"Musk", une seconde peau
* Article entièrement réécrit
Je suis loin de connaitre vraiment bien tous les parfums de Lorenzo Villoresi mais je dois dire que ceux que j'ai approché m'ont séduit. Je vous ai parlé de « Ylang Ylang que je porte et aussi de "Piper Nigrum », j’ai souvent évoqué « Teint de Neige » et ,j’aime bien aussi « Musk ». Élégant, raffiné, il est à la fois oriental et boisé. Personnellement, il m'emmène dans les boiseries d'une bibliothèque un peu silencieuse où se mêle l'odeur des livres anciens avec les parfums boisés ou fleuris des lecteurs. Je lui trouve également quelque chose de cosmétique. C’est comme un bâton de rouge à lèvres et un poudrier oubliés dans un sac. Lorsque je l'ai senti la première fois sur mon poignet je lui ai trouvé quelque chose d’envoûtant et de profond. Plus tard, lorsque j’ai eu l’opportunité de l’essayer, je me suis rendu compte que je pourrais très facilement me l’approprier. .Des parfums de la collection de Lorenzo Villoresi, "Musk" est celui qui m'a fait le plus une double impression, celle d'une véritable découverte mais aussi celle, plus rassurante, d'être enveloppée d'une odeur presque familière. La marque le décrit ainsi : « Musk de Lorenzo Villoresi est un parfum élégant et captivant. Les notes sensuelles et délicates du bois de santal, du cèdre et des bois exotiques sont en parfaite harmonie avec les notes de rose et de musc Tonkin. Un travail unique qui a savouré toutes les facettes cachées du musc … » et je trouve que les choses sont dites de manière claire.

Lorenzo Villoresi
Alors, j’ai eu envie de creuser davantage et j’ai découvert qu’il était plutôt classé dans les floraux fruités ce qui m’a un peu surpris. En effet, il s’ouvre sur des notes un peu douces amères de bergamote et de cardamome rendues très « vertes » par l’omniprésence de galbanum puis s’enrichit d’un coeur de géranium et de rose avant de se poser sur un fond absolument magnifique de bois de rose, de mousse de chêne, de muscs blancs et d’une reconstitution du musc tonkin dans ce qu’il a de plus doux et de plus floral en évitant le côté trop animal, ainsi que de santal et de vanille. Dans ce parfum, qui fête ses trente ans cette année, le parfumeur, botaniste et écrivain florentin réinvente le style. Il livre une composition complexe, addictive et particulièrement atypique. Je ne saurais dire si « Musk » est vintage comme je l’ai entendu parfois lorsque je le portais pour l’essayer, mais surtout je le trouve à la fois « confortable » et terriblement sophistiqué. Sa tenue et son sillage sont vraiment très suffisants pour mon goût et il prouve, une fois encore, que Lorenzo Villoresi est l’une des plus belles maisons italiennes que l’on peut (difficilement) trouver en France aujourd’hui. En tout cas, « Musk » est une vraie réussite et il faut absolument le découvrir.
Carnets de voyage : Prague
Pour ce nouveau chapitre de Carnets de Voyages, je vous emmène en Europe centrale et plus précisément dans la région de Bohème en Tchéquie. Vous avez deviné, la ville dont j’ai envie de parler aujourd’hui est Prague. J’y suis allé deux fois, il y a déjà quelques années et je dois dire que j’ai adoré ses rues, ses monuments et toutes les constructions qui la font ressembler à un musée à ciel ouvert. Imaginez un peu des rues pavées, le soir, des éclairages artistiques sur des maisons toutes plus belles les unes que les autres, un violoniste qui joue Brahms dans un kiosque au milieu d’un jardin paysagé. C’est la fin de l’été. Il fait beau, encore un peu chaud et vous flânez pour profiter de cette si belle ville. Des odeurs d’épices se mêlent aux notes végétales d’un thé que vous buvez en écoutant le violon. C’est un parfum très tendre, très élégant, romantique comme la ville… Il vous enveloppe, vous apaise, se fond avec le magnifique décor et la beauté de la musique.
Je ne sais pas quel parfum vous pourriez choisir mais, pour ma part, je crois que c’est une oeuvre de Marc-Antoine Corticchiato, lancée en 2023 dans la Sépia Collection d’Olfactive Studio et il s’appelle « Smoky Soul ». « Inspirant et charnel, Smoky Soul propose du thé noir fumé infusé d'absolu d'osmanthus aux accents fruités d’abricot. Le thé noir, extrait au CO2 supercritique, est fumé avec de l'essence de Vétiver de Java, qui fait ressortir les facettes du bois chaud brûlé. Le poivre noir rehausse les notes épicées et noires du thé tandis qu'une trace d'absolu d'algues accentue les notes moussues, salées et minérales de certains thés ». Le départ est construit autour d’un absolu d’osmanthus chinois associé à un poivre noir indien qui donne quelque chose de vraiment singulier puis arrive un coeur de thé de Ceylan très sombre, presque fumé associé à des notes de rose de Turquie et de jasmin Sambac puis le parfum se pose sur un fond de vétiver de Java, de patchouli d’Indonésie et d’algues que le parfumeur utilise de manière très judicieuse depuis qu’il a créé « Acqua di Scandola » pour sa marque Parfum d’Empire. La concentration extrait de parfum donne quelque chose de très évolutif sur ma peau. Le côté sombre s’estompe pour donner un fond un peu frais et minéral. J’aime beaucoup cette création. C’est une très belle composition originale et signée. Pour moi, entre originalité et romantisme, ce parfum est une vraie oeuvre olfactive. Il m’a rappelé l’ambiance artistique pragoise.
Promenade dans mes doses d'essai
Ce mois-ci, je me suis un peu avancé. En effet, j’avais plein de doses d’essai et, de ce fait, j’ai commencé mes essais dès la seconde partie de décembre puis j’ai pris des notes. J’ai chois, comme chaque fois, quatre parfums. J’espère que je saurais vous donner mes impressions de mon mieux et que vous aurez envie de les essayer à votre tour. J’ai opté pour quatre créations vraiment très différentes et je me suis fait, dans l’ensemble, plutôt plaisir.
Je n’ai pas vraiment accroché lorsque j’ai découvert les premiers extraits de parfums de la très récente maison Sora Dora mais, parfois, il faut une certaine humeur pour apprécier un parfum ou un autre. J’ai donc décidé de récidiver avec « Gréasque » créé en 2021 par Anne-Sophie Behaghel, Amélie Bourgeois et Camille Chenardin. « Ce parfum se révèle à la fois élégant et indomptable. Grâce à de réjouissantes essences de bergamote et de cassis, il est égayé en tête par des notes toniques accompagnant chaque mouvement de l’inspiration et de la subtilité. Finement élaboré, il est le fruit d’une expertise transmise à travers les générations dans la famille Sora dora. En effet, à Gréasque, ce petit village de Provence, la menthe n’est pas seulement un élément olfactif qui sublime, c’est une matière qui mérite d’être au cœur d’un parfum, et d’être a son tour, sublimée par les autres. Gréasque a été pensé pour renouer avec la légèreté des premiers jours ensoleillés. Des fines touches de cèdre, de sauge sclarée au réconfort naturel, accompagnées de notes plus profondes, de bois fusant obtenue grâce au célèbre vétiver d’Haïti. Son sillage impérieux ravira les plus audacieux ». Le départ est indéniablement épicé avec une douce bergamote entourée de poivre noir très piquant mais aussi de clou de girofle puis vient un coeur de menthe et de galbanum arrondi et « acidulé » par des notes de violette et surtout de cassis, matière première que l’on retrouve dans le fond associée à la sauge, au vétiver, au cedre et au vétiver mais aussi à une note un peu incongrue de caramel. La tenue et le sillage sont très imposants sur ma peau. Peut-être même trop. Je trouve le parfum un peu « d’un bloc » et relativement monolitique. Il me plait peut-être plus que la première fois que je l’ai essayé mais je ne suis quand même pas très fan car je le trouve trop synthétique. De plus, l’évolution est relativement rapide pour un extrait. D’ailleurs, une dilution plus importante m’aurait mieux convenu. Je ne suis donc qu’en partie convaincu.
J’ai un coup de coeur pour les parfums créés pour sa marque par Stéphanie de Bruijn et j’ai eu envie de découvrir « Paris-Bombay » lancé en 2015 pour la Collection Classique et je dois dire que je n’ai pas été déçu. Je dois dire qu’il me surprend. Sur ma peau, à l’ouverture, avec son côté benjoin qui rappelle l’odeur régressive du Papier d’Arménie. Le coeur de violette et de ciste assez inattendu qui donne presque un côté épicé au parfum. Le fond de santal et de patchouli est très arrondi par la vanille, la fève tonka et les muscs blanc. « Un sillage gourmand, délicatement ambré et qui dessine subtilement sur la peau toute la sensualité de l’Inde dans une douce harmonie… ». Très honnêtement, je ne suis pas toujours fan des parfums ambrés mais celui-ci, que je qualifierai de « classic-chic », est vraiment très joli. Il a un petit côté à la fois vintage et pourtant un peu contemporain. Il y a un versant presque gourmand qui reste très contemporain. Il m’évoque un peu l’hiver, les pulls et les écharpes. Nous venons de passer les fêtes de fin d’année et je me suis dit qu’il aurait été absolument idéal. En tout cas, il m’a plu. Je pense que je pourrais tout à fait me l’approprier. C’est un oriental, ou un parfum ambré comme on dit maintenant, qui me plait car il présente des petites subtilités que je trouve très addictives.
Nous passerons de Charybde en Scylla comme on dit avec « Electro Limonade » créé en 2020 par Nathalie Feisthauer pour L’Orchestre Parfum. C’est grâce à Nathalie des Ateliers du Parfumeur à Dijon que j’ai pu le réessayer et il m’a bien plu même s’il n’est absolument pas de saison. « Terrasse en Méditerranée. Cocktail. Soleil couchant. Bulles électroniques, agrumes incensés et menthe canaille. Une Cologne électro. Pétillante, héspéridée et aromatique ». En général, je ne suis pas très attiré par les hespéridés ni par les aromatiques et un départ de bergamote, d’aldéhydes et de citron n’est pas tellement destiné à me plaire. Ceci dit, le coeur de menthe, de gingembre et de pamplemousse est pétillant et réjouissant et je ne le trouve pas du tout alourdi par le fond de vétiver. Voilà un parfum qui n’est pas du tout dans mes goûts et pourtant, il me plait bien. Certes, il n’est pas vraiment original. Plutôt que de la parfumerie de niche, je considère L’Orchestre Parfum comme une marque « access-niche » et il en faut. Les parfums sont jolis, faciles à porter et à conseiller. « Electro Limonade » est une jolie création, sans prétention mais avec le petit truc en plus des compositions de Nathalie Feisthauer. Je crois que je me réserve le droit de le réessayer en été. Il est très sympa et je pense qu’il pourrait être une option de vacances.
« Extrait De Dévotion. Sérénité. Espace. Aigle. Prière. Méditation. Temple. Prince. Or. Ombre. Bois. Foret. Pouvoir. Esprit. Fertilité. Mythe. Richesse. Pauvreté. Éternité ». C’est Anne de La Mûre Favorite à Lyon qui m’a proposé d’essayer «Agarwood » créé en 2011 par James Heeley pour sa collection d’extraits. C’est vrai que, dans la marque, je suis globalement plus attiré par les eaux de parfum mais je recherche toujours un oud que je pourrais porter. Celui-ci est simple sans être simpliste. L’accord oud, très boisé, apparait dès la vaporisation et s’enrichit d’un délicat accord rose et encens un peu métallique mais élégant et d’un accord ambré discret et agréable. Sur ma peau, la rose disparait assez vite et le parfum se fait dense et oriental peut-être un peu trop d’ailleurs. Je ne peux pas dire que je me sois approprié son odeur. Au bout d’un moment seulement, j’ai commencé à le trouver agréable. Je pourrais le porter. Il est facile. Ceci dit, ce ne sera pas mon choix premier. Je le trouve plus boisé que réellement oud. C’est quand même un joli parfum à essayer.
Sur les quatre essais, j’ai préféré, contre toute attente, « Paris-Bombay ». Je le trouve vraiment subtil et je remercie Josquin de la boutique parisienne Jovoy de m’avoir poussé à l’essayer. En tout cas, je l’aime bien. Je pourrais tout à fait le porter. Pour ce qui est des autres, je pense qu’ils sont très faciles à porter et agréables mais, c’est vrai qu’il sortent un peu de mes goûts.
Comme de la poudre de riz
* Article enrichi
Plusieurs d’entre-nous aiment les parfums cosmétiques dont l’odeur est inspiré de celle du maquillage à l’ancienne et plus précisément la poudre de riz de nos grand-mères. Réconfortantes, élégantes, ces fragrances reviennent depuis quelques années, sur le devant de la scène. Le côté poudré peut être obtenu grâce à plusieurs matières premières différentes. Je citerai évidemment les muscs blancs, l’ambre travaillée sous cet angle, rose ou encore mimosa et, évidemment mais nous en avons parlé, la combinaison de la feuille de violette et du rhizome d’iris. J’ai décidé d’évoquer quatre parfums poudrés très différents mais dont l’inspiration est toujours un cocon agréable et chic.
Le premier est évidemment « Ombre Rose », créé par Françoise Caron et lancé en 1981 pour la maison Jean-Charles Brosseau. Dans cette composition, de nombreuses notes poudrées sont conjuguées. Je pense aux aldéhydes qui, dès les notes de tête, posent le parfum puis un bouquet floral vient adoucir ce côté un peu agressif pour nous emmener jusqu’à la racine d’iris, aux muscs blancs et à une facette amande d’héliotrope. Je n’ai découvert « Ombre Rose », qui existe en concentration eau de toilette mais aussi eau de parfum qu’il n’y a qu’un an ou deux et je dois dire que je l’ai trouvé très joli. Il a le côté poudrier oublié dans un sac élégant mélangé à un bâton de rouge à lèvre qui renforce la fragrance. Il faut bien le dire « Ombre Rose » n’est pas un parfum très contemporain. Il aurait pu être créé dans les années trente. Je pense qu’il est une rose poudrée très très agréable. Il me rappelle vraiment l’odeur qui régnait dans la salle de bain très féminine de l’une de mes grand-mères. Souvenirs… souvenirs…
Créé pour Annick Goutal par Isabelle Doyen, « Heure Exquise » a été lancé en 1984. Il fait la part belle à l’iris dès son envolée puis se renforce avec des notes vertes et une rose cachée. Chypré me direz-vous ? Et bien non. C’est un poudré, un vrai, et il m’évoque ce que pouvaient dégager les perruques du XVIIIème siècle. Furieusement élégant, très envoûtant et doté (en tout cas à l’époque) d’une tenue absolument impeccable et d’un sillage tout à fait excellent. Certains lui trouveront une parenté avec le « N°19 » ou mieux le « N°19 Poudré » de Chanel mais pour moi, il est vraiment un cran haut-dessus tant au niveau de l’originalité de la création que de la tenue. C’est un parfum sec, qui peut sembler léger et qui sera idéal pour le printemps et l’automne. Personnellement, j’ai la chance de posséder un flacon vintage en parfait état de conservation et, même si je me surprends à l’économiser un peu, je le porte beaucoup et je l’adore. Il est d’une rare élégance et m’apporte une sensation agréable et enveloppante qui me suit toute la journée.
« Teint de Neige », créé par Lorenzo Villoresi en 2000 est devenu, année après année, un incontournable de la parfumerie d’auteur. Poudré, ambré, musqué et fleuri, il est très enveloppant et semble comme une autre facette de « Alamut », plus opulent et et plus ambré sorti en 2006 dans la même marque. Je comprends le succès de « Teint de Neige », il est comme un cocon suave et agréable. On le dirait tout droit sortie d’une malle oubliée dans un grenier. Parfum caméléon, il change énormément selon les personnes qui le portent. Sa tenue et son sillage sont absolument exceptionnels. Pour l’anecdote, je bois mon café au même endroit chaque samedi matin et une autre cliente régulière avec qui j’ai échangé plusieurs fois, le porte et je sais détecter sa présence, à chaque fois, sans même l’avoir vue. Il lui va divinement bien. Je l’ai essayé souvent, j’ai pas mal tourné autour mais, résolument, c’est un parfum un peu trop capiteux pour moi.
En approchant de l’été, un peu de fraicheur ne fera pas de mal aussi ai-je eu envie de revenir sur « Fils de Dieu - du Riz et des Agrumes » créé par Ralf Schwieger sur une demande d’Étienne de Swardt pour sa marque État Libre d’Orange et lancé en 2012. Son côté « poudre de riz » est très net dès les premières notes et il a un côté propre, du, sans doute aux muscs blancs qui l’adoucissent beaucoup. Là, le côté suranné des notes poudrées viennent vraiment s’associer au citron et au citron vert. Il porte bien son nom. Le cocon qu’il crée autour de nous est plus frais, plus aérien même si sa tenue est irréprochable. Je suis souvent dérouté par les parfums de la marque mais je reconnais que j’ai adoré tout de suite « Fils de Dieu - du Riz et des Agrumes » dès que je l’ai senti. Contrairement aux autres, il a une évolution relativement limitée en dépit de sa complexité et il est donc plus confortable de le choisir. J’ai la chance de le sentir très régulièrement et j’aime beaucoup. Pour la petite histoire, je pense qu’il a du inspiré très largement Olivier Polge pour « Boy », sorti en 2016 dans la collection des exclusifs de Chanel car je lui trouve vraiment des similitudes. En résumé, j’aime beaucoup « Fils de Dieu - du Riz et des Agrumes » et je pense qu’il gagne à être découvert.
Voilà, j’ai voulu développer un peu mes impression autour de quatre parfums poudrés très différents les uns des autres. Ils me plaisent tous même si je n’en porte, à ce jour, qu’un seul et encore dans une version ancienne.
Séquence Nostalgie : "Bendelirious"
« La première fois qu'il la voit, c'est lors d'une fête et il sent qu'il y a quelque chose de spécial dans l'atmosphère. Il cherche la source de cette exubérance et n'est récompensé que par un aperçu fugace d'une femme en mini-robe et talons aiguilles imposants, mais qui laisse dans son sillage un étalage de glorieuses contradictions : douce et froide, délicate et terrienne. Elle est une star et il est ébloui », tels étaient les mots imaginés par Étienne de Swardt pour exprimer l’inspiration de « Bendelirious » qui fut mon premier parfum de État Libre d’Orange créé en 2008 par Antoine Lie. Pour moi, ce parfum, très original au demeurant surtout pour l’époque, avait un côté complètement régressif et il me manque. Il fait partie de ces créations dont je ne peux m’empêcher d’être nostalgique. Comme souvent pour État Libre d’Orange, Antoine Lie cassait les codes de la parfumerie traditionnelle avec ce floral fruité avant la mode. Je trouvais les facettes pétillantes mêlées avec un côté poudré et musqué et à des notes franchement gourmanes vraiment originale.

Antoine Lie
Le parfum s’ouvrait sur une envolée très poudrée d’iris, de violette et de muscs blancs associés à un accord champagne presque litchi. Ensuite, venait un coeur très étonnant de cerise très profond avant que la composition s’enrichisse d’un coeur de pamplemousse légèrement amer, de cuir, de fève tonka et de vétiver qui lui donne un côté « sérieux ». Au bout du compte, Antoine Lie proposait une fragrance sophistiquée, ultra moderne et vraiment originale. Peut-être était-il un peu en avance sur son temps car on ne peut pas dire qu’il ait trouvé vraiment son public. Après avoir résisté quelques années, « Bendelirious » et son côté délirant ont étés supprimés du catalogue. Par la suite, et de plus en plus, Étienne de Swardt privilégie un peu le story telling par rapport à une vraie créativité qui était l’ADN de la marque. Attention, je ne dis pas que je n’aime pas certains parfums tels « Exit The King », qui est un chypre magnifique et moderne ou encore « Sous Le Pont Mirabeau », moderne et minéral, mais il me manque le côté un peu délirant qui a fait le succès de la marque à travers ses premières créations. Certaines ont perduré mais « Bendelirious » a été supprimé… hélas.
Carnets de voyage : Kyoto
Et si on débutait 2025 en partant en voyage ? Pour débuter cette nouvelle année, j’avais envie d’une nouvelle série d’article dans laquelle j’associerai une ville, un pays, une destination dans le monde à un parfum. J’ai donc décidé, pour ce premier saut, de traverser le monde pour aller à Kyoto, au Japon. Je n’y suis pas encore allé mais, autour de moi, beaucoup ont aimé cette ville et m’ont fait rêver en racontant ce qu’ils y avaient ressenti en la visitant. Je l’imagine un peu, comme dirait Amélie Nothomb, entre « Stupeur et tremblement », entre modernité et tradition séculaire. Je crois que ce qui m’évoque le Japon et surtout Kyoto, c’est la fleur de cerisier, le matcha ou encore le yuzu auxquels j’ai pensé. J’ai cherché une création à la fois forte et transparente et c’est en faisant un autre voyage que je l’ai trouvé au Royaume Uni. Il a pour nom « Sakura » et a été lancé en 2022 par Ormonde Jayne. C’est une composition toute en nuances qui m’a énormément impressionné. On ne peut pas tout porter mais ce voyage au Japon, imaginé poétiquement, me donne envie à la fois de me l’approprier et de voyager.
« Un doux murmure. L'exquise fleur de cerisier offre un somptueux spectacle printanier, une myriade de pétales rose pâle qui finiront par s'envoler au gré des vents. La tradition japonaise printanière de Hanami, représente un moment symbolique de réflexion : l'éphémère pourtant éternelle beauté des fleurs et de la vie. Sakura est une création à la fois discrète et énigmatique. Une fleur de cerisier délicate aux notes d'amande douce s'ouvre sur des notes pétillantes de citron vert et de mandarine, adoucies par le poivre rose et des notes vertes. Se mêlent ensuite les notes de violette poudrée et d’une vanille crémeuse ». Après une envolée très verte, incisive de mandarine, de poivre rose, de coriandre, de galbanum et de citron vert vient ce coeur de fleur de cerisier extrêmement bien rendu et émergeant d’un bouquet dans lequel on retrouve le cylamen, le freesia, la rose légèrement poudrée, la violette, l’osmanthus un peu fruité mais surtout cuiré et le nénuphar pour une note aquatique et transparente qui m’évoque vraiment les jardins japonais. Le fond, solide, rond et ambré s’organise autour de la fève de tonka avec des muscs blancs, de cèdre, de santal et de vanille. « Sakura » est un parfum vraiment très élégant avec le côté éthéré que l’on imagine très japonisant mais aussi une force qui lui assure chic et tenue. Vraiment c’est une belle invitation au voyage !
Suzy Le Helley, comme un parfum de linge propre
Suzy le Helley est un nom que je croise le plus en plus dans mes recherches et mes essais. C’est la collaboration entre la marque de mode Acne Studios et Les Éditions de Parfums Frédéric Malle que j’ai vraiment découvert l’originalité de son travail. Je reviendrai d’ailleurs sur cette composition dans cette revue. À l’instar de Meabh McCurtin, Paul Guerlain et pas mal de jeunes parfumeurs dont le talent éclot de plus en plus, elle devient une artiste avec laquelle le paysage parfumé compte de plus en plus. Je me suis penché sur ce qu’elle a déjà réalisé jusque-là et, même si elle n’a signé qu’une vingtaine de parfums, je trouve qu’il y a quelques pièces maîtresses à découvrir et essayer. J’en ai sélectionné quatre et les au réessayés scrupuleusement afin de vous donner mon avis.
Suzy Le Helley aime les accords de linge propre, de lessive, d’adoucissant et il faut vraiment mettre ses compositions sur la peau pour se rendre compte qu’ils peuvent développer des facettes différentes. « C’ comme ‘Courrèges’, comme le cycle des jours qu’on recommence chaque matin. Sigle de la Maison, cette lettre consonante évoque par sa courbe précise l’émotion graphique d’un accord linge propre dynamisé par un jasmin cristallin. Archétype de parfum, son bouquet floral-boisé interprète l’univers créatif d’André Courrèges dont l’idéalisme épuré est nourri par l’énergie de l’enfance. Capsule temporelle, cette fragrance régressive délaie dans l’odeur du frais la promesse universelle d’un jour nouveau ». Le départ aldéhydé nous emmène sur un coeur très simple de jasmin et un fond d’ambroxan. Je dois dire que je n’ai pas vraiment accroché. Je trouve le parfum un peu simple, un peu trop simple, et il ne m’a pas vraiment séduit. Je trouve qu’il y a, dans ma sélection, des créations plus abouties mais il est très facile à porter et efficace.
Le premier parfum que l’on m’a fait découvrir est « Bitter Splash » créé, pour la collection Dries Van Notten, par Suzy Le Helley dont elle décrit l’inspiration par ses mots : « J'ai choisi d'explorer un jeu paradoxal mais équilibré de lumière et de texture : l'éclat pétillant du pamplemousse voilé par la douceur mate du cuir ». Je crois que beaucoup de ce que j’ai ressenti est dit. L’amertume du pamplemousse, associée au côté presque résineux du cyprès donne une envolée très pétillante qui se calme un peu avec un coeur construit autour de l’iris et de la graine de carotte conjugués avec le côté rose mentholée du géranium. Le fond, un accord cuir soutenu par le vétiver et de bois de cèdre est également très finement travaillé. J’ai bien aimé « Bitter Splash ». Je trouve l’association du pamplemousse, très présent, avec le cuir, assez originale. En revanche, je suis un peu dubitatif sur le sillage et la tenue. En effet, je ne l’ai pas essayé sur peau mais, sur la touche, le parfum s’est estompé assez vite et je me suis laissé dire que les tenues n’étaient pas folles. Je trouve le prix élevé alors, je souhaiterai quand même profiter un peu du parfum si je décidais de le porter.
« Acne Studios » créé par Suzy Le Helley en 2024 pour les Éditions de Parfums Frédéric Malle m’a vraiment dérouté. « Faussement classique, véritablement moderne, Acne Studios par Frédéric Malle est un parfum de Suzy le Helley qui met en bouteille l’esprit de la marque du même nom. Acne Studios par Frédéric Malle n’est pas un parfum. C’est un style. Un état d’esprit, mis en bouteille par la jeune prodige Suzy le Helley. Pour Frédéric Malle, elle a traduit en odeurs l’équation de la marque de mode suédoise, savant mélange de minimalisme et d’audace, de cool et de chic. Star de sa composition, la rose nuancée par les notes gourmandes et espiègles de la pêche réconcilie classicisme et modernité. Ingrédients de synthèse d’hier et d’aujourd’hui, les aldéhydes et muscs blancs offrent à l’ensemble une grande sensation de confort, sinon d’évidence. Comme un t-shirt blanc parfaitement coupé qu’on ne voudrait plus jamais quitter ». Très honnêtement, j’ai un drôle de rapport avec cette création. Quand je l’ai découvert, je l’ai trouvé sans intérêt mais on m’a conseillé de tenter de le porter et on a eu raison, le côté ultra-propre, presque « lessive », s’estompe pour prendre un côté peau, très sensuel qui m’a bien plu. Le départ, très aldéhydé, peut avoir quelque chose de très synthétique, pas forcément agréable puis vient un coeur de rose et de pêche qui, sur ma peau, s’intensifie, devient plus charnel et cela se confirme avec un fond de vanille, e santal et de muscs qui garde le côté propre tout en étant un peu animal. Cette composition, faussement simpliste, se fait moderne, addictive et tout de même attirante. Finalement, j’ai aimé « Acne Studios ». C’est une composition surprenante et très agréable à porter.
« Col Rond, le parfum qui incarne l'élégance à l'état pur. Une fragrance musquée et boisée qui se fond naturellement avec la peau, devenant une seconde peau, une extension subtile de votre propre personnalité ». Créé par Suzy Le Helley pour la maison française Judith, « Col Rond » est vraiment un « clean scent » réussi construit autour d’un absolu de jasmin avec un départ, je pense, aldéhydé et un fond, de vétiver, d’Iso E Super et de mucs blancs. Je n’aime pas spécialement ce genre de parfums mais je me suis fait plaisir à le sentir. J’ai eu une dose d’essai et j’ai même pu le mettre sur ma peau. Je le trouve à la fois sans prétention et vraiment réussi. Ce parfum m’a plu et, il me semble que, si je ne pourrais pas nécessairement le porter, il a vraiment un côté réaliste de « linge propre », il pourrait séduire un public assez large. Il faut d’ailleurs que j’approfondisse la marque car il y a sûrement des créations qui me plairaient encore plus.

Une signature singulière, avec souvent un côté « linge propre », pas mal d’audace pour des parfums évolutifs, tel est ce que j’ai pu percevoir du talent et du travail de Suzy Le Helley. Certes, je n’ai pas encore senti ni essayé beaucoup de parfums qu’elle a composé mais je vais m’y atteler et surveiller ce qui sort de son imagination car je trouve qu’il y a à creuser. J’ai noté déjà une certaine maturité dans des créations abouties et intéressantes. Suzy le Helley fait partie de cette nouvelle génération de parfumeurs qui ne s’interdit rien et voyage entre accords et idées avec pas mal de bonheur.
Opulence de Fragrance, la nouvelle collection d'Antinomie
C'est au Printemps à Lyon que j’ai fait la connaissance d’Aurélie de la maison Antinomie. J’ai pu découvrir avec elle la la toute nouvelle collection qui porte le nom évocateur de Opulence de Fragrance et regroupe cinq parfums concentrés à 24% et composés par le maître parfumeur que l’on ne présente plus Bertrand Duchaufour. Voilà donc une petite marque qui grandit, dont le public s’élargit et s’affine à la fois. Je connais les deux autres collections et je les ai trouvées sympas quand je les ai découvertes mais l’univers, très jeune, faisait peut-être que je n’étais pas tout à fait la cible. Cette-fois, je suis non seulement séduit mais je me projette facilement à porter une ou même plusieurs des fragrances inventées par Bertrand Duchaufour. Opulence de Parfums est une branche plus « mature » et très sophistiquée des créations d’Antinomie. Chaque parfum, que je n’ai pas pu encore tester sur peau mais dont la première approche est plus que positive, est bien distinct, revêt une certaine complexité et une élégance un peu baroque que je trouve tout à fait à mon goût. Une fois n’est pas coutume, je vais aller au-delà des quatre impressions que je vous transmets presque à chaque fois car j’ai tout aimé et j’avais envie de vous en parler.
Le premier parfum que j’ai senti est très justement appelé « Fièvre Idyllique » et c’est vrai que je le trouve sensuel, presque charnel et vous savez que ce ne sont pas forcément des termes que j’aime associer à la parfumerie tellement c’est subjectif. La marque le décrit ainsi : « Serait-ce une fascination ou une vive agitation ? La Fièvre Idyllique prend place. Elle éveille en nous une impertinente envie de liberté. Sans doute la fougue d’un soir humide, ou l’essence liquoreuse et sensuelle du Patchouli. L’idéal suprême nous attend ailleurs. Nos sens sont en ébullition, la passion nous anime ». Je dois dire que je me suis bien laissé emporter. L’envolée de cardamome, de citron vert et de gingembre est vive, épicée, attractive et mon nez s’y est accroché tout de suite puis, après quand même un certain temps sur la touche, vient un coeur doux, profond, amandé et poudré d’héliotrope et d’iris avec la présence terreuse et presque fruitée, un peu incongrue, de la graine de carotte. J’ai vraiment aimé ce côté très duel du parfum et je l’imagine aisément se développant sur la peau. Le fond, construit autour du patchouli et du santal, prend, pour moi, un tour ambré et presque cuiré quand il se développe. La présence des bois ambrées, dosés avec subtilité, ne me dérange pas comme dans certaines créations actuelles. On sent dans « Fiève Idyllique », le côté un peu animal et la maîtrise des ingrédients que je retrouve souvent dans les créations de Bertrand Duchaufour. C’est un parfum à la fois singulier et très facile à porter. Il m’a beaucoup plu.
« Toute histoire d’amour part d’une Révolte Délicate. Une Rose tendue, à l’essence exquise et piquante, fait naître une prodigieuse effervescence. La douceur de nos sentiments se frotte aux épines des tourments romanesques. On part à la conquête de l’amant. Haut les cœurs, c’est une révolution romantique ! ». Résolument moderne et tout à fait dans l’air du temps, « Révolte Délicate » n’avait, sur le papier rien pour me séduire… et pourtant ! Jugez plutôt. Le départ de bergamote, épicé de baies roses, est rendu très abstrait par un beurre de graine d’ambrette bien présent rehaussé d’accords fraise et grenadine. Le coeur de néroli, de rose, de géranium et de pivoine se fait presque pétillant avec la framboise et le fond de vétiver, de sucre, de bois ambrés assure au parfum une bonne tenue. Moi, je sens comme un accord de champagne mais pas comme on l’entend habituellement en parfumerie. Ici, il n’y a pas de note de litchi ou de pêche. Bertrand Duchaufour a utilisé, ce qui est assez rare, un beurre d’ambrette qui, associé aux diverses notes de fruits rouges présentes tout au long de l’évolution du parfum, le fait pétillant, vif et « festif » si l’on peut dire. J’ai beaucoup aimé ce parfum. Je le trouve super réussi et d’une grande sophistication. Je me dis même que je pourrais le porter. Il fait partie de mes priorités parmi les créations à essayer sur la peau.
« Courtoisie Féroce » est peut-être la création de la collection qui me touche le moins mais cela est totalement subjectif car il est très réussi également. « Une fierté outrancière, un charisme effréné, des bonnes manières, en voilà une Courtoisie Féroce. On se vêtit d’une élégance impitoyable à laquelle on ne peut que faire sa révérence. Une force de caractère exaltée par le Cuir, dont l’essence profonde et sauvage captive quiconque nous rencontre. Soyons irrésistiblement atypique ! ». C’est un cuir fruité et aromatique, très original, mais qui m’a quelque peu dérouté. Après avoir laissé évoluer les notes de tête de citron, de thym et de pomme, vient une coeur d’ananas, d’iris, de bois ambrés et de cuir qui s’enrichit, en notes de fond, de muscs et de bois de santal. Pour moi, la création est impeccable mais elle s’éloigne un peu trop de mes goûts habituels. Là, pour le coup, je sens un peu trop les bois ambrés et le côté plus synthétique et abstrait. J’y suis moins sensible ce qui ne m’empêche nullement de reconnaitre que c’est une création réussie et très efficace.
Contre toute attente, « Alchimie Céleste » et sa pyramide compliquée encore plus que complexe, est mon coup de coeur. J’y retrouve toute l’originalité de la si belle signature de Bertrand Duchaufour comme j’ai pu l’aimer par le passé ! Il a un petit côté « fait pour moi » que j’assume totalement : « Un jardin de Gardenia qui illumine les cieux révèle une captivante Alchimie Céleste. Elle puise sa quintessence florale d’une exquise distillation. Cet élixir divin exalté par l’hédione suscite un magnétisme intense, au-delà des astres. Un enivrement olympien, par la déesse du plaisir, de la volupté et de la sensualité ! ». C’est un floral opulent, qui tourne autour de cet accord gardénia dont je ne me lasse absolument pas. On y retrouve, à l’envolée, des notes d’orange douce-amère associées au côté vert de la feuille de rosier et de lierre. Après un temps de développement, nous voici au centre des notes de coeur de rose, de muguet, de jasmin, de lys et de fleur d’oranger associées à la prune, la pêche et la noix de coco pour un côté un peu exotique et solaire. Le fond, très tendre, avec pourtant des traces de oud et un accord amré se charge de vanille, du ois de santal, de foin, de musc et de vanille. C’est une petite merveille sur touche alors j’imagine sur peau ! Pour moi, « Alchimie Céleste » est le top de la collection et de la marque. Quelle merveille !
« Sombre mais splendide, énigmatique mais pourtant inestimable : la Majesté Brute. Une chimère organique qui gouverne nos rêves les plus mystiques. Tel le grand arbre olympien d'une forêt tempétueuse, démesuré par l'essence enivrante et magnétique de l'Oud. On se sent soudainement intensément envoûtant ». Je ne pensais pas du tout aimer « Majesté Brute » et pourtant, il m’a beaucoup plu. Je suis toujours méfiant avec l’accord oud mais je trouve que, dans « Majesté Brute », il est débarrassé de tous les clichés sentis et re-sentis en parfumerie et fait partie intégrante d’une très jolie composition chic et contemporaine. En effet, je ne sens pas trop, en ouverture, laes sempiternelles notes de safran et d’encens car elles sont contrebalancées par le côté doux-amer que je perçois dans la note de soucis. Puis vient le coeur, tout à fait original dans lequel le patchouli et le papyrus sont associés à un accord muguet. Le fon, adouci par la note ronde de praliné, est un oud, vétiver et encens très « européanisé » et qui m’est très facile à aborder. Là encore, Bertrand Duchaufour fait montre de sa formidable maitrise de la formule et de tous les ingrédients tant ils semblent se mêler avec harmonie. J’étais réticent et pourtant, j’aimerais bien tester ce parfum sur peau. Il m’a bien plu en première impression.
Voilà, vous savez maintenant comment j’ai ressenti Opulence de Fragrance. Je trouve la collection vraiment très réussie, le flacon noir est élégant et tout en douceur. Antinomie se développe et, vraiment, je suis content de ce que j’ai pu découvrir. Un grand merci à Aurélie ainsi qu’à Céline du Printemps de Lyon dont la collaboration, année après année, me permet bien souvent de vous proposer des articles. Si vous croisez la route de la marque et que vous aimez le parfum comme moi, allez découvrir cette très belle collection. Elle pourrait vous réserver des surprises.
En cuir
Il est des parfums que l'on a toujours plaisir à retrouver. C’est le cas de "Cuir de Russie" de LT Piver lancé en 1939. Plus complexe qu’il n’y parait, il réussit complètement l’association de l’accord cuir de Russie (bois de bouleau et mousse de chêne) avec des épices, une seconde note cuire et une envolée d’agrumes au départ. Pour moi, ce parfum a une histoire. Je n'ai pas connu mon grand-père maternel mais je sais qu'il le portait. Dans la salle de bain de ma grand-mère, un flacon vide trônait sur une petite étagère et elle m'avait raconté qu'Albert, son mari, aimait beaucoup son eau de toilette et qu'elle n'avait jamais voulu se séparer de son dernier flacon. Bien des années plus tard, lorsque, lassé de la parfumerie de chaînes, je me suis tourné vers d'autres types de créations, je me suis retrouvé, à l'Atelier Parfumé à Lyon, face à un testeur de ce parfum qui m'avait toujours intrigué. J'ai demandé à le découvrir et je l'ai acheté. C'était il y a pas moins de dix ans et, telle une petite madeleine de Proust, je le porte toujours très régulièrement. C'est un parfum que j'ai racheté plusieurs fois. Pour le décrire, je dirai que c'est bien évidemment un cuiré mais pas banal. À la traditionnelle écorce de bouleau sont associées différentes matières premières naturelles ainsi que des molécule de synthèse que la maison LT Piver a été la première à utiliser. Il en résulte une eau de toilette avec une tenue exceptionnelle, enveloppante, à la fois un peu désuète et vraiment originale. Je l'aime toujours beaucoup. Curieusement, ça a fait école depuis l'année dernière. Plusieurs d'entre-vous, ont commencé à porter "Cuir de Russie". C'est un petit plaisir pas très cher et un parfum qui a su garder ses qualités pour pouvoir séduire sans être ce que tout le monde porte. Je pense qu’il a du être reformulé plusieurs fois au cours du siècle et demi où il a existé mais j’aime beaucoup l’actuelle version. Longue vie à "Cuir de Russie" .
Je ne pouvais pas faire un articles sur les cuirés que je trouve essentiels sans évoquer « Cuir Ottoman » de Parfum d’Empire. C’est un best de la parfumerie d’auteur et, même si je l’ai déjà évoqué, je voudrais revenir sur le sujet. Si j'ai commencé par "Ambre Russe", "Cuir Ottoman" est également l'une des créations de Marc-Antoine Corticchiato que j'aime particulièrement. Ce parfum a été lancé par la marque en 2006. Oriental ,cuiré, poudré, élégant, c'est une invitation au voyage dans un empire ottoman d'un autre temps. J’aime beaucoup le côté poudré des notes de tête où l’iris est associé au jasmin et au ciste et qui va s’enrichir de notes cuirées, de styrax et de vanille. Sa profondeur et sa tenue sont irréprochables et, entre classicisme et modernité, il exprime vraiment d'une manière très parlante l'univers très baroque de son "inventeur".Il m'évoque le cuir bien évidemment mais aussi la soie, les brocards, les velours de salons très meublés de sofas, de coussins, de tapis.La richesse de "Cuir Ottoman", sa subtilité, son caractère m'ont séduit immédiatement. De plus, s'il a une personnalité très affirmée à la fois cuirée et opulente, il est très très facile à porter, il n'est ni choquant du point de vue olfactif et il est doté d'une vraie identité sans jamais être extravagant.J'aime toute la collection "Parfums d'Empire" et je pourrais presque tous les porter mais "Cuir Ottoman" pourrait bien devenir une des petites madeleines dont nous avons déjà parlé, un incontournable pour moi et je ne suis pas le seul car il est, je pense, l’une des créations de Marc-Antoine Corticchiato qui remporte le plus grand succès. Il est revient toujours comme une référence de la parfumerie indépendante

Cuiré, ambré mais tout en légèreté, « Cuir Fétiche » créé en 2011 par Jean-Paul Millet-Lage pour Maître Parfumeur et Gantier est, pour moi, l’un des plus beaux parfums de la marque. Il y a longtemps que je l’ai découvert et je l’ai toujours été. Au départ, il me fait un peu penser à « Cuir Ottoman » car on retrouve l’accord vanille, jasmin et iris mais, lors de son évolution, il devient plus classique. Il est, pour moi, très proche de l’image que je me fais des parfums Cuir de Russie du début du XXème siècle que l’on pouvait trouver chez Creed ou chez Guerlain. Je lui trouve un charme désuet tout à fait élégant. Le fond, oscillant entre musc et patchouli soutient l’ensemble de la manière la plus chic qui soit. De plus, « Cuir Fétiche » n’est jamais entêtant. Jean-Paul Millet-Lage a voulu lui imprimer l’identité de la marque. Le seul regret que je pourrais avoir est son manque de sillage et de tenue. Lorsqu’on le vaporise, il semble très opulent mais il s’avère finalement très discret. C’est un parfum de peau intimiste il faut l’accepter. Je dois dire qu’il me plait tout de même beaucoup. J’ai l’occasion de le sentir et le re-sentir souvent et je l’aime vraiment beaucoup. Son côté chic à l’ancienne et sa légèreté en font l’un des rares cuirs portables tout au long de l’année.
Pour créer « Cuir Mauresque » en 1996 pour Serge Lutens, Shristopher Cheldrake s’est inspiré de « l’Heure Bleue » de Guerlain d’une manière totalement assumée. Il a voulu utiliser la base très « cire d’abeille » de ce parfum célèbre et lui donner des accents cuirés, voire même un peu « pétrole ». Opulent, vanillé avec des notes boisées mais ronde, « Cuir Mauresque » a toujours été, pour moi, l’un des fleurons de la marque. Il est complètement en rupture avec le côté inédit et avant-gardiste des autres créations. Je pense que Serge Lutens a voulu créer son propre parfum classique et il a réussi car, c’est exactement l’impression que j’ai lorsque je le sens. Peut-être un peu trop opulent pour moi, je le trouve tout de même très réussi et il demeure, à mon sens, l’un des plus beaux cuirs du marché. Je regrette, en revanche, la décision de la marque de l’avoir intégré aujourd’hui à la très onéreuse collection des Gratte-Ciels, ce qui rend tout de même les 100 ml très onéreux. Ceci dit, je reconnais que l’apparent classicisme du parfum le rend tout à fait intemporel et qu’il est difficile de s’en lasser. À l’instar de « Fumerie Turque », « Cuir Mauresque » est un grand Lutens, mieux, c’est un grand parfum. Il mérite, sinon d’être porté car c’est un investissement, au moins d’être découvert et redécouvert. Il représente pour moi, l’équilibre entre la parfumerie d’auteur comme je l’aime et la tradition olfactive à la française.
Pour le cinquième parfum, il m’a été difficile de décider. J’aurais pu parler de « Cuir » de Mona di Orio ou encore de « Cuir Velours » de Naomi Goodsir que j’aime beaucoup mais je les avais déjà pas mal évoqués. J’ai beaucoup regretté la décision de Floris London d’arrêter « Mahon Leather » qui est l’un de mes parfums préférés. J’aime énormément l’association cuir et feuille de violette et il est probable, lorsqu’il aura vraiment disparu, que mon choix se porte sur « Aleksandr » de la marque espagnole Arquiste non pas qu’il lui ressemble tout à fait mais parce qu’il en garde l’esprit. Lancé en 2012, il est une autre facette de l’idée que je me fais d’un cuir de Russie à l’ancienne. L’envolée est nettement violette et fleur d’oranger. Ici aucun agrume, seulement des notes boisées et fleuries sur un fond de cuir. Délicat, élégant en diable, il présente tout de même une certaine douceur. Il m’a plu tout de suite. Je le trouve particulièrement réussi et je l’ai essayé plusieurs fois. Il a tout ce que j’aime et je pense qu’il sera un bon compromis lorsque je ne retrouverai plus l’un de mes parfums préférés. Je lui trouve beaucoup de finesse et de chic, presque à l’anglaise. « Aleksandr » fait partie des belles créations intemporelles de la parfumerie d’auteur.
Nombre sont les beaux cuirs sur le marché, que ce soit dans la parfumerie confidentielle mais aussi, parfois, dans le sélectif et il me faudra bien écrire d’autres articles pour faire le tour de ceux qui me plaisent. Voilà toutefois ma première approche. Je me suis basé sur mes goûts pour faire un choix vraiment difficile pour ce premier top cinq.
Rosendo Matteu ou les envies d'un grand parfumeur
C’est grâce à Fabien de Yuuminoki et à Isabelle de la chaîne YouTube Espace Passion Parfums avec Isa que j’ai découvert, pour la première fois, une création du parfumeur espagnol Rosendo Mateu. C’était en 2022 et la nouveauté de l’époque de la maison canadienne Zoologist s’appelait « Nothern Cardinal ». Tout le monde me disait, « il est pile dans tes goûts, tu vais aimer » et ils avaient raison. Le nom de Rosendo Mateu commençait à être un peu connu par les passionnés parce que sa marque éponyme arrivait en France et que la boutique parisienne Nose la distribuait. Cependant, Rosendo Mateu était loin d’être un débutant. Il est entré dans le milieu de la parfumerie à l’âge de 15 ans chez Puig, à Barcelone puis a travaillé pour des maisons de composition telles que Roure (aujourd’hui Givaudan), Firmenich, IFF et a travaillé pour plusieurs parfumeurs très célèbres de leur époques avant de créer Olfactive Impression et de devenir indépendant en 2015. Je n’arrive absolument pas à savoir combien il a composé de parfums à ce jour. C’est donc chez Nose, cet été, que l’on nous a fait découvrir la marque, en tout cas le fragment que cette parfumerie distribue. J’avais pris des notes et je vais essayer de développer en vous donnant mes impressions sur quatre parfums que j’ai pu découvrir. Je ne les ai pas sentis depuis plusieurs mois et j’espère vous donner une image la plus proche possible de mon ressenti.
« No. 3 », lancé en 2015 est vraiment, de mon point de vue, le parfum le plus classique de ma sélection. « La First Collection, où chaque création se décline autour de trois ingrédients principaux sublimés : No. 3, un hommage au neroli, à l'iris et au musc blanc. Comme un bouquet fraîchement composé, la senteur pétillante des nérolis de Tunisie se diffuse instantanément, en se mêlant au fruité de la bergamote de Calabre. L'iris d'Italie apporte du caractère à ce coeur floral par sa facette cuirée, le tout sur un fond de musc blanc quasi animal, enveloppé par des notes gourmandes et sensuelles de tonka et de vanille, pour une fragrance presque charnelle ». La pyramide olfactive est, comme toujours chez Rosendo Mateu, vraiment évocatrice de ce qu’est le parfum une fois posée. Une très belle envolée de néroli tunisien est associé à une note de café un peu torréfié qui lui apporte une certaine rondeur et pas du tout de versant vert qui est parfois présent dans ce genre de départ. Le coeur d’iris est rendu épicé et doux grâce à la cannelle et vif avec la menthe puis le parfum se pose sur un fond très clean de vanille et surtout de muscs blancs. Elles sont un peu oubliées ces grandes fragrances issue du patrimoine de la parfumerie et Rosendo Mateu leur donne un nouveau public en les associants au café et à la cannelle, ce qui leur donne une belle modernité. J’ai bien aimé « N°3 » mais il n’a pas remporté complètement mes suffrages. Je lui en préfère un autre mais j’y viens.

« No. 5, un hommage aux fleurs, à l'ambre et à la sensualité du musc. Symbole d’une joie et d'une pureté extrême, le muguet se retrouve au cœur de cette création twistée par des notes épicées de safran et par du musc ambré au style oriental afin de créer un parfum puissant et séduisant. Le tout sur un fond gourmand où s'allient vanille, fèves tonka et des notes surprenantes de fraises. Un accord rare qui fait de No. 5 un véritable rêve en bouteille, une chimère », tels sont les mots de la marque pour décrire le « No.5 » sorti en 2017 qui m’a vraiment marqué car il est celui pour lequel, je n’aurais pas eu besoin de mon brouillon d’article écrit cet été juste après avoir découvert la collection. Un départ, très atypique et clairement floral de jasmin, de muguet et de rose qui nous emmène sur un coeur pour le moins original de caramel avant que le parfum ne se corse avec les notes de fond d’ambre, de cuir, de muscs et de vanille. Le résultat pourrait avoir l’air d’un sucré à la mode mais il n’en n’est absolument rien. C’est un parfum très facile à porter et équilibré. Je ne pourrais pas le porter d’autant que je l’avais mis sur peau en plein été et que ça n’a pas été facile de le supporter mais je lui reconnais les qualités d’un futur classique tant il est addictif et faussement déjà senti. C’est un parfum qui est construit en trompe-l’oeil, pour ne pas dire « trompe-nez » et qui me déstabilise un peu par une finesse que je n’attendais pas.

Une envolée très agréable de jasmin et de pêche très douce mais rehaussée de cassis puis un coeur de rose avec des notes lactonique et un fond de muscs, de santal, de tonka et de vanille. Telle est la description de « No.6 » lancé en 2018, le troisième parfum dont je voulais parler. « No. 6, un hommage au jasmin, au bois de santal et au musc oriental. Dernière fragrance de la première collection Rosendo Mateu, c’est la grandeur du bois de santal indien qui a été choisi comme ingrédient dominant de ce parfum floral, doux et délicat. La fragrance s'ouvre sur la fraîcheur du jasmin Sambac, qui s'appuie sur un fond enveloppant de vanille et animal de musc, pour un résultat gourmand qui tient sur la peau ». Ce parfum m’a troublé parce qu’il est, pour moi, à la fois répulsif et attirant. Il coche toutes les cases pour que je puisse le porter et pourtant, il n’a pas été mon préféré de la collection. C’est aussi étrange que ça en a l’air. Il était comme fait pour moi, je l’ai bien aimé mais il ne m’a pas provoqué l’émotion émanant d’un parfum que je me déciderais à porter. Il n’en demeure pas moins original, très singulier que je troue hyper qualitatif.

« Vibrante et accueillante, no. 8 vous emmène vers une terre tropicale lointaine. À l’arrivée, une fraîcheur vive de pomme et de poire surgit, éveillant les sens. Au fur et à mesure que vous ralentissez le pas, une profondeur sensuelle se révèle, où l’ambre douce et le patchouli s’entrelacent, rehaussés par une touche épicée de cannelle. Enfin, le cèdre majestueux et le vétiver forment une base robuste, adoucie par une caresse de vanille, telle la brise au crépuscule qui enveloppe le vagabond ». Créé en 2024 (mais la charmante jeune fille qui me l’a présenté ne m’a pas dit que c’était une nouveauté), « No.8 » est une invitation en voyage qui, comme ça, n’avait pas grand chose pour me plaire et pourtant… Dès l’envolée d’agrume, d’ananas, de poire et de pomme très suave, je suis séduit mais c’est surtout le coeur d’iris, de patchouli et de rose épicé avec de la cannelle et ambré qui a su me donner envie. Le fond de cèdre, et de vétiver est adouci par le bois de gaiac et la vanille tout en gardant un côté très lointain et exotique. « No. 8 » est vraiment le parfum de la collection que j’ai aimé. Il est tout en finesse, en élégance et en originalité. Quand je parle de classique en devenir, je suis certain que, s’il rencontre son public, il va le devenir.

Globalement la collection Rosendo Mateu n’est pas forcément pour moi mais je sais apprécier le côté « impeccable », la recherche et la qualité des matières premières. Le parfumeur a travaillé sur des thèmes chers à l’histoire de la parfumerie et, vu qu’il est très virtuose, il y a très bien réussi. Je pense que la First Collection est vraiment une expression des belles matières au sein de compositions très fines et délicatement travaillées.
Mes parfums préférés de Daphné Bugey
Je l’ai dit souvent mais j’aime vraiment beaucoup le travail de Daphné Bugey et souvent il me correspond vraiment bien. Évidemment, je suis complètement conquis par la collection La Botanique de l’Artisan Parfumeur mais elle a créé nombre d’autres parfums que je porte et que j’aime. Je lui avais déjà consacré un article au début de ce blog mais, depuis, d’autres parfums sont venus s’ajouter et je me suis dit qu’une petite mise à jour pourrait être sympa. J’ai sélectionné six parfums composés par Daphné Bugey, toute seule ou en collaboration, et que j’aime particulièrement porter. Qu’ils soient singuliers ou plus classiques, je les trouve toujours extrêmement réussis. En tout cas, je vous emmène, plus que jamais dans mes goûts olfactifs et dans un univers qui semble, bien souvent fait pour moi. En tout cas, je le dis et le redis, je me tiens très près des sorties inventées par Daphné Bugey car, bien souvent, je suis et reste sous le charme.
Daphné Bugey a créé trois parfums qui sont parmi mes favoris dans collection des Portraits de Penhaligon’s. Bien évidemment, j’ai énormément porté « Roaring Radcliff » qui a, hélas, été arrêté mais j’aime tout autant « Much Ado About The Duke » qui a été mon premier coup de coeur et, également, « The Revenge of Lady Blanche », créé en 2016 et que je considère comme l’un des plus beaux parfums de la décennie et je pèse mes mots. « Lady Blanche, au charme dangereux, manie sa beauté comme une arme. La victime ? Son pauvre mari inconscient. Frais mais épicé. Floral et boisé. Bon sang ! Cette eau de parfum est criminellement bonne ». Décidé, ombrageux, poudré, féminin, un peu masculin, cuiré, tel est ce jus absolument complexe et d’un chic absolu. Il s’ouvre avec l’amertume de la jonquille associée à des botes de bergamote et fleurs blanches puis, un coeur d’iris cuiré par le narcisse fait son apparition et il est soutenu par le santal et les muscs. Vraiment, je suis complètement fan de ce parfum et je pourrais tout à fait le porter. Pour moi, il est très abouti, très élégant et complètement singulier. Merveille des merveilles de la parfumerie. Il est la quintessence de « l’effet waouh » qui me donne envie de continuer à me passionner. Lorsque je l’ai découvert, il y a déjà quelques années, j’ai été vraiment addict et je le suis encore à chaque fois que je mets mon nez dessus.
L’un des parfums qui me vient à l’esprit doit toujours exister mais, pour le marché français, il semble avoir complètement disparu à part sur quelques sites internet. Il s’agit de « Peau de Pierre » issu d’une collaboration avec le designer Philippe Starck en 2016. Je dois dire que j’avais été complètement séduit dès que je l’avais senti. Il est vraiment très atypique. « Peau de Pierre est un parfum masculin qui dévoile au coeur la part féminine de l’homme. Il est cette membrane, symbole de cette permanente ambiguïté et à travers laquelle passent nos différences et notre personnalité ». Je parle souvent de ce parfum dont il me reste un flacon et que je porte finalement assez peu, comme si je voulais le préserver. Il est relativement linéaire et très atypique et je suis bien en peine d’en décrire la pyramide olfactive tant elle est étonnante. Je dirai qu’il n’y a pas vraiment de note de tête mais qu’on rentre très vite dans un accord à la fois minéral, boisé et fumé avec une certaine fraîcheur et comme une effluve de réglisse. Je le trouve d’une rare élégance. Il est considéré comme un masculin mais je dois bien dire que, pour moi, il est tout à fait susceptible de plaire à des femmes. Résolument contemporain, il semble (et je le porte en écrivant) être devenu intemporel. J’aime vraiment beaucoup ce parfum. Je regrette que la marque soit aussi « volatile » et qu’il soit devenu presque mission impossible à trouver.
« Celui-ci est sombre. Une obscurité accueillante, chaude et addictive, comme si les sous-bois humides de l'été, leurs graines et leurs résines, étaient saupoudrés de couches de muscs et adoucis de gouttes de vanille. Le parfum évoque l'odeur de la peau chaude et du bois résineux. Les notes du parfumeur parlent d'absolue de fleur d'oranger, du cèdre d'atlas unique, des résines de styrax, d’absolue de fèves de tonka et des muscs... Nous parlons de Tonka 25 ». Quand la fève tonka réussit à me surprendre par ses aspects cuirés, ronds et addictifs, je me dis que, travaillée en majeur, je pourrais la porter et cela a été le cas de « Tonka 25 » créé par Daphné Bugey en 2018. Il est assez onéreux, et si je l’ai aimé dès sa sortie, j’ai mis un long moment à me décider car il y avait plusieurs parfums de la marque qui me plaisaient et il fallait choisir. Je ne le regrette pas. J’adore « Tonka 25 » que je trouve d’une finesse et d’une originalité hors-norme. La tonka est entourée de muscs blancs, de notes de cèdres et de fleur d’oranger, légèrement vanillée et surtout travaillée en « binôme » avec le côté très cuir du styrax. Il en résulte un parfum qui ne ressemble à rien d’autre. Un cuir rond, gourmand et particulièrement inspiré. Attention, « Tonka 25 » n’est absolument pas le parfum de tout le monde. Il est clivant et vraiment très « subversif ». Pour moi, c’est vraiment cela la parfumerie de niche. J’ai adoré le porter au plus froid de l’hiver et ce n’est pas fini.
« Ayant quitté sa maison en Argentine à un très jeune âge, Sebastián vit maintenant à Rome, mais les doux souvenirs de sa bien-aimée Buenos Aires ne cessent de chuchoter de doux mots de nostalgie, comme les mélodies nostalgiques d'un tango ». Depuis très longtemps, j’ai envie de « Don’t Cry or Me » créé par Daphné Bugey pour Altaia en 2015. Je l’ai découvert il y a quelques années chez Théodora à Genève et je regrette de ne l’avoir pas acheté. J’ai adoré ce parfum vraiment. La parfumeure le décrit ainsi : « Je me suis inspirée de l'atmosphère d'une nuit d'été, mêlant les nuances fraîches et joyeuses du thé au jasmin au bois de cachemire enveloppant et intense ». Il s’ouvre avec une envolée de fleur de cerisier et de thé au jasmin puis nous arrivons sur un coeur d’héliotrope et d’ambre reconstituée d’une manière végétale puis se pose sur un fond de bois de Cachemire et de graine d’ambrette. Original, singulier et très élégant, ce parfum à la fois complexe, et extrêmement lisible. J’aime son côté tout en finesse et en transparence malgré une tenue et une force un peu cachée. Je dois dire que je n’ai jamais oublié ce parfum même si je l’ai senti il y a déjà longtemps. Il me plairait vraiment beaucoup. Je finirai par y venir, c’est certain. J’ai aimé toute la collection Altaia et je regrette qu’on ne puisse pas trouver ces parfums en France. Je crois que c’est une exclusivité Théodora mais on doit pouvoir les acheter en ligne ce que je ne fais jamais.
Daphné Bugey travaille merveilleusement la rose. J’ai en tête bien évidemment « Arcana Rosa » créé en 2016 pour La Botanique, la collection de L’Artisan Parfumeur, plus récemment « Rosa Carnivora » pour Dries Van Noten dont j’ai parlé dans les nouveautés de cette année et sans doute aussi le très beau « Loubidoo » qu’elle a composé pour Christian Louboutin mais, pour moi, la rose la plus délicate que je porte et que Daphné Bugey a composé avec Marie Salamagne est, sans aucun doute, « Rose Milano », sorti en 2020 dans la collection Armani Privé et qui a été réellement, pour moi un coup de coeur. C’est une rose Chyprée extrêmement classique avec un départ de poire, de citron et de bergamote, un coeur de rose et de jasmin et un fond mousse de chêne et patchouli mais elle est merveilleusement réalisée. « Découvrez le parfum d’Armani/ Privé, Rose Milano, mêlant la délicatesse de la rose de Damas et des notes telluriennes de chypre. Rose Milano est un parfum haute couture imaginé par Giorgio Armani en hommage à Milan, la capitale de la mode dans laquelle il a élu domicile pour créer ses collections de prêt-à-porter. Avec ce parfum signature, il a souhaité encapsuler sa vision de l’élégance milanaise, à la fois brute et raffinée ». Je pense que ce parfum est « ma » rose de prédilection tant il correspond à ce que je recherchais. Je l’ai un peu moins porté cet été mais je pense qu’il peut s’adapter à toute l’année et je l’aime vraiment beaucoup. J’avais envie d’en parler encore tellement il me séduit.
J’ai parlé des deux dernières créations de Daphné Bugey pour L’Artisan Parfumeur qui sont sorties cette année. Tout d’abord, bien sûr « Abyssae 33» dans la collection Botanique, qui est un coup de coeur absolu puis « Soleil de Provence » qui vient de sortir dans celle des paysage et qui est un des plus beaux mimosas que j’ai pu sentir. Je ne vais pas revenir dessus mais je ne me voyais pas terminer cette revue sans évoquer l’un des parfums de La Botanique. Je dois dire que le choix est difficile. J’ai quand même porté « Violaceum 2 », « Glacialis Terra 18 » qui, hélas, n’existent plus mais je suis aussi très accro à « Obscuration 25 » et j’aime les autres mais je pense que mon favoris est quand même « Venenum 32 » qui est vraiment celui qui m’accompagne le plus régulièrement l’hiver. Il est doux, profond et réconfortant sans avoir un sillage délirant. « La sensation de danger est aussi douce qu’enveloppante. Ce venin-là met l’eau à la bouche ». C’est un thé tchaï, épicé et un peu lacté avec des notes de blé et une formule à la fois courte et complexe qui vient se poser sur sa pierre angulaire, un bois de santal vraiment très addictif et dont le côté un peu crémeux est contrebalancé par les notes un peu pep’s du coeur. On commence avec une note presque pain grillé et on finit avec des épices et un thé noir profond. Ce parfum est, pour moi, vraiment une merveille absolue. « Venenum 32 » est peut-être l’un de mes parfums préférés de tous les temps, du moins je le croyais avant de découvrir « Abyssae » qui pourrait presque le détrôner.
J’aime tellement le travail de Daphné Bugey, la délicatesse de sa signature, que ça valait bien un nouvel article. Il y a plein d’autres parfums qui me plaisent mais il fallait faire un choix. Il est déjà plus large que d’habitude. Je pense que c’est une parfumeure qui figure parmi ceux dont j’aime la presque totalité du travail et c’est rare. En tout cas, j’attends toujours le prochain… Et je suis émerveillé à chaque fois.
Aliénor Massenet et les cuirs
J’ai remarqué qu’en parfumerie, il y a les cuirs avant et après Aliénor Massenet. Au départ, on trouvait surtout des parfums basés sur l’accord cuir de Russie qui associe l’essence de bouleau et la mousse de chêne et qui demeure, seul, très goudronné. Les parfumeurs s’attelaient alors à « éclaircir » leurs créations soit avec la présence d’agrumes, de feuille de violette ou encore d’iris. Aliénor Massenet est donc, avec le début de sa participation pour Memo, la première, au début des années 2000, à utiliser d’autres matières naturelles comme synthétique pour obtenir une note cuirée plus lumineuse tout en restant dense. On retrouvera, dans ses compositions, bien sûr un accord cuir synthétique produit, je pense, chez IFF mais aussi des notes d’osmanthus, de styrax ou de bois de cade (qui avait déjà d’ailleurs été utilisé par Mona di Orio) pour créer des cuirs à la fois présents, plus lumineux et, pour le coup, très originaux. J’en ai choisi quatre que je trouve emblématique du « style Massenet ». J’espère que vous aurez envie de les sentir.
« Comme un clin d'œil aux origines irlandaises du cofondateur de Memo Paris, cette fragrance mêle son accord cuir à la fraîcheur venteuse des baies de genièvre et de l'absolu de maté vert ». Impossible de parler du travail du cuir d’Aliénor Massenet sans évoquer « Irish Leather », le tout premier parfum de la collection Cuirs Nomades de Memo en 2013. C’est un cuir vert, lumineux et dense à la fois. Il est identifiable très facilement avec son côté très vert et un peu terreux. C’est un cuir comme je n’en n’avais sentis. Le départ est âpre, poivré, avec, quand même des notes douces de mandarine rehaussé du côté gin du genièvre. Le coeur, construit autour d’une concrète d’iris est très élégant et se conjugue avec la sauge sclarée et le maté vraiment brut est très bien vu. Le fond de cuir, de bois de cèdre et de vétiver est peu-être un peu trop classique pour moi mais il est vraiment super qualitatif. Il faut absolument le mettre sur peau pour s’en faire une idée.
« L'eau de toilette Replica Jazz Club évoque l'atmosphère exaltante et intimiste d'un club de jazz privé. Épicé, confiant et riche, le parfum des cocktails remplit la pièce, tandis qu'un saxophone retentit et que la chaleur d'un whisky se dégage. Les arômes exquis d'un verre de rhum ambré sont recréés par du rhum absolute et des gousses de vanille, tandis que l'élégant parfum fumé des cigares est recréé par la feuille de tabac et le poivre rose ». Avec « Jazz Club » pour la collection Réplica de Martin Margiela en 2013 Aliénor Massenet signe un cuir plus tabac, plus ambré et totalement inédit. Le départ de poivre rose, d’huile de citron et de néroli confère à ce parfum quelque chose de très attirant qui se confirme comme si l’on se lovait dans un fauteuil Chesterfield avec un coeur de rhum et de sauge sclarée qui, associé au vétiver, donne vraiment une note de cuir qui se confirme lorsque le styrax, en fond, vient, avec le tabac et la vanille, « asseoir » la fragrance. Avec ce parfum à l’excellent rapport qualité-prix, la parfumeuse réussit à réinventer totalement le style. Elle a été l’une des premières à associer le styrax, le tabac et la vanille pour reconstituer une note de cuir ultra moderne et pourtant avec un petit côté vintage. J’aime bien ce parfum. Je l’ai porté. Je pourrais tout à fait y revenir.
« Pour rendre hommage aux origines de Mohamed Rebatchi, je me suis inspirée d’un réveil le matin dans le désert de Tassili, territoire traditionnel des Touaregs Ajjer ou Touaregs de l'Ouest, au sud-est de l’Algérie. Après une nuit passée sous une tente, on décèle l’odeur du thé et celle du cherbet, cette citronnade algérienne, ou encore l’odeur des selles de cuir des dromadaires. Une invitation au voyage ». Parmi les parfums qui sont des variations autour de thème, « Cuir Tassili » créé en 2019 par Aliénor Massenet pour Maison Rebatchi est sans doute celui que j’ai le plus porté et que je continue à utiliser. C’est vraiment une révolution car il est portable l’été comme l’hiver et développe pas mal de facettes chaudes et fraiches à la fois. J’adore le départ de poivre noir, de résine d’élémi et de citron qui me semble être plus doux donc vert et nos conduit sur un magnifique coeur de sauge sclarée, d’iris et de thé. Au fond, Aliénor Massenet associe l’accord cuir au patchouli et à la myrrhe. C’est un cuir exotique, faussement léger, très élégant et, en même temps, il s’agit d’une vraie invitation au voyage. J’aime énormément « Cuir Tassili ». Pour moi, il est la quintessence non seulement de l’inventivité d’Aliénor Massenet mais également des cuirs modernes dont elle est l’une des inventrices.
Dans la collection des Cuirs Nomades de Memo, « Russian Leather » créé en 2018 par Aliénor Massenet est, d’une courte tête, mon préféré. « Memo s'aventure dans les contrées nordiques où les humains sont rares. Un espace exposé et grandiose, où tout est intensément russe. Dans ce royaume de steppes mornes, de forêts infinies et de plaines glacées, l'audace végétale s'exprime dans toute sa splendeur. La fougère têtue qui défie la toundra inspire un accord fougère qui prend toute sa place dans la fragrance ». Ce parfum, à la fois dense et un peu frais a une très belle évolution sur ma peau. Il s’ouvre comme une fougère avec des notes de thym blanc, de muguet et de cypriol qui nous emmène sur un coeur de lavandin, de romarin et de sauge sclarée mais ce sont vraiment les notes de fond qui lui donnent son nom. L’accord cuir, sombre, contraste avec les notes aromatiques lumineuses du coeur et il s’enrichit de vétiver et de patchouli avant d’être légèrement rendu moins « rugueux » par la graine de vanille. Pour moi, « Russian Leather » est le cuir le plus singulier signé à ce jour par Aliénor Massenet. Je ne l’ai pas porté. Je lui ai préféré « African Leather » mais peut-être ai-je eu tort. L’avenir le dira.
Aliénor Massenet a créé nombre de parfums magnifiques mais je trouve qu’elle a été, au cours de sa carrière, et j’espère qu’elle le sera encore à l’avenir, la spécialiste incontestable des cuirs modernes. J’aime beaucoup son travail et je suis content de me re-pencher dessus pour écrire cette revue. Aliénor Massenet a appris la parfumerie à New York avec la grande Sophia Grosjman mais elle a su très bien s’affranchir de son style pour se créer sa propre signature. Les formules sont plus courtes, plus « droit au but » et résolument moderne. Créer des cuirs sans l’accord bouleau et mousse de chêne était un sacré défi, il a été relevé brillamment.
Mes parfums préférés : "Shanghaï 1930"
Imaginons le quai de la gare de Shanghaï dans les années 30 comme le clair obscur en noir et blanc et les lumières romanesques d’un film de Josef von Sternberg. Imaginons la haute silhouette d’un militaire un peu fantasmé accompagné de Marlene Dietrich ou Anna Mae Woong entrant à pas lent dans un train en direction de l’Europe. Imaginons des salles de jeu, plus ou moins clandestines, des smokings noir ou blancs, des robes du soir et des fume-cigarettes. Imaginons une coupe de champagne ou un service à thé en porcelaine fine. C’est tout cela que m’évoque, depuis que je l’ai découvert, cet été, un extrait de parfum au nom hautement parlant créé par le parfumeur Arturetto Landi en 2023 pour la maison italienne Astrophil & Stella. Il s’appelle « Shanghaï 1930 » et est contenu dans un très beau flacon de porcelaine blanche parsemé de fleurs bleu pâle. Dès l’envolée, il me séduit avec ses notes de bergamote, de thé vert un peu tendre, de prune et de mangues à la fois rondes et un peu fraîches, de cannelle et de feuille de violette. Toute la complexité de la composition s’exprime déjà à la vaporisation. J’ai un vrai coup de coeur immédiat et il ne fera que s’intensifier au cours d’une très belle évolution. Le coeur, organisé autour d’une tubéreuse très subversive se pare de notes envoûtantes de champaca, de magnolia, de jasmin sambac et d’orchidée avant de revêtir les effluves exotiques de l’ylang-ylang. Le fond allie la douceur du santal, des muscs blancs, de la fève tonka et de la vanille à la myrrhe, plus résineuse. L’ensemble est complètement addictif.

Arturetto Landi
La marque décrit « Shanghaï 1930 par ses mots : « Astrophil & Stella Shanghai 1930 Extrait de Parfum 50 ml est un parfum floral unisex. Shanghai énigmatique, Shanghai romantique, Shanghai impénétrable. Au début des années 1930, cette métropole était unique, un creuset de cultures, d'ethnies, de personnes et de politiques. Espions britanniques, agents soviétiques, riches magnats, journalistes, révolutionnaires et intellectuels animaient une ville extraordinaire à une époque singulière. Shanghai 1930 Extrait de Parfum 50 ml est un parfum floral oriental intense et fascinant aux notes profondes, séduisantes et délicates. Le début est marqué par une combinaison vivante de thé vert earl grey qui se mêle harmonieusement à la senteur hypnotique et sophistiquée de la tubéreuse. Le fond est mystérieux et légèrement poudré, enrichi d'ingrédients typiquement orientaux. Un accord musqué raffiné confère à la fragrance une persistance sensuelle » et je trouve le terme énigmatique particulièrement bien choisi. Cet extrait de parfums, tout en nuances, tout en facettes, s’exprime sur la peau de manière très lente, il change, se fait parfois léger et vert, parfois poudré, parfois un peu fruité pour se terminer, en tout cas sur moi comme un floral à la fois androgyne, vintage, vénéneux et pourtant moderne. Pour moi, « Shanghaï 1930 » est plus qu’un coup de coeur, c’est un peu une attraction obsessionnelle. En quelques mois, il est donc devenu un de mes parfums préférés et je suis heureux qu’il ait été un cadeau de Noël 2024.
Paul Guerlain, se faire un prénom
* Article entièrement réécrit
Il est l’héritier d’une illustre famille de parfumeurs. Il a travaillé pour plusieurs maisons de composition comme Firmenich ou IFF et il a beaucoup collaboré avec Anne Flipo. Vous l’aurez compris, je veux évoquer, dans cet article, le travail de Paul Guerlain qui est, pour le moins prometteur. Il a participé à la création de plusieurs parfums pour Bastille et il a signé quelques créations pour des marques niche telles, par exemple, maison Crivelli et il a travaillé aussi sur « Girl Blooming » de Rochas qui rencontre un beau succès. Paul Guerlain est un parfumeur à suivre et, bon sang ne saurait mentir, je suis certain qu’il va se faire un prénom et imposer sa signature dans les parfums qu’il va réaliser. J’ai décidé de revenir sur trois parfums dont une nouveauté de l’année 2023 que j’ai pu découvrir en avant-première il y a quelques semaines déjà grâce à l’une d’entre-vous. Paul Guerlain c’est aussi une certaine jeunesse et beaucoup de modernité. Je trouve qu’il a déjà une signature reconnaissable et j’aime bien l’idée de suivre le parcours d’un seul parfumeur.
J’ai d’ailleurs composé par « Neroli Nasimba », la nouveauté créée par Paul Guerlain pour Maison Crivelli et que la marque décrit ainsi : « Cette nouvelle création contraste la luminosité de l’huile essentielle de néroli de Tunisie avec la profondeur d’un accord cuiré. Découvrez la fleur d’oranger comme vous ne l’avez jamais sentie auparavant, à travers cette eau de parfum lumineuse, féline et résolument ». J’aime bien ce parfum alors que je ne suis pas fou de la fleur d’oranger et du néroli. Le départ est vraiment mandarine, petit grain et cardamome puis la fleur d’oranger et le néroli en coeur viennent donner cette facette fraîche et florale que je trouve très belle. Le parfum se pose ensuite sur un fond de cuir et de vétiver assez original et sec. Sur ma peau, il est particulièrement agréable et se développe parfaitement. J’ai bien fait de l’essayer car, sur le papier, il ne me parlait pas vraiment. Je le trouve bien plus intéressant que sur le carton et je remercie Diane, fidèle lectrice de ce blog depuis déjà longtemps, de m’avoir permis de le découvrir. Je l’ai trouvé très intéressant et je pense qu’il fait partie des mes préférés dans la collection des eaux de parfums de la marque.

Je vais revenir sur « Pleine Lune » créé par Paul Guerlain pour Bastille en 2020. J’en parle beaucoup en ce moment c’est vrai mais, à l’approche des beaux jours, je me souviens de l’an dernier quand je le portais. Il m’a accompagné de juin à septembre très souvent, parfois même quotidiennement et je le connais vraiment très bien. Je dois dire que je l’ai adoré et qu’il est fort probable qu’il m’accompagnera durant d’autres étés. J’aurais pu faire l’impasse car je sors légèrement du sujet mais, vraiment, « Pleine Lune » m’a séduit puisqu’il s’agit d’un travail autour de la tubéreuse et du thé matcha. Enfin, c’est tout ce que j’aime. « Si vous aimez les regards de défi qui sont aussi des invitations, Pleine Lune est fait pour vous. La tubéreuse, fleur sauvage et sensuelle, s'accompagne ici d'un thé matcha et d'une bergamote innocente. Velouté et séduisant, Pleine Lune a été créé pour fasciner ». Après une envolée de thé vert, de bergamote, de poivre rose et de maté qui restitue parfaitement l’effluve du thé matcha, amer et doux à la fois, le coeur de tubéreuse se pare de notes de jasmin, de néroli et de fleur d’oranger qui contrebalancent le côté un peu vénéneux de la fleur travaillé en majeur voire même son animalité. Enfin, le parfum se pose sur un lit délicat de fève tonka poudrée, de santal, de benjoin et de cèdre. Franchement, c’est un très beau parfum, clair obscur, un floral tout à fait addictif. Le seul bémol est, il faut bien le dire, une tenue un peu limitée mais je l’ai accepté et j’ai beaucoup aimé « Pleine Lune ».

J’avais trouvé que la maison de parfums française Headspace nous offrait la possibilité d’une mise en avant de belles matières premières de manière très originale. J’ai découvert ces création il y a quelques mois et j’avais beaucoup aimé en parler. Je ne m’attendais pas à ce que la marque propose déjà une nouveauté et elle vient pourtant de sortir. J’ai pu découvrir « Kirsch » composé en 2023 par Paul Guerlain, un travail autour de la cerise : « Une cerise chic et dévorante, un cuir poudré fruité. La tension intrigante d’un premier rendez-vous Un parfum qui parle de temps en temps d'élégance, de saveurs généreuses et de passion dévorante, alternant délicatesse galante et animalité sous-entendue ». Je crois qu’il faut vraiment faire table rase de toutes les idées préconçues sur la note de cerise car, vraiment, dans ce parfum, elle est traitée de manière inédite. Le départ est très sec avec des notes de saké, de safran, de rhum puis le parfum, toujours construit autour de l’accord cerise évolue vers des accents d’iris, de cuir, d’absolu de mousse de chêne et d’ambroxan. Il en résulte un parfum sec, presque boisé et cuiré mais avec toujours le côté très fruité de la cerise. Je le trouve complètement inédit. Je l’ai essayé sur la peau et je ne retrouve ni le côté amandé du noyau de cerise ni le versant liquoreux qu’il m’est arrivé de croiser en parfumerie. C’est une cerise très sèche, droite, ambrée et boisée avec un côté cuir. Je trouve le parfum très élégant et très signé.

« L'addiction extrême de la gousse de vanille, colorée par le charme bucolique de la camomille ». Composé en 2024 pour Dries Van Noten par Julien Rasquinet et Paul Guerlain, « Camomille Satin » est tout en nuances. Il m’a bien plu aussi pour sa délicatesse. Le départ de camomille est assez atypique et, avec la fraîcheur du petitgrain de bigarade, il prend un côté un peu amer. Le coeur est franchement aromatique et floral à la fois, ce qui est assez rare. On y retrouve un absolu de lavande associé à de la fleur d’oranger et de la rose de Turquie. Le fond de gousse de vanille, de musc et de galbanum, s’il arrondit la fragrance, lui assure une certaine rondeur, ce qui n’est pas désagréable du tout. J’ai eu l’impression d’un jardin qui s’éveille au début du printemps. Vraiment, « Camomille Satin » est « confortable » et original à la fois. Il m’a bien plu mais j’avoue que ce n’est pas un coup de coeur. Il m’évoque beaucoup les couleurs jaunes, orange, or et argent du flacon. Le contenant et le contenu vont très bien ensemble. Ce n’est pas toujours le cas d’ailleurs.

J’étais un peu passé à côté de la nouveauté de La Petite Madeleine, « Le Figuier du Mas Sabat » créé en 2024 par Paul Guerlain mais, lors d’un séjour à Dijon, je l’ai redécouvert autrement et j’ai beaucoup aimé. « Le Figuier du Mas Saba est une fragrance verte et lumineuse signée par le parfumeur Paul Guerlain ». La « colonne vertébrale » de cette eau de parfum très épurée est simple, un départ amer de pamplemousse, un coeur de figue un peu vert et un fond de vétiver très racinaire. Vraiment, il m’a bien plu mais il faut le mettre sur la peau car, sur touche, il n’est pas très passionnant. La figue se fait fraîche, légère très agréable à porter. C’est une création toute en transparence et en subtilité qui, je trouve, se porte facilement en hiver comme en été. La tenue et le sillage sont vraiment très suffisants et je trouve qu’il y a quelque que chose de presque floral comme une fleur de figuier qui contraste avec le côté laiteux de beaucoup de créations autour du même thème. « Le Figuier du Mas Saba » est à redécouvrir. C’est un très joli parfum, tendre et facile à porter.
À travers ces cinq parfums, Paul Guerlain affirme déjà une signature olfactive. Une fraîcheur rafraîchissante, une délicatesse et plein de nuances, voilà ce qui me vient à l’esprit si je veux décrire ce que je sens dans chacun de ces parfums. Je pense que c’est un nom qui marquera les prochaines années en parfumerie. Il se démarque par un certain naturalisme et une très belle délicatesse. J’ai hâte d’en découvrir plus.