Promenade dans mes doses d'essai
Comme chaque mois, je mets mon nez, au propre comme au figuré, dans mes échantillons, j’en choisis quatre venant d’univers olfactifs très différents et je les porte pour vous donner mon ressenti. Alors, pour cette première sélection de l’année, ai-je eu un coup de coeur ou non ? Vous le saurez si vous lisez mon article jusqu’à sa conclusion. Je sais que vous aimez bien ce format donc je m’y attelle chaque mois. Pour cette première édition 2024, j’ai choisi trois parfums que je n’avais senti que sur touche jusqu’alors et un que j’avais déjà essayé mais sur lequel je voulais revenir. Je vous emmène donc, sur les traces des créateurs qui les ont composés et des maisons qui les ont commandés ou édités.
Je l’ai souvent dit mais Parfum d’Empire, la maison créée par Marc-Antoine Corticchiato qui en est également le parfumeur en 2003 est l’une des marques pionnières mais aussi l’une des rares qui a su rester indépendante et qui mérite, encore aujourd’hui, l’appellation « parfumerie de niche » que je trouve pour le moins galvaudée. En 20 ans, Marc-Antoine Corticchiato, chimiste et cavalier émérite, a su peaufiner son talent et son savoir faire pour nous proposer 23 parfums plus un éphémère répartis dans deux collections. Le parfum que j’ai décidé de réexplorer et que j’ai porté est, à-priori, tout à fait dans mes goûts puisqu’il s’agit de « Immortelle Corse », créé en 2019 pour la collection L’Héritage Corse. « Insulaire et indomptable. Emblème du maquis corse, l’immortelle s’illumine de matières couleur de feu - safran, abricot, citron - avant de déployer toute son ardeur en facettes boisées, fruitées, liquoreuses, épicées... La quintessence d’une terre embrasée de soleil ». Tels sont les mots de la marque pour décrire cette création dense, concentrée qui m’a quand même vraiment interpellé à sa sortie car, vous le savez, je suis complètement client de la note d’immortelle. Le parfumeur m’a encore plus donné envie puisqu’il décrit ainsi son inspiration : « L’immortelle me fascine. Elle envahit mon coin de maquis corse, où je passe beaucoup de temps. Je voulais son éclat au solstice d’été, quand elle est gorgée de soleil. C’est un ami chef qui, sans le savoir, m’a soufflé la clé de cette composition : associer des ingrédients par couleurs. "Ça marche toujours" m'avait-il lancé. Dès que j’ai mis au point mon accord safran - abricot - citron, j’ai su que j’avais le départ de mon histoire. Comme je voulais du velouté, j’ai choisi un abricot naturel, juteux, qui apporte de surcroît une douce lumière orangée. C’est une de mes formules les plus courtes. Je voulais un impact, une évidence, tout en restant dans l’élégance ». Il a a choisi une ouverture vraiment fruitée avec des notes douces d’abricot en opposition d’un citron très fusant puis vient un coeur principalement constitué de safran qui se pose sur un fond d’immortelle et de mousse de chêne. Comme ça, sur le papier, « Immortelle Corse » avait tout pour me plaire et pourtant, je ne suis séduit qu’à moitié. Je trouve le parfum un peu trop liquoreux et quand même vraiment univoque voire même linéaire. Je pourrais le porter mais ce n’est pas, il faut le dire, l’immortelle de ma vie. Je lui préfèrerai « Sables » d’Annick Goutal ou encore « L’Eau des Immortels » de Voyages Imaginaires qui correspondent plus à ma personnalité.
« Galaad, un accord de cuir frais au cœur de myrrhe couronné d’épices, est une invitation au voyage. Boisé aromatique il signe le sillage d’un cavalier élégant ou d’une cavalière raffinée et cosmopolite ». Inventé par Delphine Thierry en 2012 pour la collection Talismania de la maison Lubin, « Galaad » a toujours été un coup de coeur et j’ai appris qu’il allait sans doute être discontinué pour des raisons, j’imagine, de norme ifra. Cela avait été le cas de « Le Vétiver » de cette maison que j’aimais beaucoup il y a quelques années. J’ai donc décidé, avant qu’il ne disparaisse tout à fait, de remettre mon nez dessus et de l’essayer vraiment même si je l’avais déjà fait il y a quelques années. Contrairement au premier, je connaissais son évolution sur ma peau et je n’avais besoin que d’une petite « piqûre de rappel ». Delphine Thierry en décrit ainsi l’inspiration : « Tabac blond, cyprès, myrrhe et cèdre miellé, la recette d'éternité des seigneurs de l’Orient ». Par cette petite phrase sibylline, elle résume tout à fait ce cuir tabac élégant, oriental et particulièrement réussi il faut bien le dire. La pyramide, complexe, basée sur une formule relativement longue, donne le ton puisqu’après une envolée de cardamome associée à des notes de romarin et de cyprès, le coeur de myrrhe miellé et baumé prend toute sa place et s’enrichit d’un très beau fond de tabac blond, un peu feuille, de cipriol, de cèdre et de trace d’oud. C’est un parfum raffiné, moderne, tout en finesse. « Galaad » n’est pas du tout une « grosse machine » comme certains cuirés du marché actuel. Il est doux, profond, un peu velouté et d’une élégance très contemporaine. Je l’ai réessayé sur ma peau mais cette fois vraiment autour de mon cou et, il faut le dire, il matche merveilleusement bien. Je pourrais tout à fait le porter avant qu’il ne disparaisse vraiment. Pour moi, c’est un coup de coeur comme la première fois. Je lui ai préféré « Upper Ten » dans cette collection mais j’aurais pu tout aussi bien le choisir. Il est moins « ethnique », plus rond et plus profond. Vraiment, il me séduit. J’espère que son arrêt ne sera que temporaire car il s’agit-là, vraiment, d’un bijou fait parfum.
Depuis sa sortie en 2019, j’entends de beaux compliments sur « Cacao Porcelana » créé pour Atelier Materi par Marie Hugentobler. « Une fragrance élégante et signée, portée par le choix d’une matière singulière, le cacao blanc. Variété rare, ce cacao blanc pousse au cœur des plus anciennes plantations, à Piura, au nord-ouest du Pérou. Extraites à la main des cabosses, ses fèves sont fermentées puis séchées au soleil, avant d’être torréfiées. Afin d’en capturer les plus belles facettes, le parfumeur s’est entouré d’un Maître Chocolatier français pour obtenir la torréfaction parfaite. Le cacao blanc offre ainsi ses notes sensuelles de noix et de lait aux accents de fève tonka. Après un départ liquoreux et gourmand, la parfumeuse Marie Hugentobler dévoile ici l’amertume addictive du cacao, soutenue par des notes poudrées et boisées. Tabac blond, patchouli et santal apportent à Cacao Porcelana une signature charnelle et sensuelle ». Je le reconnais volontiers, le départ est absolument magique avec des notes de cacao poudré, d’immortelle profonde et de rhum et je vais aimer beaucoup le coeur de tabac adouci par le jasmin et le davana mais je suis un peu moins emballé par le fond de patchouli, de tonka et de santal. Porter « Cacao Porcelana » vraiment confirme parfaitement mon ressenti lorsque je l’ai découvert. L’envolée est sublime, il n’y a pas d’autre mot, mais l’évolution s’avère, il faut quand même être honnête, complètement décevante. C’est un peu comme un soufflé qui retomberait une fois sorti du four. Très franchement, il ne se développe pas tellement sur ma peau. De plus, la tenue et le sillage sont vraiment très limités alors que le prix est très élevé. Je reste donc, après cet essai poussé, très mitigé en ce qui concerne « Cacao Porcelana » et pourtant j’aurais aimé l’apprécier un peu plus car, encore une fois il est flatteur à la vaporisation. En tout cas, je suis content d’avoir insisté et de l’avoir vraiment essayé sur peau.
Créé en 2016 par Serge Majoullier pour la collection classique de BDK Parfums, « Bouquet de Hongrie » me séduit depuis que je le connais mais je ne l’avais posé sur peau. Le parfumeur décrit ainsi son inspiration : « L’idée était de travailler un bouquet floral frais et lumineux, à l’image d’une femme délicate et romantique, en l’associant à des facettes juteuses, vertes et fruitées. Cassis et poire amènent pétillance aérienne au bouquet de roses et de jasmin, sur un fond doux et confortable musqué et ambré ». Bon, on ne va pas tergiverser, c’est un grand floral et un grand féminin. Pour moi, il est la quintessence d’un ambré fleuri moderne, hérité de la belle parfumerie fine à la française avec son départ de poire, de cassis et de fraise qui ouvre sur un magnifique coeur de rose et de jasmin et se pose sur un fond de muscs blancs, d’ambre et de cèdre. Comme très souvent chez BDK, le mot qui me vient est « efficace ». « Bouquet de Hongrie » est ainsi décrit par la marque : « Elle se prépare. C’est une belle journée. Le ciel est bleu. Elle pose ses pieds nus sur son parquet et telle une danseuse se met à par- courir l’allée en miroir qui mène jusqu’à la coiffeuse. C’est l’un de ses endroits préférés. Elle aime s’y faire belle. Il y a juste à côté un bouquet de fleurs du jardin et ses mains ont l’air de tourner tout autour. Sa main droite, habile et légère, saute sur un poudrier puis attrape un flacon. Sa main gauche se saisit d’un fard à paupière puis d’un rouge à lèvres couleur peau. Elle se dirige ensuite vers son dressing, choisi une robe légère, ajuste une bretelle qui tombe. Elle enfile une paire d’escarpins et serre sa taille avec une ceinture. Comme chaque matin, elle se dirige ensuite vers sa terrasse fleurie, située au 4ème étage de cet immeuble qui surplombe les jardins du Palais Royal. Elle est heureuse et pense à sa journée en souriant ». Serge Majoullier réinvente avec brio ce style de parfum qui s’avère n’être jamais désuet. Il est présenté comme mixte mais je pense qu’il pourrait plus plaire aux femmes même si je pourrais le porter sans aucun problème. C’est un parfum net, réussi, franc et bien imaginé. Je le trouve vraiment très beau en évolution et il me séduit je le dis sans problème. Il y a quand même un petit bémol. En effet, il est plein de qualité mais il ne me surprend jamais. Je m’attends à l’élégance un peu sage de son évolution et peut-être que j’aimerais être un peu surpris. Cela n’enlève rien à sa qualité et à son chic fou.
Vous l’aurez compris, j’ai aimé, à des degré divers, les quatre parfums que j’ai essayé même si l’évolution de « Cacao Porcelana » me déçoit un peu mais celui qui, finalement, sort du lot, est toujours et encore « Galaad ». Décidément, la collection Talismania est celle que je préfère chez Lubin. Je la trouve d’une grande originalité. Je pourrais porter chacun de ces parfums. Merci à tous pour avoir lu jusqu’au bout. Cet article n’est pas une critique mais il est basé uniquement sur mes ressentis.
Noms subversifs : Provoc' gratuite ou vraie audace olfactive ?
Un parfum au nom provocant tient-il toujours ses « promesses » ? Telle est, en substance, la question que m’a posé l’une d’entre-vous et, je dois bien le dire, j’ai trouvé qu’apporter des éléments de réponse méritait bien un article. J’ai trouvé cela ludique et je me suis penché sur plusieurs créations dont les noms peuvent intriguer, choquer voire même faire fuir ou, au contraire « donner envie ». Je vais tenter de me rendre compte si tous sont aussi subversifs qu’ils le laissent supposer où si, au contraire, ils s’avèrent beaucoup plus sages et ont rencontré facilement un public large, toute proportion gardée puisqu’ils sont issus de la parfumerie dite de niche car je ne voulais pas tomber dans la facilité d’aller explorer le succès d’un « Opium » ou d’un « Poison ».
On ne va pas tergiverser, dans le monde de la provoc’ en parfumerie, Étienne de Swardt, fondateur d’État Libre d’Orange, est le roi. Son slogan est quand même « Le parfum est mort, vive le parfum ». Voilà un directeur artistique qui s’entoure de la fine fleur de des créateurs de France et de Navarre pour « casser les codes » et, volontiers, par les noms qu’il choisit (même si c’est un peu moins vrai aujourd’hui), choque l’esprit de ceux qui vont les découvrir. Mais les jus sont-ils aussi clivants que l’image utilisée ? Il faut quand même l’admettre, dans la marque, c’est rarement le cas. La plupart du temps la création est beaucoup plus sage qu’on pourrait le supposer. Je pense notamment à des parfums comme « La Fin du Monde », « Charogne », qui était un très bel oriental mais n’a tellement pas trouvé son public qu’il a fini par disparaitre, ce qui est bien regrettable, « Tom of Finland » (qui porte aujourd’hui le nom de « Clean Suede » que je trouve beaucoup plus adapté à un joli cuir élégant et doux) ou encore, bien évidemment « Putain des Palaces », un très joli poudré chic, un peu suranné mais certainement pas subversif. Alors vous allez me demander : Quid de « Sécrétions Magnifiques » créé en 2006 par Antoine Lie et ainsi décrit par la marque : « Comme le sang, la sueur, le sperme, la salive, les magnifiques Sécrétions est aussi réelle qu'un coït olfactif qui en envoie un en flaptures, au pinacle de plaisir sensuel, à un moment extraordinaire et unique lorsque le désir triomphe de la raison. La tension masculine libère une précipitation d'adrénaline dans une cascade de notes aldéhydoises élevées. La sensation de fraîcheur est saisissante. Ensuite, le parfum révèle un côté métallique, précis et aussi fort que le désir non accompli. Nous sommes sur un rasoir ... la peau et la sueur se mêlent, et des goûts de musc et de bois de santal. L'effet marin légèrement salé agite, suscite des soucises et met votre couture à la bouche. Les langues et les sexes se retrouvent, le plaisir explose et tout va bien. La confusion règne suprême. Un parfum subversif et dérangeant. C'est l'amour ou la haine à première vue. Le juting sensuel est rarement satisfait de demi-mesures ... Entre Don Juan et la femme qui se propose, les armes sont couplées ... Qui sera le premier à se rendre ? Avec presque un culte d'amour ou de haine, Sécrétions magnifiques a secoué le monde des parfums quand il a été lancé, et ça fait encore. Une œuvre de parfumerie conceptuelle conçue pour parler à tous les sens à la fois. Une règle: attraction et répulsion ». Et bien, je dois bien admettre que là, directeur artistique et parfumeur tapent très fort. Après une envolée qui mêle des accords marins et salés très synthétiques à des alédéhydes, le coeur rappelle le sang, le lait et même l’adrénaline puis le parfum se pose sur un fond de bois de santal, d’iris et d’opoponax. Je vais être honnête, le parfum, en tant que tel, peut rebuter dès la vaporisation. Les notes de tête et de coeur, en tout cas sur une touche car je n’ai pas osé le mettre sur ma peau, me dérangent vraiment et j’aurais tendance à le trouver parfaitement importable or, il se trouve que j’ai une connaissance qui ne craint rien et qui porte « Sécrétions Magnifiques » et je dois bien admettre que, lorsque je le croise, je sens des notes de fond qui, sur sa peau, sont assez belles. Cela n’empêche pas que je trouve qu’il s’agit-là quand même, d’une promesse tenue.
En 2023, c’est le parfumeur italien bien connu pour ses provocations, Alessandro Gualtieri qui, à grand renfort de communication (lancement dans des clubs cuirs, clip vidéo à la limite de la pornographie, série limitée avec un flacon au cabochon en forme de phallus et j’en passe) qui va très loin dans le subversif avec « Sadonaso » qu’il lance non pas dans sa seconde marque, Orto Parisi, ce ne m’aurait pas surpris car on y trouve quand même des parfums aux noms un peu choc comme « Stercus » ou encore « Seminalis » mais dans la première, Nasomatto. Il décrit ainsi son inspiration : « Sadonaso a commencé par une quête pour trouver des désirs secrets dans l'inconnu. Un désir secret peut être considéré comme une graine, cachée dans le sol de notre subconscient. Comme toute graine, elle a besoin de bonnes conditions pour pousser et s'épanouir. Lorsque nous gardons notre désir caché, cela lui permet de germer et de prendre racine dans notre être. Cela donne de l'espace et le temps de le considérer, de l'explorer et de le laisser pousser à son propre rythme. Lorsque la graine commence à pousser, elle peut façonner et influencer nos pensées et nos actions, en nous guidant pour nous libérer. Mais tout comme une graine à besoin des bonnes conditions pour pousser, un désir secret a également besoin d’être nourri et entretenu. Il requiert de l'attention et des soins, ainsi que la volonté de l'accueillir et de le laisser nous guider. Lorsque nous sommes assez courageux pour révéler notre désir secret au grand jour, il a le pouvoir de transformer et de façonner notre avenir de manière profonde et significative. Sadonaso est la poursuite de la sensation incomparable d'un désir secret qui se concrétise. C'est la sueur du plaisir qui laisse une trace au cours du voyage ». Comme toujours, le parfumeur n’avait pas vraiment communiqué sur les notes mais, il faut le dire, l’idée et la communication autour du parfum, laissait supposer quelque chose qui rappelle la sueur, l’humidité minérale, voire même l’urine. Très franchement, je trouve qu’on en est, et heureusement, vraiment très loin. Alors, parmi nous qui l’avons senti, voire même essayé (ce qui est mon cas), les avis sont très partagés. Si certains sont rebutés par le côté quand même animal et musqué et qui évoquent quelque chose de franchement sexuel brut, pour les autres, il s’agit surtout d’un oriental boisé, gourmand et un peu cuiré. Pour ma part, je le trouve beaucoup plus facile d’abord que certains autres parfums dont l’animalité peut me déranger. Je pense par exemple à « Musk Koublaï Khan » de Serge Lutens ou encore « Peau de Bête » (qui a été discontinué) des Liquides Imaginaires. C’est mon ressenti. Je rapprocherais plutôt la toute fin des notes de fond de celles de « Noir Exquis » de L’Artisan Parfumeur (ce n’est que mon ressenti) et, franchement, il y a plus subversif. La seule chose que je peux dire c’est que, sans être pudibond, je trouve que la communication d’Alessandro Gualtieri autour de ce parfum est, quand même un sale tour qu’il joue aux revendeurs car il limite quand même très fort l’envie d’une certaine clientèle. Qui, franchement, à part par goût de la provocation, aurait envie de porter un parfum présenté ainsi sur YouTube ou qui porte un nom pareil ? C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Je trouve quand même qu’il empêche ce parfum de s’attirer une clientèle à laquelle il aurait pu plaire. Pour ma part, je ne l’aime pas trop mais pas parce qu’il me dérange. Je dirai que le côté un peu trop suave m’en éloigne mais ce n’est qu’une question de goût.
Alors, provocation gratuite ? Vraie envie de casser les codes et d’aller loin dans l’audace ? La motivation artistique est difficile à définir. En tout cas, moi j’en suis absolument incapable. Je trouve que, parfois, le parfum comme objet de création, lorsque cela est rendu importable soit par la fragrance soit par le nom, est presque dommage mais je comprends tout à fait la démarche. Elle est d’ordre commerciale (ou anti-commerciale selon la manière dont on prend l’idée) ou simplement ludique. En tout cas, pour écrire cet article, j’ai remis mon nez dans tous les parfums que j’ai cité et, bien évidemment, dans ceux que j’ai développé et j’ai essayé de faire abstraction de leurs noms pour ne me concentrer que sur mon ressenti. Et bien le savez-vous ? C’est ludique mais ce n’est pas facile du tout.
"Kismet", une histoire romanesque pour un parfum d'exception
Article modifié
Une histoire romanesque, quelques gouttes d’un parfum ancien retrouve et le talent de Thomas Fontaine, c’est ce dont Gilles Thévenin avait besoin pour que « Kismet » soit réinventé. Dédié à une espionne ottomane qui se disait princesse indienne, versé dans un flacon en cristal absolument magnifique et coloré, « Kismet » est né au coeur des années folles à Paris. Il « participa » aux nuits parisiennes endiablées, porté sur la jeune femme et on dit que quiconque la rencontrait se souvenait de son sillage.
Lancé en 2016, il a un habit neuf, de nouvelles notes sans doute il a gardé son esprit très charleston et garçonnes. On se retrouve dans le Paris des années 20 avec les peintres de Montmartre ou dans les clubs de Montparnasse. Personnellement, je l'ai trouvé à la fois très élégant et un vraiment surprenant.
Construit autour de la rose, qu’elle soit centifolia ou bulgare et du patchouli, « Kismet » est plus qu’un parfum. Il est un véritable accessoire de mode gardant une facette poudrée malgré le font de ciste, de lardanum et d’opoponax délicatement posé sur une vanille bourbon toute en délicatesse. Reste que "Kismet" est oriental mais pas seulement, il est subtil, poudré, addictif et particulièrement réussi. Nous étions plusieurs à le découvrir et c'est unanime, nous avons eu un vrai coup de coeur !
Décrit comme un féminin, je le trouve absolument mixte et extrêmement facile à porter tout en gardant une forte identité et une singularité qui s’inscrit dans l’esprit de cette collection de la maison Lubin. Lors de cette découverte improvisée, nous étions quatre à sentir ce parfum et je crois qu’il a remporté une totale unanimité. Nous avons tous été séduits, voire même envoûtés par la création ou plutôt la réinterprétation parfaitement réussie par Thomas Fontaine. Pour la petite histoire, sur quatre, deux d’entre-nous l’ont acheté immédiatement et un troisième, moi en l’occurrence, le porte depuis.
J’aime beaucoup « Kismet » et je ne suis pas le seul. Le porter est s’assurer des compliments de l’entourage ou même faire sensation dans la rue ! Je trouve qu’il est plus qu’un parfum, c’est un accessoire précieux comme un bijou, à mi-chemin entre classicisme oriental et élégance d’un bouquet de rose. Ce que moi j’aime est son côté poudré et la sensation qu’il est parfaitement à sa place sur ma peau. Ce parfum est, sans doute l'un des plus beaux ambrés fleuris poudrés que je connaisse. Il est parfaitement intemporel et pas du tout désuet.
Pour résumer, je dirais que « Kismet » est une véritable réussite. Il gagne à être connu. Mieux, il gagne à être essayé car nul doute qu’il suscitera des envies et que ceux qui l’auront adopté y reviendront avec plaisir.
L'ambre gris, une matière multi-facettes
« L’ambre est une résine fossile, sécrétée par des conifères. Les pierres d’ambres sont principalement utilisées en bijouterie. En parfumerie, c’est l’ambre gris qui intéresse les parfumeurs. À l’œil nu, la pierre de l’ambre gris n’est pas très belle, elle est grisâtre, légère et fait penser à une pierre ponce. C’est cependant une matière très riche et très rare. L’ambre gris provient du cachalot. C’est une sorte de « calcul » que le cachalot expulse par les voies naturelles lorsqu’il a mangé trop de pieuvres et de calamars. Portées par les courants les pierres d’ambre, alors sous forme de blocs, vont s’échouer sur les côtes désertes de Nouvelle-Zélande et de Madagascar ». De plus en plus rare faute de « pêcheurs », l’ambre gris est une matière première que je trouve particulièrement intéressante car elle offre différentes facettes : animale, saline, marine, florale, boisée, minérale, vanillée et cuirée. Elle est de plus en plus rarement utilisée en parfumerie car sa rareté en augmente le coût. Parfois, on la retrouve en traces mais, travaillée en majeur ou même en soutient en note de fond, elle est de plus en plus abandonnée. Cela conduit à la suppression de certains parfums ou à des reformulations parfois peu heureuses. J’ai eu la chance de pouvoir mettre mon nez sur plusieurs parfums dans lesquels elle est encore utilisée dans une quantité qui permet d’en sentir les facettes et les nuances facilement. Attention, ce sont des compositions un peu onéreuses mais je pense qu’il faut en parler car elles recèlent l’héritage d’une certaine parfumerie ancienne. J’ai choisi quatre parfums dans lesquels elle est particulièrement reconnaissable.
Lancé en 2019 et composé pour la maison américaine Eris, « Mxxx » m’a particulièrement impressionné. Antoine Lie, son créateur en explique ainsi l’inspiration : « Mxxx. d'Eris Parfums pousse les limites d’une sensibilité sombre à son paroxysme. Il est composé d’un overdose d’ambre gris ,spécialement obtenu, teinté et vieilli pour ce parfum; d’un ingrédient animal rarement utilisé qu’est la pierre d'Afrique; et d’un cacao de Trinidad qui est le plus riche et le plus raffiné que je n’ai jamais senti. Abandonnez-vous à sa beauté ! » Avec un départ de gingembre, de safran, d’oliban et de poivre rose, le parfum nous accroche dès la vaporisation puis, petit à petit, le coeur poudré de cacao et de cèdre se fait doux et onctueux avec le santal mais il faut attendre le fond, qui arrive relativement vite, pour apprécier le développement d’un parfum vraiment hors-norme, d’une grande élégance et plein de nuances. Il a un côté très animal qui, pour ma part, est un peu envahissant mais j’aime bien la facette plus saline qui s’associe à merveille avec des notes dplus vanillées et poudrées. Je trouve que « Mxxx » est un parfum qui n’est pas toujours aisé à approcher car son sillage peut être un peu dérangeant; Il n’empêche qu’il s’agit là d’une création majeure, concentrée, à découvrir. Je remercie toute l’équipe de la parfumerie Sens Unique à Paris de me l’avoir fait essayer à maintes reprises.
« Le mythique et extrêmement prisé extrait d’Ambre gris utilisé en parfumerie est une exsudation rejetée par le cachalot. Du fait de son coût et de sa rareté, c’est dans 99% des cas un ersatz synthétique qui est utilisé. Dans Ambre Suprême une teinture d’Ambre gris authentique extraite grâce à la technologie ultrasons est utilisée pour la première fois en surdosage à 10% par le parfumeur Antoine Lie, révélant et amplifiant ses facettes ambrées, animales, minérales et légèrement iodées. Un accord inédit, ‘patiné’ par cet extrait d’exception, au rendu totalement addictif ! ». Toujours composé par Antoine Lie, cette fois en 2021, cette overdose d’ambre gris est aussi un parfum très étonnant et presque dérangeant tant sa concentration est importante. C’est un parfum vraiment très clivant qui s’ouvre avec des notes de sauge sclarée, de poivre noir et de cardamome avec un tout début aldéhydé. Vient ensuite un coeur de fleur d’oranger et de néroli enveloppé d’un absolu de jasmin et d’un patchouli qui soutient la fragrance. Ce n’est que lorsque le parfum se pose que l’on est sidérés par l’importance de l’ambre gris dans la formule et cela se renforce avec des notes d’immortelles. J’aime sentir ce parfum par temps froids mais il est, une fois encore, un peu trop envahissant pour moi. De plus, il prend de l’ampleur au fur et à mesure de son évolution. Je ne peux pas dire que je suis complètement séduit car il me sort trop de mes goûts mais il est incroyable tout de même.
Au XIXème siècle, il est impossible de ne pas suivre à la trace, la nuit, une créature parfumée, fuyant sa beauté disparue et qui fait tourner les têtes du tout Paris. Il s’agit bien évidemment de la Castiglione, habitant place Vendôme et silhouette fantômatique qu’Anaïs Biguine a voulu rappeler à travers une création pour sa collection Les Cocotes de Paris avec un très bel ambré fleuri, un peu suranné mais, finalement pas tant que ça. Bien sûr, le parfum n’offre pas le côté overdosé des deux premiers mais, avec la liberté de création qu’on lui connait, Anaïs Biguine le met en valeur avec une envolée d’armoise et de cédrat fraîche mais ronde, un coeur cuiré et original de bois de cade et de patchouli avec des petites touches réglisse. C’est lorsque le parfum se pose sur ce fond d’ambre gris associé à la myrrhe et au styrax que l’on reconnais le côté un peu subversif de la création. « Cette créature nocturne presque vampirique surgit sur la scène mondaine où elle apporte un parfum de nouveauté. À la lueur des candélabres, l’eau de parfum La Castiglione évoque un émoi luxurieux et fuligineux. Un patchouli ensorcelant, un copahu lubidineux, un cade élégant et un ambre gris caressant. Un parfum au panache ténébreux ». Plus sombre, plus dense, que les autre « Cocotes », « La Castiglione » se fait une fragrance mystérieuse, étonnante, pleine de facettes étonnantes. Je trouve ce parfum finalement très androgyne et je pourrais tout à fait le porter. Franchement, j’aime beaucoup la composition. C’est un coup de coeur.
Créé en 1926 et réinterprété par Jean Jacques en 2006, « Gardénia » d’Isabey est vraiment, pour moi, l’accord parfait entre le bouquet floral et l’ambre gris. Le parfumeur en décrit ainsi l’inspiration : « Velouté doux, chaleureux, ce parfum est un floral riche, capiteux et inoubliable. Luxe authentique, Le Gardénia est une rare fragrance de gardénia qui capture parfaitement l’essence même d’une fleur solitaire. Etonnamment fidèle à la fleur, l’huile essentielle provient d’extraits pures de gardénia, avec en support certaines des senteurs les plus captivantes de la nature dont la rose Bulgare, le Jasmin, l’Ylang-Ylang, la fleur d’Oranger, l’Ambre Gris ou l’écorce de Mandarine; Capiteux et pourtant doux, sensuel et chaleureux, c’est sans aucun doute un parfum unique ». Le départ est résolument floral avec une association de fleur d’oranger et d’ylang-ylang enveloppé de la douceur de la mandarine puis vient un coeur de gardénia particulièrement réaliste, poudré par l’iris et la rose et rendu plus animal avec un jasmin omniprésent puis, après une certaine durée, le parfum se pose sur un fond d’ambre gris omniprésent, presque minéral adouci pas les muscs et le santal. Je ne suis pas fan du tout du travail de Jean Jacques pour Caron mais je reconnais que, pour Isabey, il a composé des merveilles. Ce n’est peut-être pas le gardénia de ma vie mais j’aime le sentir et le re-sentir.
Voilà, j’ai choisi des parfums que je trouve particulièrement évocateurs. Je dois dire que mon préféré dans cette sélection est vraiment « La Castiglione ». Ce n’est pas, au jour d’aujourd’hui « ma » Cocote de Paris mais il pourrait le devenir tant je le trouve réussi. Pour moi, l’ambre gris est une matière aux ressources inépuisables. J’espère qu’on va pouvoir le récolter plus facilement dans les décennies à venir pour que nous puissions en retrouver la quintessence. C’est une matière qui ne met pas en danger la survie animale alors j’y crois complètement.
"New Look", la première nouveauté de 2024
L’année 2024 débute sous le signe de la collection privée Christian Dior. En effet, la première sortie que j’ai pu découvrir a pour nom « New Look » (à ne pas confondre avec l’ancien « New Look 1947 »). Il s’agit du second parfum créé par Francis Kurkdjian, qui a succédé à François Demachy comme parfumeur attitré de la maison. La marque le décrit ainsi : « New Look est une eau de parfum mixte tout en contrastes, une silhouette radicale, un choc olfactif né d'un geste créatif audacieux qui bouscule la ligne traditionnelle du parfum ambré. En 1947, Christian Dior révolutionnait la mode avec son New Look, éblouissant d'élégance et d'audace, incarné par des silhouettes à l'allure souple et architecturale, à l'image de l'iconique tailleur Bar. Ce legs précieux, les créateurs de la Maison se l'approprient et le réinventent année après année : à son tour, Francis Kurkdjian, Directeur de la Création des Parfums Dior, s'empare de cet héritage pour dessiner une nouvelle silhouette olfactive, qui s'annonce tout aussi retentissante. C’est d’abord la fraîcheur singulière de New Look qui interpelle, celle d'une surabondance d'aldéhydes associée aux facettes d'un encens mystérieux. Son sillage s’étire ensuite dans des nuances ambrées : un peau à peau étourdissant, sensuel et enveloppant ». Cette nouvelle fragrance qui rend hommage au style Dior qui s’avéra, dans les années 40, un peu « l’anti-Chanel », et qui habilla des stars telles Grace Kelly ou encore, plus rarement Marlene Dietrich. Pour faire cela, Francis Kurkdjian a imaginé un parfum vraiment très abstrait qui s’ouvre sur une profusion d’aldéhydes révélant des effluves très synthétiques avec un petit côté « odeur de pressing » si j’ose dire et qui se renforce avec le côté très métallique, minéral, de muscs blancs et d’encens. Le parfum vient de sortir et j’avoue que j’étais curieux de le découvrir.
Pour être tout à fait honnête, je trouve qu’en guise de parfum « New Look » est surtout un accord aldéhydes et l’encens. Ça m’a un peu déstabilisé puis je me suis dit « pourquoi pas ? ». Je l’ai posé sur ma peau et je dois dire que je lui reconnais deux qualités, tout d’abord une tenue défiant toute concurrence et un sillage tout à fait suffisant. À partir de là, le côté très stylisé de la création de Francis Kurkdjian s’avère quand même clivant, ce qui est plutôt un atout, mais je ne suis pas du tout réceptif. Au départ, j’ai trouvé ça presque ludique mais, au bout d’un moment, le sentir sur ma peau a commencé à me déranger franchement. Le côté froid, sans relief et abstrait a fini par m’agacer et je n’ai eu plus qu’une envie, l’ôter de ma peau. Cela n’a pas été chose aisée car vraiment le côté synthétique, même après la douche, a du mal à s’effacer. Je ne suis sans doute pas très sensible au style Kurkdjian et il n’y a rien de plus subjectif que le ressenti en parfumerie mais, très franchement, je ne suis pas la cible de « New Look ». Ça m’a un peu déçu car l’idée me séduisait assez. Je ne vais pas m’étendre sur mes impressions car j’espère que vous aurez vraiment envie de faire votre propre expérience. En tout cas, cette fois, l’année a vraiment débuté et j’espère pouvoir vous parler d’autres nouveautés qui pourraient pointer leur univers dans les semaines à venir.
Édouard Fléchier, le pari de l'audace
C’est une signature que j’aime depuis toujours. Édouard Fléchier est un parfumeur expérimenté qui a inventé nombre de compositions souvent avant-gardistes pour la parfumerie grand public mais aussi pour des marques plus exclusives, plus « niche ». J’ai une certaine prédilection pour sa signature. Pour moi, il a su, au cours de sa carrière, inventer non pas un style mais des styles. Le travail d’Édouard Fléchier, que j’avais aimé chez Dior mais aussi chez Christian Lacroix ou Sonia Rykiel est singulier, opulent mais délicat. Je comprends donc tout à fait que Frédéric Malle lui ait confié la réalisation de deux faux soliflores et je les apprécie à leur juste valeur. Donc, de la parfumerie grand public à des marques plus rares, j’ai décidé d’explorer le travail d’Édouard Fléchier à travers ce que j’ai pu sentir. J’ai choisi quatre créations dont une, vraiment mythique que vous reconnaitrez pour illustrer mon propos. J’espère que vous aurez envie de les découvrir.
Comment parler du travail d’Édouard Fléchier sans évoquer ce que je considère comme son chef-d’oeuvre. Il s’agit bien évidemment de « Poison » qu’il a inventé en 1985, l’une des créations les plus clivantes de la parfumerie grand publique mais que, personnellement, j’aime infiniment depuis toujours. « Poison, elixir sulfureux. Certain parfums naissent mythiques. Provocant et mystérieux dès sa création, Poison est le parfum arme ultime de séduction exacerbée de Dior. L'alchimie exceptionnelle de la fragrance est faite de notes riches, épicées, florales et ambrées, aux accords sensuels de miel et de musc. Un parfum oriental charismatique et inoubliable ». Dès que j’en ai l’occasion, je colle mon nez sur cette création qui n’existe plus aujourd’hui qu’en eau de toilette et en extrait. Je prends dans ma main son flacon qui évoque la pomme de Blanche-Neige et je vaporise sur ma main cette vraie création de parfumerie. Certes, il a été un peu reformulé mais, pour moi, il reste vraiment d’une grande beauté en eau de toilette et je ne parle pas de l’extrait. Qu’est-ce que « Poison » ? Une association entre une tubéreuse, jasminée, fruitée presque fraîche avec les notes épicées de de la coriandre et le velouté de l’opoponax. À la vaporisation, il a presque un côté camphré qui s’atténue pour laisser la place à la dualité entre les fleurs blanches et les côtés poivrés, épicés et et presque fraîche de la coriandre, puis vient quelque chose de presque chypré et cosmétique à la fois. « Poison » est un mystère, il est clivant. Je me souviens des ardoises devant certains pubs à Londres : « No smoking, no Poison », peut-être que tout est dit mais moi je l’aime. Je ne l’ai jamais porté mais je me demande toujours si je ne pourrais pas le faire.
Puis vient « Gomma » créé par Édouard Fléchier pour la maison Italienne Etro en 1989. C’est un cuir absolument magique, dans l’esprit un peu « pétrole » de « Cuir Mauresque » de Serge Lutens, plus sec, moins nuancé. Un parfum qui va droit au but. Je l’aime vraiment beaucoup. « Amer et épicé, sans équivoque. Gomma est tout cela : agrumes, armoise, jasmin méditerranéen absorbés par des notes de cuir et d’ambre. L'idée est celle d' une courbe qui traverse l'instant, un parfum en modifie la trajectoire. Une personnalité stimulante qui se traduit dans un parfum amer et épicé, magnétique et profond ». Pour moi, cette combinaison d’armoise, de jasmin et de notes de cuir et d’ambre est une véritable réussite. J’aime beaucoup ce parfum mais je crois qu’il est, hélas, discontinué. Je le regrette car son élégance italienne créée par un parfumeur français lui donnait la singularité que l’on peut attendre d’un grand parfum. « Gomma » est ainsi. Il m’en reste encore quelques doses d’essai et j’ai pu le porter pour écrire cet article je regrette presque de ne l’avoir jamais acquis tant son évolution sur moi me plait. J’aurais très bien pu me l’approprier et, dans cette quête perpétuelle du cuir idéal, son côté épicé et nuancé aurait pu me séduire encore plus.
Avec le lys, c’est toujours un peu « Je t’aime, moi non plus ». J’ai toujours aimé la note en parfumerie mais je ne l’ai jamais portée lorsqu’elle est dominante. J’ai tourné autour de plusieurs créations proposées avec des budgets très différents tels « Mon Lys » de Fragonard ou encore « Lys 41 » de Le Labo mais je n’ai jamais franchi le pas. Je crois que ce que j’aime par dessus tout c’est lorsque cette fleur est travaillée de manière un peu fraîche voire aquatique. Il était donc tout à fait logique que je me tourne vers « Lys Méditerranée » qu’Édouard Fléchier a créé pour les Éditions de Parfum Frédéric Malle dès 2000. La marque le présente ainsi : « Un soir d’été sur les rives de la Méditerranée, des effluves marines trouvent refuge dans les brumes épicées et solaires des lys. Un alliage de notes salées, adouci par une touche de fleur d’oranger ». L’envolée de fleur d’oranger me dérange un peu à la vaporisation et notamment le côté très vert de la manière dont la note de tête est travaillée mais très vite, le lys prend toute sa place avec des accents d’eau de mer et de gingembre accompagnés de la douceur de la fleur de lotus et du « croquant » de l’angélique. Dans le fond, je crois discerner une vanille très sèche et aromatique et de légers côtés tubéreuse se fondant avec des muscs blancs très frais et réconfortants. Je suppose que lorsqu’il est sorti, « Lys Méditerranée » a du bien déstabiliser les perfumistas car il est très différent de ce que l’on aimait au début des années 2000. Tenace mais doté d’un sillage très modéré, il est particulièrement délicat. J’ai eu l’occasion de le réessayer récemment et je trouve que la dualité entre le côté suave de la fleur (je devrais dire des fleurs) et des notes vertes de l’angélique ainsi que du sel de mer constitue un équilibre parfait. C’est un très beau fleuri, très finement ciselé, comme sculpté. Je suis très emballé et je me demande si, un jour d’été ou même un soir, je ne craquerai pas car il est peut-être le lys que j’ai toujours cherché.
Je l’ai souvent dit, les parfums à dominante de rose sont rarement pour moi mais j’ai tellement entendu parler de « Une Rose » (aujourd'hui rebaptisé "Rose Tonnerre") qu’Édouard Fléchier a créé pour les Éditions de Parfum Frédéric Malle en 2003 que je ne pouvais faire autrement que de remettre mon nez dans la dose d’essai que je possède afin d’écrire mon article. J’ai souvent senti « Rose Tonnerre ». D’aucun me l’ont conseillé en affirmant qu’il était pour moi et pourtant je ne crois pas même si je lui reconnais quelque chose de vraiment envoûtant. La marque en parle ainsi : « Une rose terrienne imprégnée de truffe noire du Périgord, touche sombre et sublime, écho d’un gothique parisien. Une féminité cramoisie associée à la lie de vin, et au secret de la racine de cette rose unique, comme l’Esmeralda de Notre Dame. Jardin ensorceleur ». L’imaginaire de chacun est absolument différent lorsqu’il s’agit du sens olfactif et je ne le ressens pas tellement comme ça. Pour moi, « Rose Tonnerre » est un parfum velours, profond et pas forcément facile à s’approprier. C’est un parfum assez linéaire. Toute la fragrance s’organise autour de cette rose profonde, truffée, veloutée. On y retrouve des notes de géranium bien évidemment mais aussi de miel, de lie de vin, de vétiver qui soutient le tout et d’un bois qui complète admirablement la composition. Je n’aime pas nécessairement genrer les parfums mais force m’est de constater que « Une Rose » est un véritable parangon de féminité. Pour ma part, si je ne peux pas le porter, je lui concède une chose, c’est un véritable bijou précieux et il est à découvrir. Attention, ce n’est pas le parfum de tous ou surtout de toutes, il faut l’assumer. Il est un peu le pendant floral de « Musc Ravageur » créé par Maurice Roucel pour les Éditions de Parfum Frédéric Malle. Il est difficile à porter tant il est opulent et capiteux. Cette rose terreuse, racine, sera la compagne de celles et ceux (finalement pourquoi pas) qui ont l’audace de tenter un soliflore aussi opulent.
Le talent d’Édouard Fléchier et la singularité de sa signature ne sont pas à démontrer mais je voulais absolument remettre mon nez dans ses créations pour lui consacrer un petit portrait parfumé car, il fait partie, pour moi, des grands parfumeurs du XXème et du XXIème siècle. Il y a de la poésie dant tout cela mais surtout de l’audace, celle de créer des parfums qui peuvent se révéler clivants et difficiles quoiqu’absolument réussis. J’espère que je vous aurais donné envie au moins de redécouvrir « Poison ». Si vous avez la possibilité de mettre votre nez sur l’extrait, n’hésitez pas. J’avais aussi envie de redécouvrir les deux parfums qu’il a composé pour Les éditions Frédéric Malle. Cartes blanches s’il en est et réussites formidables.
Mes parfums préférés : "Sublime Balkiss"
Article enrichi
« Je suis un parfum à l’écriture vive et actuelle. J’évoque l’odeur de la pluie d’Irlande, fraîche et douce, l’odeur veloutée du vent et de la bruyère délicatement sucrée de ce pays de feu sous la lande humide qui a captivé mon parfumeur. Je suis un chypre moderne, recomposé grâce à un patchouli en deux temps. L’un sublime mon coeur floral ou la rose Damascena est reine, l’autre s’associe à la poudre de cacao en fond et révèle ses notes sombres et chaudes. En note de tête les effluves fruitées et hespéridées soutiennent l’impertinent sillage des fragiles feuilles de violette. Je suis à l’image de la Reine de Saba, mystérieuse, qui continue d’intriguer siècle après siècle. Je suis sublime car envoûtante, je suis Balkiss car insaisissable et émouvante. Je suis Sublime Balkiss ».
Je connais « Sublime Balkiss » créé en 2008 par Céline Ellena Nezen depuis des années et pourtant j’ai eu l’impression, en le réessayant récemment, de le découvrir. Il y avait longtemps que je n’avais pas eu un coup de coeur pour un parfum de The Different Company tant j’ai l’impression de les connaitre jusqu’au bout des doigts et du nez. Comme quoi, il ne faut pas être présomptueux et revenir parfois sur les parfums que l’on a bien aimé mais qui ne nous ont pas forcément suscité une envie. L’idée de me parfumer avec m’est venue un peu par hasard car je possédais une dose d’essai et là, la claque ! Je me suis vraiment retrouver à porter une création qui me convient tout à fait. Je considère un peu Céline comme la marraine de mon blog car elle a été la première à accepter une interview et, lorsque je lui demande de participer, elle accepte toujours. En outre, j’aime beaucoup son son travail que ce soit pour The Different Company, Houbigant, J.U.S. et bien évidemment Fragonard. Je porte depuis des années « De Bachmakov » qui a, trois fois hélas, été discontinué par la marque et j’ai un véritable coup de coeur pour « Figuier Noir » qu’elle a créé et qui est sorti il y a quelques mois. Mais revenons à « Sublime Balkiss ». Avec son envolée de feuille de violette, de bergamote, de mûre, de cassis croquant et de myrtille, son coeur de rose de Damas, de lilas et de muguet et son fond de patchouli, de brins de bruyère et de poudre de cacao, c’est une interprétation ultra contemporaine de l’accord chypré et il entre complètement dans mes goûts. Je me demande vraiment comment j’ai pu faire pour passer à côté. C’est un coup de coeur absolu.
Pour ma part, de cette fragrance, je garde le plaisir. Le plaisir de le sentir autour de moi comme une caresse délicate, comme un chypre idéal même sans mousse de chêne parce que revisité, moderne et pourtant qui semble traverser les siècles. Il me plait par sa construction, sa poésie et aussi parce qu’il casse complètement mes idées reçue et notamment celle que je n’aime pas les parfums aux notes de fruits noirs. Dans « Sublime Balkiss » je les aime ces accents mêlés à la rose, à la bergamote et au patchouli. Vraiment sa fusion avec ma peau n’a de cesse de me surprendre. Je pourrais parler de mon ressenti mais j’avais envie de laisser le mot de la fin à Céline qui exprime son inspiration avec une belle justesse : « J'ai découvert avec fascination ces femmes du cinéma américain noir et blanc des années 40, indifférentes et terriblement élégantes, qui dégageaient un parfum mystérieux, complexe et pudique. A la même époque, je découvrais l'Irlande. Ce fût un choc olfactif : l'odeur de la pluie, plus fraîche et douce que celle qui s'abat sur les terres de Provence, l'odeur du vent, minéral et cependant velouté, celle délicate de la bruyère à peine sucrée. Un pays de feu sous la lande humide... L'hiver dernier, j'ai retrouvé ces sensations et au fil des lignes le sujet prit forme : un Chypre. Porter ce parfum pour moi, c'était une sensation nouvelle, oser ce plaisir personnel. Et le nom est venu, par surprise, celui de la reine de Saba, une femme belle, accomplie et mystérieuse, dont on ne sait rien ou si peu, mais qui bien des siècles plus tard, nous fascine encore. Sublime car envoûtante, Balkiss car insaisissable et émouvante ». Je n’aurai qu’un mot : bravo !
Mark Buxton, derrière le dandy, le parfumeur
Derrière son chapeau et ses lunettes de soleil, Mark Buxton est un peu un « parfumeur mystère ». Je l’ai entendu plusieurs fois en interview. Né en Angleterre, il a grandi en Allemagne près de Hambourg mais, au début des années 2000, il est tombé très amoureux de Paris et de la France. Il a créé à peu près 170 à ce jour dont l’iconique « Comme des Garçons » de Comme des Garçons en 1994. Il est passionné de vin, de cuisine, et de l’époque Art Déco. Il est le parfumeur attiré de sa propre marque éponyme que j’avais pu découvrir chez Nose ainsi que de Moth & Rabitt Perfumes dont je vous avais déjà parlé il y a quelques temps. J’ai choisi quatre parfums que je trouve emblématiques de son style et du côté dandy un peu décalé que sa personne dégage. En tout cas, je me suis remis dans les échantillons que j’avais avec plaisir même si les parfums que j’ai redécouvert, m’éloignent un peu de mes goûts habituels.
Le premier parfum est celui qui m’a donné envie d’écrire cet article. Je l’ai re-senti à la boutique Le Labo de Lyon il y a peu et c’est vrai que je n’avais pas remarqué les notes de fond. Il s’agit évidemment de « Vétiver 46 » que Mark Buxton a créé en 2006. « La crème de la crème des vétivers, cultivée en Haïti et retirée à Grasse en accord avec le savoir-faire local, est le pilier de ce parfum qui, sans aucun doute, est l'une des créations les plus profondes et les plus sombres de Le Labo. Parmi les nombreuses essences, le poivre, le gaïac, le labdanum et le cèdre se prêtent à l’humeur changeante de ce parfum... Chacune exprime à sa manière la force de caractère et la note délicate de l’oliban, un encens mystérieux, laisse dans son sillage une dimension spirituelle et intrigante ». Comme toujours, la marque ne communique que très peu sur les notes qui composent la pyramide olfactive et pourtant, comme son nom l’indique, il y en a 46. Le vétiver se pare, il me semble de poivre, de bois de gaïac certes mais aussi de cèdre. C’est une pure spéculation basée sur mon ressenti. Il me semble aussi sentir de la myrrhe plus que d’encens alors que c’est l’oliban qui et listé, sur les notes de fond. « Vétiver 46 », vous l’aurez compris, est un parfum assez atypique, très boisé mais pas forcément évocateur de sa matière première principale. Mark Buxton a joué avec notre nez pour nous proposer un parfum vraiment très étonnant et différent de ce à quoi on pourrait s’attendre. Il me plait mais je le trouve peut-être un peu loin de mes goûts habituels qui sont pourtant devenus éclectiques et amples. Je ne suis pas certain de pouvoir le porter même si je le trouve particulièrement réussi.
« Mon état d'esprit au moment où je me couche... j'ai trop de choses dans la tête. Mon rêve est très nuageux, épais, vient ensuite la profondeur du cuir et la fraîcheur du vetiver ». Tels sont les mots de Mark Buxton pour décrire « Dreaming With Ghosts » qu’il a créé en 2021 pour sa marque éponyme. « Une imagination, un fantasme de notes vertes ». Ce parfum, que j’avais découvert chez Nose à Paris, je me souviens qu’il m’avait impressionné par sa rondeur et son côté musqué. Il revêtait sur ma peau un côté presque gourmand. Je ne l’ai pas redécouvert mais j’ai repris mes notes de l’époque pour me souvenir de mes impressions. C’est une création qui tourne autour de la pivoine mais dont le départ de coing et de tagète s’avère vraiment très rond. Il m’a plu beaucoup au départ d’autant que le coeur de rose et de pivoine prend vraiment beaucoup de place et e pose sur un fond très originale de notes cuirées, musquées et vanillées basées sur des accords assumés, et de vétiver. Pour moi, le côté doux-amer est vraiment très prononcé. À l’époque, je me souviens qu’il avait retenu mon attention car j’avais trouvé les parfums de la marque un peu trop « encens » pour que moi. Ici, c’est une écharpe invisible de douceur qui m’avait enveloppé (je reprends mes mots de l’époque) et je ne sais pas pourquoi je ne vous en avais pas parlé à ce moment-là d’autant que je l’avais bien aimé. Je pourrais le porter assez facilement mais il faudrait que le réessaye.
« Pop Heart » créé par Mark Buxton en 2021 pour Plume Impression s’avère également d’une belle originalité même si, il faut le dire, ce n’est pas le parfum de la marque que j’ai préféré. Le parfumeur le décrit ainsi : « Un parfum qui vous donne envie de danser, plein d'énergie vitale ». C’est une composition résolument moderne qui rompt complètement avec le côté commun des floraux fruités que l’on retrouve partout même dans les marques de la parfumerie de niche. L’envolée d’ananas, de pomme et de fraise est très originale et le parfum se poursuit sur un coeur à la fois aquatique de magnolia et poudré par des traces de rose et de framboise. Cette tendance se poursuit et se fait gourmande avec un fond de vanille, de muscs blancs et de caramel. « Fraises et ananas s'associent à une rose luxueuse et au magnolia pour former un parfum crémeux et sensuel ». Très honnêtement, ce n’est pas le parfum de la marque que j’ai préféré mais je l’ai mis dans cette sélection car j’ai eu l’occasion de le re-sentir récemment et que, s’il ne me plait pas spécialement, il a un côté quand même singulier et original. Je ne suis pas très attiré par les floraux fruités. Très vite, je les trouve too much et assez peu élégants. Il est des exceptions. J’espère qu’un jour, j’en trouverai un que je pourrais porter. Pour l’instant, je dirais que « Pop Heart » n’est pas du tout dénué d’intérêt mais que ce n’est pas mon histoire.
J’avais découvert « Clueless » créé par Mark Buxton pour Moth & Rabbit Perfumes en 2019 dans la scentroom du Printemps Haussmann à Paris et, je ne sais ps trop pourquoi, je me suis retrouvé en possession d’un échantillon. Je le porte donc pendant que j’écris. Il est vraiment très étonnant avec un départ très frais, de zeste de yuzu, de pomme verte, de melon d’eau arrondi par la noisette. Le coeur est très étonnant. Je sens beaucoup les notes de cannelle et de chocolat, moins celles de ros et de jasmin puis le parfum se pose sur un fond très étonnant de cèdre, de vanille, de cuir, d’opoponax et de patchouli avec un côté très animal. Mark Buxton résume ainsi son inspiration : « Je me suis inspiré de la présentation couleur bonbon et brillamment satirique du personnage, faite de légères suggestivité sexuelle et de grossièretés occasionnelles. Clueless, le parfum s'ouvre sur un orchestre de notes vertes, fruitées et comestibles qui capturent l'opulence et l'abondance de la culture de la classe supérieure. Le cœur a une société de bonbons et de fleurs qui se désintègrent dans une touche dramatique et spirituelle de cuir de bois et de résine d'opoponax dans la base ». Il s’agit d’un gourmand clairement assumé et je ne peux pas dire que ce soit ma tasse de thé mais, dans le genre, je le trouve quand même intéressant.
Globalement, je suis plus surpris que vraiment séduit par l’univers olfactif de Mark Buxton mais je ne serais pas étonné qu’il fasse des adeptes parmi vous. En effet, les créations dont j’ai eu envie de parler ne sont nullement dénuées d’intérêt et ne cèdent pas à la facilité. Il s’agit-là d’un parfumeur étonnant, voire même inventif dont le travail est à découvrir absolument.
Exquise Trouvaille : "Or du Sérail"
Article modifié
Il est des parfums qui me surprennent et me font m’interroger sur mes propres goûts. En général, que l’on les nomme parfums ambrés ou orientaux, je ne suis pas très fan de la famille olfactive en tout cas pour les porter. Il y a peu, je me suis remis en question car j’ai adoré « Les Nuits » créé par Dominique Ropion et qui sort chez Astier de Villatte dans une collection de parfums historiques. Je porte aussi « Ambre Russe » créé par Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire. J’ai donc cherché dans ma bibliothèque olfactive et j’ai trouvé un autre parfum qui me fait envie dans cette famille et que je pourrais porter même si je ne suis pas certain de pouvoir l’assumer. Il s’agit de « Or du Sérail » créé par Bertrand Duchaufour pour Naomi Goodsir. Je l’ai évoqué souvent et je dois dire que je trouvais logique de lui consacrer un article à part entière car je le trouve riche, sophistiqué et profond. En bref, il s’agit bien d’une « exquise trouvaille » à défaut d’être l’un de mes parfums préférés. Je me suis penché à nouveau sur ce parfum qui m’intrigue, me fascine, me fait envie même si j’ai peur de ne pas assumer son opulence et sa complexité.
Bertrand Duchaufour
« Une fragrance opulente, qui nous emmène dans un palais oriental où se mêlent l'ambre et le bois. Un voile de tabac enveloppe les rêves des Mille et Une Nuits. Or du Sérail est un oriental gourmand, envoûtant ». Bertrand Duchaufour allie avec une certaine jubilation une certaine tradition héritée de la parfumerie française des années 20 avec toute sa folie et son côté « excessivement excessif » et une modernité nette qui le rend profondément contemporain. Il s’ouvre sur des notes de davana, de mangue, de fruits de la passion, d’orange douce, de pomme et de rhum et prend tout de suite un tour légèrement liquoreux puis le coeur de cire d’abeille, de coco et d’ylang-ylang très lumineux se fait plus doux encore avec la sauge sclarée mais c’est vraiment le fond ambré et tabac avec des notes de cèdre, de muscs et de vanille renforcées par le côté légèrement cuiré du ciste labdanum qui me le rend addictif. En effet, il y a comme quelque chose de très envoûtant dans ce parfum complexe, d’une élégance un peu folle comme pouvaient l’être les parfums des années 20 mais avec ce twist ultra-moderne voulu par Naomi Goodsir et réalisé avec brio par Bertrand Duchaufour. Quand j’ai senti pour la première fois les créations de la marque, je me suis dit que je ne pourrais pas le porter mais, en parfumerie, je préfère ne jamais dire jamais.
Naomi Goodsir
Séquence Nostalgie : "Glacialis Terra"
C’est l’histoire d’un parfum qui n’a eu, hélas, que quelques années d’existence et pourtant je l’ai porté, aimé et, heureusement, il m’en reste quelques gouttes. Tout commence en 2016 lorsque L’Artisan Parfumeur offre, au travers d’une nouvelle collection appelée Natura Fabularis, une carte blanche à Daphné Bugey pour traduire en parfum, une nature onirique, rêvée, en clair obscur. C’est ainsi que vont naître six créations d’une grande originalité qui vont m’emmener, je ne sais pas pourquoi, dans l’univers que Lewis Carroll a créé pour son Alice alors qu’elle explore le Pays des Merveilles. Il y a quelque chose, dans toute la collection, devenue aujourd’hui La Botanique, quelque chose de clair obscur et de rêvé. Les parfums de la collection ont quelque chose à la fois de profond et de vraiment inédit. Celui que j’avais envie d’évoquer n’a été disponible à la vente que peu de temps mais il m’a vraiment marqué et je suis nostalgique du temps où il n’était pas discontinué. Après « Violaceum 2 », également supprimé, j’avais donc craqué pour « Glacialis Terra 18 », un travail autour d’un vétiver glacé, comme son nom l’indique. Dix-huit essais ont étés nécessaires à Daphné Bugey pour inventer cette promenade sur une terre gelée, sombre, terriblement rafraîchissante l’été. Je dois dire que, lorsqu’il m’arrive de le porter encore à toute petite dose car je n’ai pas envie de finir mon flacon, il me procure une impression de fraîcheur qui me permet de supporter légèrement mieux les jours si pénibles de canicule. En effet, il me donne une impression de fraîcheur intense et finalement réconfortante.
« Glacialis Terra raconte l'histoire d'un jardin de fleurs givrées, la fraîcheur d'une forêt protégée du soleil. Le parfumeur Daphné Dugey nous dévoile une décoction particulière inspirée d’une bouteille d’apothicaire gorgée d'absinthe dans laquelle infusent des racines de vétiver. Un parfum mystique sous la forme d'un liquide narcotique mêlant fraîcheur et intensité, une ambivalence étrange, glaciale et terreuse. Glacialis Terra, est un des 6 rêves olfactifs imaginés comme un voyage botanique au coeur des plantes à parfum du cabinet Deyrolle ». Tels sont les mots que j’ai pu trouver sur différents sites et qui décrivent vraiment bien « Glacialis Terra 18 » qui s’ouvre sur des notes d’absinthe gelées pour nous emmener, sans trop de transition sur un fond glacé de vétiver net, sans aucune concession. Je me suis laissé dire qu’après un départ un peu difficile, ce parfum commençait à trouver son public lorsqu’il a été supprimé. Quel dommage ! Pour ma part, je me souviens de mon premier flacon, acheté dans notre chère Parfumerie Zola à Lyon, qui hélas, n’existe plus aujourd’hui. Je l’ai énormément porté durant l’été qui a suivi. J’ai pu en avoir un second et je garde la moitié qui me reste en ne l’utilisant qu’avec parcimonie. Il ne bouge pas, se renforce peut-être un peu et j’espère en profiter encore quelques temps avant qu’il ne devienne que nostalgie. Je regretterai vraiment beaucoup « Glacialis Terra 18 », il est l’un de mes parfums préférés.
Trois des "visages" de la tubéreuse
Je me suis vu offrir « Le Grand Jeu » créé par Camille Goutal et Isabelle Doyen pour Noël et c’est un cadeau qui m’a vraiment fait plaisir à plus d’un titre. Tout d’abord, je craque sur toutes les créations de la marque et ce parfum a été l’un des deux premiers coups de coeur lorsque je l’ai découverte en 2020 et ensuite, j’ai vraiment une prédilection pour la tubéreuse. C’est une fleur que j’ai eu du mal à apprivoiser car, lorsque je l’ai découverte en parfumerie, ce fut à travers « Tubéreuse », un extrait de parfum de Caron aujourd’hui disparu et je dois quand même admettre qu’il fallait un nez un peu éduqué pour y accéder car il était tout à fait opulent voire même envahissant et entêtant. Je ne fais pas là un jugement de valeur mais c’était, à l’époque, mon ressenti. Pourtant, sans le savoir, j’avais porté longtemps « Datura Noir » de Serge Lutens qui revêt aussi cette facette un peu vénéneuse qui aurait pu me gêner mais que je trouvais contrebalancé par un côté solaire très prononcé. Petit à petit, j’ai appris à apprivoiser la tubéreuse au travers de parfums plus verts ou plus boisés comme « Royal Mayfair » de Creed, aujourd’hui supprimé, mais surtout de « Nuit de Bakélite » créé par Isabelle Doyen pour Naomi Goodsir qui est, encore aujourd’hui, l’un de mes parfums préférés. La tubéreuse, je l’aime sous toutes ses formes : fraîche comme dans « Tubéreuse » issu de la collection Les Nombres d’Or de Mona di Orio, animale, à l’image de « Tubéreuse N°3 » d’Histoires de Parfums ou franchement florale comme on peut la retrouver dans certaines créations de Lutens. J’avais envie de parler de trois versants d’une même fleur, reine un peu subversive de la parfumerie qui peut fasciner autant que rebuter. J’ai donc choisi trois créations très différentes pour illustrer mon propos.
Au départ, j’avais envie d’évoquer une tubéreuse vraiment fraîche, florale et facile à porter et la toute première création qui m’est venue a été « Gigi » créé par Anaïs Biguine en 2013 pour sa marque Jardins d’Écrivains, en hommage, bien sûr, au personnage du roman de Colette. « Jardins D’Écrivains a imaginé une composition allégorique, un thème mélodique de fleurs blanches juvéniles et fruitées, Gigi célèbre héroïne de Colette nous promène dans le Paris 1900. Jeune, belle espiègle, elle séduit par son insouciance et ses inconvenances. L’eau de parfum Gigi est l’expression d’un certain panache, le sillage des femmes radieuses ». La composition est absolument réjouissante et, lorsqu’elle matche sur la peau comme sur la mienne, sa tenue et son élégance fraîche font mouche. Elle s’ouvre avec de très belles notes de fleur d’oranger et de néroli associées à un accord d’herbe coupée puis vient une tubéreuse toute transparente, très « fleur blanche » associée à un jasmin délicat et à au bourgeon de cassis qui renforce une certaine fraicheur. En toute fin d’évolution, le parfum se pose sur un fond de plusieurs muscs et de santal. Sur ma peau, « Gigi » est parfait. C’est un parfum agréable, facile à porter et un peu estival. Je pense qu’il pourrait tout à fait m’accompagner l’été. Certes, il est peut-être un peu plus destiné aux femmes mais il me plait suffisamment pour que je prenne l’idée de le porter un jour.
« Rigueur, Pureté et Précision… Cultivant un esprit Couture, Pierre Guillaume rend hommage à l’enivrant parfum de la Tubéreuse des Indes. Un nectar capiteux et rayonnant imprimant l’air d’un sillage hypnotique… Essence de Kalamanzi, Pousses vertes de Jasmin, Ylang-ylang, Sucre de Canne, Benjoin de Sumatra et Papyrus… » tels sont les mots de Pierre Guillaume pour qualifier « Tubéreuse Couture 17 » qu’il a créé en 2009 pour sa collection numéraire. La marque ne communique pas plus précisément sur la pyramide olfactive mais, à mon sens, la création met en lumière une tubéreuse stylisée et presque « graphique » qui porte très bien son nom. En effet, je lui trouve une élégance et une modernité particulièrement bien sentie. En tout cas, la tubéreuse prend ici des accents très étonnants, originaux et presque minéraux. Je la trouve en fait « très couture » et l’imagine assez bien accompagner un défilé de mode. Je trouve que Pierre Guillaume a créé tout de même un parfum qui est la quintessence d’une certaine féminité sophistiquée. Je ne le porterai pas et il est rare que je dise cela mais, il faut l’admettre, je suis séduit lorsque je le sens. Pour moi, c’est un éclairage original, une interprétation assez différente de la tubéreuse et c’est pour cela que je voulais absolument en parler dans cette sélection.
Il me fallait une tubéreuse cuir, animale, profonde et peut-être plus difficile à aborder. J’aurais pu choisir plusieurs parfums mais ils ont fini par disparaitre des catalogues des marques. Il m’est devenu évident que le choix que je devais faire serait « L’Eau Scandaleuse » créé par Anatole Lebreton pour sa marque éponyme en 2014. « Un parfum charnel et enivrant, qui en fait trop, scandaleusement ». Après une envolée de bergamote, de pêche et de davana déjà ronde et profonde, le coeur de tubéreuse et d’ylang-ylang est enveloppé d’un accord de cuir puis le parfum se pose sur un fond très animal de castoreum, de cypriol et de mousse de chêne. Je dois dire qu’il n’est pas facile à aborder mais que, porté, ils revêt une élégance toute particulière. Je l’ai essayé et j’ai beaucoup tourné autour. En tout cas, je le trouve vraiment très intéressant. Il est peut-être un peu trop animal. Je l’ai pas mal porté pour voir si je pouvais l’acquérir mais j’y ai renoncé. Je préfère des tubéreuses plus vertes, moins profondes. Cela ne m’empêche pas de penser qu’il s’agit d’un vrai bijou de la parfumerie. « L’Eau Scandaleuse » est vraiment un parfum de niche au premier sens du terme car il ne ressemble à rien d’autre et sort des standards de la parfumerie.
J’espère, à travers cette revue, vous avoir donné envie de sentir des parfums à base de tubéreuse. Il y en a plein et vous trouverez sans doute le vôtre. Les miens, ceux que l’on peut encore trouver sont sans doute « Tubérose Angelica » sorti dans la collection des intenses de Jo Malone et, bien évidemment, « Nuit de Bakélite » ou encore les plus solaires comme « Le Grand Jeu » que je n’arrête pas de porter en ce moment. C’est une très belle note et elle peut revêtir plein de nuances.
La composition d'un parfum est-elle un art ?
Article enrichi
Remettre le parfumeur au centre de la création, considérer la composition comme un art, telle a été le combat d’une vie pour Edmond Roudnitska qui a été, en quelque sorte, le père de la parfumerie moderne. Il avait lu les philosophe, il a lui-même écrit sur son approche de l’esthétique et, dès 1946, il crée, avec son épouse Thérèse, une société basée au domaine de Sainte-Blanche, à Cabris, sur les hauteurs de Grasse. Son but était « élever ce métier au rang d’art à part entière ». J’ai souvent parlé d’Edmond et de Thérèse Roudnitska pour la contribution qu’ils ont apporté à la créations et à l’innovation en matière de parfumerie mais leur philosophie est quelque chose dont je me sens proche. 8ème art, 9ème art, je ne sais pas mais ce que je sais c’est que la composition d’une odeur va, pour moi, bien au-delà du « sentir bon ». C’est une architecture, une construction artistique qui exprime des émotions au travers de ses effluves.
Avant de me passionner pour la parfumerie et notamment celle qui prend des risques, je n’avais jamais remarqué que le parfumeur était oublié de la communication autour de ses créations tant dans les marques de ce qui est devenu le circuit sélectif que dans la plupart des maisons de niches qui, depuis Diptyque dans les années 60, se sont développées lentement mais sûrement. Rares sont les marques qui font apparaître le nom du créateur sur le flacon ou même sur la boite d’un parfum et je trouve que c’est bien dommage.
Certes, Jean Laporte, sur certains flacons de l’Artisan Parfumeur, a fait figuré le nom du « compositeur » de la fragrance mais il faudra attendre la fin des années 90 pour que Frédéric Malle, fils d’une ancienne directrice des parfums Dior, lance une maison d’édition à la manière de Gallimard et mette à l’honneur chaque parfumeur en faisant figurer son nom sur chaque flacon et en insistant, dans le story telling sur le rapport de chacun avec sa création. Peut-être trouverez-vous que c’est un détail mais, pour ma part, je trouve la démarche très juste et importante.
Avec ce blog, j’ai essayé, autant que faire se peut, de remettre le créateur au centre de son oeuvre en citant son nom autant que cela a été possible. Je l’ai fait pour plusieurs raisons. La première est que je trouve important de pouvoir tisser un lien entre les créations d’un même parfumeur en regardant plus globalement l’oeuvre qu’il a construite au fil des années, de sa carrière et de sa vie. La seconde est que je considère vraiment que le parfum, son invention, l’émotion qu’il véhicule sont un art et que c’est comme ça que je veux l’envisager. Pour moi, cela va au-delà de l’accessoire de mode ou encore du simple bien-être qu’il procure. J’ai compris, en me passionnant pour le sujet, qu’il y a des parfums qui ne sont pas pour moi mais dont je sais reconnaitre la qualité. L’inventivité du parfumeur va bien au-delà du brief ou même de l’étude de marché qui sont, hélas, prépondérants pour les marques de luxe. Je trouve dommage qu’elles ne prennent pas plus de risques en sortant un parfum comme elles l’ont fait par le passé même s’il y a des exceptions.
Écrire une formule de parfum n’est pas seulement assembler des matières premières pour créer une odeur. C’est aussi exprimer quelque chose de fugace. Une impression, un lieu, une humeur ou encore un lien entre ceux qui le portent, tel est l’esprit du parfum. Ce que j’écris n’engage que moi mais, étant sensible à la peinture, la sculpture, la musique ou l’art dramatique, je ne peux que trouver des correspondances entre le parfums et ces différents modes d’expression. Je crois que c’est en lisant Edmond Roudntiska que j’ai compris ce qu’il voulait dire et que c’est en écoutant son fils Michel, en conférence, exprimer combien la dimension d’oeuvre d’art du parfum était importante pour lui que j’ai trouvé cela évident.
J’ai créé ce blog pour ça aussi. Je voulais parler non seulement des créations mais des créateurs et peut-être, à mon tout petit niveau, les mettre à l’honneur car ce qu’ils m’apportent, c’est le voyage dans leurs imaginaires qui sont autant de destinations différentes, réalistes ou oniriques, qui me procurent beaucoup de plaisir et nourrissent à la fois ma passion et ma curiosité. Je considère, c’est vrai, la création de parfum comme un art qui se rapproche de la musique que je connais bien et je ne pouvais, à un moment ou à un autre de ma vie qu’être sensible à ce travail.
Mes Parfums Préférés : "Le Parfum de Thérèse", le chef d'oeuvre d'Edmond Roudnitska
Article enrichi
On ne sait pas toujours que le premier parfum lancé en 2000 par les éditions Frédéric Malle est « le Parfum de Thérèse » créé dans les années 60 par Edmond Roudnitska et a été porté durant plusieurs décennies par son épouse et « muse » Thérèse. Il est l'un de mes parfums préférés de tous les temps. C’est lors d’une soirée conférence avec son fils Michel que j’ai vraiment découvert ce parfum que je trouve particulièrement incroyable. J’ai donc appris qu’il avait été refusé par la maison Dior ainsi que par Guy Laroche et qu’il avait vécu, au travers de Thérèse Roudnitska uniquement pendant près de quarante ans sans même porter de nom si ce n’est celui qu’on lui avait donné dans le milieu de la parfumerie et qui était « la prune ».
Edmond et Thérèse Roudnitska
Edmond Roudnitska a été, après la seconde guerre mondiale, sans doute l’un des parfumeurs les plus doués de sa génération et on lui doit des chef d’oeuvres tels « Diorissimo » pour Christian Dior ou encore « Femme » et « Moustache » pour Rochas qui vient de ressortir sous sa forme originale (à ne pas confondre avec l’eau de parfum qui est une toute nouvelle création) mais dont la vente est, à ce jour, réservé à la boutique Marionnaud des Champs Elysées. Il a « inventé » une parfumerie très épurées, revenant à la quintessence des matières premières qu’il a associé à des impressions, des moments de la vie… Je dois dire que je trouve qu’il y a, dans nombre des fragrances qu’il a conçu, une modernité absolument étonnante. Pour moi, il est, avec Germaine Cellier, l’un des parfumeurs majeurs de l’après-guerre.
Mais revenons à ce « Parfum de Thérèse » que j’ai découvert et que je suis en train de sentir à nouveau grâce à une dose d’essai qui m’a été gentiment offerte. Je ne vais pas détailler la pyramide olfactive car elle me parait bien complexe mais surtout m’attacher à ce que je sens et à ce que je ressens lorsque je l’ai sous le nez. Tout d’abord, évidemment, la note de prune, confite mais pas sucrée, est tout à fait inédite. Je ne l’ai retrouvée travaillée d’aussi belle manière que dans « Mon Parfum Chéri » créé par Isabelle Doyen pour Annick Goutal et qui n’existe plus aujourd’hui. Dans « le Parfum de Thérèse », elle est associée à des notes d’agrumes, de fleurs et de bois qui lui donnent une profondeur absolument incroyable. On pourrait considérer que « le Parfum de Thérèse » est réservé à une clientèle féminine mais moi je ne crois pas. Je le trouve très intéressant porté et, sur ma peau, la dualité des notes de prunes et de bois s’exprime totalement et révèle son incroyable modernité car il faut se souvenir que la création de cette fragrance remonte au début des années soixante.
dans les années 90
« Le Parfum de Thérèse » m’intrigue, m’attire, m’évoque à la fois une élégance impertinente des années soixante et un vrai côté contemporain, voire intemporel. Je le trouve particulièrement beau sur la peau mais je suis certain qu’il me plairait aussi caché dans les écharpes au coeur d’un hiver un peu rigoureux car il s’en dégage quelque chose de réconfortant. Pour résumer, je dirais que cette belle création est sans doute l’une de celles que je préfère parmi celles qu’a choisi d’éditer Frédéric Malle.
Michel Roudnitska évoque "le Parfum de Thérèse" :
"Absent Presence", le nouveau Beaufort London
« Le cinquième et dernier volet de la collection Revenants s'inspire du poète élisabéthain Sir Philip Sidney. Dans sa séquence de sonnets "Astrophel and Stella", Sidney développe et capture l'essence même de la hantise... La présence de quelqu'un que l'on ressent toujours mais que l'on ne voit jamais… ». J’attendais beaucoup de « absent Presence », le nouvel opus de la collection des revenants de Beaufort London et j’ai reçu un échantillon. J’ai donc pu l’essayer très correctement. J’aime beaucoup l’esprit de la maison et, dans un sens, je ne suis pas déçu car il est « Très Beaufort » avec un côté sombre mais élégant, profond et fumé à la fois. C’est un parfum sombre, enveloppant, avec une tenue et un sillage très importants. J’aime bien le départ très vif de galbanum, de poivre noir et de bergamote qui nous emmène sur un coeur de jasmin, de feuille de violette et de cuir très profond qui se se renforce encore avec un fond de musc un peu animal qui prolonge le jasmin, de santal plus doux, d’ambre et de cèdre sec. Le résultat est un peu fumé, un peu lent à se développer mais il prend de l’ampleur au fur et à mesure de l’évolution. Il garde quand même un côté vert qui me plait beaucoup de bout en bout.
La marque ne communique pas sur le ou les parfumeurs qui ont créé « Absent Presence » mais il me semble bien que Julie Dunkley et Julie Marlowe pourraient se cacher derrière cette composition tout à fait « dans le style ». Pour vous donner mon ressenti, je dirai qu’il est peut-être un peu plus facile à porter que les tous premiers parfums de la marque et de cette collection mais il garde vraiment le style. Certes, il n’est pas aussi atypique que « Acrasia » que j’avais vraiment adoré lorsqu’il est sorti à peu près à la même époque l’an dernier, mais je pourrais tout à fait me l’approprier. Sur ma peau, je le trouve vraiment très cuir. J’aime beaucoup ce parfum comme pratiquement toutes les créations de cette marque britannique, moderne et typée. Pour moi, Beaufort est vraiment une parfumerie d’auteurs et, si les créations ne peuvent pas plaire à tout le monde, gageons que celle-ci aura ses adeptes comme les autres. Pour moi, ce genre de composition est devenu un peu habituel et je me vois très bien me l’approprier. Ceci dit, je porte déjà plusieurs parfums de la marque donc ce sera peut-être pour l’hiver prochain. En revanche, je n’ai pas de doute, celui-ci fera partie de mon top 20 en décembre 2024.