Exquise trouvaille : "Chypre-Mousse"
« Après les premières pluies de septembre, les sous-bois exhalent les parfums d’humus, de tourbe et de terre humide. C'est le temps des promenades en forêt pour profiter de la fraîcheur retrouvée après la chaleur de l’été. L’automne est propice à la contemplation, à l’observation de la nature qui doucement se prépare à l’hiver qui approche et à ses premiers frimas. Les sous-bois se parent d’un manteau de couleurs tendres et vous emplissent d’effluves rassurants. Le tapis de mousse, écrin précieux des sous-bois, accueillera bientôt les feuilles roussies par les derniers rayons du soleil. Chypre-Mousse évoque en chacun de nous la nature qui revêt ses derniers habits avant la tombée des premières neiges. Effluves de sous-bois humides, de feuilles roussies et de mousse fraîche avant la cueillette aux champignons et les marrons chauds au coin du feu. Chypre-Mousse, le Parfum centenaire de la Maison Oriza L. Legrand, présenté en 1914 aux élégants du monde entier ! ». J’étais complètement passé à côté de ce parfum d’Oriza L.Legrand et c’est en regardant la vidéo de Marion sur sa chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures, que j’ai eu envie d’aller l’essayer. Je me suis donc rendu chez Odorem à Lyon qui distribue la marque et Nicolas, que je remercie chaleureusement, m’a très bien présenté ce parfum atypique et presque étrange avec un côté très naturaliste et j’avoue qu’il m’a complètement dérouté. La marque le présente comme son parfum centenaire et, d’après mes information, la formule se rapproche beaucoup voire presque complètement de ce qu’elle était en 1914 lorsque cette création a été lancée.
Pour le décrire, je dirai qu’il porte bien son nom et qu’il s’adresse à un lutin des sous-bois ou à Diane, la déesse des forêts telle que l’a imaginée la romancière Françoise Mallet-Joris dans une chanson de Marie-Paule Belle. J’imagine une jeune femme rousse, vêtue de velours vert, un peu hors du temps, qui aimerait porter ce parfum qui est tout de même, il faut bien le dire, d’une très singulière élégance Je l’ai trouvé vraiment déroutant. Est-il moderne ou suranné ? Est-il intemporel ? Plutôt féminin ? Plutôt masculin ? Je ne saurais répondre à toutes ces questions. Pour moi, il peut avoir un côté presque entêtant et je ne pourrais sans doute pas le porter mais je reconnais bien volontiers que je trouve la création artistiquement fascinante. L’envolée est déjà très étonnante avec ses notes aromatiques et vertes. On y retrouve du fenouil, de la sauge et de la menthe poivrée probablement rehaussé par un peu de galbanum qui nous emmène jusqu’au coeur et se charge de lentisque, de trèfle, d’un accord fougère (la plante pas la famille olfactive), d’angélique et surtout de feuilles de violette pour le côté un peu poudré. Le fond est très mousse de chêne avec le côté racinaire du vétiver qui remplace la patchouli. Je sens aussi des notes de châtaigne, de noisette, de pin et de cuir un peu labdanum. Le moins que l’on puisse dire est que ce parfum est vraiment très complexe et extrêmement clivant. Pour ma part, c’est un peu « je t’aime, moi non plus ». Parfois il m’attire et l’instant d’après, il me rebute. Vraiment il faut sentir « Chypre-Mousse ». Il est incroyable !
Quelques idées pour débuter dans la parfumerie de niche
Cet article je pensais l’écrire mais c’est à Aude, qui vient sur ce blog depuis très longtemps que je dois de me bousculer un peu. Elle m’a posé une question tout à fait intéressante. Je vous la livre « dans le texte » : « Si tu devais conseiller des marques voire même des parfums en particulier qui pourrait aider à une transition entre la parfumerie de chaîne et la parfumerie d’auteurs quels seraient-ils ? ». Tout d’abord je la remercie pour les échanges que je trouve très enrichissants et je la salue car elle vit désormais un peu loin de nous. Je vais essayer d’être un peu cohérent et de répondre sans trop vous noyer dans des références. Je parlerai de ce que j’appelle les marques de débutants, ce qui n’a rien de péjoratif et dans chacune d’entre-elles, je vous donnerai mon coup de coeur qui sera, bien évidemment, tout à fait subjectif.
Quand je pense à la transition entre le monde des parfums plus standardisés (et en particulier les dernières sorties du circuit sélectif), une maison me vient immédiatement en tête, il s’agit de celle de Romano Ricci, « Juliette Has a Gun ». Elle propose des jus très consensuels, faciles d’accès, avec toujours de petits twists qui permettent de se démarquer. Je la trouve assez idéale pour éduquer son nez surtout lorsqu’on est jeune et qu’on veut un peu sortir du conventionnel. Son nom suggèrerait qu’elle s’adresse plutôt aux filles mais je trouve que certains parfums sont parfaitement mixtes. Parmi ceux que je trouve réussis, il y a sans doute « Vanilla Vibes », un parfum de plage qui m’avait fait très envie à sa sortie mais que je n’ai pas senti depuis très longtemps mais aussi, et il est adapté pour l’été, « Moscow Mule » qui reprend le nom du célèbre cocktail qu’il est supposé évoquer. Créé en 2017 par Romano Ricci, il est facile à porter et, en même temps, il a une jolie évolution un peu singulière sur la peau (en tout cas sur la mienne). Il s’ouvre sur des notes de bergamote et citron vert assez douces, le coeur d’hédione, de gingembre et de pomme verte est vraiment délicat et pas du tout sucré et il est soutenu par un fond de muscs blancs et de bois d’ambre auquel la délicatesse de l’ambrette donne un côté plus original. Je le trouve idéal pour tous car il est complètement androgyne, facile à porter tout en ayant une identité marquée.
La seconde maison qui me vient est un peu à mi-chemin entre une marque de designer et de niche car son fondateur, Martin Margiela, est un couturier à la base mais il a construit sa collection Réplica comme une série de parfums d’auteurs en faisant appel à des nez qui ont vraiment des univers très différents les uns des autres. Je dois dire que, si je les trouve un peu consensuels pour la plupart, certains parfums ne cèdent à aucune mode ni à aucune tendance mais sont vraiment de belles créations faciles à porter et ils sont une première marche vers une parfumerie très audacieuse. Je pense bien évidemment à « Jazz Club » créé en 2013 par Aliénor Massenet qui est vraiment indéniablement mon préféré. C’est résolument un parfum d’hiver un peu plus audacieux que les autres de la collection avec un départ de citron et de poivre rose, un coeur de vétiver et de rhum et un fond vanillé de feuille de tabac et de styrax. Il est rond et porte bien son nom car il évoque les clubs de musique des années 20 tout en restant ultra moderne. Il est trop dense pour la saison alors je peux vous en indiquer un autre qui est un récent coup de coeur. Il s’agit de la nouveauté de cette année, « Matcha Méditation », créé par Alexandra Carlin et Maurice Roucel et qui est un travail autour du thé vert japonais. Je le trouve parfaitement addictif, facile à porter malgré une grande originalité. Il constituera, pour les filles et les garçons, une très bonne entrée en matière pour aller vers la parfumerie plus de niche.
Un peu plus à contre-courant car plus spécialisée dans les orientaux, la maison Montale est également une manière d’aller vers autre chose que ce que l’on trouve dans le sélectif. Le travail des fragrances oud, patchouli et vanille est vraiment très bien vu sans pour autant être difficiles d’accès. De plus, je trouve que l’accueil en boutique, lorsque l’on est débutant, est vraiment top car nous avons eu la chance de tomber sur un responsable, à Paris, passionné et passionnant. La marque compte énormément de références et il faut quand même se laisser guider. De plus, le rapport qualité-prix est excellent donc on peut trouver un parfum différent et en même temps accessible à tous points de vue. Mon coup de coeur dans la marque est un peu plus masculin et porte bien son nom car il s’appelle « Vétiver Patchouli ». Il a été créé évidemment par Pierre Montale et lancé en 2019. Il s’ouvre sur des notes de graine de carotte et de poivre rose pour nous emmener sur un coeur de vétiver un peu adouci par des fleurs blanches et un fond de patchouli. Il m’avait bien plu car je le trouvais vraiment facile à porter en hiver et, en même temps, il était très singulier et pas du tout convenu. Le mot qui m’était venu lorsque je l’ai senti a été « jubilatoire ». En tout cas j’ai bien aimé mais il y en a plein d’autres. Pierre Montale a également lancé une seconde marque, Mancera mais je trouve les jus plus typés et un peu moins faciles à porter pour débuter dans la parfumerie de niche.
Il y a beaucoup d’autres marques mais je veux me limiter à quatre et, celle qui me vient à l’esprit est « Alexandre.J » et notamment sa collection The Collector. Alors certes le packaging va plaire ou déplaire. Pour ma part, je le trouve vraiment « bling bling » et pas forcément du meilleur goût mais les jus, s’ils sont un peu convenus, sont bien réalisés et plutôt jolis. Il y a deux muscs très faciles d’accès et une mandarine un peu plus originale mais je me suis arrêté sur « Iris Violet » que je trouve joli car il mêle un départ de pomme et de bergamote avec un coeur d’iris, de rose et de jasmin et le fond poudré de musc blanc et très « cocon » du bois de cachemire et du patchouli avec de petites touches de vanille et d’encens ainsi que de benjoin. Je le trouve légèrement rond tout en étant poudré et il me semble vraiment facile à porter lorsque l’on vient d’une parfumerie où les gourmands sont plus qu’une tendance car il a vraiment quelque chose en plus tout en restant consensuel. Résolument moderne et dans l’air du temps, c’est une jolie approche de l’iris. Je le trouve bien agréable à sentir et à re-sentir. En tout cas, je suis certain qu’il ne sera pas clivant et qu’il est une belle approche de cette merveilleuse note qui peut prendre des accents vraiment intéressants et variés.
J’aurais pu vous conseiller les marques « historiques », Diptyque, L’Artisan Parfumeur, Annick Goutal ou Serge Lutens mais je pense que leurs parfums ne sont pas forcément faciles lorsque l’on vient du sélectif. Bien évidemment d’autres comme Maison Matine ou encore Frapin proposent également des jus très intéressants sans être « trop niches » et qui pourraient assurer une belle transition mais il me fallait me limiter un peu donc je suis allé vers les parfums qui me venaient spontanément à l’esprit pour répondre à la question d’Aude. En revanche, je suis très preneur si vous avez d’autres conseils ou d’autres idées. J’espère que cet article sera une nouvelle base d’échanges intéressants. J’attends donc vos commentaires ou vos petits mots. Je répondrai à tout le monde.
Antinomie, tout en élégance
« Choisir un parfum c’est choisir qui l’on a envie d’être à un instant précis. Parfois on se sent aventurier. Parfois on se laisse envahir par sa timidité. Parfois, on ne saurait dire. Comme nous, le monde tout entier est contradictoire, fait de petits moments qui nous marquent et que l’on a envie de retrouver : la beauté d’un clair-obscur, un silence qui fait du bruit, une chaleur hivernale… ». C’est une toute nouvelle maison qui vient de naître en 2022 et elle pourrait bien avoir un franc succès. J’ai découvert les créations de la marque française Antinomie complètement par hasard et j’ai bien aimé. Tout d’abord, je trouve l’esthétique très sympa, le flaconnage joli et l’esprit des fragrances impeccable. J’ai choisi deux eaux de parfums et deux extraits qui m’ont vraiment beaucoup plu. Je vais essayer de vous donner envie de découvrir la marque. Franchement, ce sont des classiques avec un petit twist un peu différent et je les trouve à la fois bien faits et faciles à porter. La marque comporte à ce jour dix parfums à des prix très corrects et j’avais envie de partager mon ressenti.
Deux eaux de parfums :
Avec une envolée de citron, de pêche blanche et de notes fruités, un coeur d’ambre et de vanille et un fond de muscs blancs et de bois, « Ambre Insomniaque » est l’ambré fleuri et fruité de la marque. Je l’au trouvé vraiment à la fois rafraîchissant et réconfortant. Il est décrit ainsi : « Ici on rêve mais on ne dort pas ! Parfum frais qui réveille grâce à ses notes énergiques de pêche et de citron. Mais ne vous fiez pas aux apparences : les notes chaudes d’ambre et de musc blanc viendront bercer ce moment. Ambre insomniaque - Êtes-vous prêts à rêver les yeux grands ouverts ? » et je trouve que tout est dit. Ce n’est en aucun cas un parfum ambré classique. Il a presque un côté chypré. J’ai trouvé que ce que j’ai pu sentir de l’évolution était très beau et il est, dans la série des eaux de parfums, indubitablement mon préféré. C’est un parfum chic, classique mais avec un petit twist moderne que j’aime bien. En tout cas, il m’a marqué et je pense que je pourrais tout à fait le porter.
« Ici on est follement sage ! Parfum dont la sagesse fleurie se fait follement remarquer grâce aux puissantes notes de rose qui se mêlent à la fraicheur du jasmin et à celle de l’iris. Un peu de patience et vous noterez la touche de vanille qui fera la différence : discrète mais remarquable. Rose Sage - Être sage, c’est avoir du caractère » et c’est donc « Rose Sage » qui sera le second parfum de la collection des eaux de parfums dont j’ai eu envie de parler. Dès le départ, avec des notes de têtes de jasmin, d’ylang-ylang et de rhubarbe, on entre dans un parfum fleuri et élégant. Le coeur de pivoine, d’iris, de rose est rehaussé d’un clou de girofle qui reste doux et le fond lacté et amandé de bois de santal et d’héliotrope est entouré de vanille et de muscs blancs. Plus classique que le précédent, « Rose Sage » m’a surtout fait vraiment l’impression d’un très joli classique très bien réalisé avec un côté réjouissant.
Deux extraits de parfums :
« Danse Passive » est le chypre de la collection et je l’ai vraiment bien aimé. Je pense qu’il est vraiment mon préféré. « La musique fredonne son air fruité - des notes acides de framboise et d’orange rythmées par celles de la pêche. On ferme les yeux : le moment nous berce ; l’air nous transporte. Fraicheur d’un ailleurs - Ylang Ylang, Jasmin, Cèdre. On se laisse porter par cet instant de caractère, finalement musqué. Parfum d’une danse passive ». Il s’ouvre sur des notes d’orange amère, de pêche, de rose et même de framboise (qu’heureusement je ne sens pas) pour nous conduire sur un coeur d’ylang-ylang, de jasmin, de cèdre et de muguet puis sur un fond de patchouli rehaussé de notes d’ambre, de vanille, de bois de santal et de mousse de chêne. C’est un chypré très patchouli, il ne faut pas se mentir. Je le trouve vraiment très agréable, pas gourmand, vraiment élégant et complètement addictif. Je suis beaucoup revenu dessus et je pourrais tout à fait le porter.
Le patchouli est encore mis en valeur dans « Silence Éloquent » mais là, on a plutôt affaire à un très bel oriental sec et ambré qui s’ouvre avec une envolée sèche de safran, un coeur de café, de cyclamen et de magnolia puis un fond d’amyris, d’encens, de patchouli et de bois. « Impossible de sortir un son. Comme muet face aux voix qui nous entourent. Un silence qui se veut roi comme pour dire ce que l’on n’arrive pas à dire. Parfum de caractère aux notes de safran, de patchouli et d’encens qui fait du bruit en silence ». C’est un parfum net, tranché, très bien réalisé, sans gourmandise et tout en finesse. On est assez éloigné des patchoulis que l’on trouve dans les marques de niche et qui ont souvent un côté végétal ou terreux. Là, tout est réalisé en douceur même si le parfum dans son ensemble dégage une belle force. Je pourrais tout à fait le porter. Son côté un peu clair et net me plait bien. Nous ne sommes pas dans la sophistication mais dans une fragrance claire, lisible et efficace.
J’ai bien aimé la marque. Je trouve, en outre, et ce n’est pas négligeable, que les parfums sont très abordables même en concentration extrait. La démarche antinomique si j’ose dire est très sympa. Un seul regret toutefois, j’aurais aimé que la maison communique sur les parfumeurs qui ont travaillé sur les créations. Je trouve un peu frustrant de ne pas le savoir. Antinomie est une nouvelle marque à saisir, à sentir, à essayer.
Pierre Guillaume : Quatre parfums de la Collection Noire
Chez Pierre Guillaume, j’ai un petit coup de coeur pour la Collection Noire. Elle compte à ce jour 18 parfums et est née en 2010. Elle est constituée de parfums sophistiqués, d’inspirations diverses et de matières premières de grande qualité. Chaque parfum aborde un thème particulier et je dois dire que je les trouve très lisibles et plein de charme. J’en ai choisi quatre que je trouve particulièrement représentatifs de la signature du parfumeur. Je dois dire que j’ai pris énormément de plaisir à remettre mon nez dans les créations qui composent cette collection et que je choix a été dur. J’ai décidé de parler d’univers très différents les uns des autres. En tout cas, je me suis plongé dedans avec beaucoup de motivation car j’avais envie de mettre cette collection en avant.
C’est avec « Poudre de Riz » créé en 2012 que j’ai découvert la collection car j’étais, à cette époque, à la recherche d’un parfum très cosmétique m’emmenant dans l’univers régressifs des poudriers que j’ai pu sentir durant mon enfance. Plaisir d’enfance jubilatoire, ce parfum me plait énormément. Le parfumeur le décrit ainsi : « Une étreinte ambrée… ”La chambre, tout en chaos, est pleine d’un mélange d’odeurs : savon, poudre de riz, senteur aiguë de l’eau de Cologne, dans la lourdeur du matin enfermé”. Henri Barbusse, L’Enfer, 1908. C’est de cette phrase tirée du roman de Henri Barbusse, que s’inspire “Poudre de Riz”, le parfum d’une étreinte délicieusement ambrée : charme suranné d’un accord “Poudre de Riz” ourlé de Pétales de Roses et sensualité intemporelle d’un Monoï infusé de Gousses de Vanille… ». Dès la vaporisation, une effluve poudrée et aldéhydée avec des notes d’iris donnent le ton puis le coeur de rose ajoute encore une facette cosmétique et le fond d’ambre et de vanille soutient la fragrance. J’ai adoré ça. Il y a quelque chose de très doux et cocon dans ce parfum portable très facilement été comme hiver. Je me souviens l’avoir recommandé à une amie qui cherchait une très belle rose poudrée et ça a fait mouche. Je n’en suis pas étonné. Je n’ose pas trop le porter car, s’il n’y a pour moi que rarement un genre en parfumerie, « Poudre de Riz » est la quintessence d’une élégance féminine très « boudoir » et très sophistiquée.
J’ai choisi, en second, une véritable antithèse du premier. Il s’agit de « Mécanique du Désir » créé en 2018. Je remercie Franck de la boutique lyonnaise de me l’avoir fait découvrir. C’est un parfum résolument citadin décrit ainsi : « Cambouis [nom masculin] : Graisse, huile noircie par le frottement des organes d’une machine. “Collectionneur de véhicules anciens, mon père m’a initié dés l’adolescence à la beauté des belles mécaniques alors que je l’assistais à la restauration de ses Austin Healey, Jaguar et Mercedes. C’est durant les longs dimanche d’hiver que nous passions des heures dans l’atelier, œuvrant, les mains plongées dans les entrailles de ses sculptures sur roue. L’odeur du cambouis a toujours exercé une attraction-répulsion sur moi.” À la fois associée à des moments heureux de mon existence, cette “sueur de moteur” aux relents pénétrants de goudron, d’hydrocarbures et d’huile me dérangeait parfois. Des années plus tard, c’est en lisant Jacques Lacarrière, dans son ouvrage “Ce bel et vivace aujourd’hui” que j’ai perçu la poésie cachée de ce “Noir Mucus” et je décidais dans faire un thème de travail. Mon cambouis aurait la chaleur de l’ambre et des muscs animalisés teintés par l’étrange noirceur d’un accord de bois de gaïac et de feuilles de violette. Les notes soufrées du bourgeon de cassis mêlées d’aldéhydes dessineront les contours métalliques, auxquels l’essence de mandarine donnera l’éclat du chrome ». Quand j’avais lu ces mots, ça ne m’avait pas donné envie de découvrir cette création et j’avais tort. C’es tun cuir étrange, singulier, un peu fruité et boisé à la fois avec une facette très sombre. Je dois dire que ce parfum très moderne m’a plu contre toute attente. Je pourrais tout à fait me l’approprier. Il est chic et choc si j’ose dire. Je le trouve d’une curieuse élégance.
C’est Pierre Guillaume qui, lors de l’ouverture de la boutique, m’a fait découvrir « Ciel d’Airain » créé en 2010. Je dois dire que la description m’attirait : « Poire juteuse et chaleur boisée… C’est un verger oublié des rives du Lac de Côme sous le brun électrique d’un ciel d’orage… Le fruit frais, exprimé par des extraits naturels, dans une nouvelle concentration, la feuille et le bois de poirier y rencontrent les rameaux d’olivier et l’ambre gris ». Je n’aime pas spécialement la note de poire travaillée en majeur mais je dois dire que celle-ci me plait. Le parfum a quelque chose de très enveloppant et tout de même une certaine fraîcheur. Il est très moderne, légèrement poudré et un peu vert à la fois. C’est la poire dans tous ses états, de la feuille au fruit en passant par la fleur. Je trouve que le parfum, très contemporain, s’adresse surtout à un public jeune. C’est curieux. La note de poire me donne toujours cette impression. « Ciel d’Airain » est un peu en clair obscur et la dualité entre le côté frais et fruité s’oppose avec une autre facette plus boisée et presque gourmande. Je lui trouve quelque chose de britannique dans l’élégance. Le fond de muscs blanc soutient la fragrance en lui donnant un côté propre sans être propret. Sur ma peau « Ciel d’Airain » est très élégant. Il me plait bien et fait partie de mes préférés dans la collection noire.
« Animal Mondain », sorti fin 2020, est l’un des bests de la collection mais aussi de la marque et je le comprends car je trouve que c’est un merveilleux parfum. Oui, on peut le dire, c’est un grand coup de coeur. « Les Années 30 et le Modernisme, de Marlène Dietrich à Robert Mallet-Stevens “Entre la fougue épicée de Cozé et l’opulence baumée et liquoreuse de Liqueur Charnelle, Animal Mondain s’interpose comme un nouveau Tabac dans ma production. Dépouillé de tout artifice c’est un corps olfactif non genré inspiré par l’architecture moderniste d’un fumoir signé Mallet-Stevens. Les éclats de rires d’une société mondaine heureuse de festoyer y fendent les volutes de tabac qui s’étirent doucement sur les fauteuils en cuir et le long des boiseries de poirier et d’acajou…” ». Un peu gourmand, un peu tabac, un peu poudré, très sec et pourtant enveloppant, « Animal Mondain » est le parfum de dandy (au féminin comme au masculin d’ailleurs) par excellence. Pour moi, il est dans l’esprit de « Roaring Radcliff » que j’aimais tant dans la collection des Portraits de Penhaligon’s. C’est une trouvaille, mieux une découverte. Je l’ai essayé plusieurs fois et, à chaque fois, je suis conquis. Je le porterai un jour où je chercherai un parfum d’hiver réconfortant et très profond. À mon sens, « Animal Mondain » est l’équilibre parfait entre la mémoire de la parfumerie française et une modernité assumée et très nette. Il est mon préféré de la collection et figure en bonne place dans les parfums qui me touchent le plus chez Pierre Guillaume.
Il y a d’autres très belles créations dans cette collection mais j’ai voulu ratisser large et montrer des univers très distincts les uns des autres. J’ai adoré cette plongée dans des parfums singuliers et souvent même atypiques. Je trouve cette que l’univers noir est très différent de la Collection Numéraire. J’aime beaucoup l’idée de plusieurs esprits qui s’entrecroisent. Pierre Guillaume étant extrêmement prolifique, il réussit cela très bien.
Mon Top 20 2022
Il y a eu, cette année 2022, vraiment beaucoup de belles sorties et je dois dire que je me suis creusé la tête pour n'en choisir que 20. J'ai un peu triché puisqu'il y a un ex-aequo à la première place. Je n'ai pas pu les départager. Enfin, il y a un peu de tout. J'aime beaucoup cette sélection. Elle m'a plu et j'ai porté presque tous les parfums sur la peau. Allez, je ne bavarde pas plus. Voici le top 20 :
1) Ex aequo "Figuier Noir" créé par Céline Ellena Nezen pour Houbigant
1) Ex aequo "Abyssae" créé par Daphné Bugey pour la collection La Botanique de l'Artisan Parfumeur
2) "Chergui" créé par Christopher Sheldrake dans la collection des Confits de Parfums de Serge Lutens
3) "Gorseland" créé par Euan McCall pour la collection Scottish Odyssey de Jorum Studio
4) "L'Iris' créé par Gian Luca Perris pour Santa Maria Novella
5) "Les Nuits" créé par Dominique Ropion pour Astier de Villatte
6) "Lilaganza" créé pour 1907
7) "L'Eau d'Issey Eau et Magnolia" créé par Daphné Bugey pour Issey Miyake
8) "Violette Volynka" créé par Christine Nagel pour la collection Les Hermessences
9) "Musc Amarante" créé par Quentin Bisch pour la collection Le Potager de l'Artisan Parfumeur
10) "Neroli Mediterraneo" créé par Gian Luca Perris pour Perris Monte Carlo
11) "Vetiver en Fleur" créé par Natasha Côté pour Scent of Wood
12) "Oud Laqué" créé par Mathieu Nardin pour Les Bains Guerbois
13) "L'Eau Guillerette" créé par Anatole Lebreton pour Anatole Lebreton
14) "Rosa Carnivora" créé par Daphné Bugey pour Dries van Noten
15) "Fig Infusion" créé par Nathalie Lorson pour Essential Parfums
16) "Peau d'Espagne"créé pour Oriza L.Legrand
17) "Soleil de Provence" créé par Daphné Bugey pour la collection paysages de L'Artisan Parfumeur
18) "Poivre Noir" créé par Christopher Sheldrake pour Serge Lutens
19) "Épices Exquises" créé par Thierry Wasser pour la collection Les Absolus d'Orient de Guerlain
20) "Terre Eau Givrée" créé par Christine Nagel pour Hermès
Mes Jo Malone Préférés dans la Collection Cologne
C’est suite à une demande de plusieurs d’entre-vous que j’ai décidé d’écrire un article sur les quatre parfums de la collection classique de Jo Malone que je porte ou que j’ai porté le plus. Cette marque anglaise, moderne, propose des fragrances simples sans jamais être simplistes que l’on peut porter seules ou encore les superposer. Pour ma part, et mêle si j’ai fait quelques mélanges sur ma peau, je suis plutôt content de les porter un par un. J’aime beaucoup l’esprit de la marque. Les boutiques sont belles, les fragrances originales mais faciles à porter et la tenue, le plus souvent, largement suffisante. Je ne vais pas revenir une fois encore sur « Nutmeg & Ginger » car, même s’il est vraiment mon favoris, j’en ai parlé souvent et récemment. Je vais donc aller vous emmener dans d’autres univers et vous donner mon ressentis sur les parfums Jo Malone que je connais le mieux.
Après « Nutmeg & Ginger », le parfum de la collection classique que j’ai le plus porté est, sans aucun doute « Earl Grey & Cucumber » créé en 2011 par Christine Nagel que la marque décrit ainsi : « Une tradition Britannique... L'heure du thé. Un parfum associant un éclat de bergamote, caractéristique du thé Earl Grey, à la fraîcheur succulente du concombre croquant. Équilibré par un fond sucré de cire d'abeille, de vanille et de musc. Vivifiant et raffiné ». Je dois dire que cette belle création, délicate, à l’instar des autres parfums de la marque et particulièrement de cette collection, a contribué à me réconcilier avec les hespéridés car, à l’époque, je n’en portai pas du tout, alors qu’aujourd’hui, j’en possède quelques uns notamment chez Perris Monte Carlo. Mais revenons à « Earl Grey & Cucumber » que j’ai trouvé tout de suite à la fois original et vraiment très agréable à porter durant l’été d’ailleurs il m’a accompagné tous les jours lors de vacances en Vendée. Le parfum s’ouvre sur une note de bergamote rendue « croquante » et fraîche par le concombre qui lui donne un twist tout à fait étonnant. Le coeur est donc très pétillant et le fond de cire d’abeille et de muscs blancs donnent un côté propre et élégant à la fragrance. Je l’ai beaucoup portée toute seule mais je l’associais aussi avec « Orange Bitters », le faux éphémère qui ressort tous les ans pour les fêtes et, également « Wild Bluebell » pour le côté floral et aquatique. « Earl Grey & Cucumber » reste l’un des parfums de la marque que je préfère et je vais sans doute l’adopter à nouveau prochainement à la belle saison.
Le tout premier parfum que j’ai porté dans la collection Cologne a été « Amber & Lavender » qui fait aujourd’hui partie des Archives de la marque et qui avait été créé par Jo Malone en 1995. Je le trouvais un peu vintage et ultra chic quoi qu’un peu genré : « Un classique de la parfumerie masculine, revisité.La lavande française et le petit grain apportent une luminosité fraîche à l’ambre précieux.Cultivé et cosmopolite ». La parfumeure a vraiment revisité l’oriental fougère avec cette lavande ambrée qui pourrait, il faut le dire, plaire autant aux femmes qu’aux hommes. Après un départ de petit grain de fleur d’oranger, le coeur de lavande camphrée et miellée avec une note de foin vient prendre toute la place et s’arrondir avec le fond ambré chaude et opulente. « Amber & Lavender » a pris, pour moi, la place de « Pour Un Homme » de Caron que j’ai beaucoup porté mais dont je m’étais un peu lassé à cette époque. Je trouvais qu’il était la quintessence de l’élégance à l’anglaise. Je ne l’ai presque jamais associé sauf avec « Wild Bluebell » qui apportait une facette très florale et encore plus élégante avec une touche d’originalité. J’aime toujours « Amber & Lavender » mais il est vrai qu’il y a d’autres parfums dans les Archives de la marque qui me plaisent tout autant voire plus.
C’est grâce à Christine et Pénélope de la boutique lyonnaise, que j’ai découvert « Pomegranate Noir », créé en 2005 par Beverley Bayne et qui reste, encore aujourd’hui, l’un des parfums de la collection que je préfère. Il s’ouvre avec une envolée de grenade et de prune à la fois fraîche et ronde puis vient un lys épicé et un côté fruits confits qui se pose sur un gourmand bois de gaïac. C’est un parfum très sensuel, opulent et très élégant. Il y a vraiment un côté très atypique dans « Pomegranate Noir » qui me séduit complètement. La marque le décrit ainsi : « La sensualité et l’audace d’une robe rouge.Les jus couleur rubis de la grenade, de la framboise et de la prune sont corsés par le poivre rose et enlacés de Lys de Casablanca et de bois épicés.Sombre et énigmatique ». J’aime le porter seul mais j’ai aussi suivi les conseils de Christine et Pénélope à l’époque et je l’ai superposé avec « 154 Cologne ». Vraiment, ça fonctionnait très bien et le côté vétiver se mêlait à le prune et aux notes florales pour créer un effet complexe et élégant à l’anglaise. J’ai énormément porté « Pomegranate Noir » ces dernières années et je crois qu’il me suivra toujours même si, aujourd’hui, je l’ai un peu oublié. Nul doute qu’il demeure dans un coin de ma tête et qu’il reviendra en force un jour ou l’autre.
C’est cet été que j’ai découvert combien j’aime « Grapefruit » créé par Jo Malone en 1992 et à côté duquel j’étais complètement passé. Je l’ai associé à la Cologne Intense « Dark Amber & Ginger Lily » au printemps avant de le porter seul ou encore superposé avec « Nutmeg & Ginger » tout l’été. Il s’ouvre avec la note amère et acide de pamplemousse puis nous conduit sur un coeur de romarin, de piment, de camphre, de lavande et de menthe puis se pose sur un fond de mousse et de notes boisées. La marque le décrit ainsi : « Des vergers de pamplemousses en abondance sur la côte espagnole. Le romarin, la menthe poivrée et le piment apportent la dose parfaite de piquant à la nature éclatante et ensoleillée du pamplemousse. Tonique et rafraîchissant ». Plus complexe qu’il n’y paraît, il est vraiment d’une élégance rare. De plus, je l’ai porté durant des jours de canicule et, effet psychologique, j’ai eu l’impression qu’il faisait moins chaud. Je le trouvais vraiment rafraîchissant. J’aime bien le goût du pamplemousse mais je ne m’imaginais pas porter ce parfum que j’ai vraiment adoré et qui m’accompagnera, c’est sûr, le prochain été. J’aime bien le superposer mais je préfère encore, comme souvent, le porter seul. En plus, pour un hespéridé, il tient très bien. Que demander de mieux ?
Je ferai prochainement la même revue sur la collection Cologne Intenses mais je voulais me concentrer sur celle qui a fait la réputation de la marque. Pour moi, toutes les fragrances sont belles et il suffit de trouver celles qui nous plairont le mieux. C’est une démarche parfaite.
Pierre Guillaume : Quatre parfums de la Collection Numéraire
L’avantage d’avoir sous la main une boutique Pierre Guillaume est que je fais des découvertes à chaque fois que j’y passe. J’ai donc décidé de commencer une série d’article dans laquelle je vais évoquer chacune des collections de la marque qui compte tout de même, globalement, à ce jour 99 références. La toute première a été celle que le parfumeur appelle Numéraire et dans laquelle, il aborde des thèmes regroupés sous un chiffre par exemple, le tabac avec « Cozé 02 » puis « Cozé Verde 02.1 » et ainsi de suite. J’ai préféré choisir des parfums qui m’ont interpellé sans vraiment explorer un thème ou un autre. Cette collection a été lancée en 2002 quand la marque s’appelait encore Parfumerie Générale. J’ai choisi quatre parfums que je trouve très représentatifs de la signature du parfumeur.
Commençons par le début et par le premier parfum « Cozé 02 » créé par Pierre Guillaume en 2002. Il ne m’était pas possible d’aborder cette collection sans parler de ce parfum que je considère comme fondateur de la marque car il fait appel à une émotion propre à Pierre Guillaume puisqu’il lui a été inspiré par la cave à cigare de son père. Contraction de « C’est Osé », « Cozé 02 » est un parfum atypique et très original que j’aime beaucoup sentir. Le parfumeur le décrit ainsi : « Une pyramide olfactive tronquée, pour cette première création élaborée autour de l’huile essentielle de Chanvre Indien (Canapa Sativa Seed Oil). La complexité olfactive de cette nouvelle extraction, méritait une construction originale et audacieuse capable de mettre en relief toutes les facettes de cet ingrédient rare et précieux. En lieu et place de la note de tête, le Chanvre Indien déconcertant et captivant annonce un jus riche et chaleureux. Son cœur est vibrant d’épices et de bois précieux : poivre, piment et café fusionnent et flamboient en prémices à la sensualité du bois d’ébène, la douceur gourmande et envoûtante du chocolat et de l’infusion de gousses de vanille Bourbon ». Si je veux le décrire, je dirais que c’est un cuir tabac un peu vert, avec une construction semi-chyprée, des notes un peu gourmandes. Je ne sais pas si c’est vraiment comme ça qu’il a été envisagé mais c’est mon ressenti lorsque je l’ai sous le nez. Lorsque j’en ai parlé avec Pierre Guillaume, il m’a révélé qu’il considérait la pyramide olfactive un peu « bancale » et que le parfum était presque une erreur de débutant autodidacte. Quand je le sens, je trouve un très beau tabac blond abouti et profond et d’une grande élégance. Je le préfère à « Cozé Verde 02.1 » certes plus facile et plus frais mais peut-être un peu moins exotique et mystérieux. Je ne peux rapprocher ces deux parfums de rien de ce que je connais. Il faut surtout les découvrir.
Je vais rester dans les parfums un peu cuir et très opulents avec « Arabian Horse 03.1 » créé en 2012 après « Cuir Venenum 03 ». Je ne parlerai pas de ce dernier car je l’ai beaucoup évoqué déjà et parce que je viens de découvrir le cuir très animal qui est le plus onéreux de la collection mais aussi le plus clivant à mon sens. « Le galop d’un cheval… Un cuir à la fois singulier et figuratif nous narrant la course d’un cheval à travers la campagne humide… La fragrance démarre par une fraîcheur végétale d’herbes humides, de sève, de fleurs sauvages et d’absolue narcisse. En cœur, le Cuir domine, habillé d’un surprenant accord “crinière de cheval” qui s’alanguit sur un lit de muscs animalisés. Cypriol coeur, bois et ambre apportent de subtils reflets orientaux à ce tableau équestre… C’est une fragrance riche d’évocation, qui vous emporte et vous transporte : chevauchant un pur-sang au galop dans la lande anglaise.. la terre humide, les fleurs sauvages et les herbes piétinées par la bête, l’odeur de sa crinière, la chaleur de sa fourrure… Cette richesse à un prix : celui de la complexité: outre l’utilisation d’ingrédients d’exception tels que l’Absolue Narcisse, l’Absolue Labdanum et le Cypriol Cœur, “PG3.1” est une formule dite “à tiroir” c’est à dire renfermant de nombreuses “bases” dont l’Ambre 83, la Calmode, l’Animalis ou bien encore l’Herbacuore. Le nombre record d’ingrédients la composant en fait une fragrance difficilement copiable et une de celles nécessitant la plus longue pesée de notre atelier ». Je pense que tout est dit. Le parfum m’a un peu rappelé l’esprit de « Corpus Equus » de Naomi Goodsir mais aussi, par certains côtés, de « Bandit » créé par Germaine Cellier pour Robert Piguet qui, aujourd’hui n’existe pas. C’est un parfum enveloppant, très intense, avec une note très animale et une autre très goudronné. Il ne sera pas pour moi mais je pense que, bien porté, il doit être vraiment très intéressant. Je le crois clivant, difficile mais vraiment bien réussi. Franchement, je trouve que « Arabian Horse » se doit d’être senti voire même essayé par les amateurs de cuirs. Il est tout aussi original que « Cuir Venenum 03 » mais peut-être encore plus animal. Vraiment, il sera le choix des audacieux.
« A la fois doux, vanillé, résineux, poudré, lacté et épicé le Benjoin de Siam est une résine d’une grande richesse olfactive rarement utilisée comme thème central en Parfumerie. Usant et abusant de notes rares telles que le Poivre de Kampot, le Tanakha de Birmanie ou le Miel du Laos, Pierre Guillaume nous livre une orchestration lumineuse, soyeuse et aérée, ciselant avec justesse, chacune des facettes de la matière balsamique brute. D’un baume aux reflets sépia, Indochine s’empare de l’éclat du Platine… ». Créé en 2011, « Indochine 25 » a été mon premier coup de coeur dans la Collection Numéraire. Je dois dire que le côté très résineux et baumé du départ m’a énormément séduit dès la vaporisation. Il est un peu construit à la manière d’un parfum de Serge Lutens avec un côté très doux, enveloppant et presque humide avec une facette sombre et une autre gourmande. Il y a quelque chose de très exotique dans ce parfum singulier. Hélas, sur ma peau, il évolue pas mal et perd le côté résineux et baumé pour prendre une facette musquée et cosmétique voire un peu crémeuse. Il ne matche pas et j’ai du me résoudre à ne pas le porter ce qui m’a beaucoup ennuyé car j’adore le sentir. Il faut toujours essayer les parfums car, si beaux soient-ils, quelquefois ils ne fonctionnent pas sur nous. C’est le cas pour moi d’ « Indochine 25 ». Peut-être que si Pierre Guillaume travaille à nouveau sur ce thème baumé et résineux, le prochain parfum me conviendra mieux. Ceci dit, « Indochine 25 » est beau, élégant et singulier. Il mérite tout à fait d’être essayé et réessayé.
J’aurais pu parler à nouveau de « L’Eau de Circé 05 » qui est mon parfum de la Collection Numéraire mais j’ai décidé de m’écarter un peu de ce chypre que j’aime tellement pour une fois pour aller vers un univers complètement différent avec un salin qui m’a beaucoup impressionné. Je remercie d’ailleurs Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures de m’avoir fait connaitre ce parfum. Il s’agit bien évidemment de « Limanakia 27 » que j’ai pas mal porté depuis que je le connais que Pierre Guillaume décrit ainsi : « “Sur les bords de la mer Egée, il vous faudra faire preuve de prudence au moment d’aborder les sentiers abrupts qui mènent à cet ensemble de plages rocheuses brûlantes et d’alcôves minérales bordées de cistes, propices aux étreintes… Limanakia”. Pierre Guillaume a souhaité évoquer l’animalité des peaux qui se mélangent et du parfum des buissons de ciste, en l’associant à l’odeur minérale des vents marins caressant les rochers brûlants. Un cocktail de salicylates et de cumin évoque une plage rocheuse, battue par les vagues et le soleil. Sa minéralité est rafraîchie par les accents aromatiques de l’armoise. Un cœur floral blanc oscillant entre jasmin, muguet et tiaré est coloré par les facettes épicées de l’immortelle et boisées des fractions de patchouli. L’animalité végétale de l’ambrain de labdanum vient réchauffer de son empreinte cuirée cette fraîcheur minérale, comme un vent chargé d’embruns s’engouffrant dans les buissons de cistes méditerranéens ». J’avoue que cette inspiration très sensuelle, voire érotique m’a un peu échappé. Pour moi, « Limanakia 27 » évoque avant tout les vacances et un littoral ensoleillé doté d’une certaine fraîcheur. Lorsque Pierre Guillaume m’en a parlé, je dois dire que j’ai mieux compris où il voulait en venir et, d’une manière non dénuée d’humour, il m’a expliqué la relation très nette entre son inspiration et un certain érotisme si on peut dire. En tout cas, « Limanakia 27 » est vraiment un « beachy » pas comme les autres, singulier et audacieux qu’il faut découvrir absolument !
À ce jour, la Collection Numérique compte plus de 50 référence et je ne les ai pas toutes essayées bien évidemment mais, même parmi celles que je connais, faire un choix n’a pas été facile. J’ai essayé de parler des parfums que je trouve particulièrement significatifs de l’esprit du parfumeur et de synthétiser mon propos au maximum. Je voulais absolument commencer par cette collection car elle existait déjà alors que la marque s’appelait encore Parfumerie Générale et c’est par elle que je l’ai découverte. Je pense que je reviendrai bien sûr sur d’autres créations au fur et à mesure que je les découvrirai mais cet article constitue une petite entrée en matière pour une collection basée sur les matières premières synthétiques ou naturelles mais, en tout cas, mises en valeur.
Chauds, épicés, ronds et réconfortants
L’orange, la mandarine, les épices, le thé, autant de senteur qui m’évoquent le réconfort de la chaleur d’un intérieur durant l’hiver et je dois dire que j’ai mis longtemps à considérer les parfums que j’ai réessayé comme portables en décembre. Pourtant, force m’est de constater que j’aime beaucoup, parfois, m’éloigner de mes goûts habituels pour me les approprier. Alors, si on se promenait dans des gourmandises jamais convenues, jamais écoeurantes pour changer ? Si on allait chercher un joli réconfort alors que les températures sont en train de baisser ? J’ai sélectionné quatre parfums que j’aime, que je porterai ou non mais qui, pour moi, symbolisent aussi cette saison de fin d’automne et de début d’hiver et qui va nous conduire jusqu’au bout du mois de décembre.
« Un détour par la Corse... On y découvre une confiserie artisanale. Un souvenir, une émotion: celle d'un délice », tel est « Mandarina Corsica » créé par Quentin Bisch en 2018. C’est un parfum dense, profond, différent des autres paysages de L’Artisan Parfumeur. Après une envolée de mandarine presque confite et épicée, il est rendu dense par l’immortelle et arrondi par un fond de fève tonka. C’est une création étonnante qui est presque fraîche au départ et qui se fait ronde et efficace en hiver pour rendre le sourire et réchauffer le coeur et le corps. J’étais complètement passé à côté de ce parfum et pourtant, en le redécouvrant, j’ai eu envie de l’essayer. Je dois dire qu’il ma beaucoup surpris à défaut de me plaire. Je ne sais pas si je pourrais porter quelque chose d’aussi rond mais j’aime beaucoup la dualité entre les notes amères de la bigarade et la douceur de la mandarine rendue très singulière grâce à l’immortelle et aux fleurs blanches. Ce que j’ai préféré est sans aucun doute le fond posé sur le santal avec des notes rondes de tonka et épicées de cannelle. Vraiment c’est un beau parfum, gourmand, rond et très réconfortant. J’avais déjà remarqué qu’on pouvait porter l’orange ou la mandarine l’hiver grâce aux belles créations pour Jo Malone mais là, Quentin Bisch va plus loin, il crée vraiment un parfum complexe et hivernal avec la mandarine et la bigarade travaillées en majeur. J’avoue avoir beaucoup aimé l’idée.
Il revient chaque année comme un cadeau. C’est « Orange Bitters », créé pour Jo Malone pour la première fois en 2016 et que je porte depuis longtemps été comme hiver même s’il n’y a qu’un millésime par an. « Deux gouttes d’agrumes, de l’orange douce juteuse et une explosion de mandarine fraîche. Une touche acidulée d’orange amère qui révèle une prune somptueuse et une base sensuelle de bois de santal riche et d’ambre ». Après une envolée juteuse, douce, d’orange presque pressée et zestée à la fois, c’est un coeur d’orange amère, un peu confite qui prend le relais et qui se charge de plusieurs épices douces pour se poser sur un fond de bois de santal travaillé sur sa facette ronde mais pas crémeuse. Entre-temps, on croise quelques notes hespéridées et ambrées, dans le fond, un accent de prune que j’aime particulièrement. C’est vrai, « Orange Bitters » me plait et je le porte toute l’année, soit seul, soit associé avec « Nutmeg & Ginger » ou « Dark Amber & Ginger Lily » soit seul, plein, comme un parfum à part-entière qu’il est finalement. J’ai vraiment un goût pour cette création et je regrette que la marque ne communique pas sur le parfumeur qui l’a inventé. Vraiment, c’est une petite merveille et, s’il avait été supplanté quelques temps par l’éphémère « Orange Peel » que je regrette tout de même, le retrouver chaque année est très réconfortant.
Toujours chez L’Artisan Parfumeur, je porte depuis très longtemps « Tea For Two » créé en 2000 par Olivia Giacobetti. Il avait disparu et le revoilà, pour l’instant en exclusivité boutique. Autour du lapsang souchong fumé, les épices, la badiane et la cannelle, viennent réchauffer la fragrance, la rendre belle et ronde. Je n’aime pas trop les notes anisées mais cette badiane chinoise est vraiment très belle et, associée au thé à la bergamote, elle assure une ouverture vraiment très singulière qui nous conduit sur un coeur épicé de cannelle et de gingembre puis sur un fond de tabac miellé, de cuir et de vanille bourbon. Comme toujours, Olivia Giacobetti, a inventé un jus singulier, élégant et particulièrement addictif : « L'évocation d'un thé de Chine dans un sillage chaleureux teinté d'épices et de miel ». Certes, il est plus sec, moins réconfortant peut-être que « Venenum 32 » mais je dois dire que je l’aime depuis longtemps et que je suis vraiment content de pouvoir me dire que je pourrais continuer de le porter lorsque mon actuel flacon sera fini. Il m’évoque décembre, les écharpes et la chaleur d’un thé autour d’un feu de bois l’après-midi. Avec « Tea For Two », Olivia Giacobetti a inventé une autre manière de porter un parfum gourmand, sans sucre, avec peu de miel et surtout exempt de notes de fruits rouges synthétiques qui trainent dans toutes les sorties mainstream qui les conduit à toutes se ressembler.
Lorsque l’on parle d’orange confite et de parfum d’hiver réconfortant et épicé, c’est un parfum créé par Emilie Copperman pour la collection L’Esprit Cologne, The Different Company en 2017 et qui porte le nom singulier de « Majaïna Sin ». Voilà encore une création toute en rondeur et en opulence qui s’ouvre avec des notes d’orange confite, de bergamote, de gingembre, de néroli et de fleur d’oranger puis un coeur d’héliotrope à la fois poudré et amandé conjugué avec des notes de châtaigne, de cannelle et de sirop d’érable avec un versant orchidée et, enfin, un fond de musc, de fève tonka, d’ambre, de vanille et de bois de santal. « Je suis une fraîcheur opulente, faite d’une Vanille outrancière, trésor brun de Madagascar. A ses côtés, d’autres bijoux de la terre fertile qui m’a inspirée : Cannelle explosive et Gingembre salivant. Je ne cache pas les hautes doses de Bergamote et de Néroli qui me constituent. Me sentir provoque une forte dépendance, un sentiment d’appartenance. Je suis un hommage à un pays et à ses habitants. Je suis une folie gourmande et rafraîchissante, un paradoxe olfactif. Je suis Majaïna Sin ». Emilie Copperman a voulu un parfum réconfortant, un peu salé avec une note crème de marron. J’avais détesté de parfum à sa sortie mais je l’ai essayé sur la peau et je dois dire qu’il m’a convaincu, je ne saurais dire pourquoi. Je le trouve très addictif et agréable à porter même s’il me fait sortir de mes goûts. Je ne le porterai pas mais j’aime le sentir.
Voilà, c’est fini. En rajouter serait de la gourmandise ! Non, je plaisante. J’avais envie d’écrire sur ces parfums que je trouve particulièrement addictifs et adaptés à la saison mais je ne savais pas trop lesquels choisir. Je me suis limité à quatre en essayant d’explorer des univers différents et je ne le regrette pas du tout car vraiment, s’il y a d’autres parfums magnifiques mais ceux-ci m’ont semblé représentatifs. J’espère que vous me donnerez votre propre avis et quelques idées parmi vos goûts personnels.
Nouveautés novembre 2022
Chaque mois, je consacre un ou deux articles aux nouvelles sorties et novembre n’échappe pas à la règle. J’ai découvert beaucoup moins de parfums qu’en octobre mais il y en a quand même trois qui sont notables et dont j’avais envie de parler. Je dois dire que je suis toujours surpris par le peu d’inventivité de ce qui sort dans le sélectif et, à l’inverse, les prises de risques de certaines (pas toutes) marques de niche. J’aime bien aussi quand je découvre des fragrances inclassables, singulières, surprenantes et qui me remplissent de curiosité.
« J’ai imaginé Ferveur comme un monument ambré sculpté dans des larmes d’encens. Un généreux bouquet d’aromates mêlés de fleurs et d’épices se livre à la brûlure des baumes, du cuir et des bois. Ostensiblement sensuel, je l’ai pensé comme un parfum qui s’empare de ceux qui le portent et fait corps avec eux. Un parfum-personne » Rodrigo Flores-Roux. Le premier parfum que j’ai découvert aurait parfaitement pu être créé par Paul Vacher à l’époque déjà un peu lointaine où il inventait des parfums pour Le Galion. En effet, « Ferveur » est un très beau ambré fleuri comme les amoureux de la belle parfumerie à la française les désirent. Tout y est, subtilité de la formule, sillage, tenue et une élégance intemporelle qui fait, il faut le dire, le succès du Galion depuis que la marque est revenue sur le devant de la scène. Comme à son habitude, le parfumeur s’est plongé dans l’univers de la marque et a inventé un jus absolument magnifique. Le départ est résolument bergamote avec des notes un peu aromatique puis le coeur d’iris, de rose, de coriandre vient caresser le fond de vanille de cuir, de baume de tolu, de vétiver, d’encens et de styrax qui reste sur la peau. Ils ne sont pas identiques mais je pourrais dire que « Ferveur » pourrait être un « cousin » plus sage du parfum de Chanel « Le Lion ». Il est beaucoup moins animal mais la construction est un peu voisine. Il ne faut pas chercher une énorme originalité mais c’est un parfum jubilatoire, réjouissant car il renoue avec une certaine tradition de la belle et fine parfumerie mais, cette fois, avec de belles matière palpables.
L’édition limité de « Liquide » vient de sortir et cette fois, c’est Nisrine Grillié qui a collaboré avec Liquides Imaginaires pour cette création éphémère que j’ai eu la chance de découvrir en avant-première et que j’ai vraiment beaucoup aimée. La marque en décrit ainsi l’inspiration : « Connaissez vous mon parfum inestimable ? Dans le jeu de tarot, la carte l’Étoile représente une femme versant un liquide, une eau vitale, d’une cruche d’argent vers une cruche d’or. Le premier représentant le matériel et le second le spirituel. Dans la théorie alchimique, les forces énergétiques qui animent le monde sont contenues dans les métaux. Le Soleil gouverne l’or, métal précieux par excellence qui symbolise la perfection, le but à atteindre, une image de vie nouvelle ». Je dois dire que j’ai trouvé ce parfum très original d’autant que les notes apparaissent très étonnamment comme si la pyramide était sans arrêt bouleversée. Il s’ouvre, très classiquement sur des notes de mandarines et de safran puis s’enrichit d’un coeur de graines de carotte et de coriandre, de fleur d’oranger et de jasmin enveloppé d’un accord solaire un peu ylang-ylang mais très stylisé avant de se poser sur un fond de patchouli et de diverses matières de synthèses comme les muscs blancs ou encre une vanilline assumée qui sont mêlées à un ciste très cuiré. J’ai beaucoup de mal à vous donner mon impression tant il est singulier. Vraiment, il faut aller le sentir, c’est plus sûr, pour se faire une opinion.
« Inspiré par les paysages inondés de lumière de la Provence, Soleil de Provence s’affirme comme un sourire chaleureux à la fraîcheur pétillante. Signée par le Maitre Parfumeur Daphne Bugey, la fragrance s’exprime tout d’abord comme un hommage à la fleur de mimosa et son éclatante couleur jaune que l’on retrouve le long de la route qui s’étire de Bormes-les-Mimosas à Grasse. Les notes vertes, florales et poudrées du "soleil d’hiver" aux facettes miellées et boisées sont capturées dans ce sillage lumineux. Les tonalités jaunes continuent d'immerger la fragrance avec des essences de citron et de bergamote. Le soleil est au plein coeur de la fragrance avec la fleur solaire d’ylang ylang et la chaleur émanant des notes baumées de benjoin et de vanille. Un parfum joyeux au plus près de la matière, qui embrasse la douceur de vivre du sud ». Exit (pour le moment) « Mont de Narcisse » et bonjour « Soleil de Provence », le nouveau parfum de la collection paysages de L’Artisan Parfumeur composé par Daphné Bugey sort en boutique et je dois dire que ce travail autour du mimosa m’a énormément plu. Je trouve qu’il sort un peu à contre-courant car il me ferait plus envie au printemps. La marque ne communique pas vraiment sur les notes à part les grandes direction, citron, ylang-ylang qui soutient les autres notes et leur apporte une facette lumineuse sans prendre trop de place, mimosa et benjoin. Pour moi, il s’agit d’un floral avec un départ vert et presque tilleul, délicatement poudré et plein de pep’s. Je n’en n’attendait pas grand-chose et, finalement, je l’ai bien aimé. Je pense que je pourrais le porter. Pour être honnête, il tombe pile dans mes goûts donc je n’aurai pas à me forcer beaucoup.
Je n'ai sélectionné que trois nouveautés en ce mois de novembre mais elles sont vraiment intéressantes. Si j'ai vraiment un coup de coeur pour "Soleil de Provence", je dois dire que les trois fragrances que j'ai pu sentir voire essayer sont très belles et élégantes. On sent qu'on arrive en fin d'années car les sorties sont moins nombreuses. Je vais pouvoir boucler mon top 20 des nouveautés que je trouve vraiment les plus attirantes.
Promenade dans mes doses d'essai
J’avais mis quelques doses d’essai de côté en me disant que je testerai les parfums quand j’aurais un moment et je m’y suis mis pour écrire cet article. J’ai sélectionné quatre parfums très différentes. J’avais déjà parlé de certains d’entre-eux et j’ai apprécié tenter de porter les autres. Je l’ai surtout fait pour essayer de vous donner mon ressenti mais il est toujours probable que j’ai quelques coups de coeur lorsque je me livre à cet exercice. Sur les quatre, j’ai fait une découverte vraiment géniale et j’ai confirmé mes impressions pour ce qui est de deux parfums. Sur quatre, ce n’est déjà pas si mal.
Le premier parfum que j’ai eu envie de réessayer est « 1804 » lancé en 2001 par la maison Histoires de Parfums. Je l’avais un peu porté il y a quelques années mais j’ai été très content de le redécouvrir. La marque le décrit ainsi : « C’est sous le pseudonyme androgyne de George Sand, que l’on connait cet écrivain géniale. Amoureuse passionnée et figure engagée, elle incarne la première femme moderne. Pour ses héritières contemporaines, un parfum à son image, généreux et sensuel. Un ambré fruité, entre éclat de rire et trait de plume, réchauffé d’ épices enivrantes et coloré de fruits sucrés ». Très honnêtement, je ne comprends pas très bien l’inspiration car, pour moi, c’est plutôt un parfum solaire, rond, lumineux et fruité assez éloigné de l’idée que je me fais des fragrances prisées au XIXème siècle. Dès l’envolée d’ananas, de pêche et de fleur de tiaré, nous entrons dans un univers exotique et estival qui se confirme avec un coeur de jasmin, de muguet et de rose épicé de noix de muscade et de clou de girofle, puis un fond de santal très boisé, de vanille, de musc, de benjoin et de patchouli. J’ai remis mon nez avec plaisir dans ce parfum que je trouve réjouissant mais je ne sais pas si j’aurais envie de le porter à nouveau. Mes goûts ont un peu évolué et je le trouve vraiment très fruité. Il correspond moins à ce que j’aime aujourd’hui même si je reconnais que c’est un très joli parfum.
Créé par Thomas Fontaine en 2020 pour le Galion, « Tulipe » m’a fait penser à l’ambiance d’un luxueux magasin de fleurs coupées et fraîches. Il s’ouvre sur un accord de tulipe et d’acacia rendu encore plus vert par le galbanum puis nous sommes conduits sur un coeur d’ylang-ylang et de jasmin qui se cuire un peu avec un narcisse dense plus travaillé sur sa facette florale. Le fond de muscs blancs, d’iris et de cèdre est légèrement poudré. « « J’ai trouvé ma tulipe noire (…) Fleur incomparable, tulipe retrouvée, c’est là, n’est-ce pas dans ce beau pays si calme et si rêveur, qu’il faudrait aller vivre et fleurir ? (…) Ces parfums, ces fleurs miraculeuses, c’est toi. C’est encore toi, ces grands fleuves et ces canaux tranquilles. Ces énormes navires qu’ils charrient, tout chargés de richesse, et d’où montent les chants monotones de la manœuvre, ce sont mes pensées qui dorment ou qui roulent sur ton sein. Tu les conduis doucement vers la mer qui est l’Infini, tout en réfléchissant les profondeurs du ciel dans la limpidité de ta belle âme ; - et quand fatigués par la houle et gorgés des produits de l’Orient, ils rentrent au port natal, ce sont encore mes pensées enrichies qui reviennent de l’Infini vers toi. ». Charles Baudelaire - L’Invitation au Voyage ». J’aime la fraîcheur de ce parfum, son côté vert et sa persistance. Je reconnais bien le travail tout en finesse de Thomas Fontaine. « Tulipe » est l’un des rares parfums de la marque que je trouve résolument moderne et réaliste. Vraiment, c’est un bouquet de fleurs dominé par la tulipe. Pour moi, c’est un vrai plaisir à sentir mais, curieusement, je ne pourrais pas vraiment le porter.
Créé en 2018, par Maurice Roucel pour la collection vanille de Sylvaine Delacourte, « Valkyrie » ne m’avait pas forcément attiré au premier abord. Il faut dire que je ne suis pas un accro de cette matière première. La collaboration de Sylvaine Delacourte et de Maurice Roucel fait pourtant merveille. La créatrice le décrit ainsi : « Valkyrie étonne par sa grande fraîcheur grâce à la limette, agrume mexicain, qui rend dynamique cette fragrance mais aussi grâce au basilic à la menthe glacée. Ses notes de fond sont chaleureuses et sexy avec des notes boisées, santalées et vanillées ». C’est une vanille verte, hespéridée et aérienne. Après l’envolée d’orange douce, de citron vert, de basilic et de menthe vient un coeur complètement galbanum très vert qui sera vite contrebalancé par un fond baumé de vanille et de benjoin rendu lacté par le bois de santal. Je dois dire que j’ai apprécié la création même si je pense que « Valkyrie » n’est pas vraiment pour moi. J’aime bien l’idée d’une vanille que je pourrais m’approprier mais ce ne sera pas forcément celle-ci même si je la trouve vraiment jolie surtout à grâce à son côté vert.
« Une Eau de Parfum dense, lovée dans une alcôve chaude et boisée, ambrée et florale. Un enveloppement olfactif qui envoûte, une sensualité à fleur de peau pour célébrer les mystères de la nuit, cette douce apesanteur où les sens s’éveillent. Ce sillage sensuel s’ouvre avec la fraîcheur du Gingembre et de la Myrtille espiègle, pour mieux laisser paraître les fleurs charnelles (Jasmin, Rose et Tubéreuse) soutenues par un luxueux fond ambré et boisé. Raffiné, voluptueux, dense ». Je pense avoir vraiment toujours aimé « Une Nuit Magnétique » créé en 2014 par Christine Nagel pour The Different Company mais je ne l’ai jamais porté. J’ai eu envie de le réessayer. C’est un parfum extrêmement original avec un départ de myrtille, de gingembre et de bergamote puis un coeur de prune, de tubéreuse, de jasmin et de rose et un fond d’ambre, de muscs blancs, de benjoin, de patchouli autour d’un accord boisé. Sur ma peau, la note très profonde de prune prend pas mal d’ampleur. Son développement me plait énormément. J’aime bien la dualité des fruits violets et noirs avec le fond ambré, légèrement cuiré et très patchouli. « Une Nuit Magnétique » est inclassable, incroyable et vraiment, comme souvent avec les créations de The Different Company », je me sens en phase. Je pourrais tout à fait le porter. C’est un joli coup de coeur.
Voilà, j’espère vous avoir donné envie et je dois dire que je me sens vraiment très content d’avoir redécouverts ces parfums qui sont autant d’univers très différents.
Scent of Wood ou l'Âme du Bois
« L’Âme du Bois est une lettre d’amour à la forêt et aux arbres, à leur indicible majesté et leur mystérieux langage. Nos parfums sont issus des souvenirs arborés intimes de parfumeurs infiniment sensibles et immensément talentueux. Pour parachever leurs créations, nous avons assemblé une collection de tonneaux de bois de multiples origines dans lesquels nous faisons vieillir notre alcool bio. Aux parfumeurs de choisir celui qui correspond le mieux à leur création, comme une touche finale inespérée, un ingrédient supplémentaire ajouté à leur palette par un magicien espiègle ». Depuis quelques mois, j’entendais parler d’une marque créées par des français et qui remportait un grand succès outre Atlantique basée sur ce concept très original, utilisée depuis toujours pour le vin ou les alcools de toute sortes afin de les faire vieillir et de leur donner une âme. J’étais donc très désireux de découvrir quelques uns des parfums de la marque qui arrive en France dans seulement deux points de vente, Jovoy à Paris et Le Paravent à Lyon*. Je dois dire que, si je ne suis pas blasé, je suis hélas, aujourd’hui, moins souvent surpris par ce que je découvre qu’avant. C’est un peu normal car il est vrai que je sens beaucoup de choses mais c’est parfois frustrant. « Scent of Wood » est une marque (à part une) qui m’a emmené assez loin de ce que je connaissais et j’en suis vraiment très content même s’il est vrai que je vais peut-être avoir du mal à m’approprier l’une ou l’autre des créations de cette maison très luxueuse et dotée d’un univers vraiment très singulier et très marqué. Cela ne m’empêche absolument pas d’avoir apprécié à sa juste mesure la qualité artistique du travail des parfumeurs, la beauté des matières premières, les flacons comme autant de coeurs battants et l’originalité des créations. J’en ai retenu quatre qui m’ont particulièrement surpris et que j’ai essayé un peu plus précisément sur la peau et je vais tenter de vous parler de mon ressenti.
Je pensais que je serai attiré en premier par « Prunier en Cognac » créé en 2020 par Pascal Gaurin et il a donc été le premier que j’ai eu envie de sentir. Étant toujours attiré par la note de prune, sa pyramide olfactive m’attirait. Jugez plutôt, un départ de prune, de cannelle et d’immortelle, un coeur de rhum, de baume du Pérou et d’osmanthus et un fond de vanille de ciste pour la note de cuir et de vétiver. La marque d’ailleurs le décrit d’une manière très prometteuse : « Tiraillé entre le sucré et l'épicé, le moelleux et le sauvage, le sombre et le clair. Laissez notre parfum Prune au Cognac vous taquiner à l'infini avec un mélange à la fois sensuel, nourrissant et provocateur ». Je dois dire que, si j’ai bien aimé « Prunier en Cognac », je l’ai trouvé peut-être un peu liquoreux pour moi. Il a un côté très capiteux, très élégant et particulièrement addictif. Pour moi, il est le parfum de dandy (que l’on pourrait d’ailleurs mettre au féminin) par excellence. Je manque peut-être un peu de sophistication pour le porter. Je pense qu’il faut souvent casser les codes mais je ne me vois pas l’avoir autour de moi en journée, en jean et en T-shirt ou en pull. Il m’évoquerait plutôt un parfum de soirée, un smoking et une soirée exceptionnelle. C’est mon ressenti mais c’est véritablement ce que j’ai pensé en le découvrant. Je ne le trouve pas très facile à assumer mais il faut admettre que c’est un parfum magnifique.
Ensuite je me suis laissé guider pour découvrir des parfums dans chaque catégories et j’ai tenté « Vétiver en Fleur » créé par Natasha Cote en 2022 et je dois dire qu’il a été vraiment mon coup de coeur dans la marque. Sur ma peau, il matche du tonnerre et je me suis vraiment fait plaisir lorsque je l’ai découvert. « Une combinaison provocante et authentique qui résulte d'un défi créatif : le mariage d'une fleur de Lilas et d'un vétiver d' Haïti. Une composition très élégante et délicate qui offre une belle persistance sur la peau ». Dès le départ de cyprès, de bergamote et de poivre rose, je me suis laissé embarqué et le coeur à la fois floral et aquatique de jasmin, de magnolia et de lilas m’a complètement convaincu. Le développement très élégant de ce parfum nous conduit sur un fond de vétiver et de patchouli d’une rare délicatesse et il ne « mange » pas du tout les notes de coeur absolument réjouissantes. Élégant, certes « Vétiver et Fleur » l’est, mais il est surtout extrêmement singulier. Je le trouve très beau et complètement addictif. Je l’ai senti sur ma peau tout l’après-midi et je me suis dit que, s’il ne devait n’y avoir qu’un, ce serait celui-ci. Il me correspond tout à fait par son côté floral, presque chypré, très délicat et facetté. Vraiment, c’est un coup de coeur.
« Exemplaire et mystérieux à la fois, Cèdre Minéral vous plonge dans le rêve d'un paradis balnéaire avec ses bois fumés et ses textures fraîches et crémeuses. Le mélange revigorant de brise côtière, de bois crémeux et d'ambre résineux est parfait pour ceux qui recherchent une touche d'inattendu, tandis que le Lavandin donne un relief moderne à cette eau de parfum unique ». « Cèdre Minéral », créé par Céline Barel en 2020 est également un parfum qui a retenu mon attention car je l’ai trouvé vraiment atypique et très attirant. Il s’ouvre avec une note de cyprès, de cumin et de bergamote et nous conduit sur un coeur d’encens, de lavande et de cyprès puis un fond de santal, d’ambre et de fève tonka. Je trouve ce parfum vraiment très étonnant et il porte bien son nom. On sens bien le côté boisé et épicé mais c’est vrai que l’encens et sa dualité avec le santal lacté lui donne une facette vraiment minérale que je trouve assez rare en parfumerie. « Cèdre Minéral » est un parfum en clair obscur, très singulier, très original et, même si je ne pourrais pas le porter, je reconnais que l’expression artistique de la parfumeure est hors-norme. En tout cas, j’ai beaucoup aimé le découvrir car il complète bien la gamme choisie pour la France.
Je n’aime pas trop le oud mais j’ai quand même retenu « Oud en Acacia » créé par Yves Cassar en 2020 car, vraiment, je pourrais le porter. Il est vraiment très intéressant, très élégant et je pourrais tout à fait me l’approprier ce qui est rare. « Le parfum de bois fumé du oud est illuminé d'immortelle et d'iris riche en caractère. Une fragrance qui danse avec la lumière et l'ombre avec un mélange délicat et mystérieux ». Après une envolée très douce de fleur d’oranger, de rose et de oud qui se révèle presque fraîche, le coeur à la fois poudré d’iris et de graine de carotte se teinte de la note un peu curry et un peu cuir de l’immortelle puis se pose sur un fond d’ambre, de vanille et de cèdre. Contrebalancé entre douceur et force, ce parfum, encore une fois en clair obscur, m’a séduit. Sur la peau, il n’est jamais trop animal mais plutôt empreint de subtilité et d’élégance. Pour moi, il est une véritable réussite. Yves Cassar aurait-il réussi à me réconcilier avec le oud ? Je ne sais pas mais il est le second parfum qui m’a vraiment plu de par son élégance et son côté très délicat. Vraiment, je trouve qu’il y a quelque chose d’attirant dans ce parfum atypique et chic.
Il y a d’autre très beaux parfums dans cette collection très luxueuse. Attention, nous sommes vraiment dans la fourchette haute en terme de prix et je crois qu’il faut bien essayer, bien s’assurer de porter le parfum avant de l’acquérir. Certes, le fait qu’il n’y ait que deux points de vente en France ne nous simplifie pas la tâche car je crois qu’on ne peut pas avoir d’échantillons pour l’instant. Je n’attendais rien de L’Âme du Bois car c’est une famille olfactive qui ne me correspond pas, mais je dois dire que je me suis complètement laissé séduire.
* La marque propose à ce jour 30 références et je n’ai pu découvrir que les 11 qui sont disponnibles au Paravent à Lyon.
Mon premier parfum dans les marques que je préfère (2nde partie)
Après les marques un peu confidentielles affiliées à des groupes ou pionnières de la parfumerie d’auteurs, j’ai eu, il y a une quinzaine d’années, un engouement pour des maisons indépendantes, plus clivantes peut-être mais surtout plus « niche » si j’ose dire et je suis fidèles à certaines depuis déjà quelques années. Il y a eu, bien évidemment un déclic, un parfum, qui m’a donné envie de me plonger dans leur univers. J’en ai sélectionné cinq qui sont parmi mes préférées et dont je porte ou j’ai porté plusieurs créations. Au départ, il y a un coup de coeur, un vrai, pour une création qui va me tenter et me provoquer une émotion allez, je vous emmène du côté lumineux de la force même si certains jus sont assez dark.
La première marque qui a été, pour moi, une révélation est sans aucun doute The Different Company car j’ai découvert cet univers créé par Jean-Claude et Céline Ellena en 2002 je pense, en me promenant sur les Champs Élysées. À l’époque, la marque était distribuée dans un Marionnaud et il n’y avait que quelques créations disponibles. Je dois dire que mon engouement pour « Bois d’Iris », composé par Jean-Claude Ellena en 2000 a été un énorme coup de coeur. « Je suis tracé dans les collines toscanes. C'est en ces terres de douceur et de sécheresse rocailleuse que s'épanouit l'Iris Pallida, le Fastueux, autour duquel mon parfumeur a construit ma surprenante architecture florale et boisée. Je suis un parfum d'exception, ma richesse et ma vérité olfactive tiennent à ma très grande concentration en racines d'Iris naturel, que beaucoup ont cherché à imiter sans jamais y parvenir. Alors associé à un Cèdre limpide et moderne, et à un Vétiver craquant, mon Iris se fait élégant et vibrant. Je suis le fruit d'un savoir-faire complexe qui demande de la patience. Mon sillage n'en est que plus unique, et revêt des facettes poudrées et sensuelles soutenues par un bouquet de Géranium et Narcisse. Je suis Bois d’Iris ». Il était à la fois facile d’accès et, en même temps, il s’éloignait de ce que je connaissais. À l’époque, je n’avais pas du tout de connaissances et je n’avais jamais entendu parler du parfumeur ni de sa signature que je qualifierai « d’aquarelle », toute en finesse et en transparence mais, très vite, je me suis dit que ça me plaisait et j’ai eu envie de porter « Bois d’Iris ». À la fois unique et facile à porter, ce parfum faussement épuré, plein d’émotion, a su me séduire et il m’a ouvert la porte à d’autres parfums de la marque que je porte aujourd’hui comme « De Bachmakov » dont j’ai énormément porté et « Sublime Balkiss » qui m’accompagne beaucoup en ce moment et qui ont été créés par Céline Ellena. Pour ce qui est de « Bois d’Iris », il m’a fait mettre le pied dans la marque mais il a été supprimé aujourd’hui. On peut encore en trouver quelques flacons de 50 ml et je pense que j’y viendrai car il me manque beaucoup.
Une autre maison m’a vraiment fait aimer la parfumerie d’auteur et il s’agit bien évidemment de Perris Monte Carlo, créé par Gian Luca Perris en 2012. C’est suite à une rencontre très amicale avec le fondateur de la maison que j’ai commencé à vraiment aimer la démarche de mise en valeur d’une matière première au sein d’une composition empreinte de naturalisme et d’une espèce de fausse simplicité. Le mot qui me vient tout de suite est « naturaliste » et pourtant chaque création révèle sur la peau une certaine complexité. Mon premier coup de coeur a été, il faut bien le rappeler, « Ylang-Ylang Nosy Be » que je porte depuis très longtemps dans sa version extrait comme dans sa concentration eau de parfum. Les deux sont assez différentes et je trouve que c’est une vraie invitation au voyage : « Situé au plus profond des tropiques malgaches, le Patchouli Nosy Be est l’équilibre parfait entre tradition et révolution. Ce parfum est le mariage parfait entre les notes florales et boisées, chacune se superposant parfaitement pour créer ce rêve aromatique ». Je ne sais pas pourquoi mais il m’évoque peut-être encore plus la Polynésie et les îles Marquises chantées par Jacques Brel. Quand je le sens, j’ai l’impression de palper les pétales des fleurs d’ylang-ylang alourdies par la pluie. Pour moi, ce parfum simple sans être simpliste avec son envolée de citron, son coeur d’ylang-ylang, de patchouli et de santal et son fond de vanille naturelle et musquée est vraiment exotique, profond et fascinant. Je dois dire que je le porte beaucoup encore aujourd’hui même si cette année, j’avais plus opté pour « Absolu d’Osmanthe ». Depuis ma découvertes, j’ai porté plein de parfums de la marque et je pense que je les aime tous de manière égale mais je crois que celui-ci demeure mon favori.
Il y a vraiment des merveilles chez Parfum d’Empire, la marque fondée par le parfumeur Marc-Antoine Corticchiato en 2003 et c’est une marque qui a fait partie des premières que j’ai pu découvrir à Lyon. J’ai eu très rapidement un goût pour les créations baroques qu’elle proposait et, en 2015, avec « Tabac Tabou », je trouve qu’elle a atteint vraiment un âge d’or. Pour moi, la révélation s’est faite à ce moment-là mais, curieusement, ce n’est pas la fragrance que j’ai décidé de porter lorsque je l’ai découverte car, si elle a été un véritable choc olfactif, elle ne correspondait pas à ce que je cherchait à ce moment-là. J’ai opté pour « Ambre Russe » lancé en 2003 et je crois, je l’ai déjà dit, il est vraiment mon « parfum bonne humeur ». Je le trouve parfaitement réjouissant et j’aime toujours le porter même si j’ai eu d’autres envies dans la marque. Je pourrais citer « Cuir Ottoman » et surtout « Eau Suave » dont j’ai eu au moins deux flacons, ainsi que « Le Cri de la Lumière » mais je reviens toujours et encore à « Ambre Russe » : « Elixir opulent, fatal comme l’âme slave. Cet élixir intense où la pureté de l’ambre gris est exaltée par les épices vibrantes, les effluves du thé russe et les fumées sacrées de l’encens, nous entraîne dans les fastes de la Russie des derniers tsars. Ambre Russe, sillage des passionnés ». Dès le départ pétillant de champagne et de vodka, on est happé par le côté atypique, baroque et résolument moderne de ce parfum et nous sommes entrainés sur un coeur de cuir plutôt bouleau, de cannelle, de thé noir, de bois de cade un peu fumé et de coriandre puis sur un fond délicatement ambré aux accents d’encens. Rond, contemporain, très addictif, « Ambre Russe » est vraiment resté mon coup de coeur du départ. J’aime beaucoup le porter encore aujourd’hui.
Quand j’ai découvert la maison éponyme créée en 2012 par la modiste et designer australienne Naomi Goodsir, c’est plus pour l’ensemble des créations que j’ai eu un énorme coup de coeur. D’ailleurs sur les six parfums, j’en porte deux régulièrement et j’en ai eu un troisième ce qui n’est quand même vraiment pas mal. Pourtant, ça aurait pu mal se passer car tout a commencé par un rejet pour « Nuit de Bakélite » composé en 2017 par Isabelle Doyen. Ma première impression, loin d’être un coup de coeur, a été une désagréable surprise. Seulement voilà, je ne l’avais pas essayé sur peau. Ne comprenant pas le goût de certains perfumistas pour cette création, j’ai eu envie de le poser quand même sur ma peau et j’ai adoré son évolution. Je l’ai porté très rapidement après ça et j’ai opté aussi, dans les mois qui ont suivi, pour « Iris Cendré » et pour « Cuir Velours ». Je suis complètement sous le charme de la marque et je pense que je pourrais en porter toutes les créations. Mais revenons à « Nuit de Bakélite » : « Une fragrance obsédante, annonciatrice d'une femme dans toute sa séduction. Une tubéreuse verte dans un écrin végétal ». Le départ, il ne faut pas se mentir, est difficile, fantômatique, avec des notes très vertes de feuilles de tomate, d’angélique et de galbanum légèrement poudrées par la feuille de violette puis le coeur d’iris, de Karo karounde (dont j’ai déjà parlé) et de tubéreuse est absolument magnifique et le parfum se fait profond, cuiré avec des notes de fond de caïac, de davana, de labdanum, de styrax et de tabac. J’ai très envie de continuer les parfums de Naomi Goodsir que je porte et je louche sur « Or du Sérail » qui est pourtant hors de ma zone de confort, mais j’aime vraiment « Nuit de Bakélite » et je lui donnerai toujours la priorité.
La marque pour laquelle j’ai un engouement total que j’ai découvert vraiment ces dernières années, est, vous le savez, la maison britannique Beaufort fondée en 2015 par Leo Crabtree avec le concours des parfumeures Julie Marlowe, Julie Dunkley et Pia Long. Dans cet univers atypique, dark, très anglais, à la fois moderne et historique, chaque fragrance est singulière, parfois compliquée à porter mais j’adhère complètement et je crois que je ne me suis jamais décidé aussi rapidement pour un parfum que je l’ai fait pour « Fathom V » créé en 2016 par Julie Dunkley et Julie Marlowe : « Largement s'inspirant de ‘La Tempête“ (dans lequel Shakespeare évoque des images de temps violent, de naufrages et d'îles magiques), le thème principal de «Fathom V» est une phrase glanée dans «Chant d`Ariel» dans la pièce. «Forme Marine» ou “Sea-Change”, que maintenant nous comprenons comme «une transformation» ou une «métamorphose» est apparue pour la première fois dans la pièce et maintenant est utilisée couramment. Le changement perpétuel de l'état de la mer - dans un flux constant entre calme et nature - est point de départ pour la marque, exploré à travers l'utilisation de matières premières apparemment contradictoires dans des concentrations “surdosées”: le sel rencontre la terre, les herbes pétillantes se mélangent avec des mousses foncées, les notes claires de fleurs rencontrent des épices noires intenses. En contrastant le dessus et le dessous, la lumière et l'ombre, nous imaginons l'état changeant de la mer: son intensité - l'attrait de ses profondeurs sombres. Un parfum pour les intrépides qui remettent en question les idées préconçues sur ce que signifie vraiment «aquatique»… ». Ce chypre à la fois floral, épicé, poudré, floral et marin est une véritable révolution olfactive pour moi. Il s’ouvre avec des notes de baies de genévrier, de tangerine, de cassis, d’un accord feuilles vertes et de notes de terre avant de nous emmener sur un coeur fleuri et épicé de lys, de jasmin, d’ylang-ylang et de mimosa rehaussées de gingembre, de cumin, de poivre noir et même de thym. Le fond vétiver, patchouli et mousse de chêne associé à des notes de cèdre, de sel, d’encens et d’ambre. Le parfum est complexe, très étonnant avec une facette lilas mouillé si je puis dire. Je l’aime vraiment beaucoup. Je peux le porter toute l’année et il me plait toujours autant même si j’ai pu porter d’autres créations de la marque, toutes plus belles les unes et les autres. Aujourd’hui, je porte plusieurs Beaufort mais je reviens toujours à « Fathom V ».
Pour finir, je vais revenir, une fois encore que Mona di Orio qui nous a quitté trop tôt et qui, à travers deux collections, a su construire une oeuvre artistique et olfactive avec un beau fil conducteur. Je dois dire que j’aime toutes les créations de la parfumeure mais c’est vraiment avec « Musc », issu des Nombres d’Or, que j’ai mis un pied dans la marque et que j’ai commencé à ne plus savoir quel était le parfum que je préférais tant je lais ai aimés. « Musc » est poudré, facile, très inédit avec son côté ultra enveloppant et cosmétique. Je l’aime profondément. Il a quelque chose de complètement addictif mais c’est le cas de tous les parfums signés par Nathalie alias Mona. Pour moi, son talent est une évidence. J’ai dit souvent qu’elle avait du génie et je le pense profondément. Mais revenons à « Musc » : « Le meilleur des Muscs est saupoudré de la rosée de Néroli. Gentil, innocent et délicat. Essayez sur votre peau pour découvrir la beauté d'ingrédients de qualité ». Des muscs précieux, parfois recréés avec des matières naturelles végétales, un magnifique absolu de fève tonka et de fleur d’héliotrope et un néroli vraiment discret, tel est « Musc ». Dès la vaporisation, il semble poudrer ma peau, il m’enveloppe comme un cocon. Je crois que, même si aujourd’hui, je porte plus « Nuit Noire » et « Cuir », je continuerai toujours de l’aimer. Je profite de cet article pour dire, encore une fois, que je trouve fort dommage que les associés hollandais de Nathalie di Orio, qui détiennent désormais la marque, ne facilitent pas plus son accès en France ni sa diffusion car, vraiment, elle mérite d’être sentie et surtout portée.
Je me suis limité à six marques indépendantes mais il y en a d’autres que j’aime vraiment beaucoup. Je pense, entre-autres à « Grandiflora » (Australie) ou encore « Olibere » (France). Qui sait, cela fera peut-être l’objet d’un troisième article… Et vous, quels sont les parfums qui vous ont fait entrer dans telle ou telle marque ?
Mon premier parfum dans les marques auxquelles je suis fidèle (1ère partie)
Quels sont les fragrances sur lesquels j’ai craqué en premier lorsque j’ai découvert une maison de parfum déjà ancienne ? Voilà une question intéressante qui revient régulièrement dans vos mails et vos messages. Je me suis dit que ça valait bien un article, j’ai choisi cinq marques que j’aime bien et dont je suis client depuis un certain temps et je vais essayer, à travers de mon premier achat, de vous expliquer ce qui m’a séduit en premier, lorsque je ne connaissais pas du tout la maison et qui a été le début d’une certaine fidélisation même si, parfois, je suis très versatile et que je change très souvent. Allez, je vous emmène dans des univers olfactifs qui me sont propres et que, personnellement, j’aime porter avec finalement peu de modération.
Il y a déjà quelques années, c’est suite à une rencontre humaine que j’ai découvert Jo Malone, la marque britannique éponyme de la créatrice et qui, depuis, est passée dans d’autre mains et a diversifié les univers. La maison a été lancée en 1990 mais je dirais que c’est depuis le milieu des années 2000 que nous la trouvons facilement, via des corners dans les grands magasins et de boutiques en nom propre, en France et dans le reste de l’Europe continentale. Je dois dire que je suis un adepte assez fidèle de la simplicité à la fois contemporaine, délicate et fine à l’anglaise qu’elle n’a cessé de véhiculer. Il y a deux parfums qui m’ont séduit presque d’emblée lorsque j’ai découvert la marque mais je pense que le premier dont je me suis porté acquéreur est « Nutmeg & Ginger » composé par Jo Malone elle-même en 1990 et qui a été, je crois le tout premier de la collection. « Le premier parfum de Jo Malone London. Le bois de santal et le bois de cèdre sont relevés avec de la noix de muscade et du gingembre vif. Inattendu et addictif ». Je cherchais à l’époque, à Lyon, un parfum poivré, épicé et c’est sans doute par lui que j’ai découvert que j’aimais énormément la note de noix de muscade qui en constitue pratiquement tout le coeur après une belle envolée de gingembre, de bergamote et de poivre noir. Ensuite, le parfum se pose, très délicatement sur un fond de bois de santal chaleureux et dont le côté parfois un peu trop doux pour moi est contrebalancé par les épices. J’ai immédiatement accroché avec l’univers très épuré de la marque qui me provoque plein d’émotion. Il m’aura fallu des années pour superposer les parfums comme ce qui est préconisé et je remercie vraiment chaleureusement Pénélope et Christine qui, à l’époque, à la boutique lyonnaise, m’ont donné une multitude de conseils. Aujourd’hui, je le porte encore, même j’ai adopté, dans les années qui ont suivi, nombre de parfums de la marque que je porte seuls ou associés. J’en suis certains, d’autres n’ont fait qu’un passage sur ma peau (parfois parce qu’il s’agissait d’éditions limitées) mais à chaque fois, j’ai éprouvé beaucoup de plaisir à me parfumer avec et je le dois à mon engouement pour « Nutmeg & Ginger ».
Parmi les marques que je porte vraiment régulièrement, plusieurs sont anglaises curieusement. Penhaligon’s est plus ancré dans la tradition britannique des Cologne florales et aromatiques mais elle a su s’en éloigner surtout depuis son rachat et, sans trahir l’esprit originel, a lancé plusieurs collections qui recèlent toutes des merveilles. Pour moi, la découverte de la marque s’est faite il y a vraiment très longtemps et le premier parfum que j’ai porté et qui m’a donné envie de mettre mon nez dans les autres création est « Blenheim Bouquet » créé je pense par William Penhaligon’s et lancé en 1902. Je sais, je ne suis pas original mais vraiment il a été, à l’époque, un coup de foudre. La marque le décrit ainsi : « Blenheim Bouquet, parfum de 1902 signé par Walter Penhaligon, tire son nom du Blenheim Palace en Angleterre. William Penhaligon crée Blenheim Bouquet pour le 9ème duc de Marlborough avec des notes de citron, d'épices et de bois comme un hommage aux meilleurs gin britannique. Cette fragrance réalisée il y a plus de cent ans reste incontournable : elle marie les notes fraiches de citron et de basilic à la lavande, qui lui apporte une légèreté aromatique. Une pincée de poivre noir agrémente les notes de cèdre. Une parfaite harmonie entre senteurs d'agrumes et d'épices sur un fond boisé, propre d'un parfum qui est à la fois un grand classique et une fragrance novatrice. "Blenheim Bouquet est parfumé aux agrumes et aux épices que j'aime sentir avec un mouchoir et conserver dans mon armoire !", tout ce qu'il fallait pour combler Sir Winston Churchill, Premier ministre du Royaume-Uni de 1940 à 1945, qui adopta lui-même la fragrance ». Dès l’envolée il m’a donné envie avec ses notes de basilic, de bergamote, de cardamome, de citron, de lavande et de mandarine puis son coeur d’angélique, de cannelle, de coriandre et de freesia puis son fond chypré de mousse de chêne et de patchouli associé au bois de santal, aux muscs blancs et au cèdre. C’est un faux classique, un faux esprit Cologne et un faux parfum vintage tant il est singulier et contemporain. Je dirai qu’il n’a pas pris une ride et que je l’aime toujours autant. Cette année, je l’ai un peu moins porté mais l’envie va me reprendre quand je ne m’y attendrai pas comme tous les parfums « habituels » que je possède. J’ai passé beaucoup de temps à découvrir la maison que ce soit à Lyon, à la Parfumerie Zola ou à la Mûre Favorite ou à Paris, à l’époque au BHV Marais. Elle est, il faut le dire, encore aujourd’hui, l’une de mes préférées.
La troisième maison « classique » si j’ose dire, étant donné qu’elle est l’une des pionnières de la parfumerie d’auteurs est bien évidemment L’Artisan Parfumeur fondée en 1978 que j’ai découverte il y a finalement moins longtemps. Je peux le dater car c’était en 2016 avec la sortie de la collection créée intégralement par Daphné Bugey, qui s’appelait alors Natura Fabularis et qui est devenue aujourd’hui La Botanique. Elle m’a permis, non seulement de rentrer dans cet univers que je ne connaissais que par mon entourage car je n’avais jamais porté aucune création de la marque, mais aussi de me rendre compte du travail extraordinaire d’intelligence et de singularité des parfumeurs qui ont collaboré aux fragrances, que ce soit dans la collection classique ou dans celles qui ont suivi. Mais je reviens au sujet de l’article. Le premier parfum que j’ai découvert et que j’ai eu envie de porter, après beaucoup de tergiversations, a été « Violaceum » à l’époque où il y avait encore une abeille sur les flacons. Hélas, depuis il a été supprimé de la collection mais d’autres, tout aussi merveilleux, ont pris la suite. Comme décrire « 2 Violaceum » ? Dans la collection La Botanique, Daphné Bugey a imaginé un environnement rêvé, onirique, un peu comme si on se promenait dans le Pays des Merveilles d’Alice de Lewis Carroll. Pour ce qui était de « 2 Violaceum », il ne lui a fallu que deux essais pour créer une violette terreuse, poudrée et boisée entourée de notes de graine de carotte, de safran et d’iris. J’ai encore un fond de flacon et je suis en train de le réessayer en écrivant. Je me remémore combien j’ai adoré le porter tellement il était original. Certes, il n’a pas bien rencontré son public mais il faut admettre qu’il n’était pas le parfum de tout le monde. Il me manque mais, aujourd’hui, j’en ai adopté d’autres de la collections tels « 32 Venenum » que j’aime vraiment énormément, « 25 Obscuratio » et, le tout dernier, « 33 Abyssae ». Si j’aime bien les autres collections de L’Artisan Parfumer, je reste vraiment fidèle à celle-ci.
Très tôt, j’ai eu un coup de coeur pour la démarche artistiques d’une maison qui remettait le parfumeur au centre de sa création. Les Éditions de Parfums Frédéric Malle sont un peu le Gallimard de l’olfaction. Son fondateur a voulu vraiment, sans limite de prix des matières premières, accorder une carte blanche à chaque nez tout en restant un directeur artistique très présent. J’en ai porté plusieurs, j’en ai aimé d’autres que je n’ai pas adopté mais, il faut bien le dire, je me limite à cause du prix des parfums qui est sans cesse en augmentation et qui les rend de moins en moins abordables. J’ai pris beaucoup de temps à essayer, à l’époque, pour choisir le premier, celui qui me plaisait le plus et ce fut « En Passant » créé en 2000 par Olivia Giacobetti sans doute à cause de mon attirance irrépressible pour l’odeur du lilas. La formule en est simple : il s’ouvre sur une note de concombre, se poursuit sur un coeur de lilas et de jasmin avec un côté aquatique pour se poser sur un lit de muscs blancs. « Au printemps, quand les femmes enfilent leurs robes de coton et se réchauffent la peau au soleil, une douce brise, pleine du parfum des lilas en herbe, balaye la campagne. Un souffle d'absolu de concombre dans un accord lilas épuré donne au parfum une fraîcheur aérienne, tandis que le parfum de la peau d'une femme est lié au blé, au cèdre et au musc blanc ». Pour moi, il est parfaitement mixte et je l’ai énormément porté. Je dirais peut-être que c’est plutôt un lilas blanc qui pousserait à côté d’un plan d’eau. J’ai terminé un flacon l’été dernier et je crois que je ne le rachèterai pas dans l’immédiat car j’ai décidé de me limiter à deux créations dans la marque à cause de leur prix dont la montée exponentielle m’effraye un peu. Je le regrette mais j’ai opté pour un autre lilas et je me concentre plutôt aujourd’hui sur « Le Parfum de Thérèse » créé par Edmond Roudnitska et qui est, pour moi, vraiment une révélation olfactive et « Noir Épices » composé par son fils Michel qui est un peu l’une de mes signatures.
Difficile pour moi de parler des marques plus classiques ou des pionnières de la parfumerie de niche sans évoquer Annick Goutal devenu Goutal Paris. En effet, chez nous, c’est un peu la marque que l’on porte « en famille » et dont aucun d’entre-nous ne se lasse. Pour moi, c’est une histoire d’amour olfactive qui remonte à la fin de l’adolescence et qui est née parce que quelqu’un de proche portait « L’Eau d’Hadrien » et que cela m’a permis de découvrir « Sables » qui a été pour moi encore une double révélation. En effet, j’ai compris qu’on pouvait se parfumer autrement qu’avec les parfums de marques de luxes qui, déjà à l’époque, tendaient à se standardiser. J’ai également découvert que j’aimais la note d’immortelle car il y en a une overdose dans « Sables ». Ce parfum a été créé par Annick Goutal et Isabelle Doyen en 1985 je crois et je le porte depuis plus de 25 ans. « Les immortelles sauvages bordent l'horizon, la chaleur est délicieusement écrasante et le sable est brûlant. C'est l'odeur d'un été enivrant, d'un soleil de plomb sous lequel on s'abandonne, ou lors d'une sieste au bord de la mer. Annick Goutal composa Sables par plaisir de se souvenir inlassablement de ce moment de bonheur passé en Corse avec son mari ». Avec un départ de bergamote et de mandarine très fugace, il ne ressemble à rien d’autre dès le départ et cela se confirme avec ce coeur de jasmin, de mousse et de poivre noir de Madagascar et son fond d’immortelle sauvage, de santal indien et d’ambre. C’est certes un oriental mais il a des notes sèches, « désertiques », uniques et tout à fait merveilleuses. Il a été très bien reformulé lorsqu’il a été sorti en eau de parfum il y a quelques années et, après une éclipse durant laquelle je lui préférais d’autres créations de la marque telles « Un Matin d’Orage », « L’Île au Thé » ou encore « Mandragore Pourpre », j’y suis revenu avec une certaine volupté. Pour moi, il est indéniablement un incontournable et je pense qu’il le restera.
Voilà pour ce que fut ma première approche des marques plus classiques que j’aime particulièrement et auxquelles je suis très attaché. Tout s’est toujours déclenché avec un parfum qui a été, pour moi, une clef pour entrer dans ces univers. En tout cas, j’ai pris plaisir à remettre mon nez dans des parfums que je porte moins par la force des choses mais que j’aime toujours autant. Si le sujet vous intéresse, j’écrirai un second article sur mes parfums initiatiques, si j’ose dire, dans des marques plus contemporaines et dont les univers sont encore plus particuliers. Je pense que je vais y prendre tout autant de plaisir.
19-69, un univers urbain et ultra contemporain
J’ai reçu par Diane, qui vient souvent sur ce blog et que je remercie, le kit d’échantillons d’une marque que j’avais pu découvrir à Paris, dans un concept store de la rue des Archives il y a quelques années mais sur laquelle je ne m’étais pas complètement penché. Elle a été fondée en 2017 par un suédois, Johan Bergelin qui en explique ainsi l’inspiration : « Je me suis toujours entouré de personnes créatives, qu'il s'agisse d'amis personnels ou professionnels. Ce qui m'a toujours inspiré, c'est la façon dont ces artistes défendent très souvent leurs valeurs. Ils veulent faire la différence. Cela peut se faire d'une infinité de façons : une peinture murale, une sculpture, des photos ou des paroles de chansons. Vous pouvez être d'accord ou non, mais il faut du courage pour défendre ses convictions et son identité, vos croyances et qui vous êtes, et je respecte cela. C'est comme ça que 19-69 est née ». À ce jour, la marque compte 18 créations imaginées par le studio Flair, j’ai nommé Anne-Sophie Behaghel et Amélie Bourgeois. Je les ai toutes essayées et je peux vous dire que j’y ai passé beaucoup de temps afin de pouvoir en sélectionner quatre et vous en parler d’une manière très précise. Une fois encore, mon avis n’est qu’un ressenti et n’a absolument pas valeur de critique.
Le premier parfum qui a vraiment retenu mon attention a été créé par Amélie Bourgeois en 2017 et il s’agit de « Purple Haze » que j’ai vraiment trouvé original et, en même temps, relativement facile à porter. Il s’ouvre avec une très belle variété de bergamote, une note de cyprès, un accord de cannabis que je ne sens pas vraiment, un versant ciste qui va lui donné un côté légèrement cuiré et l’utilisation de ranesara qui est une plante aromatique que je ne connaissais pas et dont l’odeur, mêlée aux autres matières première donne déjà une certaine originalité. Le coeur est construit autour d’une matière première naturelle appelée palmarosa, une plante herbacée qui m’était également inconnue, de feuille de violette, de thy et de gurjum qui donne une facette baumée. Le fond, vanille, patchouli, muscs blancs, bois et poivre noir est très délicat. La marque décrit ainsi cette création : « Purple Haze est un hommage à la créativité, la liberté et la tolérance. Il est profond, puissant, original et captivant. Purple Haze définit l’ambiance pour 16-69. Johan Bergelin: « Le parfum Purple Haze représente le mouvement hippie et la contreculture, à l’image des « bed-ins » de John et Yoko à Amsterdam et Montréal (1969). Purple Haze évoque le légendaire Kenyatta, que j’ai rencontré à Bahama Village, à Key West. Une guitare sur le dos, des bottes en peau de serpent, un jean mince et les cheveux longs. Un air de Woodstock. C’est un hommage à la créativité, la liberté et la tolérance ». Sur ma peau, le parfum se développe vraiment très bien. Il est un peu fougère, un peu oriental aussi et il ne ressemble à rien d’autres. « Purple Haze » est assez clivant et j’ai mis un peu de temps à l’apprivoiser. Maintenant, il me plait beaucoup et je pourrais le porter sans aucun problème.
« Johan Bergelin: Le parfum Chinese Tobacco comporte des éléments de différents films légendaires comme Indochine. Un reflet de l’Orient rencontre l’Occident dans la colonie française d’Indochine dans les années 30 et 50. Je suis souvent capturé par ces contrastes forts et ces ambiances différentes lors de mes voyages en Asie, l’ancien et le nouveau. La scène puissante tirée du film « Apocalypse Now » ou l’on voit Aurore Clément et Martin Sheen fumer de l’opium a constitué une influence majeure pour ce parfum ». Créé également par Amélie Bourgeois en 2017, « Chinese Tobacco » a été le premier parfum qui m’a plu dans la marque lorsque je l’avais découverte il y a quelques années. Je pense que j’en ai d’ailleurs déjà parlé. C’est un tabac épicé étonnant, complètement inédit et singulier. Il s’ouvre avec des notes très hespéridées de bergamote et de citron qui seront fugaces mais laisseront une très jolie fraîcheur au tabac et au poivre rouge. Le coeur est résolument épicée avec le gingembre et la feuille de coriandre puis le parfum se pose sur un fond de cèdre et de vétiver très dense avec des accents de vanille et de oud. C’est un parfum profond, un peu mystérieux. Je le trouve vraiment intéressant mais il sera indéniablement clivant. Pour moi, c’est vraiment ça la parfumerie d’auteurs. Vraiment Amélie Bourgeois s’est inspirée d’images de cinéma et je trouve que c’est une démarche vraiment intéressante car on se retrouve plongée dans l’idée que l’on peut avoir des fumeries d’opium. Entres notes brûlées et épicées, « Chinese Tobacco » est contrebalancé par une belle fraîcheur. Vraiment, il demeure l’un de mes préférés.
Mon troisième choix est un boisé cuiré épicé sorti en 2021 et à côté duquel j’étais complètement passé. Il est ainsi décrit par la marque : « Cette fragrance est une célébration de l'endroit où la fierté a commencé. Elle est énigmatique, cuirée et gourmande avec les notes de poivre noir, le cumin et l'absolu de myrrhe. Vous le connaissiez comme un lieu impie contre lequel la société vous mettait en garde. Sur Christopher Street, à New York, se trouvait le Stonewall Inn, un bar fréquenté par les drag queens et les marginaux. Le quartier est devenu le lieu de naissance de la révolte de Stonewall, l'un des tournants sociaux les plus importants de 1969 ». Plus consensuel que les deux précédents, « Christopher Street » est un travail autour du patchouli mais, pour une fois, ce n’est pas du tout un chypre. Il s’ouvre avec une envolée de safran et de poivre noir qui m’a presque dérangé mais très vite on arrive sur un coeur presque solinote de patchouli indonésien absolument magnifique et renforcé par un fond construit autour d’un très bel absolu de myrrhe avec des notes de papyrus et de bois de cade. Résolument contemporain, « Christopher Street » ne ressemble à aucun autre parfum que je connais. Je le trouve vraiment urbain et étonnant. Il n’est pas que fumé. Il se révèle un peu gourmand dans son évolution et le côté cuir dense du bois de cade est vraiment adouci. Il l’est peut-être un peu trop pour moi mais c’est vrai que la création est belle. Je regrette que la marque ne communique pas sur le parfumeur qui l’a composé. Il fait parti aussi de mes préférés dans cette maison que je redécouvre avec plaisir.
Le dernier parfum que j’ai sélectionné ne fait pas forcément partie de mes préférés mais je crois qu’il est l’un des bests de la marque et il faut bien dire que, une fois encore, il ne ressemble à rien d’autre. Je suis donc revenu aux fondamentaux avec « L’Air Barbès » créé par Anne-Sophie Behaghel et Amélie Bourgeois et qui fait la part belle à l’originalité et au côté parisien citadin qui pourrait me correspondre assez bien même si je ne vis plus dans la capitale depuis longtemps. Johan Bergelin le décrit ainsi : « J'étais adolescent lorsque j'ai découvert la photo d'Helmut Newton qui a rendu Le Smoking d'YSL une icône. L'absence de genre m'a vraiment fait une grande impression. Avec une simplicité monochrome épurée, Newton a créé une iconographie qui m'influence encore aujourd'hui. Dans la réalisation de L'air Barbès, j'ai été fortement influencé par l'androgynie de cette photo ». Le départ peut avoir un côté vraiment frais et légèrement pétillant avec des notes d’aldéhydes, de citron fraîchement pressé adoucies par la bergamote puis le coeur s’organise autour d’un accord minéral, la marque parle de béton, réchauffé par l’ylang-ylang et rendu très mystérieux par la vénéneuse tubéreuse puis le fond se fait sentir. Il allie matières synthétiques comme l’ambroxan et les muscs blancs associées à un accord cuir et rehaussé d’un iris pour le coup très naturel et du côté peau épicée du cumin. Vraiment « L’Air de Barbès » est un mystère pour moi. C’est un peu « je t’aime, moi non plus » et d’ailleurs je ne suis pas loin, quand je le sens, d’être projeté dans les années 70 et d’apercevoir « Jane et Serge sur le Pont des Arts » comme le chante Alain Souchon. C’est un parfum fascinant, il faut bien le dire. Je ne sais pas si je pourrais le porter mais j’y reviens beaucoup.
Depuis Byredo et Vilhelm, les créateurs suédois s’intéressent de plus en plus à la parfumerie et Johan Bergelin en est un autre. Il a su impulser à sa marque une originalité et une énergie très urbaine qui me plait beaucoup. Je dirai que « 19-69 » est une marque de parfums mais aussi une énergie qui me parle par la créativité de ses jus et la sobriété de ses flacons. Vraiment, c’est une maison à découvrir voire à redécouvrir car elle recèle de bien belles choses.