"Victoire", un très bel éphémère signé Patricia de Nicolaï
L’été 2024 aura été indubitablement celui des jeux olympiques de Paris. Après une cérémonie d’ouverture, certes un peu controversée (je me moque un peu des esprits chagrins car moi, dans l’ensemble, j’ai plutôt apprécié) et qui a, il faut le dire, révélé certains talents artistiques, les épreuves se sont déroulées dans une sorte de ferveur. C’est à cette occasion que Patricia de Nicolaï a créé « Victoire », une eau de parfum éphémère et, je trouve, vraiment très réussie qui sera un collector de cette période. Présentée dans un joli flacon en verre dépoli, un peu givré (ce qui fait du bien) en cette période un peu trop chaude enfermé dans une petite boite aux dessins vintage, cette création a su me séduire assez facilement. La marque la décrit ainsi : « L’eau de parfum Victoire est inspirée par l’esprit de compétition et la persévérance des athlètes de haut niveau. Yuzu, bergamote et mandarine pétillent en tête et vous enveloppent dans une vague de fraicheur. À l’image du sprinter qui prend son envol sur la piste, ces notes hespéridées et énergisantes vous propulsent vers l’avant, éveillant vos sens et préparant le terrain pour une expérience olfactive inoubliable. Tel un marathonien qui trouve son rythme au milieu de la course, le cœur de Victoire révèle un mélange harmonieux et tonique de notes vertes et de thé. Ambre et musc soutiennent cette course de fond vous mettant dans les meilleures conditions pour atteindre les sommets. À l’occasion d’une année particulièrement sportive, Victoire est plus qu’un parfum ; c’est un hommage à l’esprit de compétition, à la joie, au dépassement de soi et à la beauté de l’accomplissement ».
Dès l’envolée, la fraîcheur de la bergamote, du yuzu et de la feuille de figuier nous emmène sur un coeur floral enveloppé de thé vert puis sur un fond de bois de gaïac, de muscs blancs et de mousse de chêne. Je trouve la construction vraiment très belle mais surtout, et j’ai pu le constater, le parfum dure de longues heures et projette par intermittence un sillage à la fois énergisant et d’une élégance toute parisienne. En outre, le prix de « Victoire » est plus que raisonnable. Nous avons eu la chance de le découvrir à la boutique de la marque située rue Richelieu à Paris, à deux pas de la place Colette et donc de la Comédie Française. Je recommande vivement cette boutique car, comme dans celle de la rue des Archives, dans le Marais, l’accueil est au top. La personne qui nous a reçu nous a même fait découvrir, en avant-première, les trois futures sorties qui seront distribuées en septembre et sont inspirées de l’univers de la pâtisserie. Je ne vais pas trop m’étendre car j’y reviendrai d’autant plus facilement que ce sont trois parfums qui m’ont marqué. Pour revenir à « Victoire », il sera distribué jusqu’à extinction des stocks. Pour moi, il s’agit d’une trouvaille assez magique car Patricia de Nicolaï a mis sa si belle signature au service d’une eau à la fois légère (en apparence) et extrêmement tenace. « Victoire » c’est une victoire !
Je n'aime pas la calone
La calone est une molécule de synthèse utilisée depuis les années 60 pour créer une odeur marine et ozonique. Elle a été créée par le laboratoire Pfizer en 1966 et elle est très présente, dans le sélectif notamment dans « L’Eau d’Issey » d’Issey Miyake, « Kenzo pour Homme » ou encore « Acqua di Gio » d’Armani. La parfumerie de niche l’utilise aussi mais peut-être dans une mesure un peu moindre car plusieurs créateurs lui préfèrent l’emploi d’extraits d’algues dont le rendu est peut-être plus réaliste. En tout cas, c’est une molécule incontournable et, même si sa présence me gêne dans la plupart des parfums, je me devais de lui consacrer un article. J’ai choisi, pour illustrer mon propos, quatre compositions dans lesquelles elle est très présente et qui, il me semble, sont assez représentatives. Alors, je vous emmène au bord de la mer. Il me semble que c’est la saison.
Le premier parfum que j’ai choisi de réessayer s’est imposé à moi car il constitue exactement ce que je ressens lorsque l’on parle de calone. Il s’agit de « Un air de Bretagne » créé par Juliette Karagueuzoglou en 2017 pour la collection des Paysages de L’Artisan Parfumeur. Il faut le dire, c’est un grand succès et cette composition est devenue un best de la marque en quelques années. « Un parfum marin, frais et salé, inspiré par les vagues torrentielles de la Bretagne ». Il est très imposant grâce à la conjugaison d’un absolu d’algues et de la calone associée à l’ambre gris et au néroli. Il s’agit-là, indubitablement d’un parfum d’embruns qui évoque, c’est vrai, l’océan Atlantique, la fraîcheur un peu sauvage de la Bretagne, les rochers par son côté minéral et le mélange des notes animales de l’ambre gris avec la calone et l’extrait d’algues est déjà un avant-goût de vacances. Je comprends son succès. En effet, il est très facile à s’approprier voire même à porter mais je le trouve, il faut l’admettre, un peu trop synthétique. Certes, son sillage et sa tenue sont exceptionnels mais il a fini par m’incommoder lorsque je l’ai réessayé pour écrire cet article. Je dois dire que je suis un peu rebuté par « Un Air de Bretagne ». Je le trouve too much. En revanche, dans le style marin, c’est une réussite indéniable.
Créé par Alessandro Gualtieri en 2019 pour Orto Paris, « Megamare » est également un parfum dans lequel la calone est très identifiable. Le parfumeur décrit ainsi sa création : « La mer nous emmène sur les rives de nouvelles terres, exhortant à une rencontre avec soi-même, à traverser les strates salines pour atteindre l’oraison immaculée. Plénitude éclatante de la mer » et ne communique pas, comme à son habitude, sur la pyramide olfactive. Au départ, j’avais trouvé ce parfum intéressant mais il est vrai qu’à l’époque de sa sortie, je m’étais mis aux salins plus qu’aux marins en portant soit « Acqua di Scandola » de Parfum d’Empire soit « Sel Marin » de Heeley, je ne me souviens plus. J’avais donc voulu essayer « Megamare », que nous n’avions pas encore à Lyon, lors d’un séjour à Paris. Je m’étais donc fait parfumer aux Galeries Lafayette des Champs Elysées et je m’en suis toujours souvenu. L’overdose de calone n’a pas tardé à me déranger et j’ai du aller l’ôter sur mon bras. Pour écrire cet article, je l’ai réessayé et la note marine synthétique, renforcée par le sel marin n’a eu de cesse que de me déranger. En revanche, je trouve que cette création est idéale pour évoquer la calone. On dirait presque la molécule à l’état pure.
« Snowy Owl » créé en 2020 par Dawn Spencer Hurwitz pour Zooligist. « Snowy Owl glisse avec une ouverture mentholée, tandis que la douce chaleur du musc se combine avec de belles notes de perce-neige, de muguet et d'iris. La noix de coco sucrée et la vanille boisée s'invitent pour surprendre et séduire. Snowy Owl fusionne une vitalité fraîche avec une douceur exquise dans un parfum captivant, idéal pour ceux qui n'ont pas peur de prendre ce qu'ils désirent ». Il s’ouvre avec un accord neige, de muguet, de menthe et de noix de coco puis vient un coeur d’iris, de rose blanche de maté, d’encens et de galbanum qui s’entoure d’une note de calone assez discrète. Le fond d’ambrette, de cèdre, de civet, de muscs blancs, de mousse de chêne, de fève tonka et de vanille. C’est le parfum dans lequel je trouve que la note de calone est la plus discrète. Elle a est vraiment plus supportable pour moi. Mieux, il me plait et c’est le seul de ma sélection. Le côté est plus ozonique que marin et je pense que c’est vraiment plus agréable en tout cas pour moi. Je pourrais porter « Snowy Owl » très facilement même s’il n’est pas mon préféré dans la marque.
« Une fable née de l'antagonisme entre le bois de Oud et l'eau de mer. Ils ne se mélangent pas, mais sont un modèle de coexistence. Sur la force et la protection du Oud et du bois de cèdre, ainsi que du cuir, de la mousse de chêne et du Cistus ladanifer, coule l'âme du voyageur - le protagoniste, enveloppé de rose et de jasmin, flottant comme l'ambre au-dessus du liquide élémentaire de l'océan afin de s'adapter et de garder le cap face aux imprévus de la vie ». « Ocean Oud » a été créé en 2017 par Ramon Monegal et je dois dire que, lorsque je l’ai senti, j’ai eu un mouvement de recul tant la note de calone m’a dérangé. Elle est présente dès l’envolée, associée au ciste labdnanum et à un accord ambré. Le coeur de oud, de rose et de jasmin paraît tout de même incongru et n’arrive pas à me faire passer ma première impression. Le fond de cuir, de mousse de chêne et de cypriol m’a semblé assez joli mais j’ai du mal à y arriver tant je trouve difficile de supporter l’évolution. C’est un parfum très animal et très marin. Il est segmentant et il faut vraiment l’essayer. J’avoue que je n’ai pas essayé ce parfum sur ma peau. Il me dérangeait trop.
Je n’aime toujours pas la calone mais l’expérience est intéressante. J’ai réessayé ces parfums comme je le fais pour les autres, sans à-priori. J’aime beaucoup l’idée de parfums d’embruns mais je les préfère juste plutôt salins que marin comme ce que je l’ai toujours dit. Je vous laisse vraiment faire votre expérience. J’espère que vous me donnerez votre ressenti.
My Exclusive Collection : les créations cachées de Jean-Paul Guerlain ?
Il y a déjà plusieurs années que j’entends parler de ce qui est devenu My Exclusive Collection. Des tentatives de lancement avaient été effectuées dans le passé mais ce n’est qu’en 2021 qu’elle voit le jour effectivement avec le lancement de trois parfums dont la création est attribuée à Jean-Paul Guerlain même si, sur le site de la marque, on n’évoque que « Le Maestro ». À cette époque, j’ai rencontré le commercial venu proposer ces trois compostions aux parfumerie lyonnaises et je les ai donc découvertes en avant-première si l’on peut dire. Ensuite, c’est à La Mûre Favorite, qui avait décidé de faire entrer la marque, que j’ai eu l’occasion de les redécouvrir et même de les essayer. J’ai beaucoup hésité à en parler mais je me suis dit que comme My Exclusive Collection existe et que je connais les trois créations, je me devais de le faire. Alors, ai-je eu un coup de coeur ou non, vous le saurez dans ma conclusion.

Jean-Paul Guerlain
« Swingfollies » est le premier parfum que j’ai senti. « Une odyssée allant de l’Océan Indien aux rivages de la Riviera dans un intense sillage boisé, rafraîchi de fleurs et d’agrumes. Ce voyage nous invite à la découverte de la puissance du Patchouli, des accents rares et épicés du poivre noir de Madagascar, de la fraîcheur de la Mandarine et de la Fleur d’oranger, avant de s’alanguir dans la douceur de la vanille et du musc blanc ». Après un départ de mandarine et de poivre noir de Madagascar vient un coeur de fleur d’oranger très classique qui se pose sur un fond d’essence de patchouli, de vanille et musc blanc. En sentant ce parfum, je l’ai trouvé vraiment très classique voire un peu mainstream. En effet, je ne suis pas vraiment convaincu. Je m’attendais à une représentation plus « flamboyante » de la fleur d’oranger. Sur ma peau, la tenue et le sillage sont très satisfaisants mais la création en elle-même me laisse un peu sur ma faim. Il est vrai que je ne suis pas tellement adepte de la fleur d’oranger. Je trouve que, souvent, les parfums où elle est travaillée en majeur sont un peu rebattus. C’est le cas avec « Swingfollies ».
« Kaléidoscope de l'Amour, ce bouquet oriental incarne la formule parfaite. Dans une ode s'ouvrant sur les tons chauds et épicés du poivre rose, l'Ylang-Ylang y exhale son nectar aphrodisiaque se mêlant à la magie redoutable du Datura noir. La suave vanille en équilibre avec la douceur du baume du Pérou et la force boisée du Vétiver viennent ponctuer ce philtre ». « Renata 1226 » est un parfum solaire, élégant avec, au départ, une envolée de poivre rose, de calone et de citron., un coeur d’ylang-Ylang, de noix de coco et de datura qui nous emmène sur un fond de vétiver d’Haïti, patchouli, baume du Pérou, vanille. Avec ce parfum, je retrouve quand même assez facilement la signature de Jean-Paul Guerlain. La construction est celle d’un ambré fleuri très classique, plutôt chic quoi qu’un peu difficile à saisir. Je ne peux pas dire pourtant que j’adhère complètement. C’est un parfum plutôt plus original que le premier, son sillage et sa tenue me conviennent mais je ne suis pas vraiment convaincu. « Renata 1226 » est faussement moderne. Il revêt quelque chose d’un peu suranné sans l’assumer. Il faut l’essayer avant de se faire une idée.
Avec « Murmure d’Alcôve », le « Maestro » y va à fond dans la sensualité. La tubéreuse, très animal explose et il faut pouvoir la porter ! « Un univers floral aux notes opulentes et mystérieuses qui décline avec justesse une ode à la sensualité. Ce parfum ensorcelant et capiteux nous dévoile le caractère mystique de la Tubéreuse, cette Fleur Blanche appelée aussi « Complice de l'Amour », mêlée à la Jacinthe et à la Rose de mai, pour une immersion dans un monde sulfureux et enivrant ». Un départ de clou de girofle, de pêche et de jacinthe nous emmène sur un coeur de tubéreuse de roses de mai et de Bulgarie puis se pose sur un fond de vanille. Le sillage, le côté animal et la tenue sont vraiment très impressionnants. Il y a presque un côté « parfum de cocote » ce qui ne me dérange pas vraiment mais je trouve que l’ensemble garde un côté un peu vieillot qui me fait dire qu’il ne s’agit pas de la tubéreuse de ma vie. Certes, c’est, des trois créations, celle que je préfère mais elle ne m’emballe pas outre mesure.
Globalement, je dois dire que je suis assez déçu par My Exclusive Collection. Les parfums me semblent un peu banals, le packaging est cheap avec un flacon très suranné et un capot qui ne tient pas en place et la communication un peu mystérieuse sur le fait que les jus aient étés créés par Jean-Paul Guerlain sans vraiment le dire m’agace quelque peu. De plus, en tout cas à Lyon, elle ne rencontre pas vraiment un succès. Il faut dire que le prix de vente est élevé. J’ai même cru comprendre que même celles et ceux qui ont franchit le pas une fois, ne répètent pas l’opération. Il me semble que My Exclusive Collection est un peu « mal fagotée » et que la marque aura du mal à trouver son public.
Des tubéreuses que je viens de redécouvrir
Je m’en suis rendu-compte depuis que j’ai acquis une petite collection de parfums, j’ai un goût pour la tubéreuse. J’essaye toujours de découvrir des créations dans lesquelles elle est travaillée en majeur. Récemment, j’ai remis mon nez dans trois compositions dans lesquelles cette « fleur mystérieuse » ne dit pas son nom mais est très présente et une troisième qui est vraiment traitée de manière florale. Je les ai vraiment beaucoup aimées toutes les deux alors j’ai eu envie de vous en parler.
Le premier parfum que j’ai choisi est aussi mon préféré dans cette sélection. Il s’agit de « Enlèvement au Sérail » que Francis Kurkdjian a composé pour la collection classique de la maison MDCI en 2006. La marque le décrit ainsi : « Ce fleuri oriental délibérément « rétro », un des premiers succès de la marque, est à nouveau disponible. Un parfum sophistiqué et complexe qui évolue tout au long de la journée, révélant différentes facettes du parfum au fur et à mesure que les notes s’estompent et se mélangent. Il se transforme en un bouquet floral doux et sensuel, avant de laisser place à des notes de fond chaleureuses et réconfortantes. Le parfumeur a ajouté une petite touche qui le rend subtilement, légèrement plus frais et plus jeune, mais Il a gardé toute sa puissance, sa profondeur, et un « velouté » rares de nos jours ». Je dirai pour ma part qu’il s’agit d’un néo-chypré assez traditionnel qui s’ouvre sur une envolée de bergamote de de mandarine avec le côté solaire de l’ylang-ylang qui s’enrichit d’un coeur de tubéreuse, de rose et de jasmin pour se poser sur un fond de patchouli, de santal, de vétiver et de vanille. C’est un chypre sans mousse de chêne, très enveloppant, suave, floral et sophistiqué. Il plaira, c’est certain, plus certainement aux femmes mais je pourrais tout à fait le porter. Il est très onéreux et, si j’ai un peu tourné autour, je n’ai pas franchi le pas. Il n’en reste pas moins que je le trouve absolument parfait tant au niveau composition qu’à celui de la tenue et du sillage. C’est une composition équilibrée et efficaces comme je les aime.
« Le romantisme, très peu pour elle. Une main de fer dans un gant de velours. Tubéreuse, mandarine, bois : le parfum de notre conquistador intrépide séduit tout sur son passage. Avec elle, le silence est d’or. Du moins, c’est ce que pense Sir Teddy… ». J’étais un peu passé à côte de « Heartless Helen » (littéralement « Helen Sans Coeur ») créé en 2019 par Dominique Ropion pour la collection des Portraits de Pehnaligon’s. En cherchant des parfums à dominantes de tubéreuse que je n’avais pas essayé, je l’ai redécouvert. « Helen ne se fie qu’à elle-même. Une femme aux fermes intentions, non dénuée d’invention, bonne joueuse... tant que c’est elle qui gagne ! Je suis née pour dominer votre sexe – et être l’héroïne du mien. Vous avez dit romance ? Laissons s’il vous plaît cela aux Romantiques. Elle vient de faire la connaissance de Teddy, en safari. Un homme à son goût. Mais qu’en laissera-t-elle ? Dieu merci, l’attraction n’est pas toujours fatale. Helen a bien l’intention d’en profiter ». Serait-ce le parfum de la femme fatale (ou de l’homme fatal) ? Je ne le sais pas. Ceci dit, il me plait ce parfum avec son envolée de poivre rose et de mandarine, son coeur de jasmin et de tubéreuse et son fond de cashmeran. J’avais une connaissance, qui vendait la marque à l’époque et s’était appropriée « Hearthless Helen » et je crois que je l’associais plutôt à elle. Je l’ai redécouvert avec une certaine jubilation et je dois dire que je me suis fait plaisir à essayer cette tubéreuse un rien animale mais très florale, joyeuse et impertinente. Un vrai plaisir pour un beau parfum. Dominique Ropion, une fois de plus, montre qu’il peut vraiment bien travailler cette fleur narcotique qui m’attire tellement.
« Extrait de glamour. Rose. Passion. Lèvres. Bouche. Douceur. Chaleur. Délicieux. Lumineux. Appétit. Interdit. Fun. Fatale. Fruit. Désir. Smile. Sucré. Peau. Brillant. Enivrant. Insatiable ». Quand j’ai vu le nom de « Jasmine Od », je me suis dit « encore un jasmin » et j’ai été tenté de le sentir un peu rapidement. Pourtant, cet extrait m’a tout de suite plu. L’association d’un jasmin sambac très opulent et d’une tubéreuse presque verte comme celle utilisée dans « Royal Mayfair » de Creed associé aux muscs blancs crée une fragrance à la fois opulente, fraîche et d’une élégance à l’anglaise qui m’est si chère. James Heeley le décrit ainsi : « Le parfum naturel du jasmin par une chaude nuit d'été est un parfum éphémère et fugace. Le but ici était d'essayer de capturer et d'améliorer son intensité et sa longévité sans altérer sa beauté naturelle. Le résultat est une surdose d'absolu de jasmin et de tubéreuse qui donnent à ce parfum sous-jacent des accents de fruits. Intense, enivrant et terriblement joli ». Je trouve que la dualité entre le jasmin et cette tubéreuse presque mentholée est vraiment du plus bel effet. J’ai tout de suite accroché. Il peut être porté de plein de manière et par pas mal de personnes différentes et s’adaptera à leur personnalité. Je l’imagine comme un parfum de barber shop pour un gentleman habillé de tweed ou d’un costume chic, comme une fragrance excentrique qui complètera le style d’un dandy ou d’un garçon en jean et en baskets mais il s’adaptera aussi à une femme élégante mais dynamique ou à une jeune fille qui veut, le temps d’une soirée ou même d’une journée, d’une semaine ou plus, se singulariser et affirmer une personnalité bien présente. Pour moi, « Jasmine Od » est une véritable réussite. Vraiment j’ai adoré.
Il y avait longtemps que je voulais essayer « Tuberosa », créé en 2021 par Jean-Claude Ellena pour la collection Parfums Signatures de la maison Le Couvent mais je n’arrivais pas à mettre la main sur un testeur. C’est chose faite et j’en suis bien heureux car je trouve cette création vraiment superbe. « Dans l’ombre des jours, il est une fleur qui conte son histoire durant la nuit. Extrêmement sensuelle, c’est dans l’ombre et l’obscurité qu’elle exhale ses plus beaux arômes. À mesure que la nuit s’avance, la tubéreuse nous narre une histoire. 20 h 09 : la reine des fleurs se réveille doucement et irradie dans la nuit noire. Elle nous saisit par ses notes fraîches de pêche qui deviennent musquées et sucrées; effluves hypnotiques et tentatrices qui font tourner la tête et égarent. 22 h 11: le temps est venu pour la tubéreuse de dévoiler toute sa gourmandise, nous enveloppant totalement dans un bouquet épicé, entre clou de girofle et noix de muscade, qui emplissent l’âme d’une sensualité certaine et attise le désir. 23 h 40 : voilà que les effluves épicées s’évanouissent au profit de la vanille et de l’héliotrope. Deux senteurs qui enserrent nos corps, les pénètrent de volupté et invitent au rapprochement dans la nuit déjà engagée. Un bouquet de fragrances qui nous exalte, un concert de senteurs que joue cette souveraine oubliée, une mélopée sensuelle qui révèle le parfum d’une nuit secrète et se termine à minuit. Passant de l’ombre à la lumière, le jour venu, elle rayonne de beauté et baigne notre peau de soleil ! ». Je comprends tout de suite la démarche du parfumeur. Dans une formule courte dominée par un absolu de la fleur associé au bois de santal, Jean-Claude Ellena décline en facettes la tubéreuse pétales et tiges à différents moments de la journée. J’ai beaucoup aimé le côté à la fois aquarelle et naturaliste de ce parfum qui est, pour moi, l’une des plus belles réussites de la marques. Je ne suis pas objectif car j’aime la signature toute en nuances et en légèreté de ce parfumeur dont le talent n’est plus à démontrer. Contrairement aux deux précédentes, je trouve « Tuberosa » très mixte et facile à porter. C’est un troisième coup de coeur dont j’avais envie de parler.

La tubéreuse est vraiment l’une des fleurs que je préfère en parfumerie. De « Fracas » de Robert Piguet à « Nuit de Bakélite » créé par Isabelle Doyen pour Naomi Goodsir, il a de très nombreuses interprétations possibles. J’aurais pu en citer d’autres et, d’ailleurs, je l’ai fait au fil des pages de ce blog depuis que j’ai commencé mais j’en ai retenu quatre que j’ai re-senti ou réessayé récemment et qui m’ont vraiment séduit. J’espère que nous échangerons sur le sujet car il est passionnant.
Promenade dans mes doses d'essai
En ce mois d’août, j’ai eu envie de me replonger dans des parfums que je n’avais pas senti depuis très longtemps. Certains sont emblématiques, d’autres plus confidentiels, en tout cas, je suis, comme toujours, allé tous azimuts. J’ai bien aimé les redécouvrir. Alors ai-je eu un coup de coeur pour un parfum à côté duquel j’étais passé ? Vous le saurez dans ma conclusion.
Mon premier essai, je le dois à David de Blitzz à Lyon qui m’a gentiment offert la dose d’essai de « Jasmin et Cigarette » créé par Antoine Maisondieu et lancé en 2006 par État Libre d’Orange. Je l’ai déjà évoqué dans mon article sur les parfums à base de jasmin et je l’avais re-senti à cette occasion mais je ne l’avais pas vraiment porté. Aujourd’hui il m’a fait envie et je me suis dit que ça allait être une expérience tout à fait inédite. En demandant à Antoine Maisondieu de créer ce parfum, Étienne de Swardt a voulu rendre hommages aux actrices sophistiquées des années trente à Hollywood telles Marlene Dietrich, Greta Garbo ou encore Carole Lombard, ce qui lui a donné l’idée de mêler le tabac au jasmin. Je trouve que c’est assez bien vu. J’imagine des élégantes dont les cigarettes sont le prolongement de longs tubes. Le départ est vraiment fleuri. Le jasmin est très présent et il le restera durant la très longe évolution du parfum mais il s’enrichira de notes de jasmin, d’épices (du curcuma apparemment), de fève tonka, d’ambre et d’abricot. L’ensemble est « tenu » par une très belle note de bois de cèdre. Sur moi, « Jasmin et Cigarette » a quelque chose de très étonnant. Je le trouve tout à fait déroutant. Son côté fleuri ne peut que me plaire mais il y a quelque chose d’étrange qui fait que, après plus d’une heure, je le remarque encore très nettement autour de moi. Il est à la fois assez frais et profond. Je lui trouve une élégance légèrement décalée qui me plait bien. Parfois, je suis un peu perplexe devant les créations de la marque et, si je reconnais une grande originalité dans la création comme dans la conception de chaque fragrance, peu sont faites pour moi. « Jasmin et Cigarette », je ne sais pas. J’aime bien et j’aime l’aimer mais est-ce que je me vois le porter régulièrement ? Je suis bien incapable de répondre à cette question. Entre coup de coeur et surprise, il me déroute beaucoup. J’aime énormément certaines notes, surtout ce mélange entre un absolu de jasmin relativement vert et un tabac blond assez sec, presque froid. Si je devais lui donner un qualificatif, ce serait « étonnant ». En fait, il ne me déplait pas et il demande à être essayé encore… et encore.
Lancé en 2009 et créé par Jérôme Epinette à qui l’on doit également « la Tulipe » dans la même marque et que j’aime bien, « Aventus » est un boisé fruité très complexe, innovant, qui démarre avec des notes fruitées et fleuries très agréables pour ce renforcer avec une note, je pense de violette et de cyclamen avant de laisser la place à un fond boisé et orange amère très original. En le portant, je suis frappé par son côté inédit alors que je trouve que l’envolée est assez classique, il a évolué sur ma peau d’une manière très très agréable et il me plait bien. Je le trouve assez idéal en cette saison, trop profond pour l’été et trop léger pour l’hiver, ses notes fruitées, florales et boisées se marient parfaitement avec le petit matin frais et le soleil de printemps. Je suis content de l’avoir essayé maintenant. Je ne connais pas grand-chose de la marque Byredo sauf que je sais qu’elle est une maison de luxe suédoise créée en 2006 qui a commencé à explorer les senteurs par ses bougies avant de faire créer des parfums pour soi et pour la maison. Je trouve que « Bal d’Afrique » fait partie des créations assez originales et « à la française » de cette marque. Les autres fragrances que j’ai découvert sont souvent, quoi que bien réalisées, assez modernes mais aussi relativement consensuelles. Très franchement, je comprends le succès tout à fait incontesté de « Bal d’Afrique », malgré une certaine originalité, il est très facile à porter pour tous ceux qui veulent se démarquer des sempiternelles fougères ou des gourmands convenus qui sortent à la pelle dans les marques du sélectif. Il est un excellent compromis si l’on ne veut pas porter quelque chose de trop excentrique mais néanmoins une création vraiment originale. Je ne sais pas si j’achèterai « Bal d’Afrique » car, si je le trouve agréable à porter, je ne suis pas suffisamment emballé par la création pour franchir le cap. J’aurais l’occasion de le réessayer car je dispose de plusieurs échantillons. Peut-être que je changerai d’avis mais pour aujourd’hui, je dirai que le premier contact est agréable mais pas tout à fait en accord avec mes goûts.

J’avais en ma possession une dose d’essai de « Volutes », créé par Fabrice Pellegrin en 2012 pour Diptyque. C’est lorsque je cherchais un « tabac » (que finalement je n’ai pas acheté) qu’on me l’avait conseillé. J’avoue que je l’avais un peu laissé de côté car, dans la marque, il y a d’autres créations que j’avais plus envie d’essayer même si les notes de tête m’avaient toujours bien plu. J’ai donc décidé de tenter de le porter et je ne le regrette pas car je le trouve plutôt intéressant. « Volutes », est classé par Diptyque dans les parfums boisés mais pour moi, il est résolument un tabac blond comme celui que mon père sortait de son paquet et fumait dans sa pipe quand j’étais enfant. Autant, je n’aimais pas le sentir brûlé autant brut, il avait un côté miellé que je retrouve parfaitement ici. Difficile, sans aller sur le site de la marque, de trouver les éléments de la pyramide olfactive car je trouve que le tabac et le miel sont vraiment des notes dominantes (en tout cas sur ma peau) et je dois dire que je suis assez séduit par l’ensemble. Je lui trouve également une facette légèrement épicée, tout dépend comment je le sens. Ce qu’il m’évoque est un salon avec des fauteuils en cuir dans une maison à la campagne légèrement humide mais réchauffée par le soleil d’un automne encore clément. Je lui trouve un côté enveloppant, confortable, élégant certes mais pas du tout suranné. Il y a dans « Volutes », une certaine modernité. Pour ce qui est de la tenue, elle est impeccable comme souvent dans la marque (en tout cas parmi les créations que je connais) et le sillage est largement suffisant. Je crois que « Volutes » n’existe plus qu’en eau de parfum et je pense que la version eau de toilette m’aurait suffit. Ensuite, il suffit de savoir le doser et de n’avoir pas la main trop lourde lorsque l’on décide de le porter. En le sentant autour de moi, je me dis que c’est un parfum idéal pour ce jour de printemps un peu froid. Je ne l’aurais peut-être pas tenté si j’avais du sortir car il est assez différent de ce que j’aime porter et il me surprend quand même un peu. Je pense qu’il faut que je l’apprivoise mais j’arriverai assez facilement tout de même à me l’approprier. « Volutes » est sans doute l’une des créations les plus éloignées de l’univers de la marque car on y retrouve bien les codes d’une parfumerie plutôt masculine certes, élégante voire même un peu atypique mais sans le côté végétal et floral que l’on aime retrouver chez Diptyque. Ceci dit, j’aime bien et je suis content de le découvrir. Je dispose de plusieurs doses d’essai et je le retenterai sans doute dans les prochaines semaines.
Mon essai du jour est « Bengal Oud » créé dans 2019 par Pierre Montale pour sa marque éponyme. J’avais cet échantillon en ma possession depuis très longtemps. Lors d’un séjour à Paris, j’ai découvert la boutique de la rue Pierre Charron, tout près des Champs Élysées que je ne connaissais pas. Nous avons été très bien reçu par un jeune responsable, très érudit et passionné de parfumerie qui m’a donné envie de découvrir quelques créations des deux marques distribuées, Montale et Mancera. J’ai été un peu dérouté par l’esthétique de la boutiques, des flacons comme des tubes métalliques de l’une des marques et des sobres bouteilles de verre de l’autre et des packagings que j’ai trouvé peu en accord avec ce que l’on a l’habitude de découvrir en parfumerie. Une fois ma surprise passée, j’ai senti plusieurs fragrances qui m’ont plu même si le oud et la rose, énormément employés dans ces deux marques ne sont pas mes familles olfactives de prédilections. J’ai retenu plusieurs parfums et notamment « Bengal Oud » qui est un travail autour du cuir et du vétiver, très intense, dont j’ai pu obtenir une dose d’essai. Je ne l’avais jamais testé et du coup, je profite de ce nouveau jour d’enfermement pour m’y pencher. En tête, le mélange oud et agrumes est tout à fait bien vu d’autant que ces notes sont parfaitement éphémères et font place, très rapidement à un coeur à la fois boisé, avec des notes de patchouli très finement travaillées, et cuiré. Je crois déceler un accord très sombre de bois de boulot comme un cuir de Russie. Les notes de fond sont résolument boisées avec des accents un peu poudrés et viennent seulement s’ajouter au côté cuir. L’ensemble est une très belle création dotée d’un sillage amplement suffisant et d’une tenue impeccable il me semble. « Bengal Oud » possède un côté animal qui n’est pas du tout dérangeant car il est contrebalancé par des notes cuirées omniprésentes et un jasmin qui vient, en se mêlant avec le patchouli et le vétiver, le rendre doux et un peu addictif. J’ai bien aimé « Bengal Oud » une fois sur la peau. Je ne le trouve ni « too much » ni trop oud pour mon goût. Attention, ce n’est absolument pas un compromis mais une très belle et originale création somme toute facile à porter à conseiller. Simple, c’est un parfum qui plaira aux amateurs de cuir sans aucun problème. Je le trouve réussi.
C’est lors d’une petite cérémonie du thé que j’ai découvert, il y a quelques années dernier, au Printemps Haussmann à Paris, la seconde marque créée par Clara et John Molloy. L’inspiration de Floraïku est résolument japonaise et tout, des jus au packaging, est pensé en ce sens. C’est une marque luxueuse et chaque flacon est un presqu’objet d’art tout comme la boite qui le contient est un écrin. J’ai découvert plusieurs des créations et le vendeur m’a gentiment offert plusieurs échantillons dont « Between two Trees ». Je dois dire que, lorsque, ce matin, je l’ai senti, je me suis dit que c’est celui-ci qui allait m’accompagner aujourd’hui. Comme son nom l’indique, c’est un boisé mais pas seulement. On y retrouve une note de tête absolument nette et un rien amère de pamplemousse qui annonce la couleur, voire même la senteur. La marque évoque des notes de vétiver et de maté que je n’avais pas vraiment identifié mais le fond est surtout un iris, très terreux, presque cuiré. « Between two Trees » n’est pas sans me rappeler « Italian Leather » de Memo, l’autre marque créée par Clara et John Molloy et également réalisé par Aliénor Massenet en 2017. Je trouve que ces deux fragrances ont des « liens familiaux ». Je pense que le côté plus « extrême-oriental » incarnées par une note florale impossible à identifier et celles, plus grillées, du maté lui confèrent réellement son identité « japonisante Globalement, pour revenir à la marque Floraïku, je dois dire que je n’ai été séduit qu’à moitié par les jus à part un ou deux de ceux que j’ai découvert. Je trouve certains très proches de ceux que j’aimais déjà chez Memo. De plus, je trouve le prix assez prohibitif. 255 euros pour 50 ml, même avec un packaging absolument superbe, c’est une somme. Je m’attendais donc à un peu plus de singularité. Dans le style, les jus sont beaux mais ne sortent pas vraiment des sentiers battus. La tenue n’est pas mal mais celle des deux que j’ai essayé n’est pas incroyable non plus. S’offrir un parfum de la marque s’apparentera plutôt à acquérir un bel objet parfumé qu’une fragrance réellement originale (en tout cas, de mon point de vue) et de se faire plaisir visuellement autant qu’olfactivement.
« Un tabac blond à la sensualité animale. Cette fougère prend son envol dans la fraîcheur de la lavande des barbershops anglais. Puis l’odeur sèche et chaleureuse du foin transporte au Bengale, jusque dans les plantations de thé d’Assam. Enfin, l’extrait de tabac blond adouci par la rondeur de la fève tonka se mêle aux saveurs de la savane indienne. Puissant et original, Fougère Bengale, une senteur sauvage pour voyageurs audacieux ». Créé en 2007 pour Parfum d’Empire, « Fougère Bengale » est un parfum à côté duquel j’étais un peu passé. J’avais du le sentir dans le tube à essai mais je n'y avais pas prêté attention plus que ça. C'est en le découvrant vraiment que je me suis rendu compte à quel point il me plaisait. Encore une création de Marc-Antoine Corticchiato qui me plait. C'est un "tabac", rond, épicé, aromatique, presque oriental. Il nous entraine dans des volutes épicées, vraiment envoutantes. Le départ est plutôt surprenant avec une note de thé et de lavande mais, très vite, le pauvre et les épices viennent se mêler au tabac, au patchouli et à un fond de fève tonka. Je lui trouve une certaine parenté avec "Tabac Tabou" même si les épices ont, dans cette création, une place plus importante. J’aime cette impression de parfum « tabac » un peu à l’ancienne, comme devaient les affectionner le femmes et les hommes de l’après-guerre. Il pourrait avoir des similitudes avec des créations de cette époque à mi-chemin entre chypré légèrement vert et cuirés enivrants. Je m'imagine dans un univers confiné et élégant d'un restaurant chic ou du foyer d'un grand hôtel. Son côté un peu "parfum ancien" ne pouvait que me séduire. Si je l’ai souvent senti, je ne l’ai jamais vraiment essayé et il me faudra y remédier car sans doute pourrait-il me plaire. « Fougère Bengale » fait partie des créations de Marc-Antoine Corticchiato autour desquelles j’ai pas mal tourné et, si je n’ai pas franchi le pas pour l’instant, dans l’avenir, rien ne dit que je ne craquerais pas…
J’ai choisi de développer mes impressions sur cinq parfums au lieu de quatre comme je le fais le plus souvent. J’espère que l’article n’est pas trop long. Ceci dit, je me suis fait plaisir à réessayer ces parfums. Celui qui me rend le plus dubitatif est « Fougère Bengale » car je le trouve vraiment réussi. C’est un parfum de la marque un peu oublié et peut-être est-il bon de remettre son nez dedans. Je ne sais pas si je porterai les créations de cette sélection. J’aime bien « Bal d’Afrique » mais je trouve que les prix que pratiquent désormais Byredo sont un peu prohibitifs par rapport à la qualité des parfums. Pour ce qui est des autres, j’ai aimé les sentir, les porter, mais je n’arriverai pas forcément à me les approprier.
Mes parfums préférés : Route du Vériver
Je n’aime pas toujours les parfums dans lesquels le vétiver est travaillé en majeur mais j’avoue que j’ai un faible pour ceux de la collection de Maître Parfumeur et Gantier. J’ai porté « Racine » et je redécouvre « Route du Vétiver » réalisé par Jean-François Laporte en 1988. « Explorez l'exotisme brut et sauvage du Vétiver de la Réunion qui se mêle au mysticisme oriental. Une fragrance puissante avec des notes de muscs, de santal, de jasmin et de bois précieux ». Jean Laporte avait déjà créé pour L’Artisan Parfumeur, un parfum simplement appelé « Vétiver » sorti dix ans plus tôt en 1978 mais que je n’ai pas connu. Depuis longtemps, je cherchais quelque chose d’un peu original, dans le style à la fois ethnique et dépaysant. J’avais adoré la fraîcheur de « Racine » avec ses notes d’agrumes et de mousse de chêne mais je ne m’étais pas vraiment penché sur « Route du Vétiver » même si je le connaissais depuis longtemps. Il m’aura fallu le porter pour vraiment l’apprécier. C’est un parfum dont la sophistication contraste vraiment avec le côté ethnique souvent véhiculé par le vétiver. Je le trouve à la fois contemporain et très complexe.
L’envolée est verte, presque abstraite avec des notes de cassis et un accord d’aldéhydes et de feuilles comme un peu froissées puis le vétiver bourbon, un peu terreux, se mêle, au coeur, à des bois sombres et à tout le versant floral du jasmin. Enfin, la fragrance se pose sur un fond de muscs blancs et de santal. Sur ma peau, « Route du Vétiver » revêt presque un côté fumé. Je le perds parfois et je me demande ce que je porte puis je le retrouve, flamboyant, étonnant, avec presque un petit côté torréfié. Je ne peux pas dire que je porterai ce parfum tous les jours mais, même avec des températures élevées, il reste vraiment agréable à porter. Jean Laporte a travaillé plusieurs fois cette matière première. Je parlais, au début de mon article de « Racine » que, vraiment j’aime beaucoup mais j’ai aussi d’excellents souvenirs de « Centaure » qu’il a créé en 1991. « Route du Vétiver » pourrait être vraiment la base qui lui aurait inspiré les autres. En tout cas, il n’a pas pris une ride. Il faut vraiment le découvrir ou le redécouvrir. Il est magnifique.
Mes Parfums Préférés : "Noir Épices"
* Article enrichi
En général, j'aime le travail de Michel Roudnitska. J'ai eu la chance de le rencontrer et de découvrir à peu près tous les parfums qu'il a pu créer (en tout cas ceux qui sont ou ont été édités) et c'est une signature très différente de celle de son illustre papa. En tout cas, le côté épuré et élégamment intense de ses "inventions" me parlent. Je pourrais faire une revue complète de tout ce qu'il a créé mais ce serait un peu long, aussi ai-je décidé par commencer par le plus connu, j'ai nommé "Noir Épices" édité par la maison Frédéric Malle en 2000. Certes épicé, comme son nom l'indique, il fait la part belle au clou de girofle que j'aime particulièrement (je l'ai pas mal porté dans "l'Anarchiste" de Caron à une époque de ma vie) mais il si complexe que j'ai bien du mal à le caser dans une famille olfactive. Je ne vais d'ailleurs pas détailler la pyramide olfactive mais plutôt parler de mes impressions. Très enveloppant, il est typiquement ce que je pourrais appeler un "parfum d'écharpe". Son sillage rond, oscillant entre épices et bois, avec des accents orientaux, est particulièrement original et réconfortant. J'aime "Noir Épices" pour toute sa singularité, pour ce que je ressens en le découvrant et en le redécouvrant mais aussi parce que je suis complètement conscient du travail qu'a du accomplir Michel pour s'éloigner des codes habituels de la parfumerie dans lesquels il a grandi pour imaginer cette création unique, presque étrange tout en restant finalement assez facile à porter. À l'instar de tous les parfums qu'a créé Michel Roudnitska (et j'en porte plusieurs), il est à la fois intense, presque ethnique, diablement envoutant. Bref, il est, et ce n'est pas une surprise, pour moi une belle création.
"Parfum abstrait et mystérieux, Noir Épices est un bouquet d'épices signé Michel Roudnitska. Un somptueux bouquet d'épices sur une base crépusculaire de bois précieux : santal aux effets veloutés, patchouli aux effluves exotiques, évocateurs de lointains ailleurs. Comme un souffle de lumière, le départ d'orange et de géranium, provoque un clair-obscur et fait vibrer ce tableau abstrait. Composé comme une toile de Rothko, Noir Épices révèle couche après couche des couleurs plus sombres, profondes et infiniment mystérieuses. Sur la peau, son sillage évoque un noir chatoyant de reflets d'or, captivant. Profond comme la nuit", tels sont les mots de la marque pour expliquer l'inspiration du parfumeur qui a créé, avec cette composition, quelque chose de vraiment inédit. Je dirais qu'il s'agit d'un oriental atypique qui ne serait pas un ambré puisqu'il s'ouvre avec des notes d'orange amère, de géranium, d'épices et principalement une overdose de noix de muscade, le coeur est fleuri et le fond boisé avec le santal et un peu végétal avec le patchouli. L'ensemble ne ressemble à rien d'autre et je me sens toujours très "confortable" lorsque je le porte même si son originalité peut me dérouter. "Noir Épices" est un peu l'une de mes signatures surtout l'hiver.
Séquence nostalgie : "Bana Banana"
« Une Banane Ambrée, composition baroque, rare et généreuse : le mariage d’une guirlande de jasmin et d’un bouquet de bananes confites ». Certes, ce parfum n’a pas eu une longue existence mais je l’ai vraiment adoré. « Bana Banana », crééé par Céline Ellena Nezen n’avait été lancé qu’en 2019 et il semblerait qu’il n’ait pas trouvé son public. Je dois dire que lorsque je l’avais découvert à la Parfumerie Zola qui distribuait alors à Lyon L’Artisan Parfumeur, j’étais resté très dubitatif. En effet, le départ très « banane Haribo », le parfum s’est révélée être une magnifique composition, très inédite et particulièrement originale sur la peau. Avec ce parfum, Céline Ellena avait apporté à L’Artisan Parfumeur un vrai virage vers les origines de la marque puisque Jean Laporte avait commencé en créant une fragrance autour de la banane pour une évènement à l’époque. Avec « Bana Banana », c’était un retour aux sources mais aussi un parfum qui méritait peut-être plus de communication tant il sortait des sentiers battus. Je l’ai énormément porté et il me manque beaucoup. Je l’avais redécouvert aux Galeries Lafayette de Dijon et, après qu’il ait été arrêté, on m’avait offert un flacon retrouvé dans un tiroir. Je l’ai porté jusqu’à la dernière goutte. Si j’en ai l’occasion, je le trouvais quelque part, je le reprendrai avec plaisir.

Céline Ellena Nezen
Côté pyramide olfactive, il s’ouvre avec des notes suaves de noix de muscade presque confite, de poivre noir et de feuille de violette. L’effet est du plus bel effet et, lorsqu’on évolue vers ce magnifique coeur de jasmin, d’iris et de fleur de bananier qui assure une certaine rondeur à la fragrance et qui se confirme avec un fond ambré de fève tonka et de muscs blancs. Pour moi, l’équilibre de « Bana Banana » sur ma peau était absolument parfait. J’ai adoré ce parfum qui, pour moi, même s’il était un peu trop segmentant peut-être pour la clientèle de la marque, demeure, pour moi, l’un des plus beaux qu’elle ait sorti ces dix dernières années. J’aime beaucoup de créations de L’Artisan Parfumeur mais, dans la collection classique, « Bana Banana » reste l’une de mes grands regrets. J’espère qu’un jour, le groupe Puig, qui détient désormais cette mains, décidera de le commercialiser à nouveau.
La recréation de la note de castoréum, un indispensable de la parfumerie
J’ai beaucoup hésité à écrire un article sur la note de castoréum car je voulais d’abord vérifier son interdiction qui est relativement récente. Sur son blog, qui est, au demeurant absolument passionnant, Sylvaine Delacourte a éclairé ma lanterne : « Cette note animale est interdite dans les parfums depuis maintenant une vingtaine d'années, suite à l'action de WWF, car l'animal devait être tué pour permettre de récupérer les poches ». Je suis très attaché à la protection animale or je suis, bien évidemment favorable à l’arrêt de l’utilisation de matières premières qui condamnent ou dérange leur porteur. Ceci étant dit, je me suis rendu compte que le castoréum était très facile à recomposer notamment de manière synthétique. « Le Castoréum synthétique se distingue par son odeur cuirée, chaude et douce animale. Il possède également une note fruitée de prune, d’olives noires et de fruits secs. Il entre dans la composition de nombreux orientaux ainsi qu'à la formulation d’arômes alimentaires vanillés » (Source Quosentis). Je dois dire que le premier parfum que j’ai senti et qui mettait cette note en avant était « Antaeus » de Chanel, créé par Jacques Polge en 1981. Je le trouve très fascinant mais j’ai un peu de mal à le porter. J’ai donc choisi de parler de l’accord castoréum à travers quatre parfums que je connais bien et que j’aborde plus facilement que celui-ci avec lequel c’est encore « je t’aime, moi non plus ». J’espère que le sujet vous intéressera. J’ai choisi des créations dans lesquels la note est vraiment mise en évidence.
Le premier parfum qui m’est venu à l’esprit est « Oud for Love » créé par Bertrand Duchaufour en 2014 pour la Collection Excessive de The Different Company. Je trouve qu’il illustre mon propos merveilleusement car il est à la fois très animal et très doux. « Je suis un philtre d’Amour d’Arabie qui enveloppe de son sillage profond et sensuel aux multiples facettes. Safran et Cumin révèlent un coeur floral et charnel de Tubéreuse et Ylang-ylang. En fond, ma richesse boisée et épicée donne de l’intensité à mon Oud en majesté dans une élégance fiévreuse. Je suis un hommage offert à l’Amour, sentiment intense, puissant, incontrôlable. Mon parfumeur a su me sublimer et révéler ma complexité, convoquant le côté le plus animal et suave de l’Absolu de Oud. Je suis Oud for Love ». Comme souvent, Bertrand Duchaufour a inventé un parfum complexe, sophistiqué, très éloigné des ouds un peu « rèches » que l’on trouve sur le marché qui ont tôt fait de me déranger. Celui-ci est tout en nuances et élégance. Le départ de whisky et d’aldéhydes est épicé de coriandre, de safran et de cumin puis vient un coeur très original et narcotique de tubéreuse associée au santal, à l’ylang-ylang, à l’iris mais aussi au clou de girofle. Le fond de oud est très ciselé, animal certes mais aussi adouci par un accord ambre et héliotrope mais aussi blindé de castoreum, de muscs blancs et de vétiver. On y retrouve aussi des traces de patchouli, de caramel et d’immortelle. Je trouve que, sans doute grâce à la présence d’héliotrope et de castoréum, ce parfum est vraiment un exemple d’élégance douce et enveloppante. Je me suis toujours dit qu’il était l’un des rares ouds du marché que je pourrais porter.
« Brocéliande by soradora est un concentré envoûtant et mystique. Ravissant grâce à son entrée, hespéridée aux reliefs d’agrumes, accompagnée de notes sucrées sur un arrière ton caramel et cannelle. Il révèlent dans un deuxième temps un parfum d’une puissance indéchiffrable. Laissez-vous séduire par l'écorce des fûts en bois de chêne qui révèlent de subtils arômes de whisky. Brocéliande est fixé en profondeur par une mystérieuse odeur désirable et musquée. Antoine soradora a réalisé une alliance subtile liant la puissance de la forêt et la magie des effluves du monde animal ». Je ne suis pas du tout un fan de « Brocéliande », créé par Anne-Sophie Behaghel et Amélie Bourgeois pour Sora Dora en 2021 parce qu’il ne matche pas du tout avec ma peau. Il finit par sentir le Coca Cola ! Ceci dit, j’avais un échantillon et, sur la touche, je comprends bien sa pyramide olfactive et j’identifie absolument la note de castoréum. Le départ est clairement citron et citron vert avec des notes de coriandre et de bergamote, jusque-là, je m’en sors bien car je sens toutes les notes. Le coeur d’iris, de cannelle et de sésame m’échappe hélas un peu et je suis très vite, même sur le carton, sur un fond qui et un accord très animal de castoreum et de civette très doux et animal à la fois, renforcé par le styrax et encore le caramel. Il est arrondi par des notes de vanilles et de rhum. C’est un parfum effectivement très animal mais pas dans le style agressif si j’ose dire. Il est tout en douceur, presque musqué. C’est dommage qu’il tourne au sucre sur ma peau car, sur la touche, il s’avère vraiment joli.
Je trouve aussi la note de castoreum très présente dans « Lacrima », créé encore par Anne-Sophie Behaghel pour la collection Les Humeurs de Liquides Imaginaires en 2014 et ressorti en 2020. « Lacrima fait partie de la Trilogie des Humeurs. Cette collection est inspirée par Hippocrate, pour qui l'équilibre des humeurs dépendait de liquides circulant dans le corps. A la façon des apothicaire, les jus sont disposés dans des amphores en porcelaine. Selon la marque, Lacrima aurait pour vertu de dissiper la tristesse et les serrements du cœur. La fragrance réinterprète l'odeur des larmes sur la peau ». Il n’est pas mon préféré de la collection mais la note de castoréum est tellement évidente que je me devais de le mettre dans ma sélection. Elle est présente dès l’envolée, associée aux baies roses et restera présente tout au long de l’évolution en se chargeant de résine d’élémi en coeur et en revenant en force, adoucie par le cashmeran et boostée par le cypriol en fond. J’ai beaucoup de mal à saisir ce parfum et à donner un avis. Il est très animal sur ma peau mais aussi il revêt une certaine douceur enveloppante. C’est un peu déstabilisant. Ce n’est pas la création de la trilogie que je choisirais mais je dois admettre que c’est un parfum intéressant.
« Un parfum chaud et épicé qui associe avec harmonie le cuir au bois de santal et d’agar, ainsi qu’aux notes de rose, d’iris et de patchouli. Un parfum cuiré raffiné ! » écrit Rania Jouaneh pour décrire « Cuir Andalou » qu’elle a créé pour sa marque en 2016 et que plusieurs d’entre-vous aimez beaucoup. Je l’ai d’ailleurs découvert grâce à l’une d’entre-vous car je ne serais peut-être pas allé le sentir de moi-même. « Cuir Andalou vous enveloppe dans un parfum de cuir raffiné et mystérieux et vous transporte dans un voyage des sens, à travers la magie et le luxe de l'art andalou, son architecture et sa musique. Une promenade nocturne à travers un jardin aux senteurs de safran, de rose, de patchouli, de violette, d'iris et de notes boisés ». Là encore, il s’agit d’un cuir dans lequel la note de castoréum est particulièrement présente, avec des facettes à la fois animales et vanillées. Après une envolée de safran et d’un accord cuir, arrive un coeur de violette, de poivre rose, de patchouli et d’iris qui est, c’est vrai, très élégant. Le castoréum se fait très présent en fond et il est vraiment majeur avec juste des traces de oud et de santal. Je re-sens « Cuir Andalou » en écrivant et c’est vrai qu’il est quand même très animal. L’accord castoréum utilisé est présent sans doute dans une quantité un peu importante.Il est très beau, je comprends ceux qui le portent mais vraiment, il s’avère trop animal pour moi.
J’aurais pu citer d’autres parfums comme « Cuir » de Mona di Orio mais la note est plus diffuse ou encore « L’Eau Scandaleuse » d’Anatole Lebreton mais je voulais me limiter à quatre exemples et ceux-ci m’ont semblé vraiment très parlants. Je ne peux pas dire que j’aime vraiment la note de castoréum. Elle est peut-être un rien trop animale pour moi. Porter un parfum qui en contient de temps en temps je veux bien mais, régulièrement, je passe mon tour. En tout cas cette revue a été intéressante à préparer. Si vous avez d’autres idées, je suis preneur.
Natasha Côté, une créatrice à suivre de près
* Article enrichi
C’est en sentant les parfums de la maison Scent of Wood il y a quelques semaines que j’ai découvert le travail d’une parfumeure à laquelle je vais m’intéresser de plus en plus je pense. Natasha Côté a, en effet, réalisé plusieurs créations pour cette marque un peu différente et je trouve qu’elle fait déjà montre d’un talent vraiment intéressant. Si, jusque-là, elle n’avait pas vraiment pu l’exprimer dans des commandes peu marquantes, on se rend compte à cette occasion qu’elle possède une vraie signature. Je n’ai pas trouvé beaucoup d’infos sur cette créatrice mais il semblerait qu’elle soit parfumeur chez IFF, qu’elle ait commencé aux États Unis et qu’elle vive aujourd’hui au Brésil et qu’elle travaille surtout sur des marques américaine dont la plupart ne sont pas arrivées jusqu’à mon nez hélas. Lorsqu’on lui demande de décrire son style, elle répond : « Je dirais audacieux, ludique et accessible – j’ai horreur des fragrances prétentieuses ! ». Tout à fait séduit par ce que j’ai senti, j’ai eu envie de vous faire profiter de mon coup de coeur pour son travail à travers deux parfums qui, vraiment, m’ont impressionné en attendant d’en découvrir d’autres.
« Imaginez de délicieux bois confits, et du sirop fumé. Ce parfum propose le mariage unique entre le sirop d'érable et des bois mystérieux. Le cèdre de l'Atlas révèle un arôme terreux et boisé de cuir avec des douces notes balsamiques tandis que le baume du Pérou est mêlé aux notes de vanille, de chocolat et à quelques effluves entêtantes de fleurs blanches ». Quand j’ai lu la description de ce parfum, j’ai eu un peu peur mais « Praline en Érable », créé par Natasha Côté en 2021 pour Scent of Wood est une vraie réussite. Il me sort complètement de mes habitudes et, sur le papier, n’a rien pour me plaire. Ceci dit, lorsque je découvre vraiment son évolution sur ma peau, je suis frappé par l’extrême délicatesse de chacune des notes qui s’exprime. Après un duo de poivre rose et noir en envolée qui m’attire irrémédiablement, je suis frappé par l’originalité de la dualité entre un accord praliné et un encens très résineux puis, quand le parfum se pose sur un fond de cèdre et de patchouli, je sens toute son originalité. Natasha Côté a su, avec beaucoup de talent, composer, décomposer, structurer et déstructurer une fragrance étonnante à me réconcilier avec les gourmands. C’est une véritable dualité entre notes boisées et un peu chocolat au lait qui s’impose. Le fait d’avoir macéré dans un fût en érable lui donne la rondeur suave que l’on imagine mais le cèdre, un peu crayeux, et le patchouli profond lui donnent toute sa singularité.
Je l’ai déjà dit lorsque j’ai découvert la marque, « Vétiver en Fleurs », créé par Natasha Côté en 2022 pour Scent of Wood est véritablement mon coup de coeur et ce n’est pas étonnant car il est exactement tout ce que j’aime. « Une combinaison provocante et authentique qui résulte d'un défi créatif : le mariage d'une fleur de Lilas et d'un vétiver d' Haïti. Une composition très élégante et délicate qui offre une belle persistance sur la peau ». Après un départ de cyprès un peu vert, de bergamote et de poivre rose très doux, le coeur de jasmin, de lilas et de magnolia explose et se fait vraiment rond, presque miellé, complètement addictif. Le fond de vétiver, de patchouli et de musc est absolument inspiré et inspirant et me rend accro il faut bien le dire. J’ai longuement essayé ce parfum et, même s’il dépasse un peu la limite de prix que je me suis fixé, il n’en demeure pas moins dans un coin de ma tête tellement il m’a plu. Pour le décrire à ceux qui ne l’ont pas senti, je dirai qu’il est un peu dans l’esprit de « Ceci N’Est Pas Un Falcon Bleu 1.2 » de Histoires de Parfums que j’aime depuis de nombreuses années. Ils ne se ressemblent pas vraiment mais vous m’aurez compris. Ces deux créations partagent le côté printanier mais intemporel des grands floraux, un peu miellés. S’il est luxueux, « Vétiver en Fleurs » est, comme le dit la parfumeure, absolument sans prétention. Il garde un côté franc, profondément « bouquet » mais avec ce fond vétiver et patchouli qui le rend profond et plein de séduction. J’ai vraiment eu un coup de coeur pour ce parfum et je n’en finis pas de le sentir.
Avec Scent of Wood, j’ai découvert une nouvelle signature qui me séduit vraiment. Je voulais donc vous parler de mon engouement pour le travail de Natasha Côté et il est fort à parier que, si elles arrivent jusqu’à nous, certaines de ses créations, pour cette maison ou d’autres, à venir vont encore une fois me séduire et me surprendre (ou vice et versa) et je ne manquerai pas de vous en parler. Natasha Côté est une parfumeure à découvrir et à suivre car son talent me provoque une jolie émotion et c’est pour ce genre de trouvailles que je me passionne pour la parfumerie.
* Le flacon de "Vétiver en Fleurs" en France est écru et non pas brun.
Capsules d'Émotions, la collection privée de Mauboussin
Il y avait déjà un certain temps que j’avais envie de découvrir Capsules d’Émotions, la collection privée de la marque de joaillerie Mauboussin entièrement composée par les parfumeurs Forian Gallo et Sarah Cartier. Je trouvais les flacons tout à fait chics et j’étais particulièrement curieux de mettre mon nez dans ces six créations. Je les ai trouvées comme je m’y attendais un peu, élégantes, sobres et efficaces. Les parfums sont super bien construits, les matières premières s’avèrent belles, la tenue est top, le sillage modéré (à une ou deux exceptions près) et l’ensemble constitue une collection certes très confidentielle mais très réussie, sans prétention, proposée à un prix correct donc, pour moi, c’est carton plein. J’ai choisi de développer mes impressions sur trois des six parfums qui m’ont particulièrement plu. Je ne voulais pas être trop long mais, si le sujet vous intéresse, il y aura peut-être une suite. Enfin vous me direz…
Il était logique que je commence par « Je Le Veux Yuzu » car nous sommes en été et les notes hespéridées ne pouvaient que m’attirer. « Une note d’agrume fraiche et pétillante qui apporte un shot d’énergie. Je le veux Yuzu vous submerge d’une sensation de bien-être immédiat. Comme un rayon de soleil qui illumine votre peau, cette fragrance fraîche et pétillante réveille vos sens et vous emplit d’une énergie vivifiante. En tête, le yuzu dévoile un profil à la fois juteux et légèrement amer teinté par l’acidité du citron et de la mandarine. En fond, le bois de vétiver, matière première noble et brute, vient contraster par son élégance intemporelle et ses accents terreux et rugueux. Alternant fraîcheur et chaleur, ce parfum dévoile un sillage intense et velouté qui vous fera perdre la tête jusqu’à l’ivresse. Je le veux Yuzu, une invitation à embrasser la vie avec passion et à capturer l’instant présent. Laissez-vous transporter par cette fragrance lumineuse et dites simplement : « Je le veux » ! ». Je ne suis pas forcément très attiré par la note de yuzu en parfumerie mais ce parfum m’a séduit dès l’envolée. En effet, la note acidulée que je connaissais déjà est, curieusement, adoucie par le pamplemousse et le basilic. Je dois dire que c’est surtout le coeur de thé oolong qui m’a surpris. Au côté vif des notes de tête vient s’ajouter la douceur de ce que l’on appelle le thé bleu.
« Je le veux Caviar incarne l’audace et révèle la personnalité affirmée de celui qui le porte. Aussi surprenant qu’addictif le caractère unique de ce parfum réside dans un mariage inattendu entre le caviar et le musc. Des notes animales qui dévoilent des facettes olfactives aussi contrastées que puissantes. Dès les premiers instants les effluves iodés et texturés du caviar vous saisissent par leur fraîcheur saline et fusante... Puis petit à petit la chaleur sensuelle et réconfortante du musc se déploie et pare votre peau d’un voile de douceur. Dites simplement « Je le veux » et succombez pour ce parfum charismatique. Une signature olfactive inoubliable, envoûtante, au point de basculer dans l’addiction ». Avec « Je Le Veux Caviar », Florian Gallo et Sarah Cartier ont sur m’attraper alors que je ne m’y attendais pas. Je m’attendais à un parfum marin un peu ordinaire mais il n’en n’est rien. Là encore, l’effet est assez linéaire et épuré et pourtant cette création ne ressemble pas vraiment à ce que j’ai pu sentir jusque-là. Le parfum s’ouvre sur des notes synthétiques d’ozone et sur un accord assez animal puis vient cette note très salée de caviar qui se pose sur une reconstitution de musc tonkin très réussi. La marque parle d’addiction et je comprends tout à fait car ce parfum m’a vraiment séduit alors qu’il ne fait pas trop partie de mes goûts habituels. J’ai eu un coup de coeur et, après « Noir By Night » d’Atelier des Ors, je me rends compte que j’aime la note de caviar en parfumerie.
Un départ de poivre gris de Madagascar, un coeur d’ambre gris et de résine de labdanum et le parfum se pose sur un fond de oud et de cuir. Je dois dire que ma surprise; lorsque j’ai senti ce parfum, a été grande. Je ne suis pas vraiment un amateur de oud, vous le savez, mais ce parfum-là est peut-être l’un des rares que je pourrais porter. « Un parfum au charme racé, sans compromis, qui souligne la force boisée et le caractère franc du bois de oud. Un voyage olfactif qui attise la curiosité et émane une aura mystérieuse et puissante. Une envie d'ailleurs ; de découvrir ; de s'y piquer... qui tourne à l'obsession ». Le mot qui me vient pour évoquer cette composition est « élégance ». On est face à un oud très finement travaillé, moins oriental que ce qu’on a l’habitude de sentir lorsqu’on parle de oud. Très franchement, il me plait. Je pourrais tout à fait le porter alors je me dis que rien n’est jamais acquis en parfumerie. J’ai trouvé super beau et je ne m’y attendais pas. C’est la bonne surprise de la collection. Il est chic, facile à porter et parfaitement intemporel. De plus, il révèle une certaine élégance qui n’a pas manqué de me séduire.
J’ai trouvé « Ambre », « Santal » et « Iris » également très réussis mais il me fallait faire des choix. Pour moi, cette collection privée est une réussie, elle est sans chichis, va droit au but et se révèle à la fois élégante et facile à porter. Pour moi, elle peut tout à fait rivaliser avec celle de Van Cleef & Arpels que j’aime bien et il est agréable de faire de jolies découvertes. Il y a aussi une mention spéciale, celle de l’accueil formidable à la boutique lyonnaise et cela m’a permis de vraiment découvrir et apprécier les parfums.
Julie Marlowe, les notes fumées à l'anglaise
Elle est bien mystérieuse Julie Marlowe. Binôme de Julie Dunkley pour ce qui est des créations de la marque de Leo Crabtree Beaufort London, elle se fait plus que discrète sur internet. Je n’ai trouvé que très peu d’informations et aucune photo pourtant, j’avais quand même envie de lui consacrer un portrait car j’aime beaucoup son travail. J’ai cherché et trouvé quelques petites choses tout de même. En outre, j’ai pu savoir qu’en dehors de Beaufort, elle avait créé au moins un autre parfum, « Augustine » pour la maison Moro Dabron dont je ne sais rien. Apparemment, il s’agit d’un ambré fleuri donc aux antipodes de ce que je connais de son travail. En revanche j’apprécie beaucoup tous ceux qu’elle a signé, seule ou avec Julie Dunkley, pour la maison de Leo Crabtree. J’ai donc décidé d’y revenir et je vais essayer, sans être exhaustif, de vous donner, une fois encore, mes impressions. Je ne suis pas objectif (encore moins que d’habitude) car, vraiment, j’aime beaucoup ce travail. En tout cas, je vous emmène sur les traces très ténues du travail de Julie Marlowe.
Lancé en 2015 dans la collection Come Hell or High Water de Beaufort London, « Tonnerre » (précédemment « 1805 Tonnerre »), est le parfum créé par Julie Marlowe que j’ai découvert en premier lorsqu’on m’a, à la parfumerie parisienne Sens Unique, présenté la marque et j’avoue que j’ai eu un vrai coup de coeur pour ce parfum atypique, pas forcément facile à porter et très fumé. « L’étincelle vespérale de l’Angleterre et des baisers aux agrumes…” 1805 – L’année au cours de laquelle Nelson a gagné à la fois la Bataille de Trafalgar et perdu la vie. L’année au cours de laquelle Sir Francis Beaufort a introduit son ‘Échelle de Force des Vents’. Le parfum Tonnerre imagine des moments au sein même de la bataille de Trafalgar. Des accords de fumée, de poudre à canon, de sang et de brandy associés avec des embruns marins et une note d’agrumes pénétrante : le parfum est singulièrement audacieux dans sa composition et cependant ultimement raffiné, provoquant et unique. Le parfumeur Julie Marlowe a créé une composition audacieuse sans compromis, mais au final élégante, provocante et remarquable - une vraie histoire dans une bouteille ». Le parfum s’ouvre sur un accord de brandy et d’embruns marins, des notes de bergamote, de pamplemousse, de gingembre, de citron et de citron vert ainsi qu’un accord poudre à canon et cyprès. On retrouve au coeur des notes d’agrumes amers (encore le pamplemousse et le citron vert) et de bois divers. En fond, la marque parle d’un accord ambre foncé, sapin baumier, cèdre de l’Atlas, bois blonds mais aussi bouleau et ciste. Il en résulte un parfum sombre très profond et atypique. Les notes fumées sont très présentes. J’ai pas mal porté ce parfum et il n’est pas le plus facile que je connaisse même si je le trouve absolument addictif. Il donne le ton de la signature de Julie Marlowe que je trouve à la fois très sombre et attirante.
« Largement s'inspirant de ‘La Tempête“ (dans lequel Shakespeare évoque des images de temps violent, de naufrages et d'îles magiques), le thème principal de «Fathom V» est une phrase glanée dans «Chant d`Ariel» dans la pièce. «Forme Marine» ou “Sea-Change”, que maintenant nous comprenons comme «une transformation» ou une «métamorphose» est apparue pour la première fois dans la pièce et maintenant est utilisée couramment. Le changement perpétuel de l'état de la mer - dans un flux constant entre calme et nature - est point de départ pour la marque, exploré à travers l'utilisation de matières premières apparemment contradictoires dans des concentrations “surdosées”: le sel rencontre la terre, les herbes pétillantes se mélangent avec des mousses foncées, les notes claires de fleurs rencontrent des épices noires intenses. En contrastant le dessus et le dessous, la lumière et l'ombre, nous imaginons l'état changeant de la mer: son intensité - l'attrait de ses profondeurs sombres. Un parfum pour les intrépides qui remettent en question les idées préconçues sur ce que signifie vraiment «aquatique»… ». J’ai très souvent parlé de « Fathom V », créé par Julie Marlowe en 2016 toujours pour la collection Come Hell or High Water de Beaufort London. Il a été un coup de coeur immédiat et je pense que c’est le parfum de la marque que je porte le plus car il est utilisable toute la nuit. Bien qu’il soit très dense, il garde une certaine fraîcheur. Le départ, très frais se pare de baies de genièvre, de tangerine, de cassis, de notes de feuilles vertes et de terre puis vient un coeur absolument étonnant de thym, de lys, de jasmin, d’ylang-ylang, de gingembre, de cumin, de poivre noir mais aussi de mimosa. Je trouve même que, sur ma peau, il y a un côté muguet et lilas salé. Le fond de patchouli, de vétiver et de mousse de chêne, traditionnellement chypré, se mêle aux notes de sel, d’encens et de cèdre avec un accor ambré. Il en résulte un parfum vraiment très complexe, surprenant, totalement inédit. C’est un néo-chypré que j’aime vraiment, d’ailleurs, je le porte beaucoup.
Je trouve que « Lignum Vitae » est vraiment le parfum le plus surprenant de la collection Come Hell or High Water de Beaufort London. Créé par Julie Marlowe en 2016, il est ainsi décrit par la marque : « Lignum Vitae a été inspiré par la découverte de l'horloger du 17ème siècle John Harrison. Il a utilisé le bois Lignum Vitae dans le traitement des chronomètres, car ce bois est exceptionnellement dur et résistant à la corrosion de l'air marin. Inspiré par l'utilisation innovante des matériaux par Harrison, Beaufort London mélange des notes inattendues pour créer un parfum intrigant aux multiples facettes. Dans ce parfum les accords métalliques chauds évoquent le surnom de Lignum Vitae - «Forêt de fer»; et la senteur poivrée agrumée de cette sorte de bois est mélangé avec une touche de l'air salé et imprégnée de chronomètres marins faits en cuivre. Il s'est avéré que lors du sciage, le bois exceptionnellement dense de Lignum Vitae libère un arôme de “gâteau” comme une allusion à la Madeleines de Proust. En associant des matériaux exotiques bruts et inattendus la marque célèbre l’esprit innovateur qui a mis fin à la recherche du temps perdu et permis la sécurité du passage des navires à travers le monde. Julie Marlowe a été chargée de combiner tous ces aspects énigmatiques d'une manière inattendue et intrigante ». Tout de suite, il m’a évoqué « Lux » de Mona di Orio que je porte depuis longtemps et je l’ai aimé sans vraiment pouvoir me dire si je le porterais ou non. C’est un gourmand sans sucre et il est le seul des deux collections. Il s’ouvre sur des notes de poivre noir, de fruits rouges, de notes marines, de bergamote, de genièvre, de gingembre, de citron vert, de résine Oliban et de caramel. Cette envolée nous emmène sur un coeur de bois de gaïac, de vétiver, de bois d’agar et de poivre noir puis sur un fond basé sur un accord sable et de notes marines puis d’ambre avec des mousses, des muscs et de la vanille. Sur ma peau, je l’ai dit souvent, c’est une madeleine presque citronnée. Je l’ai évoqué récemment dans « mes parfums préférés » et je le redis, il est élégant et addictif à la fois.
Créé par Julie Marlowe en 2015, « Vi et Armis » est sans doute le parfum de la collection Come Hell or High Water de Beaufort London que j’ai eu le plus de mal à aborder et pourtant, je l’aime beaucoup maintenant. Certes, il est extravagant, mais je me surprends à prendre beaucoup de plaisir à le porter. « Décrit à la fois comme "le chaos dans un flacon" et "la fête de Noël d'un alchimiste", ce parfum est une célébration du fumé : lapsang souchong, whisky tourbé, tabacs sombres, épices et opium se combinent pour produire un parfum intensément provocateur à partir d'ingrédients "surdosés". Paradoxal et stimulant - singulier et narcotique ». Très dark, il s’ouvre par des notes épicées de cardamome et de poivre noir qui enveloppent un té noir très fumé et l’amertume du pamplemousse. Je trouve que l’envolée a presque une tonalité cannabis. Le coeur s’arrondit avec des accords de whisky, de fruits rouges et de fleur d’opium associées à l’encens et à l’ylang-ylang mais c’est le fond, complexe, sombre, qui va vraiment me plaire. On y retrouve des notes de tabac, de bouleau, de oud, d’ambre, de ciste labdanum, de caramel, de santal, de patchouli et d’une très belle qualité de cèdre de l’Atlas. Je me souviens que, lorsque j’ai découvert « Vi et Armis » il y a déjà quelques années, je me suis trouvé à la parfumerie Sens Unique avec un tout jeune homme au look très classique et dont cette bombe était le parfum. Je peux dire que que j’ai été plus que surpris. Au début, il me rebutait et pourtant, maintenant, son étrange élégance me conduit à le porter pas mal et à l’assumer de plus en plus. Il reste l’un des parfums les plus segmentants de ma collection.
Je me rends compte que Julie Marlowe a surtout créé les parfums de la collection Come Hell or High Water de la marque et que j’en ai porté presque plus que ceux de Julie Dunkley. Leo Crabtree lui a peut-être confié la composition de ses idées les plus clivantes mais j’admire énormément son talent. Je trouve qu’elle travaille les notes fumées comme personne. En tout cas, je me suis replongé dans son travail avec toujours le même plaisir. Je pourrais tous les porter. Il est même probable que je le fasse ou que j’ai pu le faire. C’est une signature qui me convient parfaitement même si ça peut surprendre. En tout cas, j’ai hâte de découvrir ce qu’elle a créé d’autre pour des marques britanniques qui finiront bien par traverser le Channel.
Nouveautés juillet 2024
Bien évidemment le mois de juillet est moins propice aux sorties mais j’ai quand même fait des découvertes et pas des moindres. En effet, je peux bien l’annoncer dès l’introduction, j’ai eu un coup de coeur complètement inattendu. Pour ce qui est des autres parfums, mon ressenti est plus mitigé même si je pense que chacun est intéressant. Pour moi, chacune des rares créations qui ont pu être lancées en ce début des grandes vacances est bien distincte des autres. En tout cas, me voilà parti à vous décrire les univers olfactifs et les évocations qu’ils ont pu provoquer chez moi.
Le premier parfum n’est pas une vraie nouveauté mai il est vrai que je l’ai tellement aimé à sa première sortie que je serai content de le retrouver. Il s’agit de « Orange Marmalade » qui, s’il n’est pas une réédition puisque son nom est différent, semble un jumeau de « Orange Peel » lancé pour la Britt Collection des Marmelades en 2021. « La grande tradition de la fabrication de marmelade. Le zeste d'orange mijote doucement, libérant son arôme vibrant et sa touche amère qui éveillent les sens. Des bois chauds se mêlent au zeste d'orange pour créer une fragrance dorée et merveilleuse. Une interprétation raffinée d'une confiture britannique ». Ce parfum sort ou ressort à l’occasion de la collaboration de la marque avec un héros très prisé des enfants britanniques et des grands, l’ours Paddington. Il s’ouvre avec des notes très zestées d’écorce d’orange qui lui donnent un côté à la fois frais et terriblement pétillant puis le coeur de bigarade, à la fois juteux et légèrement amer se fait, durant son évolution, parfaitement acidulé. Enfin, en fond, le cashmeran, enveloppant, cocon, doux et quand même un peu « strong » donne du corps à la fragrance. Je trouve que « Orange Marmalade » est vraiment une belle création éphémère hélas mais je l’ai retrouvée avec plaisir.
« Oranger Sirocco est né d’une volonté d’imaginer un repère olfactif, une rose des vents sensorielle à la fois lumineuse et joyeuse. Cette Eau de Parfum illustre un retour à des valeurs plus simples, se pose comme un ode à la vie, se veut un brin contemplatif. Dés les premières notes, l’esprit se laisse emporter par un vent chaud, scintillant de sable, sur l’autre rive de la Méditerranée au cœur d’un jardin planté d’orangers. Les yeux fermés, odeurs et sons s’entrelacent: effluves puissantes et enivrantes des fleurs, auxquelles répondent le brouhaha lointain d’un souk, dont les odeurs d’épices se mêlent par vagues saturant le souffle régulier du sirocco ». Composé par Antoine Lie comme beaucoup des parfums de la collection classique de la maison Les Indémodables, « Oranger Sirocco » est la sortie de cette année pour la marque. J’avoue que j’avais été un peu déçu par le précédent, « Patchouli Noisette » mais il faut reconnaitre que j’ai beaucoup plus adhéré à celui-ci même si je ne suis pas sûr de pouvoir le porter. Après une envolée de fleurs d’oranger du Maroc en absolu, viennent des notes de cannelle royale du Laos qui lui donne quelque chose de vraiment inédit. J’ai eu l’occasion de sentir la première matière première seule et je l’ai trouvée très différents des autres extractions de cette épice que j’avais pu sentir. Dans « Oranger Sirocco », je l’ai trouvée moins ronde, plus florale mais aussi plus boisée. La marque mentionne aussi des notes de petitgrain. Comme ça, sur le papier, le parfum semble très simple mais il n’en n’est absolument rien. Il est complexe, évolutif et son développement est long compte-tenu de sa concentration. Il en résulte un fond vraiment très déroutant, extrêmement épicé et original avec un côté addictif. Je trouve que ce parfum est très segmentant. J’en admire les matières qui sont magnifiques et la création d’Antoine Lie que je trouve artistiquement très intéressante mais il n’est pas vraiment pour moi sans que je puisse vraiment l’expliquer. Ce sont les mystères de notre rapport au parfum.
Je ne suis pas du tout un fan de ce qu’est devenue la maison Guerlain depuis son rachat par LVMH pour tout un tas de raisons que je ne développerai pas ici mais qui sont facile à comprendre. Je ne suis pas non plus un adepte ni du travail de Delphine Jelk ni de la collection L’Art et la Matière. Je n’avais jamais eu de coup de coeur réel avant la sortie de « Patchouli Paris » dont je n’attendais absolument rien. « Patchouli Paris dévoile une facette de la capitale française encore jamais explorée par la Maison : le magnétisme des nuits parisiennes. Désinhibé, le patchouli fait son show. Un contraste éblouissant entre la fraîcheur immédiate qui rappelle celle des bords de Seine et la chaleur enivrante d’une note boisée du patchouli, évoquant l’effervescence de l’air de fête parisienne et les boiseries des grands théâtres ». C’est une explosion ! Comme toujours, la marque ne communique pas vraiment sur la pyramide olfactive mais j’ai pu glaner quelques informations et surtout je me suis fié à mon nez. J’ai senti un peu d’iris, des notes boisées et des traces délicates de vanille. J’aime beaucoup le parfum déjà à l’envolée. Il est juste bluffant avec une élégance un peu subversive puis il se fait rond, enveloppant comme un foulard et enfin, lorsqu’il a évolué sur ma peau, je sens des notes poudrées presque comme de la fève de cacao. J’ai un vrai coup de coeur pour « Patchouli Paris ». Je trouve qu’il complète complètement l’offre. Pour moi, il est très élégant et surtout il reste moderne. Côté tenue, je n’ai eu aucun problème. Je l’ai senti sur ma peau durant toute la journée et le sillage est vraiment modéré ce qui n’est pas pour me déplaire. C’est un parfum de peau, sur la peau, dans la peau. Vraiment, pour moi, c’est carton plein comme quoi, il ne faut jamais dire jamais.
Fleurs solaires
Ylang-Ylang, fleur de frangipanier, gardénia, fleur de tiaré, tubéreuses, autant de pétales qui peuvent évoquer l’été, la plage, le soleil. Depuis quelques années, on peut assister à la sortie de parfums solaires. Dans les nouveautés de ce début d’année, j’en dénombre au moins cinq. Je n’avais jamais écrit d’article sous cet angle et, vu que j’aime particulièrement ce style de créations, j’ai eu envie de revenir sur six créations qui me plaisent particulièrement. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses alors je vous emmène en vacances, au soleil accompagnés des effluves de ces fleurs, exotiques ou nom mais qui évoquent la lumière et l’été. J’ai choisi des parfums que j’aime particulièrement. Je ne reviendrai pas sur « Un Bel Amour d’Été » créé par Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire ni sur « Songes » signé par Camille Goutal et Isabelle Doyen pour Goutal parce que j’en parle sans arrêt mais je ne pouvais pas faire moins que les citer encore. Allez, on fait un effort d’imagination et on se retrouve sur une île paradisiaque au bout du monde grâce à notre nez. Je vous emmène.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que le premier parfum que j’ai sélectionné est ma marotte de l’année. Il s’agit de la création d’Isabelle Doyen et Camille Goutal pour Voyages Imaginaires, leur marque dont les créations sont 100% naturelles. Il est sorti en 2020 et je le trouve vraiment parfait comme invitation au voyage. « En voilà un qui a du sex appeal à revendre et qui assume sa folle sensualité. A se retourner sur son passage avec ses effluves de corps mouillé, bronzé, chauffé à blanc au soleil. Il donne le charisme insensé d'une James Bond Girl, ou même de Bond lui même. On s'imagine en robe longue du soir audacieusement décolletée ou en smoking à une table de jeu, aimanté, captivé. On se persuade même que l'été peut se prolonger à longueur d’année ». Les deux créatrices ont pris le pari d’inventer un parfum à la fois exotique, estival et sensuel avec ce qu’il faut de sophistication pour faire rêver. Je dois dire que, lorsque je l’ai senti, je me suis senti tout à fait conquis dès la vaporisation et mon envie de le porter se développe tout au long de l’évolution. Pour moi, « Le Grand Jeu » y va carrément. C’est un parfum excessivement excessif comme je pourrais le dire. L’envolée de noix de coco donne le ton et confère un vrai côté ensoleillé à la fragrance puis vient ce coeur de gardénia et de tubéreuse qui se pose sur un fond de vanille particulièrement qualitatif. Le sillage est modéré mais la tenue excellente. C’est un parfum ultra facetté. Loin de moi l’idée de me prendre pour James Bond lorsque je le porte. Je n’ai pas la morphologie d’un espion séducteur même britannique, mais il me donne envie. En plus, je reçois pas mal de compliments et ce n’est pas désagréable. Il m’accompagne beaucoup cette année.
« Bain de Midi vous fait ressentir un souffle solaire toute l’année ! Profitons de la vie, de nouveautés. Vivons simplement, avec légèreté ». En 2019, Philippine Courtieu a créé pour Maison Matine un parfum que je trouve à la fois solaire et un peu régressif. En effet, il me fait penser vraiment aux huiles solaires utilisées par mes parents quand j’étais enfant. J’ai toujours raffolé de cette odeur. Le départ est assez duel et doux avec des notes de noix de coco et de bergamote et il nous emmène sur un coeur très floral de tiaré, d’ylang-ylang et de gardénia puis un sur un fond musqué et vanillé. Il est sans doute moins exotique et moins sophistiqué que le précédent mais je le trouve addictif. Il m’évoque vraiment l’ylang-ylang léger et un peu « pétale ». Attention, « Bain de Midi » n’a pas une tenue extraordinaire. Elle est assez éphémère mais je pense que sinon, il ne serait pas aussi facile à porter. De plus, c’est un parfum assez peu onéreux puisque nous sommes à 60 euros les 50 ml et il constitue, de ce fait, un petit plaisir pas très cher qui peut tout à fait nous accompagner au plus chaud de l’été. Le flacon est original, je dirais même ravissant alors que demander de plus. « Bain de Midi » rencontre le succès et il le mérite bien.
Anatole Lebreton avait déjà utilisé la tubéreuse et son versant animal dans « L’Eau Scandaleuse » mais, en 2023, il a opté pour une autre interprétation, plus chaude, plus lumineuse. Ainsi est né « Caribe Kiss » que j’avais eu la chance de découvrir en avant-première lors de sa visite à la parfumerie Odorem qui distribue ses créations à Lyon. J’avais été immédiatement emballé. « Un parfum festif et désinhibé qui respire les vacances : Caribe Kiss évoque les fiesta débridées, une pool party retentissante à l’hôtel Caribe Hilton, à San Juan, où fut inventée la Piña Colada. Un parfum d’enthousiasme, de métissage, de pride et de carnaval. Un ‘kiss’ de transgression par la fête, qui s’éternise jusqu’aux derniers rayons de soleil ». Après un départ d’ananas, de mandarine verte et de noix de coco vient un coeur de tubéreuse, de jasmin et de petitgrain puis un fond de maté et de fève tonka. Je le trouve peut-être encore plus exotique que les deux précédents. Je dois dire qu’il m’invite dans une île de Polynésie même si je n’y suis jamais allé. « Caribe Kiss » me fait voyager et je m’imagine au bord de la mer, avec le cliché des palmiers et des cocktails glacés. C’est un parfum chaud mais nuancé. Il y a un petit bémol toutefois. En effet, sur ma peau, sa tenue est un peu limitée. Je sais que c’est très personnel car je connais d’autres personnes qui le portent et qui le gardent très bien. Il n’empêche que je l’aime vraiment beaucoup et qu’il pourrait tout à fait me convenir. Ce n’est pas seulement un parfum de vacances car il est élégant et portable absolument toute l’année. Peut-être est-il un peu moins déroutant que les autres composition du parfumeur mais il me plait beaucoup.

Je voulais évoquer un parfum dans lequel l’ylang-ylang serait travaillé en majeur et j’ai beaucoup hésité entre « Eau Moheli » de Diptyque que je porte beaucoup, « Ylang-Ylang » de Lorenzo Villoresi mais j’ai ressorti une autre création que j’ai beaucoup portée et qui continue à m’inviter au voyage. La destination serait plutôt les îles Marquises, celles de la chanson de Jacques Brel. Créé il y a dix ans, en 2014, il me semble par Luca Maffei pour la Black Collection et les Extraits de Perris Monte Carlo, « Ylang-Ylang Nosy Be » est l’un des parfums que j’ai le plus porté pendant bien des années. « Si « tropique » est un mot magique évoquant la lumière absolue mais également l'obscurité et le mystère, l'Ylang Ylang de Nosy Be est son parfum. Intense et enveloppant, l’Yang Ylang s'oxyde en libérant des notes animales inimitables. La qualité que nous avons trouvée sur cette île proche de Madagascar est sans égale en intensité : comme si la nature elle-même s'était chargée de créer un parfum où se mêlent tradition et nouveauté ». Plus enveloppant, opulent, que les précédents, il est vraiment « tropical ». L’envolée de poire, de pamplemousse et de cardamome est non seulement originale mais vraiment addictive et elle nous conduit sur un coeur d’ylang-ylang, de rose de Damas, de jasmin sambac et de fleur d’oranger puis sur un fond de labdanum, de vanille, de vétiver et de muscs blancs. En version eau de parfum, il revêt une facette presque gourmande et la vanille ressort beaucoup mais en extrait, sil s’avère plus ciselé, moins d’un bloc. Les deux versions ont leur intérêt et je dirais même que, si l’on craque, elle peuvent s’avérer complémentaires. À chaque fois que je le redécouvre, je me rends compte qu’il est vraiment pour moi. J’ai l’impression des fleurs d’ylang-ylang dont les pétales sont alourdies par des gouttes de pluie. Vraiment, j’aime énormément ce parfum.
Lancé en 2021 et composé par Christopher Sheldrake pour la collection classique de Serge Lutens, « La Dompteuse Encagée » avait été, dès sa sortie, un énorme coup de coeur. Je l’ai porté. J’en ai usé et abusé. « Langage muselé, façonnement d’une seule et unique façon de penser, « La dompteuse encagée » nous rappelle les dangers d’une société à l’affût du moindre pas de côté. L’espoir demeure cependant en la révélation d’une fleur de frangipanier qui ici se déguste... à même la peau ! ». C’est un parfum de conjonction entre la fleur de frangipanier, l’ylang-ylang, la tubéreuse et l’amande. Pour moi, Christopher Sheldrake a effectué, avec cette création, une variation sur un thème qu’il avait déjà utilisé dans « Datura Noir ». Cette « dompteuse » est plus légère, plus moderne, plus solaire et peut-être davantage facile à porter et à s’approprier. Sur ma peau, c’est une petite merveille il faut bien le dire. Le parfum est assez linéaire mais très très facetté. C’est un floral très lumineux mais qui garde quand même un côté un peu « vénéneux » et surprenant qui est son mystère. Lorsque je l’ai porté, il m’a énormément plu. Mon flacon est fini et je ne l’ai pas racheté car, sur ma peau, sa tenue est vraiment très limitée ce qui est un peu frustrant. Il n’en demeure pas moins que je garde deux petits conditionnements voyage que j’utilise parfois, lorsque j’en ai envie. C’est un vrai coup de coeur.
Je ne pouvais pas sélectionner plus de six parfums et le choix a été difficiles mais, finalement, c’est « Solaris », créé par Aliénor Massenet pour Penhaligon’s en 2023 que j’ai choisi car, plus je le sens, plus je l’aime. « Solaris est une ode au soleil, un parfum qui vous enveloppe d’un halo lumineux, qui capture l’énergie du soleil et la magnifie. Dès les premiers instants, une brise légère caresse votre peau avec des notes vivifiante de cassis et lactone. Au cœur de cette symphonie parfumée, des notes de rose, ylang-ylang et fleur de tiare dansent au rythme d’une mélodie solaire. En fond, la vanille se déploie et évoque une chaleur caressante et enveloppante ». Dès l’envolée, il me capte avec des notes de cassis, de citron et de néroli puis vient ce coeur, tout ciselé, de fleur de tiaré, de jasmin, de rose et d’ylang-ylang et un fond, qui est seulement un socle, de vanille et de cèdre. J’ai gardé « Solaris » pour la fin car, comme parfum solaire, il est peut-être le plus sophistiqué. Il m’évoque une soirée sous les tropique, avec un T-shirt blanc et un pantalon en lin (ce que je ne porte quasiment jamais), un gin tonic glacé à la main, à l’anglaise. Je le trouve d’un chic fou. Il se pose sur la peau comme une brume particulièrement bienfaisante mais aussi d’une rare élégance. Avec « Solaris », Aliénor Massenet a vraiment réinventé le style. J’espère que ce parfum obtient vraiment le succès qu’il mérite car je le trouve vraiment réussi. Il est au top ! Il faut absolument le découvrir.
Pour finir, je dirai que j’aurais pu faire d’autres choix mais je me suis limité. J’aime ce thème des fleurs solaires. Je crois vraiment que ce sont des parfums qui me correspondent et je suis ravi qu’avec le développement de la parfumerie de niche, ce genre de création ne s’adresse plus uniquement aux femmes. En tout cas, j’ai réessayé chacun des parfums dont je parle et je me suis fait vraiment plaisir… et quelques envies ! C’est le jeu !