce n’est que très récemment que j’ai découvert « Adèle » créé par Alexis Dadier en 2023 pour Marie-Jeanne. C’est une marque dont je vous parlerai d’ailleurs plus longuement je pense. Ce parfum vert, chypré, est, pour moi, un coup de coeur et je pourrais tout à fait le porter. C’est pourquoi je voulais qu’il soit présent dans cette sélection. Il s’ouvre sur une très belle bergamote et une mandarine italiennes associées à un verveine juste présente comme j’aime. Le coeur d’iris et de galbanum est renforcé par un accord feuille de tomate. Le parfum prend un tour très vert et fusant qui continue de me plaire beaucoup. Le fond de vétiver d’Haïti et de de mousse de chêne des Balkans est un socle particulièrement élégant. Très végétal, ce parfum s’inscrit dans la lignée de « Synthetic Nature » aux Éditions de Parfums de Frédéric Malle ou encore de « Malamata » de Roos & Roos. « Fraîche et élégante, Adèle associe la douceur poudrée de l’Iris et le vert du Galbanum, cette eau fraîche vous transporte dans un jardin ensoleillé ». Le résultat est un parfum vert dans lequel la feuille de tomate renforce le galbanum comme aurait pu le faire le basilic mais avec encore plus de nuances. « Adèle » est un féminin et pourtant il m’attire absolument. Il est parfaitement possible que je le réessaye après l’hiver. En tout cas, c’est une très belle réalisation.

 

 

« Italian Leather » fait partie des Cuirs Nomades de Memo et il a été créé par Aliénor Massenet en 2013. Sans l’avoir porté, je le connais bien. « Italian Leather parle l'italien de Rome, celui que l'on murmure en somnolant sur le siège d'un cabriolet lors d'une sieste amoureuse impromptue. Il associe la simplicité de la feuille de tomate verte à la beauté sophistiquée du cuir, de la myrrhe et de l'absolu de vanille. Un rêve lucide ». Après une envolée très fraîche de feuille de tomate verte, de baies de genièvre et de poivre rose, un coeur poudré d’iris s’exprime avec la fraîcheur végétale du petitgrain et les versants aromatiques de la sauge sclarée. Au fond, un absolu de ciste apporte un côté cuiré rendu résineux grâce à des notes de myrrh et il est arrondi par un extrait de fève de vanille qui adoucit l’accord cuir. « Iltalian Leather » n’est pas mon cuir préféré dans cette collection mais je me devais de le citer car la note verte de feuille de tomate est très présente et identifiable. Je trouve qu’elle contrebalance le côté trop poudré de la vanille et de l’iris pour lui conserver ses notes de cuir frais. C’est un parfum très populaire dans la marque je crois et je le comprends car il est vraiment réussi même s’il n’est pas fondamentalement pour moi.

 

 

Pour finir, j’aurais pu parler de « Passion » que je porte beaucoup mais je ne sens pas forcément la feuille de tomate dans son développement. J’ai préféré me concentrer sur des créations plus significatives. En tout cas, je le confirme, j’apprécie beaucoup cette note et il y a au moins deux des créations de ma sélection que je pourrais m’approprier. J’espère vous donner envie de découvrir ces parfums étonnants.