Adieu à la maison Mona di Orio
Cette fois c’est malheureusement officiel, Jeroen Oude Sogtoen vient d’annoncer la fermeture de la maison Mona di Orio qu’il gérait depuis 2011, date de la disparition tragique de sa fondatrice. J’avoue que je m’attendais à cette triste nouvelle depuis la fermeture du site internet. Alors désastre occasionné par la pandémie ou mauvaise gestion ? Je ne saurai le dire mais j’avoue que je ne comprenais pas du tout la manière dont était administrée la marque depuis déjà bien longtemps. Apparemment, en discutant avec d’anciens revendeurs, il leur était très difficile de s’entendre avec sa direction et les partenariats se sont terminés les uns après les autres, en tout cas en France. J’étais déjà très déçu de cet état de fait. En effet, Nathalie di Orio, alias Mona avait construit, en deux magnifiques collections, une véritable oeuvre olfactive. Il y a eu tout d’abord la série signature des eaux de parfums puis les Nombres d’Or. Je ne compte plus les parfums que j’ai porté et que j’ai encore la chance de posséder. Pour moi, Mona di Orio était, et je pèse mes mots, l’une des plus belles maisons du marché qui méritait vraiment la dénomination de parfumerie de niche. Je citerai des chefs-d’oeuvre comme « Nuit Noire » ou « Carnation » dans la première collection et, bien évidemment « Cuir » et « Vanille » dans la seconde. Vraiment quelle déception de voir de telles composition disparaitre !

La direction de la marque a tenté de continuer en sortant des nouveautés en s’adjoignant la collaboration du parfumeur Fredrik Dalman mais elles n’ont manifestement pas rencontré leur public. Je le déplore car elles auraient peut-être permis à la maison Mona di Orio de subsister et peut-être même de se développer. Aujourd’hui, avec cette très triste annonce, mes pensées vont tout doit vers Bernadette et Jacques, les parents de Nathalie alias Mona qui voient ainsi disparaitre du marché les si belle créations de leur fille et leur héritage. Par cet article, je leur adresse toute mon amitié. Mona avait des Nombres d’Or dans les mains et dans la tête. Elle a su séduire les amateurs de parfums par son si bel univers et son si bel esprit. Je ne pouvais pas passer par dessus cette fermeture sans lui rendre l’hommage qu’elle mérite amplement. Elle restera, dans ma vision de le parfumerie, l’une des plus talentueuses créatrices dont j’ai pu croiser le travail. Je garde précieusement les parfums que je possède encore sans m’interdire de les porter de temps à autre. Une telle oeuvre n’aurait jamais du devoir s’éteindre.
Les extraits de Bon Parfumeur
Je ne m’étais pas du tout penché sur les extraits de parfums sortis cette année par Bon Parfumeur pour deux raisons. La première est que la marque a tellement grandi que je n’arrive pas à suivre et la seconde est que tout le monde sort ses extraits cet automne. Je ne sais pas si j’y trouve un réel intérêt. En effet, la concentration la plus forte est sans doute intéressante pour certaines compositions mais pas forcément pour d’autres. J’ai donc attendu de tomber sur ces sept créations au BHV Marais lors de mon dernier séjour à Paris. Je les ai sentis sans en attendre grand-chose et j’ai quand même eu de belles surprises. En effet, sur les sept, j’en ai retenu quatre que j’ai bien aimé. Je vais essayer de vous donner envie d’aller les découvrir à votre tour via cette petite revue sans aune prétention.
Le premier vers lequel je me suis dirigé est « Iris Cartagena 502 » créé par Clément Marx et qui met en avant de belles matières premières. « Un dîner à deux, l’été, sous les étoiles. Les conversations touchent à leur fin. La nappe est tâchée et froissée. Café, rhum et chocolats sont servis. Un vent calme et chaud, une danse gourmande des effluves. Une tête liquoreuse et chaleureuse avec le rhum et le cacao. Un cœur doux et poudré avec l’iris, le santal et la vanille. Le vétiver et le papyrus donnent au fond une touche lambrissée relevée par le corsé du café ». Au premier abord, le côté liquoreux de l’envolée m’a fait penser à une liqueur de cacao et de rhum à peine rafraîchi par des notes de petitgrain mais, après une évolution quand même assez longue, le coeur poudré d’iris et de cèdre s’associe avec la facette laiteuse du santal et la douceur de la vanille. Curieusement, le parfum s’équilibre et devient très joli. De plus, le fond de vétiver et de café qui entourent l’accord un peu vert du papyrus fonctionne très bien. Il en résulte un parfum assez agréable, un rien original, avec une tenue et un sillage d’une rare intensité pour une création avec, à son centre, la note d’iris. Pour moi, toutefois, il est un peu trop boisé et un peu trop gourmand. Il arrive un peu à me déranger mais c’est personnel. Le côté un peu crémeux ressort et ce n’est pas ce que je préfère. Il n’empêche que « Iris Cartagena » est une jolie création, réussie et équilibrée, qui plaira immanquablement aux amateurs du genre.
« Le galbanum croquant agrippe la jacinthe crémeuse. Galop dans la steppe mongole. Prairie infinie aux nuances de vert. Sillage du galop, effluves de fleurs, terre odorante. Liberté ». Créé par Corinne Cachen, « Terra Hedera 104 » se situe quand même un peu plus dans mes goûts avec son départ très vert de galbanum, épicé de cardamome et arrondi par une note de lentique et une autre d’orange amère. Ensuite vient un coeur floral frais et aquatique de jacinthe et de jasmin avec quelques traces d’encens. Le fond de patchouli, qui tarde à venir, se corse avec un accord d’ambre et du vétiver. Certes, le froid ne donne pas envie de ce parfum mais il est vraiment réussi. Attention, son évolution s’avère vraiment très longue. Je le trouve assez difficile à saisir. Je dirais qu’il s’agit d’un floral vert et très dense. La tenue est très longue mais je n’ai pas vraiment pu mesurer le sillage. Je ne l’ai senti, sur un temps long certes, que sur touche et je pense qu’il mériterait d’être posé sur la peau. Je me sens très attiré par ce parfum. Je le réessayerai quand j’en aurai l’occasion et je pense que je pourrais vous en reparler. Il est déroutant et demande une découverte plus approfondie.
Créé par Mylène Alran, « Cuir Sahib 603 » peut séduire ceux que cette famille olfactive repousse un peu tant il est doux, rond et enveloppant. « Fève tonka et cuir, émanations d’encens. Prisonniers des murs du Temple d’Or en Inde. Les effluves de fumée circulent, se croisent et s’entremêlent. Atmosphère magnétique, silence profond ». Le départ d’encens, de noix de muscade, de citron et de feuille de violette est n peu déroutant mais il s’estompe assez vite pour faire face à un coeur tout doux, légèrement poudré et vanillé de fève tonka, de ciste, de sauge et de cyprès puis s’impose l’accord cuir, cashmeran, patchouli et cypriol. Le résultat est vraiment un cuir doux, blanc, presque suédine. Dans la lignée de « Cuir Blanc » d’Evody que je regrette beaucoup mais aussi peut-être un peu de « Cuir Velours » de Naomi Goodsir, « Cuir Sahib » est une valeur sûre et un parfum plein d’élégance un peu moderne. J’ai bien aimé cette création qui fait partie des belles découvertes que j’ai pu faire à Paris. Hélas, trois fois hélas, je ne le trouve pas qu’il soit assez original pour intégrer mon top 20 de 2024.
Mon coup de coeur est vraiment « Marbre Rouge 303 » composé par Sidonie Lancesseur. « Nuit de pleine lune dans les jardins du Taj Mahal. Épices sur le marbre glacé ; benjoin enveloppant. Végétation brûlante, astres brillants, palais de marbre illuminé. Les fleurs traversent les murs du palais ». Voilà un épicé à la fois bien réalisé, original et chic. Le départ de baies roses et de cardamome me plait déjà à la vaporisation mais c’est le coeur, vraiment magnifique de piment, d’ylang-ylang, de baume du Pérou et de patchouli, vient vite me séduire et mon convaincre. Je suis un peu moins fan du fond très balsamique de benjoin, de muscs et de vétiver mais l’ensemble est quand même absolument réussi il faut le dire. Sur ma peau, le sillage est assez imposant mais surtout la tenue est très longue. L’évolution est plus rapide que pour les parfums précédent. Je trouve, en outre, que la concentration est très adapté à la fragrance. « Marbre Rouge 303 » est vraiment mon coup de coeur de cette collection. Je pense que je pourrais tout à fait le porter. En tout cas, il m’a impressionné.
Globalement, je suis assez séduit par les extraits de parfums Bon Parfumeur. L’ensemble est vraiment qualitatif et les compositions s’avèrent plus originale que ce à quoi je m’attendais. Je n’en dis pas plus. J’espère vous donner envie et j’attends vos retours avec impatience. En plus, le prix est assez raisonnable par rapport à la qualité. Alors que demander de plus.
Séjour à Paris, découvertes et redécouvertes
Quelques jour à Paris m’ont permis de découvrir et redécouvrir des créations qui m’ont séduit, surpris ou parfois les deux, via un parcours parfumé dans les grands magasins ou les parfumeries indépendantes. D’accueils chaleureux en échanges enrichissants et très passionnants, je me suis fait plaisir et j’ai eu envie de vos faire un compte-rendu assez exhaustif de ce que j’ai retenu. Mon article est volontairement un peu long car je ne voulais absolument pas le scinder en deux. Il me fallait vous donner toutes mes impressions à la suite. Paris sera toujours Paris et je vous emmène avec moi.
J’ai toujours aimé « L’Amandière » créé par James Heeley pour sa marque éponyme en 2011. Il me semble que j’en ai d’ailleurs déjà parlé plusieurs fois. J’avais été déçu quand la marque avait décidé de supprimer l’extrait pour l’eau de parfum mais j’ai fini par m’y habituer. Mieux même, il me plait de plus en plus. C’est chez Nose, au bout de la rue Bachaumont, près de la rue Montmartre, que je l’ai redécouvert en le mettant sur ma peau. C’est une amande fraîche et qui nous emmène vers le soleil : « Un portrait du printemps Songe d’un verger d’antan au moment où la lumière matinale passe à travers les amandiers. Dans cet écrin verdoyant étourdi de rosée, c’est l’éclosion simultanée de milliers de fleurs … ». Le départ d’amande rafraîchie par des notes de menthe nous emmène sur un coeur de jacinthe, de fleur de tilleul et de rose avec presque un côté lilas et muguet que je trouve ultra facetté et vraiment très élégant. Le parfumeur nous entraine dans un jardin un peu désordonné, « à l’anglaise », avec de petites notes qui parsèment notre peau de plus en plus élégamment au fur et à mesure de l’évolution. Je suis très content d’avoir redécouvert ce parfum que je trouve vraiment super réussi et très agréable, un peu à la manière des parfums des années 70. Je me suis fait plaisir à le sentir sur ma peau et je pourrais tout à fait le porter.
« Cuir de Russie est une Eau de Parfum à la senteur subtile de violette et de cuir mêlée aux résines précieuses. Il est un memento des origines slaves de Yuri Gutsatz, fondateur du Jardin Retrouvé. Il a voulu par cette senteur recréer un souvenir d’enfant, celui des bottes de cuir de son père. Cette fragrance délicate et teintée d’émotion vous fera découvrir une nouvelle facette du Cuir de Russie ». Il y avait une éternité que je n’avais pas parlé de la maison Le Jardin Retrouvé, relancée par Michel Gutsatz et Clara Feder. La marque à fait son entrée à l’étage parfumerie du Printemps Haussmann et cela la rend évidemment plus accessible. C’est ainsi que j’ai redécouvert « Cuir de Russie » créé par Yuri Gutsatz en 1977 et, si je l’avais bien aimé au premier abord, il m’a peut-être encore plus séduit lors de ce séjour à Paris. La construction est ultra classique avec un départ légèrement aldéhydé de citron et de citron vert puis de petit-grain. Au coeur, le styrax est associé à la feuille de violette mais aussi le cèdre et l’ylang-ylang. C’est le fond qui va me surprendre. On y retrouve, bien évidemment la mousse de chêne mais elle est associée au vétiver, au bois de cade et au patchouli. Ici pas de trace de bouleau mais plutôt la force du ciste et la douceur du santal. Ce parfum, très complexe, s’inscrit dans la tradition des grands cuirs de Russie mais avec une touche presque psychédélique qui lui donne un twist super moderne. J’aime beaucoup « Cuir de Russie ». Je l’ai redécouvert avec un immense plaisir.

Je suis vraiment content de retrouver la maison Miller Harris qui avait un peu disparu en France ces dernières années. Outre « L’Air de Rien » qui est probablement l’un de mes parfums préférés de tous les temps, il y a beaucoup de créations que j’aime bien et que j’avais pu redécouvrir il y a quelques temps grâce à Jessica, qui lit ce blog depuis le début et avec qui j’échange beaucoup, « Étui Noir » créé en 2016 par Mathieu Nardin. C’est encore un cuir mais très différent du précédent. « Décrivant le cuir sous de multiples formes - des bottes vernies au daim doux, en passant par le parfum d'une veste en cuir bien portée, Étui Noir est tout cela et bien plus encore. Parfum de cuir captivant, l'effet du cuir semblable à du suède est adouci par la poudre d'iris, où la douceur balsamique de l'encens ajoute de la profondeur et procure une touche de fumée hypnotique, tandis que le vétiver ajoute une touche terreuse. À la fois exaltant et réconfortant, Étui Noir est un parfum de contraste ». Globalement, je le trouve très élégant et plutôt doux avec ce départ de bergamote, de tangerine et d’elemi qui nous emmène sur un coeur de beurre d’iris du Maroc, d’encens, de bois de cachemire et de styrax puis sur un très beau fond de patchouli, de vétiver et de cuir. « Étui Noir » est tout en finesse, en facettes. En le redécouvrant, je me suis dit que je pourrais vraiment me l’approprier. Il n’est pas du tout lourd et pourtant la tenue est plus que correcte. En tout cas, vraiment, c’est un parfum d’élégance qui est, pour moi, peut-être l’un de ceux que Mathieu Nardin a vraiment réussi en virtuose de la composition qu’il est.

J’étais vraiment très intrigué par ce que peut bien sentir un accord béton et j’ai voulu sentir « Osphalte » créé par Anne-Sophie Behaghel 2023 pour la marque Ohtop. Je l’ai eu entre les mains et j’avoue que je n’ai pas vraiment osé le poser sur ma peau. Je ne sens pas les notes de cistre, de gaïac, de muscs, de cashmeran, de fleur d’oranger, de labdnanum ou de patchouli mais simplement cette odeur de béton mouillé. C’est une sensation bien étrange et, si elle n’est pas désagréable, je me demande si j’aurais envie de le porter. Roméo Oh, le directeur artistique, le décrit ainsi : « Sensuel et attrayant comme une combinaison de cuir noir, tout près du corps tout en permettant le mouvement ». Je le trouve plus « béton » que réellement asphalte. Pourtant, voici ce qu’en dit la marque : « Inspiré par l’asphalte sous un soleil de plomb, Ohsphalte est construit comme un monolithe olfactif, combinant un accord béton à des touches de fleurs, de bois et de cuir. Conceptuel, audacieux et accrocheur ». Très franchement, comme première approche de la marque, ce parfum m’a laissé un peu dubitatif. Ne serait-il pas tout de même trop étrange pour moi ?

« Que vous vous promeniez dans un marché de rue à New Delhi, que vous méditiez dans un temple à Goa ou que vous assistiez une cérémonie dans un palais du Maharaja au Sri Lanka, vous ne trouverez jamais les mots justes pour décrire l'atmosphère magique de l'Inde dans son intégralité. Isvaraya signifie “Divin" dans la langue hindi. Pour Indult, ceci est une allégorie olfactive de la riche palette de toutes les facettes culturelles uniques de l'Inde. C’est un parfum exécuté à la perfection qui combine le patchouli terreux avec l'audace et la pureté des notes de fleurs de Jasmin Sambac et une touche moderne de notes suaves de prunes indiennes. Isvaraya pour nous est une harmonie exquise entre la légende spirituelle du dieu indien Vishnu et les contes de fées de Bollywood. C'est une fête olfactive pleine de couleurs ». Sur le papier, « Isvaraya » créé par Francis Kurkdjian pour Indult en 2006 a tout pour me plaire et c’est vrai que le premier nez a été un coup de coeur. Un départ addictif de prune, un coeur tout en finesse de jasmin et un fond chypré de patchouli, mousse de chêne et vétiver, associé à des notes de datte, de labdanum, de cuir, d’ambre et de résine d’élémi lui donnent un côté très intemporel. Pourrais-je le porter où non. Il me plait mais ce n’est pas un coup de coeur même s’il coche toutes les cases… Je vais le réessayer nous verrons s’il me plait toujours autant.

Il faut vraiment que je me penche sur la maison Musicology. J’ai découvert « I Belong To U » créé par Nathalie Lorson en 2020 et j’ai vraiment accroché. La créatrice en exprime ainsi l’inspiration : « Pour un air plus rock j’ai choisi de travailler en cœur, un bouquet de fleurs blanches qui donne le tempo. Je l’ai enrichi d’ambre et de patchouli pour donner du rythme et le poivre rose donne le La en tête ». Je trouve que c’est assez bien résumé car si la structure du parfum est assez classique du floral, le rendu est très moderne voire vraiment contemporain, en tout cas sur moi. Alors certes, ce parfum réuni un « mélange » que j’aime avec son départ d’ylang-ylang et de poivre rose, son coeur de gardénia et de tubéreuse et son fond de baume du Pérou et de patchouli mais le résultat est encore différent de ce que j’ai pu porter jusqu’alors. D’aucuns diraient qu’il est plutôt féminin mais je ne trouve pas. Pour moi, il s’avère vraiment très androgyne. En tout cas, il me plait, je pourrais tout à fait me l’approprier. Il m’évoque peut-être un peu plus le printemps mais c’est à voir. En tout cas, il est, pour moi, une entrée en matière dans la marque qui promet.

« Une vanille poudrée mariée au laurier et à une note de cerise noire. Un parfum enchanteur ». Je remercie vraiment chaleureusement Josquin de chez Jovoy de m’avoir fait découvrir « Café Chantant » créé par Mathieu Nardin en 2013 pour Nobile 1942. Pour aborder la marque, je me suis d’abord dirigé vers « Casta Diva » mais je l’ai vite oublié lorsque j’ai senti ce parfum amandé, enveloppant. Pour moi, il est sans doute l’un des plus réussis du genre. C’est un cocon enveloppant, élégant et vraiment la pyramide est trompeuse. Le départ de cerise est contrebalancé par des notes d’anis et de laurier qui annihilent le côté liquoreux puis vient un coeur amandé et ultra poudré d’héliotrope et d’iris avant que le parfum ne se pose sur un fond de vanille, de muscs blancs, de patchouli qui le fait tenir et de benjoin. Vraiment le résultat est formidable. « Café Chantant » est absolument magnifique et parfaitement équilibré. Pour ce qui est des effluves d’amandes, j’en étais un peu resté à « Louve » créé par Christopher Sheldrake pour Serge Lutens et à « Pure Eve » composé par Céline Ellena pour The Different Company et celui-ci vient les rejoindre vraiment très naturellement. En plus, le prix est assez raisonnable donc que demander de plus !

J’avais déjà pas mal réessayé « Levant » d’Ormonde Jayne sorti en 2020 car j’en avais des échantillons et vraiment je l’aime beaucoup. Le passage chez Jovoy m’a permis de me conforter dans cette idée. Il est vraiment facile à aborder pour moi. Cette maison anglaise me plait décidément beaucoup et, en particulier, la collection La Route de la Soie. « Un flacon de bonheur ! L’innocente note de pivoine rencontre la note chantante de lys, une guirlande de fleur d’oranger et un puissant jasmin pour une création éclatante, séductrice et pleine de joie ! ». La pyramide est simple avec un départ très fruité de mandarine et de bergamote associées à une rose qui lui donne son originalité et nous conduit sur très naturellement sur l’accord muguet du coeur qui est renforcé par des notes de jasmin, de pivoine et de fleur d’oranger. Le parfum est un modèle d’équilibre et le fond ambré et musqué soutenu par le cèdre complète parfaitement cette pyramide qui semble intemporelle et presque classique. Je trouve que l’on peut porter « Levant » toute l’année et en toute occasion. Il peut devenir une signature sans aucun problème. La bizarrerie réside dans sa contenance. Il est vendu actuellement dans un flacon de 88 ml. Étonnant mais pourquoi pas ?

Je connaissais déjà « Art Nouveau » créé par Marc Daniel Heimgartner pour Plume Impression en 2021 grâce à Jessica qui vient sur ce blog depuis le début mais, encore une fois, je remercie Josquin de chez Jovoy de me l’avoir remis en mémoire car c’est un petit bijou. Le moins que l’on puisse dire c‘est qu’il me correspond avec son très beau départ d’osmanthus, de magnolia, de cassis et de pivoine, son coeur duveteux de pêche, de jasmin et de rose dans lequel l’osmanthus et son côté cuir et abricot perdure. Le fond de muscs blancs, de santal, de patchouli, de vétiver et d’ambre lui confère un côté presque chypré que j’aime particulièrement. Voilà encore un parfum que je pourrais porter. « Le mariage parfait entre les fleurs blanches et des notes boisées crémeuses. Un parfum pétillant conçu spécialement pour les femmes sophistiquées ». Sur moi, il est vraiment plus pétillant que crémeux et le côté légèrement daim se fait tout doux et enveloppant. C’est une petite merveille. Je pense que j’y viendrai un jour.

Un coup de métro et nous voici chez Sens Unique dans le Marais où nous avons étés très bien accueilli par Lou que je ne connaissais pas encore tout à fait. C’est avec compétence et réactivité qu’il m’a fait redécouvrir « Terrasse à Saint-Germain » créé par Dorothée Piot Jul et Mad en 2012 et, franchement, il a fait mouche car ce parfum va sans doute intégrer une wishlist qui n’est, heureusement, pas trop importante en ce moment. « Un parfum aussi élégant que sophistiqué. Dès la première note, une fraîcheur verte et pétillante de pamplemousse et de rhubarbe éveille les sens, rapidement soutenue par un accord floral et subtil de frésia, de fleurs de lotus et de rose, apportant au parfum une sensualité inouïe, tout en douceur. La puissance du musc ne se fait pas attendre et vient s'accorder au précieux santal et à l'envoûtant patchouli en une parfaite symbiose… ». J’ai toujours bien aimé ce parfum mais je n’avais pas vraiment eu l’idée de l’essayer hors, sur ma peau, il matche parfaitement. Le départ doux amer de pamplemousse et de mandarine se fait pétillant avec la rhubarbe puis vient ce coeur de rose, légèrement poudré et rendu à la fois floral et aquatique avec la fleur de lotus et le freesia puis le parfum se pose sur un fond de santal pas trop lacté et équilibré par des notes de muscs blancs et de santal. J’ai un vrai coup de coeur pour ce parfum. Il est si élégant qu’il m’évoque vraiment le printemps près du jardin du Luxembourg que je connais si bien.

Je tourne autour de « Chypre Palatin » créé par Bertrand Duchaufour pour MDCI en 2006 depuis longtemps mais, je dois le dire, son prix me fait un peu hésiter parce qu’il est fort sophistiqué et que je ne sais pas si je le porterai régulièrement. La pyramide est d’une très grande complexité et il est l’exemple du néo-chypré par excellence. Il s’ouvre sur des notes de galbanum, de lavande, d’aldéhydes, de clémentine, de jacinthe, de thym et de ciste puis le coeur de prune se pare d’un bouquet d’iris, de gardénia, de jasmin et de rose avant de se poser sur un fond de baumes, d’immortelle, de styrax, de benjoin, de castoréum, de mousse de chêne et même de vanille. Le résultat est dense, très étonnant et, il faut le dire, vraiment élégant. On ne va pas se mentir, il me plait beaucoup et, comme souvent, le travail de Bertrand Duchaufour me plait beaucoup car il est toujours magnifiquement signé. Chez MDCI, j’aime bien « Enlèvement au Sérail » mais je suis encore plus attiré par « Chypre Palatin ». Je ne sais pas si je franchirai le pas un jour mais il est vrai que j’y pense… j’y pense… j’y pense…

Pour finir, je voulais revenir sur une nouveauté. Vraiment, et contre toute attente, je suis très attiré par « Pavlova » créé cette année, en 2024 par Patricia de Nicolaï pour sa maison Nicolaï Parfumeur Créateur. « Fragrance audacieuse et innovante, inspirée par la légèreté et la délicatesse du célèbre dessert du même nom, Pavlova est une célébration de la douceur et de la fraîcheur, évoquant la grâce d’une danse entre des saveurs sucrées et acidulées. L’ouverture théâtrale de Pavlova est une invitation à la découverte, avec une note gourmande acidulée, une effervescence pétillante d’ananas, de fruit de la Passion et de coco, créant une sensation d’exotisme assumée. On découvre aussi une note framboise, dont les nuances riches et fruitées apportent une profondeur surprenante. Cette baie rouge, à la fois sucrée et légèrement amère, ajoute une complexité fascinante, équilibrant la légèreté des autres notes fruitées telles que la pêche. Pavlova est un parfum renforcé d’une combinaison de notes boisées, cèdre, santal offrant un contraste rassurant aux notes fruitées et légères. La vanille et le musc s’entrelacent harmonieusement pour signer cette composition originale rappelant la meringue fondante et aérienne de la Pavlova. Expérience sensorielle pétillante qui évoque la joie, la jeunesse et la liberté, Pavlova est un clin d’œil à la créativité sans limites de la parfumerie ». Voilà au moins un gourmand qui « a de la gueule » ! Patricia de Nicolaï renouvelle le genre avec cette pâtisserie portable si je puis dire. Le départ d’ananas donne le ton en s’associant aux fruits de la passion et à une note de rhum puis, le coeur de pêche et de coco, très tendre me provoque quelque chose qui se s’apparente à de l’addiction. Le soutien du fond de cèdre et de santal ne nuit en rien à la beauté réjouissante de la fragrance et se termine avec un côté musqué et vanillé qui correspond parfaitement à l’esprit de la création. C’est un parfum que je veux absolument réessayer au printemps.

Voilà, j’ai senti plein de choses à Paris mais il me fallait bien faire un choix. J’ai suivi mon humeur du moment et me suis dit que je pourrais vous emmener faire le tour des parfumerie. L’article est un peu long alors je m’arrête là mais j’espère qu’il vous donnera des envie d’essais.
Domitille Michalon Bertier, une sacrée expérience au service de la parfumerie
Avec plus de 20 ans d’expérience notamment au sein de la maison de composition IFF, Domitille Michalon Bertier a réalisé nombre de parfums que nous connaissons. Il y avait longtemps que je voulais me pencher d’un peu plus près sur son travail car je trouve sa signature très intéressante que ce soit dans des collaborations pour des marques grand public autant que pour des maisons plus voire très confidentielles. Son talent et son expertise valait bien un petit portrait parfumé. Je suis donc allé me promener dans quelques univers que je voulais découvrir et redécouvrir. Avec ce petit compte-rendu, je vous emmène avec moi dans des créations diverses, variées et très inspirées qui m’ont beaucoup plu.
« Eau Tropicale » créé en 2014 pour Sisley est le parfum de Domitille Michalon Bertier que j’ai le plus essayé et je pense que je l’aimerai toujours. « Accompagnés d’un accord de fleurs exotiques, le gingembre et la bergamote offrent un départ frais et fusant à la fragrance. Le cœur dévoile une tubéreuse adoucie de violette et de rose turque. Enfin, le sillage boisé allie le cèdre au patchouli. La graine d’ambrette apporte une touche musquée au parfum ». Il y a tout ce que j’aime dans cette création : Une envolée de gingembre, de bergamote, de fleur de frangipanier, d’hibiscus et de passiflore déjà superbement attractive vous emmène sur un coeur à la fois floral et légèrement boisé avec des notes de tubéreuse, de rose et de feuille de violette. Pour accentuer le côté exotique, le fond de cèdre associé à la graine d’ambrette et le patchouli. Certes, pour une eau d’été, le prix était un peu élevé mais je l’ai vraiment beaucoup aimée. Aujourd’hui, je crois que la marque a changé le nom et sans doute un peu la formule et « L’Eau Tropicale » est devenue « L’Eau Rêvée d’Elyia ». Je suis allé le redécouvrir et le plaisir est toujours là même si j’ai noté quelques différences. En tout cas, je me suis fait plaisir à y remettre mon nez.
Créé en 2019 pour la collection Clash - Série 10 de Comme Des Garçons « Celluloïd Galbanum » ne pouvait que me plaire. « L'association du celluloïd et du galbanum est par essence contradictoire. Issus des domaines opposés de la technologie et de la nature, le plastique et la résine convergent dans la création d'un arôme entièrement nouveau ». Je dirai que ce parfum est plutôt masculin mais je pense qu’il peut plaire à des femmes avec son départ fusant très vert de galbanum et de citron vif et pétillant associés à un accord très synthétique de celluloïd qui provoque, c’est vrai, un côté plastique adouci par un coeur de jasmin et de muscs blancs très propres. Le fond d’ambre et de cashmeran se fait très enveloppant et contrebalance le côté très vert et fusant. J’ai bien aimé ce parfum. J’ai pu en négocier un échantillon mais, apparemment, il est discontinué tout du moins pour le moment.

Le parfum que j’ai préféré de cette sélection est indéniablement « Un Deux Trois Soleil » créé par Domitille Michalon Bertier en 2020 pour la très jolie maison Bastille. « Un Deux Trois Soleil évoque la chaleur rayonnante d’une après-midi d’enfance. Amande, vanille, fleur d’héliotrope et benjoin vous rappelleront des senteurs familières – celle des vacances, d’un goûter gourmand chipé en douce… Un parfum espiègle, que vous aurez sur le bout de la langue ». J’aime beaucoup l’envolée très « joyeuse » de bergamote, de poivre rose et pamplemousse qui évolue vers un coeur absolument addictif d’amande amère et d’héliotrope parsemé de traces d’encens. Le fond, très rond et poudré de vanille, de fève tonka et de benjoin qui reste très longtemps sur la peau. J’ai vraiment aimé ce cocon estival et réjouissant. En tout cas, c’est un parfum parfait pour toutes les situations et il se fait vraiment seconde peau au fur et à mesure qu’avance la journée. Je pourrais tout à fait le porter et je me dis qu’il faut que je le réessaye en hiver pour voir s’il me donne toujours autant la pêche.
Créé par Paul Vacher pour Le Galion en 1948, « Lily of The Valley » a été réinterprété par Domitille Michalon Bertier en 2020. « A l’instar des fameuses désespoir du peintre, on aurait pu la nommer désespoir du parfumeur : le muguet. Fleur gracile, synonyme de fraîcheur et de naturalité, d’apparence innocente elle est pourtant rétive à la culture et à l’extraction et, depuis plus d’un siècle, met les parfumeurs au défi de recréer son insaisissable parfum. Défi relevé en 1948 par Paul Vacher, et transcendé aujourd’hui par l’art de Domitille Michalon-Bertier. Le coup de maître ! Un muguet 2020 recomposé pour une beauté sans artifices. Une transfiguration du muguet, floral vert et vertigineux ». C’est un solinote ou presque avec un départ de muguet, un coeur de rose et un fond d’ambroxan. Certes, il est vraiment printanier mais c’est un muguet frais et pourtant un peu enveloppant presque à l’anglaise. Je ne peux pas dire que je pourrais le porter car il revêt un côté complètement floral et un peu vintage mais j’adore le sentir. En tout cas, j’ai un vrai coup de coeur pour son évolution d’un point de vue réalisation. Il est un peu discret dans la collection mais il faut le découvrir absolument.

J’ai particulièrement pris du plaisir à remettre mon nez dans ces trois créations. Domitille Michalon Bertier est une créatrice dont j’aime beaucoup la signature faussement classique. Pas mal de belles choses dans ses créations sont à découvrir et redécouvrir mais je me suis rendu compte que j’avais un vrai coup de coeur pour « Un Deux Trois Soleil ». Je l’avais bien aimé mais j’étais bloqué sur « Pleine Lune » que j’ai porté alors je l’avais un peu oublié. En tout cas, c’est un beau travail à découvrir ou redécouvrir.
Le tilleul, un cocon suave et floral
* Article enrichi
Je trouve que, depuis un an ou deux, la note de tilleul revient en force en parfumerie. Bien sûr, on connaissait « L’Eau du Ciel » d’Annick Goutal ou encore « Tilleul » de Parfums d’Orsay qui a été réédité sous un autre nom dans la nouvelle collection mais, il en est d’autres qui viennent titiller notre nez avec la douceur suave de cette fleur à la fois verte et poudrée. Le tilleul comme thème d’une revue, voilà qui m’a inspiré. On aime où on est rebutés par le côté apaisant, presque langoureux de cette note. J’ai donc décidé d’explorer la note de tilleul et de choisir quatre parfums emblématiques dans lesquels elle est travaillée en majeur. Je dois dire que je me suis appliqué et que j’ai porté sur une journée au moins chacune de ces créations. Je me suis fait plaisir mais j’ai aussi eu un peu la tête qui tournait. Je ne suis pas sûr que le tilleul soit pour moi mais j’aime bien l’idée alors je vous emmène sur les traces de cette petite fleur jaune et poudrez. Vous m’en direz des nouvelles.
Depuis quelques années, les créations d’Olivia Giacobetti se font rares et je le regrette d’autant plus que j’ai toujours aimé sa signature. Lorsque, en 2020, la nouvelle direction de la maison D’Orsay lui a demandé de réinterpréter le tilleul qu’elle avait créé pour l’ancienne collection en 2015, elle a accepté et ainsi est né « Vouloir Être Ailleurs C.G. » dont je vous ai parlé déjà dans mon top de la marque. Je ne pouvais pourtant pas écrire une revue sur la note de tilleul sans y revenir car il s’agit-là d’une très belle réussite. J’ai eu l’occasion de le redécouvrir récemment et, comme toujours, j’ai été très enchanté par le talent d’Olivia Giacobetti. « C.G - Vouloir être ailleurs, ou se plonger dans les souvenirs d'une enfance bercée par une fragile insouciance. Un été passé à la campagne où les odeurs de fleurs de citronniers, de cire d’abeille et de foin coupé s'entremêlent. Une légère brise florale et verte, aux effluves d’amande et d’acacia, soulève quelques mèches de cheveux. Puis se reposer dans un coin, à l’ombre, sous un tilleul. Un rayon de soleil vient illuminer ce souvenir estival, cette époque douce et facile, dégageant comme une chaude fin d’après-midi les essences de tonka, de vanille et d’héliotrope. Une parenthèse lumineuse signée Olivia Giacobetti, où les beaux jours évoquent un amour naissant, encore imperceptible ». Floral, vert et pourtant amandé, c’est un parfum qui se rapproche énormément du « Tilleul » d’Orsay que je connaissais avec une envolée de fleur de citronnier, d’amande et d’angélique, un coeur de tilleul et un fond d’acacia, de cire d’abeille, d’héliotrope, de fève tonka, de vanille et d’un accord foin. Il en résulte un parfum soit printanier soit un jardin en fleurs tardives du mois de septembre. J’aime beaucoup cette composition toute en douceur, toute suave qui va, avec une profusion de facettes, nous envelopper de confort comme un cocon bienfaisant. La note de tilleul se veut, dans cette création, apaisante et contrebalance le côté vert et « croquant » de l’angélique. C’est une très belle réalisation, facile à porter et très réussie.
« En été, les effluves des jardins de Highgrove s’élèvent de la terre chauffée par le soleil. Les notes herbacées se mêlent au tilleul argenté, au mimosa et au cèdre frais. Une eau de parfum créée en collaboration avec les jardins de Highgrove ». Charles n’était pas encore Charles II roi d’Angleterre mais simplement le Prince de Galles et il a décidé, afin d’aider sa fondation dont les ramifications écologiques et humanitaires sont nombreuse de participer, pour Penhaligon’s à l’élaboration d’un parfum dont l’inspiration serait le jardin du palais de Highgrove qu’il affectionne particulièrement. La marque a donc demandé à la parfumeuse Julie Pluchet de se pencher sur un projet qui sortirait en 2022. Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agit d’une réussite. Le tilleul, présent dès l’envolée, se charge de notes vertes de petit grain de citron vert ainsi que de mimosas au coeur et le fond se fait boisé, avec des notes de cèdre, mais aussi de muscs blancs. Pour moi, « Highrove Bouquet » est la quintessence de l’élégance un peu champêtre des provinces les plus douces du Royaume Unis. Ce n’est pas un parfum clivant mais simplement une réalisation toute de beauté, de matières premières qualitatives et de chic à l’anglaise. À sa sortie, j’avais eu un vrai coup de coeur pour ce parfum et je l’avais fait figurer en bonne place dans mon top. Deux ans plus tard, il me plait toujours autant. Il devait être éphémère et, finalement, il a intégré la collection classique de la marque. Je ne peux que m’en réjouir.
Composé par Quentin Bisch et sorti en 2020 dans la très belle maison « Le Galion », « Tilleul » est également un faux solinote qui s’avère encore plus doux que les précédents. « Hommage aux grands arbres qui ornaient le jardin de l’hôtel particulier du Galion, et à cet arbre de liberté et d’amour, avec ses feuilles en forme de cœur, le tilleul est symbolique de Paris et nombre d’entre eux y sont plantés. Quentin Bisch fasciné par la floraison en Juin de cet arbre magnifique lui rend hommage avec cette nouvelle création pour la Maison Le Galion. Odeur charnelle, omniprésente et impalpable à la fois. Celle d’une nuit d’été ou la fleur miellée du tilleul argenté, troublant par son charme et sa sensualité, étend son sillage vaporeux à travers les rues de la capitale. Une nouvelle création révélant la magie sensuelle de cet accord, révélée par des notes d’ambroxan et de muscs subtils et lumineux ». Un départ donc de tilleul, enrichi d’un coeur de miel et qui se poserait sur un fond d’ambroxan et de musc, ce parfum offre une tenue longue et parfaite. Je ne peux pas dire que j’ai complètement adhéré. Je le trouve un peu trop abstrait, pas assez cocon, pas assez enveloppant ce qui ne l’empêche nullement d’offrir à celle ou celui qui le porte, une certaine élégance.
Je ne pouvais pas parler de tilleul sans revenir sur « Tilia », le tout nouvel opus de la collection de Marc-Antoine Barrois également composé par Quentin Bisch et dont le succès est grandissant. Présenté plus comme un floral boisé, il constitue sur la peau non seulement un cocon mais une espèce de voile un peu hermétique qui vous enveloppe totalement. « Un Été infini, à l'image des bonheurs gravés à jamais dans les cœurs : Son parfum envoûtant capture l'essence de la plus belle des saisons : Tilleul, genêt, jasmin, héliotrope et fleur d'oranger se mêlent dans une symphonie olfactive solaire et joyeuse. Un cœur fleuri boisé laisse un sillage délicat et exaltant. Souvenirs de vacances, longs déjeuners entre amis et champs de fleurs s'épanouissent dans chaque goutte. Symboles de douceur, d'optimisme et d’insouciance ». Au départ, le tilleul ne se fait pas trop doux car il est renforcé par l’amertume du genêt et l’opulence fleurie du jasmin sambac puis vient un coeur de vétiver, pour le côté boisé, d’héliotrope, qui lui donne cette facette amandée et de fleur d’oranger puis le parfum se pose sur un accord de cèdre et d’autres bois ainsi que d’ambre gris. Comme une liqueur précieuse, « Tilia » est une mise en avant de la note de tilleul renforcée et poudrée par le côté amandé de l’héliotrope. Sur le papier, il ne peux que me plaire et c’est vrai que je le trouve absolument réussi mais il a, pour moi, les défauts de ses qualités : sa tenue et son sillage sont presque trop présents pour moi. Ils sont atomiques ! Il ne faudrait porter que cela. Ça m’aurait un peu refroidi si j’ose dire même si je trouve cette composition, au demeurant très romantique, vraiment formidablement réalisée.
Ronde, poudrée, parfois un peu amandée, parfois plus fraîche, la note de tilleul est vraiment très particulière. J’aime à la sentir mais je ne suis pas du tout certain que je pourrais porter un parfum dans lequel elle serait travaillée complètement en majeur voire en solinote. Je me suis vraiment amusé à approfondir mon idée en portant chacun de ces parfums durant un ou deux jours mais, vous le voyez, je ne suis pas complètement convaincu. C’est une affaire de goût. Je suis peut-être un peu nostalgique de « L’Eau du Ciel »… Mon préféré dans la sélection est « Highrove Bouquet » que je trouve d’une élégance absolue et d’un parfait équilibre. Il y a du grain à moudre et de quoi manger si j’ose paraphraser la chanteuse Juliette, avec la note de tilleul. N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.
Patchoulis que j'aime
Je me rends compte que j’aime de plus en plus le patchouli travaillé en majeur dans les parfums. En ce moment, je porte pas mal « Patchouli Mania » créé par Fabrice Pellegrin pour Essential Parfums et « Dance of the Dawn » composé par Émilie Coppermann pour The Different Company mais qu’en est-il de ceux qui ont formé mon goût ? J’ai décidé de vous faire une petite sélection de de parfums dans lesquels cette matière première emblématique est mise en lumière. J’en ai choisi cinq car j’avais un peu de mal à me décider. Alors je vous emmène avec moi faire un détour par de très belles créations, tendres ou plus âpres, certains évoquant un peu le flower power ou le psychédélique et d’autres, plus chics, qui ont leur place dans une certaine élégance. Il y en aura pour tous les goûts et pour tous les budgets. J’espère, une fois encore, vous donner envie d’aller découvrir ces parfums et peut-être de vous y lover.
« Lorsque le vent souffle, les feuilles de patchouli bruissent d’un doux son, libérant un parfum enivrant à la fois boisé, terreux et sec aux accents fumés. Le somptueux Patchouli Sauvage représente la liberté de la nature ». Lancé par Houbigant dans la Collection Orientale et créé par Antoine Lie et Luca Maffei, « Patchouli Sauvage » me plait beaucoup. Je le classerai vraiment dans la catégorie des élégants et nuancés. Après un départ très doux de bergamote et de raisin, le coeur de patchouli revêt une certaine chaleur avec des traces de fruits secs et de labdanum. Le fond est ambré et résolument discret, légèrement poudré et presque vanillé par la fève tonka et les notes de bois de santal, de vétiver et de cèdre lui assurent un très bel équilibre. J’ai porté ce parfum tout récent à sa sortie et il est devenu mon préféré de cette collection androgyne. Je le trouve chic et facile à s’approprier. Parfois, on ne demande rien de plus. En tout cas, il y a quelque chose de très addictif à le sentir sur la peau. On en parle peu mais je crois qu’il faut vraiment l’essayer.
Avec son départ de citron et de poivre noir, son coeur subtil de patchouli cultivé d’une manière bien particulière associé au cacao poudré et à la chaleur du bois de santal et ses notes de fond délicate de vanille, de labdanum et de musc, « Patchouli Nosy Be », créé par Gian Luca Perris en 2014 pour la Black Collection de sa maison Perris Monte Carlo, est sûrement l’un des parfums les plus qualitatifs de ma sélection. « Situé au plus profond des tropiques malgaches, le Patchouli Nosy Be est l’équilibre parfait entre tradition et révolution. Ce parfum est le mariage parfait entre les notes florales et boisées, chacune se superposant parfaitement pour créer ce rêve aromatique ». L’invitation au voyage se situe là. Ce parfum, tout en nuances, nous emmène dans des îles de l’autre côté du globe. Je le trouve à la fois ethnique et élégant. Je l’ai pas mal porté et, il faut bien le dire, je le trouve absolument réussi. Il n’est peut-être pas celui que je m’approprie le plus facilement mais je l’aime vraiment beaucoup. Ses qualités, sa longévité et sa finesse me ravissent. Attention, il faut vraiment sentir l’eau de parfum et l’extrait avant de faire un choix car le travail, légèrement différent, peut correspondre plus ou moins à nos goûts. J’aime les deux mais j’ai une préférence pour l’eau de parfum sur cette création.

Avec un départ vraiment très réussi de petitgrain, de gingembre et d’orange amère, « Patchouli » de Fragonard m’a immédiatement accroché. Son coeur, très classique de patchouli, de carvi et de rose met en valeur des facettes douces amères et légèrement poudrées puis le fond de cèdre, consensuel, s’adoucis de muscs blancs et de fève tonka lui confère une tenue très correcte en dépit d’une concentration eau de toilette. La marque le décrit ainsi. « La distillation des feuilles de patchouli nous livre un parfum boisé agrémenté en tête d'orange amère, de gingembre et de petit grain du Paraguay. Il révèle un coeur parfumé de rose, relevé de carvi soutenu de musc et de fève de tonka ». Il y a longtemps, on avait eu la bonne idée de me l’offrir et je l’ai énormément porté. Son rapport qualité-prix est vraiment plus qu’attractif car, il faut le dire, le sillage et la tenue sont tout à fait satisfaisant et il plaisait beaucoup autour de moi. « Patchouli » semble classique et épuré mais il fait vraiment bien l’affaire. C’est une option tout à fait intéressante lorsque l’on veut un parfum très patchouli, pas trop onéreux et élégant.

« La thématique de cette faune et de cette flore mystérieuse et secrète, qui éclot la nuit à l’abris des regards m’a particulièrement inspirée. Il s’agissait de transposer en parfums cette beauté étrange et envoûtante », telle a été l’inspiration de Daphné Bugey lorsqu’elle a composé « Obscuratio 25 », en 2021 pour la collection La Botanique de L’Artisan Parfumeur. On ne va pas se mentir, il s’agit-là du parfum vers lequel va ma préférence dans cette sélection. Je l’aime depuis que je l’ai découvert en avant-première quelques mois avant sa sortie. Je le trouve vraiment fait pour moi. « Nommé 25 pour autant de tentatives pour l'achever. Sur l'île de Nosy Be à Madagascar, l'ylang ylang est une lumière irrésistible. Les pétales de cette petite fleur deviennent encore plus enivrants lorsqu'ils sont associés à la vanille bourbon, tandis que des effluves sombres de patchouli suggèrent un sentiment de danger ». Exotique, à mi-chemin entre chypre et parfum ambré vanillé et comme son nom ne l’indique pas, « Obscuratio 25 » est une vraie réussite. La subtilité, les nuances et la richesse de cette composition ne cessent de me plaire. La marque ne communique pas vraiment sur la pyramide olfactive mais l’association de trois notes que sont l’ylang-ylang, le patchouli et la vanille en sont la colonne vertébrale. J’aime vraiment beaucoup ce parfum. Son sillage se fait finalement discret, sa tenue est excellente et son évolution particulièrement adaptée à ma peau. Ce parfum-là, je l’aime et je crois que je n’ai pas fini de le porter.
Compte-tenu de mes goûts, il m’était difficile de ne pas terminer ma sélection par un chypre. Créé par Bertrand Duchaufour en 2018 pour Maison Rebatchi, « Feu Patchouli » est, à mon sens, et n’ayons pas peur des mots, un chef-d’oeuvre encore méconnu de la parfumerie. Il me trouble, m’enveloppe, me séduit toujours et encore. Sa structure classique est remise au goût du jour par un parfumeur de grand talent, virtuose et particulièrement lyrique, si on peut dire, dans le choix des combinaisons de notes. « Un bois puissant mâtiné d’effluves chyprées où le patchouli domine. Une symphonie magnifique tout en vibration dans laquelle les épices girofle, cannelle, poivre noir, baie rose sonnent comme des cuivres éclatants. Le parfum est riche, dense, intense, sombre et aussi mystérieux qu’enivrant ». Les matières premières naturelles de ce parfum sont non seulement nombreuses mais qualitatives. En tête, on retrouve une très tendre orange du Brésil rehaussé de cédrat et de bergamote puis des poivres, noirs et roses, un absolu de cassis et le tout associé à des aldéhydes. Le coeur est résolument chypré avec l’oeillet et la fleur de davana associé, et c’est ce qui est moderne, à la cannelle et au clou de girofle pour un côté épicé qui perdure en s’associant au fond de patchouli de Célèbes, un absolu de myrrhe et de labdanum, des notes de vanilles, de muscs, de bois flottés et, bien sûr de mousse de chêne. Une note de caramel, très discrète mais addictive vient arrondir le parfum. Je l’aime vraiment beaucoup. Ce n’est pas un beau parfum, c’est un grand parfum ! Le prix est raisonnable et, vraiment, il faut le poser sur la peau pour vraiment le ressentir. Avec « Feu Patchouli », Bertrand Duchaufour a réussi un chypre très moderne construit comme un classique. Un tour de de force !
Voilà, ma sélection est terminées. Outre les deux parfums que j’ai cité en introduction, j’ai hésité à intégrer « Patchouli Paris » créé par Delphine Jelk cette année pour la collection L’Art et La Matière de Guerlain car je le trouve magnifique mais la tenue, en tout cas sur moi, est vraiment limitée, alors j’ai préféré faire l’impasse. En tout cas, j’ai pris beaucoup de plaisir à me plonger dans ces créations que je connais bien et que j’aime car elles ont construit mon goût pour le patchouli.
"Panthea" et "Panthea Iris", blanc et blanc !
« Panthea représente la déesse perse de toutes choses. Un être pur qui a inspiré Stéphane Humbert Lucas pour créer un parfum blanc à base de matières premières blanches ». « Panthea » et « Panthea Iris » créés respectivement en 2017 et 2019 par Stéphane Humbert Lucas pour sa collection 777 occupent une part un peu exceptionnelle dans la marque car nous sommes très loin de l’ambiance un peu orientale et de cette aura entourent la maison et cette série. Ce sont deux parfums un peu « translucides », je ne sais pas comment le dire autrement. Ils viennent de faire leur apparition à Lyon et je dois dire que je suis plutôt convaincu par leur qualité et l’élégance toute en douceur de la création. Je les ai essayés et j’avais envie de vous faire un retour même si je pense qu’ils plairont peut-être plus aux femmes qu’aux hommes… quoi que…
Avec un très joli départ, tout en légèreté, de bergamote, de baies roses mais surtout de thé blanc très ciselé, un coeur d’iris, de jasmin et de violette puis un fond de fève tonka et de santal enveloppés par des muscs blancs d’une très belle qualité, « Panthea » (l’original) est vraiment un floral poudré comme je les aime. Il est un peu lacté, pas trop, mais surtout le côté poudré à la fois de l’iris et des muscs blancs associé à la rondeur de la fève tonka m’a beaucoup séduit. « Tel un bain de lait Cléopâtre, le parfum est délicieusement crémeux et savonneux avec des notes de bois de santal, de musc blanc et d’iris. L'impression de blancheur est sublimée par un délicat Jasmin et un subtil Thé Blanc. Un parfum pour les anges et les déesses qui marchent parmi nous, ou ceux qui brillent simplement d'une aura de pureté ». Le côté vraiment très éthéré de la fragrance contrebalance très très finement les notes lactées voire crémeuses et l’équilibre se fait parfaitement sur ma peau. Jamais il n’est top rond pas plus qu’il ne m’écoeure comme un « Piano Santal » ou un « Blanche Bête ». Je trouve ce parfum, tel l’équilibriste, ne tombe jamais d’un côté ou de l’autre du fil. Clairement, je pourrais le porter. Il est séduisant, élégant et vraiment très agréable sur ma peau tout en gardant ce qu’il faut de singulier. Il me plait beaucoup et je suis content de l’avoir découvert.
Avec le même départ, de baies roses, de bergamote et de thé blanc associée au côté un peu confit de la tangerine, un coeur d’iris, de jasmin et de violette et un fond de fève tonka, de bois de santal et de muscs blancs « corsé » par le patchouli et poudré « en sus » par un superbe beurre d’iris, « Panthea Iris » revêt un caractère plus enveloppant, plus dense et finalement plus poudré. « Patience, qualité, raffinement… Panthea Iris ne décevra pas les amoureux absolus d’Iris. Ce parfum s'élève au niveau du divin. Une élégance rare au caractère distingué. Un départ pétillant aux notes de Bergamote et de Mandarine d'Italie, accompagne un Thé blanc rafraîchissant et immaculé. Un voile de soie bleu et blanc habille la fragrance. L'absolu Tonka sublime les subtils Santal et Patchouli pour sublimer les facettes poudrées et sophistiquées de l'Iris intense. Puissant avec son sillage, c'est avec douceur et sensualité que le parfum évolue sur la peau ». Peut-être plus androgyne (encore que je n’en sois pas sûr), cette variante de « Panthea » est indubitablement plus puissante, plus irisée et plus poudrée. Il me plait beaucoup également. Cependant, je ne vais pas mentir, sur ma peau, son sillage est plus celui d’un iris solinote et musqué que d’une réelle composition thé et fleurs. C’est un parti p pris que je comprends mais, de ce fait, je le trouve plus « classique » que l’original, ce qui ne l’empêche pas d’être joli, bien construit et agréable. Franchement, j’ai bien aimé ce parfum. Il est très intéressant et je pourrais le porter sans problème même si, je le reconnais, je possède d’autres créations qui s’en rapprochent.
Globalement, j’ai beaucoup aimé « Panthea » et « Panthea Iris ». Je les trouve un peu décalé face aux créations puissantes et très orientales de la collection 777. Très franchement, je m’y retrouve plus parce que j’aime ce genre de compositions qui cadrent parfaitement avec mes goûts. Je continue donc avec un certain plaisir à explorer cette très intéressante collection qui n’est, et je m’en rends compte de plus en plus, explore des univers différents. J’ai aimé ce duo et j’ai beaucoup de plaisir à partager mes impressions avec vous.
Exquise trouvaille : "Néroli Outrenoir"
Je ne suis pas très attiré en général par la collection L’Art et la Matière de Guerlain. Je la trouve très « fourre-tout », et il faut bien le dire, dans le cas de certains parfums, elle correspond seulement à un changement de nom et à une envolée des prix. C’est un peu la technique de faire du neuf avec du vieux et cela ne me parait pas très honnête de la part du groupe qui détient la marque. Pourtant, ponctuellement, j’ai certaines attirances pour des parfums que je trouve exceptionnellement bien réalisés. C’est le cas, par exemple de « Angélique Noire » et, plus récemment de « Patchouli Paris ». J’échange beaucoup avec Jérémie, le responsable du stand du Printemps de Lyon. Je le connais depuis longtemps, lorsqu’il exerçait d’autres fonctions aux Galeries Lafayette de Bron et il est de très bon conseil. Il m’a proposé, en discutant, d’essayer « Néroli Outrenoir » qu’il pensait entrer un peu dans mes goûts (curieusement car je ne suis pas un fan de cette note) et il a eu raison car j’ai vraiment aimé ce parfum. Je le trouve absolument équilibré et il matche super bien bien avec ma peau ce qui n’est pas évident chez Guerlain. Créé par Thierry Wasser et Delphine Jelk en 2016, c’est une vraie réussite. En tout cas, il me plait beaucoup.

Thierry Wasser
Delphine Jelk
« Néroli ou la blancheur fusante et Outrenoir, son opposé. Tel un éclat dans l'obscurité, l'essence de néroli, éclairée par la bergamote et le petit grain, affronte des notes plus ténébreuses et énigmatiques de thé fumé. De cette collision des matières naît un clair-obscur magnétique qui nous plonge dans une fascinante perte de repère. Un néroli lumineux plongé dans la profonde obscurité d’un thé fumé. Si c'était un tableau, un monochrome au noir de Pierre Soulages. Néroli Outrenoir propose une nouvelle blancheur au noir, à la manière d'une œuvre de Pierre Soulages. Les Parfumeurs Guerlain se sont inspirés des chefs d’œuvre de ce peintre qui a su donner des reflets insoupçonnés au noir ». Je trouve l’idée de conjuguer le côté vert et floral du néroli avec le thé fumé très original. En effet, les notes fumée d’un lapsang souchong très sombre, parsemé d’épices se marie avec le côté ultra lumineux de cette fleur de bigaradier. Le résultat est un parfum doux-amer, presque gourmand sur la peau mais toujours chic comme la nuit. Je trouve la réalisation parfaite mais, il faut le dire, je ne suis pas prêt dans l’immédiat à franchir le pas car c’est une eau de parfum très onéreuse et il faudrait vraiment que je sois certain de mon choix. Je le réessayerai prochainement pour évaluer s’il me plaira toujours autant. En tout cas, c’est une belle trouvaille que j’avais envie de partager avec vous.
Exquise trouvaille : "Fleur Nocturne"
« La note de tête constituée de Mandarine, mélangée avec la Fleur d’Abricotier et la Pêche Blanche, donne immédiatement ce sentiment jubilatoire d’avoir entre ses mains un parfum exceptionnel aux composants nobles et précieux. La note plonge dans un cœur de Jasmin, de Magnolia et de Gardénia comme il en existe rarement de cette qualité. La note de fond laissera un puissant sillage, d’une élégance et d’une sensualité intense, fruit d’un accord parfait entre notes Solaires, Vanille et Patchouli », tels sont les mots de son créateur, Jean Jacques, pour décrire ce parfum envoûtant. Lancé en 2009, « Fleur Nocturne » surfe sur la même vague que la plupart des parfums de la maison Isabey. C’est un bouquet floral absolument inédit et on retrouve le gardénia si cher à Isabey au coeur d’une composition plus sombre, plus singulière, plus mystérieuse. Je l’imagine bien, porté lors d’une soirée d’été, dans un jardin. « Inspiré par l'univers de cristal peint, de fleurs et d’améthyste nocturne de 1925, le parfumeur Jean Jacques a créé un bouquet floral extraordinairement riche: Jasmin, Magnolia et Gardénia. Les notes fruitées qui reposent sur un fond puissant créant ainsi un sillage d'une élégance et d’une sensualité intense ».
Jean Jacques
Avec des notes de tête vraiment très fruités et douces de mandarine, de pêche et d’abricot vient un coeur de gardénia, si cher à la marque rendu un peu sombre et animal par le jasmin. Enfin le parfum se pose sur un fond de patchouli et de vanille. « Fleur Nocturne » est un parfum un peu en clair obscur et presque néo-chypré. Il reste, néanmoins floral, presque solaire par moment et tout à fait fascinant. J’ai un ami qui dit toujours qu’il lui évoque une espionne de roman. Pour moi, « Fleurs Nocturnes » est une trompe-l’oeil olfactif. Il est tout en clair obscur, tout en finesse et son côté « dark » nous entraîne dans un océan de fleurs rêvées. Il mêle avec adresse notes florales et accents fruités. En tête, on retrouve la mandarine, la fleur d’abricotier et la pêche blanche qui évolue sur un coeur de jasmin et de magnolia construit autour du magnolia puis, en fond le patchouli et la vanille rendent le parfum très dense, très capiteux, avec des accents orientaux que je trouve assez uniques dans ce genre de composition. J’aime beaucoup « Fleur Nocturne », je trouve qu’il est complètement indémodable. Son élégance est presque un peu subversive et mystérieuse.
Promenade dans mes doses d'essai
En ce mois de novembre, je suis allé redécouvrir des parfums que j’avais aimé au « premier nez » pour me rendre compte si mes goûts avaient évolué. Deux des quatre parfums que j’ai choisis, me sont connus depuis plusieurs années et je dois dire que je les ai redécouverts avec beaucoup de plaisir. Alors, comme chaque mois, aurai-je un coup de coeur ? Vous le saurez, comme toujours, dans la conclusion. Ma sélection est particulièrement éclectique et je pense que je suis un peu partie dans tous les sens mais c’est aussi cela la parfumerie dite de niche. En tout cas, j’ai pris du plaisir à porter ces quatre parfums. Je vous emmène donc sur les traces de quatre créations très différentes.
Quand j’ai découvert la collection Serpent de Stéphane Humbert Lucas, c’est à dessein que je n’ai pas parlé de « Sand Dance » lancé en 2022. Je voulais le réessayer pour me faire une idée plus précise. « Sand Dance s'inspire des mouvements de danse les plus sensuels des danseurs Kalbelia, un peuple nomade du Rajahstan, terre des rois du nord de l'Inde et porte d'entrée de l’Orient. Les femmes, vêtues de sublimes robes noires et multicolores parées de bijoux, ondulent avec grâce et souplesse comme des serpents. Elles virevoltent au son des musiciens qui les suivent dans leur inspiration jusqu'à atteindre un état de transe qui provoque une grande émotion. Sand Dance est un spectacle sensationnel au cœur du désert, où le vent brûlant emporte dans son sillage un souffle d’épices. Un parfum captivant, composé de notes chaudes et sucrées de Cacao, avec une beauté et un charme hypnotiques ». Sur ma peau, « Sand Dance » revêt une facette vraiment gourmande. Il s’ouvre sur un accord crème de whisky, rendu plus acidulé par la mandarine et la coriandre puis vient ce coeur très « chocolat au lait » de cacao, de bois de santal et de cashmeran, puis le parfums se corse et évolue sur un fond très oriental et poudré de benjoin, de fève tonka et de cèdre qui est rendu plus profond grâce au styrax et au patchouli. L’évolution est assez belle alors que le départ me laisse un peu indifférent. C’est un chocolat, crémeux, gourmand dont il m’éloigne de mes goûts mais je dois admettre que je le trouve assez addictif. Reste le flacon… Il m’apparait comme peut-être encore plus hideux que ceux qui ont des couleurs différentes. On ne s’approprie un parfums pour son flacon mais quand même… Le bling-bling poussé à ce point-là; c’est dommage.
Le second parfum de ma sélection est très « romantique » mais il demeure résolument moderne. Il s’agit de « Duo des Fleurs » créé pr Euan McCall pour la marque franco-japonaise Senyokô en 2019. Je dois dire qu’il est, pour moi, un vrai coup de coeur et il m’a permis de mettre le nez sur le travail de ce parfumeur écossais dont le talent n’est pas à démontrer. Je remercie chaleureusement Fabien de Yuuminoki de me l’avoir fait découvrir car, je n’ai pas peur de le dire, c’est un chef-d’oeuvre sur lequel je n’aurais pas forcément mis mon nez de moi-même. « «Sous la danse canopée où le jasmin blanc se mêle à la rose rouge… Échappez-vous avec moi, j’entends Sarasvatī apostropher au loin !» Une chaotique aventure de fin de siècle au terme du XIXème: deux amants s’échappent de l'Empire britannique des Indes. Le Duo des Fleurs, qui représentait la genèse de la tragédie, devient la source de félicité » et je dois dire que j’entends, lorsque je le sens, les voix de Lakmé et Malika dans l’opéra français de Léo Delibes qui est sans doute l’une des oeuvres que je préfère. Il s’ouvre sur des notes de rose centifolia associées à un absolu de jasmin sambac, ainsi qu’à des notes de davana et de feuilles de datura. Le coeur, construit autour d’huile et de pétales de rose ainsi que de bourgeons de jasmin nous conduit sur un fond de santal et de muscs divers. Ce parfum est très opulent, presque trop pour moi, mais il est comme une invitation à une promenade au milieu des fleurs exotiques dont l’agencement est diablement agréable. Je pourrais le porter sans problème et je ne le trouve pas aussi féminin que ça.
Lancé en 2022, « Eternal Lily Amber » est peut-être le plus consensuel de mes choix. En effet, il revêt quelque chose de plus classique. Il est peut-être celui sur lequel j’ai le plus hésité car je le trouve beaucoup moins moderne et pas tellement représentatif de l’esprit Bohoboco. La marque le décrit ainsi : « Eternal Lily Amber est le symbole de l’abondance, de la fertilité et de la croissance. Souvent utilisé lors des cérémonies funéraires, le lys est pour le fondateur de Bohoboco, Michał Gilbert Lach, un symbole d’adieu à son pays natal, la Pologne. Comme une expression de la solitude de l’artiste, cette fragrance représente « la volonté métaphysique de s’épanouir ». Alors que la richesse de la pomme Granny Smith et la fraîcheur de la mandarine se mêlent au lys, celui-ci réapparaît en cœur, comme un signe de prospérité. En fond, l’abondance est exprimée par la vanille gourmande, l’ambre réconfortant et le patchouli profond. Un jus qui offre un bonheur saisissant nous laissant désireux d’explorer l’existence ». Déjà, il s’avère plus naturaliste avec un départ de mandarine italienne et de lys et malgré un accord pomme verte puis, le coeur est franchement floral puisque s’ajoutent des notes de jasmin et de rose de Turquie et enfin, le fond très patchouli ambré garde un côté un peu gourmand contrebalancé par la facette aromatique de la vanille de Madagascar. Je l’ai bien aimé mais il est, il faut bien l’admettre, un peu moins original que les deux premier et que le quatrième à venir. Il n’en demeure pas moins que c’est un joli floral qui tire un peu vers le chypre et qui sera, sans doute, l’un des plus faciles à porter.
J’ai déjà parlé de « Aleksandr » à plusieurs reprises mais je ne me voyais pas faire une revue de la marque sans attaquer avec le parfum que j’ai préféré dès que je l’ai découvert. Créé, en 2012, par Yann Vasnier et Rodrigo Flores-Roux, c’est un cuir de Russie (bois de bouleau et mousse de chêne) comme je les aime. Il est à la fois sombre et goudronné avec une belle facette violette fraîche et poudrée. Je le trouve absolument irrésistible. La marque le décrit ainsi : « Janvier 1837, Saint Petersbourg, Russie Aleksandr, sous son épais manteau de fourrure qui laisse échapper la fraîcheur de sa peau aux notes de néroli et de violette, s'élance à travers les allées de bouleaux, transperçant l'air glacé de l'hiver. D'un pas décidé, il s'apprête à affronter son destin dans un duel fatal avec d’Anthès ». Je trouve que les parfumeurs ont vraiment su recréer les cuirés que les parfumeurs tentaient de créer depuis la fin du XIXème siècle avec un twist moderne. Il s’ouvre sur une envolée de néroli aldéhydée assez fugace, le parfum se pose sur un coeur feuille de bouleau, feuille de violette, iris poudré, cognac et déjà une note de cuir pour se poser sur un fond de fir balsam, de résine de bouleau et de mousse de chêne. C’est un parfum d’une grande élégance, un peu suranné mais tout de même moderne avec la légère touche de cognac. J’ai adoré ce parfum. Pour moi, il est celui que je pourrais porter si je franchissais le pas d’une référence de la marque/
Si j’aime bien les quatre parfums que j’ai choisi pour cette chronique, celui qui me plait vraiment est « Duo des Fleurs » de Senyoko. Je l’avais vraiment apprécié quand je l’ai découvert et je remercie Fabien de Yuuminoki pour m’avoir fait découvrir cette maison peu distribuée. Une fois de plus, je trouve que Euan McCall sort des sentiers battus et c’est souvent ce que je recherche dans un parfum.
La graine de carotte, fruitée ou terreuse
Après avoir redécouvert « I Love Les Carottes » créé par Olivia Giacobetti pour Honoré des Prés, je me suis rendu compte que la graine de carotte est très utilisée en parfumerie. Elle apporte un côté terreux qui peut souvent rehausser de floraux ou de poudrés. On se souvient de « Violaceum 2 » créé par Daphné Bugey pour L’Artisan Parfumeur qui a, hélas, disparu, ou encore « Iris Silver Mist » composé par Maurice Roucel pour Serge Lutens. J’ai choisi quatre parfums qui mettent en avant cette note racinaire et très étonnante même si elle n’est qu’une composante qui modifie les autres. L’idée a alors été d’aller chercher quatre parfums dans lesquels j’identifie clairement la graine de carotte. C’était un exercice intéressant et j’espère vous donner envie d’aller les sentir.
J’ai commencé par un parfum « dans l’esprit » de l’iris travaillé en majeur et soutenu par la graine de violette. Il s’agit, bien évidemment, de « Iris de Nuit » créé par James Heeley pour sa marque éponyme et que j’ai énormément porté. « Rare et raffiné, sensuel et discret, le parfum Iris de Nuit est à l’image de l’absolu d’Iris de Toscane, soutenu ici par de la violette, des graines de carottes, de l’angélique, du cèdre et de l’ambre gris, pour dévoiler un thème floral exquis ». Après un départ d’angélique et d’ambrette vient ce coeur d’iris, de violette de graine de carotte presque aérien et pourtant tenace grâce à la « solidité » d’un fond de cèdre et d’ambre gris. La graine de carotte, bien présente, permet de faire ressortir le côté à la fois floral et terreux de l’iris et de la violette et lui assure une stabilité tout au long de l’évolution. « Iris de Nuit » est une création très chic, très contemporaine et pourtant, il se veut dans la plus pure tradition de la parfumerie fine à la française vu par un parfumeur britannique. Pour moi, c’est une merveille absolue. J’aime beaucoup la graine de carotte associée à l’iris et à la violette. « Violaceum 2 », sorti donc chez L’Artisan Parfumeur et « Violette Fumée » de Mona di Orio me manquent. Leur « héritier » ne peut être que « Iris de Nuit ».
« Entre Charles Perrault et Jacques Demy se joue l'exercice d'interprétation et la magie qui perdure. Entre l'éclat des parures et le charme souillon se glisse l'inspiration d'un parfum qui m'enchante particulièrement ». Créé par Anaïs Biguine en 2022 pour sa marque Jardins d’Écrivains, « Peau d’Âne » met en scène très différemment la graine de carotte dans une composition qui, comme toujours, casse tous les codes. Après une envolée de pin, d’iris et de citron vert, le parfum évolue vers un coeur terreux de graine de carotte et de labdanum enveloppé d’un accord blé, voire même farine puis le parfum s’enrichit d’un fond de patchouli, de cèdre poudré et cuiré. « Peau d’Âne » ne ressemble à rien d’autre et, comme à son habitude, Anaïs Biguine nous emmène là où nous ne serions pas allés. La graine de carotte permet de donner un côté un peu plus rond au parfum tout en lui conservant son côté terreux. J’aime beaucoup ce parfum facetté, étonnant voire même détonnant. Il ne ressemble à rien d’autre et j’ai eu beaucoup de plaisir à le réessayer même si, et je l’admets volontiers, il n’est pas du tout pour moi. C’est ainsi mais je le regrette car il est bigrement réussi.
Pour Atelier des Ors, Marie Salamagne utilise également la graine de carotte dans « Choeur des Anges » qui est un parfum qui m’a beaucoup plu lorsque je l’ai découvert et encore plus maintenant que je le réessaye. « Choeur des Anges est une célébration poétique de la couleur, du parfum et de la joie de vivre mêlée d'Orange sanguine, de Graines de Carotte, de fruits et de fleurs rayonnants. Une création symphonique inspirée par les voix harmonieuses des anges ». Dès le départ d’orange sanguine, de cassis et de poire, je me sens séduit mais c’est surtout avec ce coeur improbable de gaine de carotte vraiment très tranchée et associée au côté abricoté de l’osmanthus à légèrement vert de la fleur d’oranger est d’une grande beauté surtout quand il s’adoucis d’un très joli fond boisé, ambré et miellé. C’est vrai que « Choeur des Anges » est un parfum que je trouve vraiment original mais aussi très équilibré et facile à porter. Il est l’un des mes trois préférés dans la marque. J’avais tout de suite identifié la graine de carotte. C’est le petit truc en plus qui fait qu’il retient mon attention.
« Misfit » a été créé par Rodrigo Flores-Roux pour Arquiste en 2019. J’avais du le sentir à sa sortie mais vraiment c’est en le posant sur ma peau que j’ai découvert l’élégance et la force de ce travail incroyable autour du patchouli : « Septembre 1877, port de Marseille, France. Dans une chambre à coucher, un châle de Cachemire était posé sur le lit défait. Autrefois très convoités, ces châles sont maintenant délaissés par les bourgeois, tout comme l’odeur de patchouli qui leur est associée. Pourtant, dans leur quête d'une nouvelle volupté, les bohémiens et les demi-mondaines l'adopteront comme emblème. Demi jour, dans cette pièce, l'essence charnelle de patchouli s'allie aux nuances musquées et ambrées des baumes exotiques touchées par la fraîcheur de la lavande. On redécouvre ainsi ce parfum chargé d’histoire, l’indésirable devenant à nouveau une source infinie de désir. Un patchouli moderne, voluptueux et élégant pour tous ». « Misfit » est un parfum un peu décalé, on peut même dire « désaxé » si l’on veut traduire. Il est à la fois subversif, moderne et chic. C’est un tour de force d’avoir réussi cela. J’ai beaucoup aimé l’idée d’un patchouli travaillé tellement qu’il nous fait perdre un peu nos repère même à nous, les amateurs de cette matière première. Pour moi, il est vraiment terriblement addictif. Bien sûr, il est complexe avec des notes de bergamote de Calabre, de graine de carotte, de racine d’angélique pour le côté vert et presque âpre rendue presque aromatique par la présence d’une très belle lavande française. Puis arrive le coeur de rose de Bulgarie, d’ambrette, de bois d’akigala et de styrax qui assure au parfum une profondeur à la fois sèche et presque inédite avec un joli versant cuiré. Enfin le parfum se pose sur un fond de patchouli cuiré par une variété de ciste espagnol et adouci par la fève tonka et le baume de tolu. Je trouve ce parfum vraiment incroyable et, sur ma peau, il est tellement beau que la construction presque chyprée prend un tournant faussement solinote. J’emploie ce qualificatif à dessein car il est d’une rare complexité imaginé par l’esprit remarquablement créatif de Rodrigo Flores-Roux qui a su associer des notes qui ne sont pas forcément évidentes ensemble pour donner un parfum à la fois magnifique et cohérent. En tout cas, vous l’aurez compris, je suis complètement séduit et j’espère pouvoir le réessayer encore et encore prochainement pour… qui sait… un jour d’hiver le porter.
J’aurais pu aussi évoquer d’autres parfums mais je voulais circonscrire ma recherche à des parfums que je connais bien pour illustrer mon propos. J’aime bien cette note en soutien d’autres matières et même, comme dans « Choeur des Anges » quand elle est travaillée quasi en majeur. J’aurais aimé pouvoir évoquer un peu plus « Violaceum 2 » que j’aime particulièrement. En effet, c’est un parfum que j’ai énormément porté même s’il n’a pas été longtemps sur le marché et je l’ai vraiment beaucoup aidé. L’exercice a été un peu compliqué car j’aurais aussi voulu re-sentir « Iris Silver Mist » mais cela n’a pas été possible. Enfin voilà, j’ai réalisé cet article avec les éléments que j’avais et j’espère surtout vous donner envie d’aller identifier cette note.
Pascal Gaurin, des créations à travers le monde
* Article entièrement réécrit
C’est en découvrant, il y a déjà quelques temps, la maison franco-américaine Scents of Wood/L’Âme du Bois, que j’ai vraiment eu une approche du travail de Pascal Gaurin et surtout de sa signature que je finis par trouver vraiment reconnaissable. Je connaissais déjà un peu quelques unes de ses créations notamment pour Diana Vreeland car j’avais beaucoup aimé, lors d’une visite parisienne chez Dover Street Market, l’une de ses composition sur laquelle je vais revenir. Il a créé, à l’internationale, beaucoup de parfums pour diverses maisons dont beaucoup ne sont pas venues jusqu’à nous alors je vais me concentrer sur cinq parfums que je connais vraiment bien et dont j’avais envie de parler.
Je le disais en introduction, j’ai beaucoup aimé « Staggeringly Beautiful » créé par Pasca Gaurin en 2018 Diana Vreeland, une marque américaine qui tire son nom de celui d’une très célèbre journaliste née en 1903 et disparue en 1989, qui a fait autorité dans le milieu de la mode aux États Unis. Une marque de parfums très réussis et disponibles en France, au moins en partie, chez Dover Street Market tout au bout de la rue Elzevir dans le 3ème arrondissement. « Vibrant, pétillant et transportant, Staggeringly Beautiful capture parfaitement les brises fraîches, l'eau claire et scintillante et le feuillage riche et luxuriant des arômes d'été le long de la Méditerranée. L'aura étonnante de Staggeringly Beautiful vient de la feuille de figuier terreuse rarement combinée avec le délicieux fruit de la figue. Le magnifique bouquet est ensuite induit par des éléments d'agrumes de bergamote sicilienne et associé à la jonquille la plus rare, le cœur exsudant des caractéristiques riches, vertes et florales ». Je trouve que ce parfum est, effectivement, comme son nom l’indique « Étonnamment Beau ». Après une envolée de feuille de figuier, de néroli et de bergamote très classique, nous sommes emmenés sur un coeur de jonquille (un peu narcisse quand mêle), de fleur d’oranger et surtout d’ylang-ylang puis le socle de vétiver d’Haïti vient soutenir la composition qui se pare aussi de mystérieuses notes fruitées. J’avais un échantillon donc j’ai pu le re-tester pour écrire et je ne suis pas déçu. Il est vraiment ultra chic, pas trop aseptisé pour un parfum américain puis, il faut le dire, la tenue et le sillage sont très suffisant. Voilà un beau parfum, androgyne et parfaitement facile à porter. Pour moi, il est l’une des plus belles créations de Pascal Vaurin.
Il est le fleuron de la maison Sents of Wood et je crois qu’il mérite bien l’engouement de ses amateurs. « Prunier en Cognac » a été créé par Pascal Gaurin en 2020. « Ondulant entre le sucré et l'épicé, le moelleux et le sauvage, le sombre et le clair. Laissez le parfum Prune au Cognac vous surprendre à l'infini avec un mélange à la fois sensuel, nourrissant et provocateur. Un parfum iconique de la marque qui a remporté le prix du "Parfum Extraordinaire de l'année 2021" de la Fragrance Foundation ». Je ne vais pas expliquer son succès sinon qu’en disant qu’il est très qualitatif et que les réseaux sociaux en ont fait, je pense, le fleuron de cette marque assez confidentielle et pas forcément accessible. Je suis totalement accroché par le top note qui se compose de prune un peu confite, de cannelle et d’immortelle. Le coeur, quant à lui, se fait rond, plus rond, avec un accord rhum associé à l’osmanthus et au baume du Pérou. Là, où, pour moi, c’est un peu plus difficile c’est que je trouve que le fond de vanille, de ciste et de vétiver arrive sur ma peau un peu brutalement et s’y installe. J’aurais préféré continuer à sentir un peu sur ma peau, les notes de tête et de coeur qui me font vraiment envie. Hélas, je suis un peu moins fan de l’évolution même si je trouve qu’il s’agit-là d’une magnifique création.
C’est grâce à Fabien de Yuuminoki que j’ai pu découvrir et remettre mon nez dans « Musk Deer » , inspiré des muscs sécrétés par le cerf dans son habitat, créé en 2020 par Pascal Gaurin. Dès la vaporisation, on se sent enveloppé d’une effluve suave sur laquelle danse la cardamome qui s’entremêle avec l’huile de calamus et la rose avant de s’enrichir d’un coeur de jasmin puis, à la toute fin de son évolution, d’un oud délicat et d’un iris très poudré. C’est un parfum tout en subtilité et en nuances. Le parfumeur a interprété un musc animal fleur et légèrement cuiré. Il a été très inspiré car il va réjouir le nez de beaucoup même s’il garde la belle singularité qui est la marque de fabrique des créations de Zoologist. Il est fier le cerf, il a un port de tête que l’on reconnait avec son oeil vif et ses bois étonnants et Pascal Gaurin a su le rendre doux, tendre et agréable à porter. « Musk Deer » n’effrayera pas même les plus réfractaires au musc tonkin animal car sa recréation s’est faite toute en douceur et en harmonie. C’est un parfum réjouissant à découvrir de toute urgence. Il me plait et je pourrais parfaitement le porter.
Créé an 2020 par Pascal Gaurin pour Scents of Wood, « Cèdre en Acacia » est également un succès dans la marque et il est aussi, à mon sens, l’un des parfums les plus « faciles » proposés dans ma sélection. « Ressentez la chaleur d'une étreinte ensoleillée avec un parfum qui vous embarque dans un voyage d'épices, de fruits et d'ambre pour créer une exaltation captivante des sens. Un parfum indomptable avec son accord unique acacia / gingembre diffusant une étincelle veloutée qui parlera à votre cœur. La résine d'oliban arrondit ce parfum profondément boisé et fougueux, ajoutant une touche de sensualité provocante et addictive ». Je l’ai aimé dès que je l’ai senti même s’il ne supplante pas « Vétiver en Fleurs » qui est mon coup de coeur chez Scents of Wood. Il est un peu huileux au départ sur ma peau avec des notes de gingembre et de cannelle. Je suis peut-être un peu moins fan du coeur de cypriol et iris (quoi que…) et du fond Oliban et cèdre. Je ne suis pas très amateurs de ces notes froides et boisées et c’est ce qui me retiendra de le porter.
J’aime bien la collection Armani Privé et j’avais justement un échantillon de « Bleu Lazuli » que Pascal Gaurin a créé en 2020 pour la série des Terres Précieuses. « Bleu Lazuli est un voyage à travers le parfum : - au carrefour des frontières, il insuffle l’esprit de l’Inde à l’Italie, le cœur de la créativité de Giorgio Armani. Ses notes clés proviennent des odeurs de l’encens et des marchés aux épices indiens, évoquant l’imprégnation du spirituel dans chaque aspect de la vie indienne ». Le parfum s’ouvre sur une note de bergamote associée à la cardamome et au thé puis le coeur de jasmin se pare d’osmanthus et de prune. Il faut attendre tout au long d’une évolution assez longue pour parvenir à un fond de santal, de tabac miellé et de vanille. « Bleu Lazuli » est vraiment oriental, très rond, très opulent et j’aime beaucoup son développement sur ma peau. Je le porte pendant que j’écris et vraiment j’aime beaucoup le côté prune confite de ce parfum qui n’est jamais écoeurant, jamais too much même s’il est un peu gourmand, épicé et très opulent. Pour moi, « Bleu Lazuli » est l’un des parfums les plus réussi de la collection des Terres Précieuses. J’aime beaucoup ce parfum et je pourrais tout à fait le porter.
Parfumeur IFF à l’international, Pascal Gaurin a créé nombre de très beaux parfums. J’en ai choisi quatre mais je pourrais étendre ma sélection. Il faut absolument que je découvre beaucoup d’autres choses qu’il a inventé. En tout cas, c’est une très belle signature. Je suis content d’avoir remis mon nez là-dedans et de vous en faire un compte-rendu.
Nicolas de Barry, historien et parfumeur
*Article entièrement réécrit
Passionné d’histoire, Nicolas de Barry a lancé en 2003, sa maison de parfum éponyme. Le postulat en est simple, recréer des fragrances qui auraient pu être celles de personnages historiques célèbres. Il collabore pour cela avec le nez Eddy Blanchet et compte pas moins de 14 créations dont la dernière remonte à 2014. J’avoue humblement que je ne les connais pas toutes et j’ai décidé de me concentrer sur trois parfums que je connais et que je n’ai pas encore évoqué sur ce blog. En effet, je ne vais pas revenir sur « George Sand », d’abord sorti chez Maître Parfumeur et Gantier et qui fut, le premier parfum de la marque en 2003. Il est celui que je porte mais il y a d’autres belles créations dans la marque et il m’est agréable, alors que je les ai senties il y a peu, de revenir dessus.
Le premier parfum qui me vient à l’esprit est « Louis XV » sorti en 2003 et créé, comme toujours par Nicolas de Barry et Eddy Blanchet. C’est un fleuri et l’idée des parfumeurs était d’utiliser les fleurs qui devaient pousser dans les jardins de Versailles à l’époque du « bien aimé ». L’ouverture est une envolée de fleur d’oranger mais, très vite, c’est le coeur floral qui prend le dessus. C’est une explosion ! Tubéreuse, oeillet, narcisse, Jacinthe, gardénia et rose le composent. Nicolas de Barry y a ajouté une note jasminée que je trouve particulièrement envoutante. Le fond est ambré et boisé et permet au parfum de tenir, comme appuyé sur ces notes plus rondes et profondes. J’ai essayé « Louis XV » et j’ai un ami qui le porte. Il peut sembler extravagant dans l’idée pour un homme et pourtant, il est très élégant et, somme toute, relativement facile à porter. Un après-midi, je me trouvais à l’Atelier Parfumé à Lyon qui est, à ma connaissance, l’une des rares parfumeries à distribuer la marque, et il a séduit un tout jeune homme qui était là avec ses parents. Je pense qu’il garde une certaine modernité même si on retrouve l’ambiance très florale du Versailles du XVIIIème siècle. La même année, Nicolas de Barry et Eddy Blanchet ont d’ailleurs créé le « féminin » de « Louis XV » et c’est ainsi qu’est né « Marquise de Pompadour ». La formule est très proche sauf que le départ est un iris ultra poudré et qu'une note de tubéreuse omniprésente se développe. Je l’aime bien aussi. Je le trouve très agréable et élégant.
Dès 2003 Nicolas de Barry et Eddy Blanchet recherchent quel pouvait bien être le parfum ou tout du moins l'univers olfactif de l'impératrice Élisabeth d'Autriche. On le sait, dès son très jeune âge, ce personnage historique plus que populaire, faisait très attention à son physique et entretenait sa luxuriante chevelure à grands coups de baumes réalisés pour elle. "Sissi Impératrice" est vraiment un parfum qui allie la violette et la vanille d'un parfum qu'aurait pu porter l'impératrice avec des notes de brandy et d'iris qui lui confèrent une évolution plus que surprenante. En effet, lorsqu'il vient d'être vaporisé, le parfum a un côté "bonbon à la violette" sucré que je trouve assez désagréable et, petit à petit, il prend corps. Si la violette est toujours présente, le côté sucré s'estompe pour devenir poudré dans un premier temps puis, lorsque les notes de fond commencent à apparaitre, elle devient profonde, opulente, addictive.Je ne porterais peut-être pas "Sissi Impératrice" car il est un peu trop "violette" pour moi mais j'adore le sentir. Les parfums Nicolas de Barry sont assez peu diffusés mais nous avons la chance de les avoir à Lyon et je dois dire que, si j'ai opté il y a bien des années pour "George Sand", il y en a plusieurs que je trouve très réussis. "Sissi Impératrice" en fait partie.
« Eau du Cardinal » a été lancé en 2014. Eddy Blanchet et Nicolas de Barry ont voulu recréer ce qu’aurait pu porter un chef religieux comme Mazarin par exemple. C’est un hespéridé tout à fait explosif et dense car les parfumeurs ont utilisé des huiles essentielles très concentrées. Bergamote, citron, orange, orange amère et mandarine reposent sur une note de bois précieux et, il me semble, d’encens relativement discret. Ce n’est pas une cologne car, dans ce parfum, il n’y a aucune dimension aromatique. Je pense également que le départ est un néroli très dense, très intense qui ouvre le parfum vers ce cocktail d’agrumes rafraîchissant et énergisant. Il est vrai que « Eau du Cardinal » ne m’évoque pas forcément les velours rouges de Richelieu ou Mazarin. Je leur aurais plutôt vu un encens profond et seulement relevé par des notes citronnées mais c’est l’interprétation tout à fait classique et facile à s’approprier qu’en donnent les parfumeurs. Et pourquoi pas ? Attention tout de même à ne pas juger cette création sur ses notes de tête car, tout comme dans les autres, l’utilisation d’huiles essentielles très concentrées peuvent lui donner quelque chose de piquant et de presque désagréable. Il faut le laisser se développer, vivre avec pour en apprécier toutes les facettes. « Eau du Cardinal », n’est pas vraiment le parfum que j’aimerais porter dans la marque mais je reconnais qu’il est très réussi.
Parmi les premiers parfums créés en 2003 par Eddy Blanchet et Nicolas de Barry, « Mumtaz-i Mahal », dédié à l’épouse de l’empereur moghol Shâh Jahân qui régna sur la Perse au XVème siècle. C’est une variation autour de l’huile essentielle d’une rose de Turquie très profonde, presque « truffée » travaillée d’une manière délicate et orientale avec un fond boisé, ambré et légèrement vanillé. L’envolée de bois de rose au départ est un choc olfactif pour moi et j’ai toujours un peu de mal à l’apprivoisé mais le côté envoutant de ce parfum d’impératrice apparait très vite lorsqu’il se développe. « Mumtaz-i Mahal » est une véritable déclaration aux amateurs de rose… de belle rose capiteuse et envoutante. Il y a presque un côté animal lorsqu’il se mélange à la peau avec la note crémeuse et lactée du bois de santal. C’est un parfum très différents de ceux qui sont dédiés à des souverains ou personnalités européennes qui ont aussi leur place dans la collection. « Mumtaz-i Mahal » est un oriental mais sans bois d’oud et peu vanillé. J’aime beaucoup le sentir même si je ne me verrai absolument pas le porter. Il est très beau, envoûtant et c’est un parfum de séduction à n’en pas douter.
Lancé en 2014, « Casanova »l n’est pas forcément mon préféré. C’est un hespéridé très « esprit Cologne » avec un départ de citron, de bergamote et d’orange, un coeur de jasmin et de fleur d’oranger et un fond plutôt chaud et lacté d’ambre et de santal. Inspiré de ce qu’aurait pu porter le célèbre séducteur et aventurier vénitien, ce parfum laisse une impression à la fois de fraîcheur et de propreté et Nicolas de Barry imagine ce que pourrait porter Casanova s’il vivait au XXIème siècle tout en lui gardant les effluves de son époque. Je dois dire que je ne trouve pas forcément ce parfum très original mais il ravira bien évidemment les amateurs de cette Cologne « à l’italienne », entre notes d’agrumes et coeur floral. Le fond très ambré soutient la fragrance et lui assure une excellente tenue. Elle a tout pour devenir un classique et je trouve qu’elle est assez emblématique de la marque.

« Wu Zetian, fut la seule impératrice régnante de toute l’histoire de Chine. Elle fonda sa propre dynastie, la dynastie Zhou, dont elle fut la seule monarque, sous le nom d’« empereur saint et suprême » de 655 à 705 » et elle a inspiré Nicolas de Barry qui a voulu recréer un parfum raffiné et sophistiqué en hommage à ce personnage en utilisant de très belles matières naturelles telles une variété de oud du Vietnam, une rose chinoise du Yunnan, un jasmin et un osmanthus de Guilin, de musc de l’Himalaya et d’ambre gris, le tout associé à la tubéreuse, travaillée en majeur et à une poudre de racine d’iris qui était utilisée par l’impératrice pour blanchir son visage et son corps. J’ai beaucoup aimé la dualité entre le côté très floral et même un peu animal de la tubéreuse et la facette vraiment poudrée de l’iris. C’est un parfum d’une élégance un peu exotique voire vénéneuse, complexe et terriblement tendre. Pour moi, c’est un grand féminin qui pourrait tout à fait être porté par des hommes. Il fait partie de mes coups de coeur dans la collection.

" Née en 1804, George Sand a marqué le XIXe siècle et le romantisme européen de façon exceptionnelle : écrivain à succès, elle fut l’amie des intellectuels de son temps et la compagne de Musset et Chopin. Son château de Nohant était devenu un point de rencontre où tout le monde romantique européen se retrouvait. Elle recevait avec délicatesse à Nohant : cultivait son jardin et notamment un jardin parfumé qui servait à produire des pots-pourris et des savonnettes pour les invités. Sa passion pour les fleurs et les parfums ressort de son abondante correspondance. A Musset rentré à Paris en la laissant à Venise, elle écrit de façon pressante pour qu’il lui envoie le patchouli du parfumeur Leblanc. Elle donne de nombreuses indications à ses parfumeurs: au XIXe siècle, Paris compte 500 parfumeurs-créateurs qui tiennent boutique, et corrigent sans cesse leurs créations. George Sand restera toujours fascinée par le patchouli, par les notes orientales animales (ambre et musc) et par la fraîcheur de la bergamote et du citron, odeurs de l’Italie du sud qui est si caractéristique du romantisme". En partant de ces informations, Nicolas de Barry a pu sentir deux flacons du parfum de George Sand : les produits étaient évidemment oxydés mais suffisamment présents pour pouvoir identifier les principaux composants : patchouli, ambre, rose…". Il existe, à ma connaissance, quatre parfums inspirés de l’univers à la fois androgyne et un peu sulfureux de cette écrivaine hors norme. Le premier, celui que je porte depuis déjà pas mal d’année a été créé par Nicolas de Barry et Jean-François Laporte pour Maître Parfumeur et Gantier en 1988. Chypré, intense avec une ouverture fraîche de bergamote et de citron, il nous entraîne sur un coeur d’ambre et de rose puis se pose sur un fond musqué construit autour d’un patchouli précieux. En 2003, Nicolas de Barry récupèrera sa formule et la modifiera légèrement avec le concours d’Eddy Blanchet pour le ressortir dans sa propre marque. C’est cette version que je porte et que j’aime particulièrement. Je trouve que « George Sand » est l’un des plus beaux chypres du marché. Intense, envoûtant, il m’entraîne plutôt dans l’appartement d’Aurore Dupin, baronne Dudevant au coeur du Quartier Latin alors qu’elle écrivait des nuits entières avec Alfred de Musset en fumant des cigares où lorsqu’elle sortait, habillée en homme au bras de l’actrice Marie Dorval. Je trouve que « George Sand » est beau, sulfureux, à la fois moderne et tout à fait ancré dans le XIXème siècle tel que l’a voulu Nicolas de Barry. C’est une transposition de l’atmosphère du Paris de cette époque et il me l’évoque à chaque fois que je le porte. J’adore ce parfum. Il est unique et je trouve que c’est une vraie réussite. Il est mon préféré de ce que je connais de la collection des parfums historiques de Nicolas de Barry. Je pense que je le porterai aussi longtemps que je le pourrais.

Je ne suis pas très fan des Cologne à l’ancienne mais je dois bien dire que « L’Eau du Vizir » lancé en 2014 fait un peu exception à la règle. Le parfumeur la décrit ainsi : « Le XIXème siècle voit se répandre la mode des Eaux de Cologne, grâce à la clientèle assidue de Napoléon. Les officiers britanniques de l’Empire des Indes cherchent un peu de fraicheur et adoptent le Vétiver, une petite racine odorante prisée par les Maharajas qui l’utilisent pour rafraichir leurs palais. La mode des “Vétiver frais” commence ici avant d’envahir l’Europe…Sensible à l’univers olfactif des Vizirs, Nicolas de Barry a créé un parfum chaud aux notes vertes en dualité avec la fraîcheur du Citron, de la Bergamote et de l’Orange en notes de têtes. Le Santal et le Musc donnent de la puissance et de l’exotisme à cette Eau distinguée… ». Déroutante, originale entre notes vertes de galbanum et amères conférées par l’écorce d’orange, il ma complètement surpris. Sur la peau, il évolue sans arrêt pour se poser sur un fond musqué presque animal et un peu rond. Complètement atypique, « L’Eau du Vizir » est vraiment une réussite tant du point de vue de son originalité que de celui de sa réalisation. Nicolas de Barry propose une Cologne comme une invitation au voyage, étrange et très facile à porter à la fois. Vraiment, ce parfum m’a énormément plu.

La mythique « Eau de la Reine de Hongrie » se devait d’avoir son interprétation chez Nicolas de Barry et je dois dire que, là encore, j’ai été complètement dérouté par son évolution qui tend à recréer l’odeur de la fleur de lavande. « À l’origine, il s’agit d'un alcoolat de fleurs de romarin créé en 1370 pour l’épouse du roi Charles Robert de Hongrie, Élisabeth de Pologne. La reine de Hongrie en fit un usage intensif, interne et externe, tout au long de sa vie. La légende raconte que cette eau merveilleuse (reçue des mains d’un ange) lui permit de conserver sa beauté et que c’est grâce à elle qu’elle fut demandée en mariage par le prince de Pologne, alors qu’elle était âgée de 72 ans. Aucune confirmation historique ne vient appuyer cette belle histoire. Mais elle a contribué à en faire un produit mythique jusqu' au XVIIIème siècle... L’Eau restitue l'arôme si particulier de la fleur de romarin, sur une structure d'herbes médicinales (romarin, sauge, lavande, thym etc.) dans un objectif d'Eau de Santé, préfigurant déjà les futures Eaux de Cologne ». Pleine de charme, cette réalisation a un départ très aromatique qui tendrait à lui donner presque un côté fougère puis, contre toute attente, les fleurs blanches prennent toute leur place et rendent cette eau sophistiquée, profonde et terriblement addictive. Je l’ai essayée en dernier et j’ai bien fait car elle a pris le pas sur les autres créations. Oscillant sans arrêt entre herbes aromatiques et coeur floral, cette « Eau de la Reine de Hongrie » est un atout charme évident. C’est une interprétation intemporelle d’un parfum mythique et il est vrai que Nicolas de Barry excelle dans ce genre de création.

« Michel de Nostredame, dit Nostradamus était un apothicaire de formation. On dit qu' il aurait également été médecin. Pratiquant l'astrologie comme tous ses confrères à l'époque de la Renaissance, il est surtout connu pour ses prédictions sur la marche du monde. Moins connue est son activité de parfumeur: il produisait des baumes dans son atelier et il a même écrit un "Traité des Fardements" (1555) d'où nous avons tiré une recette assez précise de parfum: cette Eau avait comme originalité pour l'époque de comporter du zeste d'orange, un produit nouveau et très cher. Il donne de la légèreté à une composition autour d'un cœur fruité-épicé , de la rose et des incontournables ambre et musc, avec une touche intéressante de calamus ». C’est autour d’une rose ambrée, épicée, fruitée que tourne « L’Eau de Nostradamus » créée par Nicolas de Barry. Elle oscille sans arrêt entre la profondeur de la rose avec des accents ambrés et musqués et la légèrerté des épices. Je dois dire que je n’arrive pas vraiment à identifier l’huile essentielle de calamus mais je pense que c’est ce qui donne le relief de cette réalisation très belle et complètement différente des roses travaillées précédemment par le parfumeur. Je ne pourrais pas forcément porter « L’Eau de Nostradamus » mais je reconnais qu’elle est particulièrement intéressante.

Avec « L’Eau du Prince Igor », Nicolas de Barry ne pouvait pas plus me toucher car, il faut le dire, j’ai un faible pour l’accord cuir de Russie (bois de bouleau et mousse de chêne) et je trouve que celui-ci est complètement différent de ce que je connaissais déjà. C’est un parfum très goudronné mais qui évite d’être trop fumé. « Dans la tradition des "Cuirs de Russie", Nicolas de Barry a recomposé un très classique parfum des années 1920, qui avait fait fureur à Paris et en Europe à cette période: reprenant les odeurs très caractéristiques des selleries, avec une note entêtante de bois de bouleau brûlé (qui évoque le "Banya" russe...), ce parfum très "club" faisait écho à une mode russe à Paris. Sur le plan culturel, les Ballets de Serge Diaghilev sont alors l'attraction principale. Et la star: le danseur Nijinski qui s'illustre dans les danses polovtsiennes du Prince Igor… Cette eau princière propose un Cuir de Russie revisité: certes le bouleau et sa note fumée, les bois, les cuirs sont là, mais dans une ambiance rafraîchie par des notes de Bergamote d'hiver de Calabre… ». Le parfumeur a donné subitement un coup de jeune à cet accord emblématique du début du XXème siècle et « L’Eau du Prince Igor » se situe élégamment entre « Cuir de Russie » de L.T. Piver et la regrettée « Eau du Fier » d’Annick Goutal qui sont deux parfums que j’ai énormément porté. C’est un énorme coup de coeur je dois bien le dire. J’en attendais beaucoup et je n’ai pas été déçu. Vraiment « L’Eau du Prince Igor » correspond parfaitement à mes goûts et, là où j’aurais peut-être eu un peu de mal à porter « Corpus Equus » de Naomi Goodsir que je trouve vraiment très beau mais très fumé et très dense, je pourrais me plonger dans ce parfum, peut-être plus consensuel mais qui garde sa singularité et son originalité. Pour moi, c’est carton plein !

Comme vous avez pu vous en douter en lisant cet article, je me suis vraiment fait plaisir en découvrant ces fragrances que je ne connaissais pas dans la collection historique de Nicolas de Barry. C’est un vrai plaisir de remettre mon nez dans les créations d’une véritable maison de niche artisanale comme je les aime. Il y a quelque chose de jubilatoire à marcher dans les pas du parfumeur et à s’approprier son talent pour en faire sa signature d’un moment ou du quotidien. Je sais, les parfums Nicolas de Barry ne sont pas facile à trouver mais vraiment ils valent le coup d’être découverts et surtout d’être portés.
La note de datte, addictive et réconfortante
Il y a un ou deux ans, je suis revenu à porter des parfums orientaux après un coup de coeur pour « Farah », composé par Emilie Bouge pour Brécourt et je me suis rendu compte que j’avais une certaine prédilection pour la note de datte. Je ne pense pas que l’on puisse en extraire une quelconque huile essentielle mais la recréation de la note par la chimie est tellement réaliste, tout comme la mangue par exemple, que je lui trouve une correspondance avec son goût riche et suave. Je me suis donc amusé à aller chercher des parfums dans lesquels cet accord est présent, hormis « Farah » dont j’ai abondamment parlé et « Velvet Date » de Rebatchi sur lequel je suis revenu à l’occasion du portrait de son créateur Vincent Ricord, et à les essayer afin de vous écrire un compte-rendu de mon ressenti et aussi pour me tester moi-même et me demander si c’était vraiment cette note qui me séduisait assez pour que je porte un parfum dans laquelle elle ressort sur ma peau. J’ai sélectionné cinq créations très différentes mais que j’ai pu essayer facilement afin d’écrire cet article. Je vous emmène donc sur les traces de cette odeur de datte, suave et un peu exotique, qui a su m’être si plaisante.
Il était évidemment logique de commencer par « Aziyadé » créé par Marc-Antoine Corticchiato en 2008 pour Parfum d’Empire car, d’une part, c’était le premier parfum ans lequel je sentais la note de datte après « Arabie » composé par Christopher Sheldrake pour Serge Lutens en 2000 mais qui n’existe plus, mais aussi pour la simple et bonne raison que je l’ai porté. « Un concentré des plaisirs charnels. Oriental, épicé et fruité, Aziyadé s’ouvre sur un accord grenade détonnant puis délivre les note liquoreuses des dattes confites, des oranges et des pruneaux. Ses épices aphrodisiaques nous plongent au cœur de nuits orientales où les larmes d’encens se mêlent aux muscs, au ciste et à la caroube. Création excessive et charnelle, Aziyadé ruisselle de sensualité ». L’originalité de cette composition pas toujours très facile à s’approprier est un mélange presque « culinaire » entre un départ de prune, de grenade, de datte, d’orange confite et d’amane avec un coeur composé essentiellement d’épices comme le cumin bien sûr, mais aussi la cannelle, la caramome et le gingembre qui rend le fond d’encens associé au patchouli, à la vanille, au ciste, aux muscs et au tabac presque anecdotique. Certes, la note de datte est un peu perdue au milieu de cette composition ultra complexe, cette formule relativement longue qui rend le parfum si insaisissable mais je la trouve présente tout au long de l’évolution. « Aziyadé » ne sera absolument pas le parfum de tout le monde et sa dimension à la fois épicée et gourmande peut déranger mais je ne peux m’empêcher de le trouver extrêmement intéressant.
Avec « Jardin de Misfah », créé pour Une Nuit Nomade en 2019 par Jérôme di Marino et qui rencontre un très grand succès, la présence de la note de datte est beaucoup plus évidente. Il en explique l’inspiration : « Jardins de Misfah s'est inspiré de la friandise orientale emblématique, "Omanis Sweet". Ce délicieux dessert, utilisé pour les célébrations telles que la naissance et le mariage, est composé de dattes, d'amandes, d'eau de rose et d'épices. J'ai réinterprété cette friandise et le plaisir qu'elle procure dans un parfum des plus raffinés et précieux ». Dans cette création, c’est le départ qui est très épicé et qui me séduit avec des note de cardamome et de noix de muscade puis vient un coeur ou la datte joue avec la rose dans une dualité sucrée et un peu « loukoum » puis le parfums prend un tour amandé et rehaussé de safran. Je comprends l’engouement pour ce parfum car il est, c’est vrai, très réussi et facile à porter mais, pour moi, il est un peu too much et je n’arriverais pas à le supporter une journée entière d’autant que, tant au niveau de la tenue que du sillage, il est, sur ma peau, extrêmement présent. C’est une vraie gourmandise orientale comme il y en a quelques unes sur le marché. Il est à la fois qualitatif et tout à fait emblématique de ce que peut donner la note de datte en parfumerie. Pour moi, il est, quand même un peu trop envahissant.
Avec « Olé » qu’il a créé en 2019, Ramon Monegal exploite le côté fruité de la date en l’associant, en tête avec un accord framboise et des notes d’ananas. Nous sommes tout de suite plongés dans un univers à la fois exotique et fruité. Les deux autres notes d’estompent lorsque vient le coeur d’orchidée, de jasmin et de cèdre puis le fond de vanille, de sapin baumier et de muscs blancs. La colonne vertébrale du parfum, si je peux m’exprimer ainsi est dons surtout la dualité entre le côté aromatique et boisé de la vanille naturelle et l’arôme, peut-être un peu artificiel de la datte. Sur le papier, ce parfum aurait tout pour me déplaire et pourtant, sur ma peau, je l’aime énormément. Il en décrit ainsi l’inspiration : « Olé ! Mon exclamation préférée ! Un mélange de folklore et de culture espagnole. Une passionnante exploration de la capacité de s'émerveiller face à l'art. Un court instant d'épanouissement et d'émotions intenses ! Olé à l'art ! Liberté, passion, provocation, imagination, originalité, émotion, joie et vie ! ». J’ai réessayé ce parfum pour écrire mon article et, vraiment, je l’aime. Je pourrais tout à fait le porter. Il n’est pas dit d’ailleurs que je ne le fasse pas un jour tant il me séduit, tant il m’emmène avec lui dans des effluves qui ne me sont pas habituels. J’aime beaucoup la note de datte dans ce parfum. Je la trouve excessivement réaliste. Pour moi, il est vraiment une parfaite réussite.
« Les baumes précieux et le patchouli se mêlent aux fleurs de frangipanier et aux senteurs de fruits confits ». Dans la très belle collection Aristia de maison Lubin, je me retrouve assez peu même si je sais apprécier le travail des parfumeurs. J’ai essayé toutes les créations il y a quelques années mais ce n’est que « Gajah Mada », créé par Delphine Thierry et Thomas Fontaine en 2019, qui me plait sur ma peau. Il faut dire qu’il réunit beaucoup de notes que j’aime puisqu’il s’ouvre sur ds notes d’orange sanguine arrondie de prune et de coing puis vient un coeur baumé et très suave de datte et de fleur de frangipanier qui se pose sur un délicat fond de patchouli, de benjoin et de bois de santal. Pour moi, « Gajah Mada » est l’archétype du parfum oriental réussi. Sur ma peau, il est tellement addictif que j’y reviens sans arrêt. Il matche parfaitement et me plait énormément. Je me sens un peu comme dans une oasis luxuriante au milieu du désert et c’est rare chez moi car je suis loin d’être un grand voyageur. Je ne l’ai encore jamais acheté pour deux raisons. Tout d’abord, son prix dépasse la limite que je me suis fixée, mais là, j’aurais pu transiger, mais aussi, sa tenue, sur ma peau, est un peu limité. Je le garde quelques heures certes, mais peut-être pas autant que « Farah » qui j’ai finalement choisi.
Pour finir, j’ai choisi « Désert Suave » créé Nisrine Bouazzaoui Grillié et Quentin Bisch en 2018 pour la trilogie des Eaux Imaginaires de Liquides Imaginaires. « Après Île Pourpre et Fleuve Tendre, le troisième opus de ces terres imaginaires est une Oasis. Terre fertile à la végétation luxuriante perdue au milieu d’espaces désertiques dont la présence précieuse doit tout à l’eau. Telle une pause invitant à la détente et au plaisir gustatif, ce parfum évoquera le fruit du palmier, la datte, mais aussi un panier de saveurs et d’épices empruntées aux caravanes des voyageurs et pèlerins. Laissant trainer après leur passage, un sillage tel un mirage délicieux se mêlant au vent chaud ». Je trouve que, dans ce parfum profondément oriental, la note de datte est particulièrement réaliste. Un départ de cardamome associée à la mandarine et au clou de girofle évolue vers un coeur de datte, de fleur d’oranger et de rose d’une rare délicatesse et le parfum est soutenu par un bois de cèdre qui lui confère une superbe tenue et un sillage assez imposant et qui compose avec des versants ciste et sésame. Comme ça, « Désert Suave » a tout pour me plaire et pourtant, sans que je sache vraiment pourquoi, il ne matche pas avec ma peau alors que sur l’une de mes connaissances, il est magnifique (c’était déjà le cas de « Arabie » de Serge Lutens dont j’ai parlé au début de cet article) et cela peut avoir un côté plus que frustrant. En tout cas, c’est un très très joli parfum et, à mon sens, une parfaite illustration de mon propos et de ce que peut donner la note de date
J’ai été un peu long mais le sujet m’a énormément passionné. Je crois vraiment que, si j’aime le goût de la datte, je suis attiré par l’odeur de son accord en parfumerie. Sa présence n’est peut-être pas déterminante mais je dois dire qu’elle a provoqué mon envie de porter des parfums dits orientaux après une pose de plusieurs années. J’ai choisi « Farah » de Brécourt et j’ai bien fait car il m’accompagne bien souvent. C’est un très très beau parfum mais il y en a d’autres et j’avais envie d’en parler.