Et si on parlait de gardénia
* Article entièrement réécrit
J’ai parlé autrefois de “Sir Gallahad” d'Isabey, qui n'existe plus et que j'ai beaucoup porté, il était donc logique d’enchainer d’autres parfums floraux de la même famille. Le gardénia est extrêmement utilisé tout comme le chèvrefeuil dans des colognes au Royaume Unis mais, en parfumerie plus élaboré, il demeure assez rare. J'ai sélectionné quatre parfums que j'aime bien et dans lesquels l'accord gardénia (qui est à la base une fleur muette), est travaillé en majeur. J'espère que je serai clair et que je ne prendrai pas trop des chemins de traverse pour évoquer cette note que je viens de redécouvrir autrement dans "Gardénia" de Theodoros Kalotinis dont j'ai déjà parlé pas mal.
« Le camélia blanc, une fleur dont la perfection du dessin fait oublier l’absence de parfum. Il était l’emblème de Coco Chanel, apparaissant çà et là sur ses créations ; sur le bord d’un chapeau, à la boutonnière ou en bijou. En 1925, elle imagina une fragrance à son image, qu’elle nomma Gardénia ». Créé par Ernest Beaux pour Chanel en 1925 puis oublié, il a été remis au goût du jour par Jacques Polge tout d’abord en 2016 puis en 2017 pour intégrer la collection Les Exclusifs. D’abord sorti en eau de toilette, puis en parfum, puis en eau de parfum, il reprend les grands thèmes de l’original et, pour moi, « Gardénia » de Chanel est peut-être « Le » gardénia par excellence. C’est un floral, faussement solinote, que je trouve particulièrement sensuel et élégant. Quand je l’ai découvert, il y a quelques années, je suis totalement tombé sous le charme. Pour moi, c’est plus qu’un parfum, c’est une fleur ou des fleurs, devenues fragrances. D’Ernest Beaux à Jacques Polge, la création intemporelle, insaisissable et profondément belle perdure et reste. J’aime « Gardénia » de Chanel. C’est un très grand féminin, peut-être l’un es plus beaux de la collection et même de la marque.
Lorsque j'évoque le gardénia, c'est une marque française qui me vient en tête, j'en parlais en introduction, je pense bien évidemment à Isabey car cette fleur réinterprétée est indéniablement emblématique de la maison. L'un de leurs plus beaux parfums s'appelle d'ailleurs tout simplement "Gardénia" (2006) et je l'aime énormément. Je le trouve absolument addictif et, si j'ai l'occasion de le vaporiser sur mon poignet, durant tout le reste de la journée, je vais le porter à mon nez. Je ne suis pas certain que ce soit un parfum pour moi mais j'aime énormément le sentir. Jean Jacques, qui a recréé ce parfum en décrit ainsi l’inspiration : « Velouté doux, chaleureux, ce parfum est un floral riche, capiteux et inoubliable. Luxe authentique, Le Gardénia est une rare fragrance de gardénia qui capture parfaitement l’essence même d’une fleur solitaire. Etonnamment fidèle à la fleur, l’huile essentielle provient d’extraits pures de gardénia, avec en support certaines des senteurs les plus captivantes de la nature dont la rose Bulgare, le Jasmin, l’Ylang-Ylang, la fleur d’Oranger, l’Ambre Gris ou l’écorce de Mandarine; Capiteux et pourtant doux, sensuel et chaleureux, c’est sans aucun doute un parfum unique ». Après une envolée de mandarine, de fleur d’oranger et d’ylang-ylang très solaire, arrive ce coeur de gardénia associé à l’iris, la rose et le jasmin puis un fond d’ambre gris, de musc et de santal. Le résultat est assez saisissant car je trouve que ce floral très animal a l’air d’un solinote sans jamais l’être.
Quand le jasmin et le gardénia sont travaillées à la manière de la tubéreuse à la fois florale et presque médicinale, Jérôme Epinette nous entraine dans un bouquet surréaliste avec « Fleur Burlesque » lancé en 2015. Il bouleverse les codes pour inventer un parfum faussement vintage, joyeux et royalement contemporain. Jugez plutôt, un départ de gardénia et de jasmin, un coeur de bois de santal crémeux et lacté puis un fond d’ambre. Oriental ? Floral ? Floriental ? Comment définir cette création ? La marque répond en quelques mots à la question que je me pose en la sentant sur ma peau : « Totalement vivante sous les projecteurs du Moulin Rouge, enchanteresse à la douce lumière des bougies de Maxim, elle est l'esprit féminin exquis et inébranlable de la Belle Époque. Son parfum ? Un soupçon inimitable de gardénia et de jasmin, de bois de santal et d’ambre. » Voilà donc le parfum comme arme de séduction massive sulfureuse et festive qui nous entraine dans les satins et les velours des cabarets parisiens de la Belle Époque mais attention, « Fleur Burlesque » est sulfureux mais également d’une grande élégance. Comme « Don’t Tell Jasmine », c’est une seconde peau sensuelle et charnelle. En général, je n’aime pas trop ce genre de parfum que je trouve difficile à porter mais tel n’est pas le cas. C’est une merveille ! Même si c’est Jérôme Epinette qui a composé ce parfum, je retrouve le côté « total » de « 3 Fleurs » créés par Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire. C’est un bijou, strass et toc ou diamant et carats, à vous de décider !
Créé par Mathieu Nardin en 2019 pour Miller Harris, « Secret Gardénia » m’est revenu en mémoire et j’ai recherché mon échantillon. « La fraîcheur piquante du yuzu et de la poire nashi juteuse et fraîche, le jasmin sensuel et l'ylang-ylang complètent cette eau de parfum. L’éclat caché du gardénia dans une ode claire, lumineuse et sensuelle à la plus pure des fleurs blanches. Les jardins secrets sont enfermés, remplis de fleurs clandestines – et Secret Gardenia capture ces magnifiques parfums dans un bouquet moderne et frais. Le bois de santal crémeux et les muscs délicats ancrent les pétales de gardénia tactiles dans une lumière pure ». Le parfumeur a vraiment travaillé l’accord gardénia « à l’anglaise », c’est à dire tout en légèreté, en transparence et en nuances. Après une envolée dde bergamote et de nashi (une petite poire asiatique), vient un coeur construit autour de l’accord gardénia associé à des notes de jasmin indien, d’ylang-ylang et de violette. Après une longue évolution, le parfum se pose sur un fond boisé de santal et de cèdre, mi-lacté, mi-sec. J’aime bien ce parfum. Il est vraiment très élégant et agréable à porter même s’il n’a pas la force des trois autres. Je l’aime bien et je pourrais le porter mais il n’est pas ma priorité.
Pour conclure, je me dis que cette année, entre « Gardénia » de Theodoros Kalotinis, « Un Bel Amour d’Été » créé par Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire et « Le Sully » de Stéphanie de Bruijn, je me dis que je suis quand même très client de cette fleur muette recréée par différents procédés. En tout cas, quel plaisir de la retrouver à chaque fois, solaire, blanche, délicate ou puissante, en parfumerie. J’aime le gardénia et son odeur caractéristique et je ne m’en prive pas.
Elaïo, de très qualitatives huiles de parfum
« Du grec ancien ἔλαιον, qui signifie huile, Elaïo propose une parfumerie moderne et sincère en faisant le choix de développer une huile exclusive pour la formulation de ses parfums. Elaïo exprime une parfumerie spontanée, sans fard, sans filtre, sans superflus, qui nous projette au plus près de l'essence même du parfum, comme un geste d'amour pour soi, où seule l'émotion nous guide. La promesse de parfums durables et fidèles, tout au long de la journée, pour exprimer son caractère véritable » tel est le postulat de départ de Bérénice Cauchois, la fondatrice de cette maison qui change un peu la donne puisque les huiles de parfums, si elles sont plus rares que les versions alcooliques sur le marché, ont quand même le vent en poupe. Il y a quelques temps, je proposais une revue des créations de Versatile et c’est sans doute pour cela que j’ai découvert Elaïo chez Blush, un concept store de ma ville de Lyon qui est une vraie mine lorsqu’on veut trouver un cadeau ou tout simplement se faire plaisir. À ce jour, la marque a lancé cinq huiles créées par Clémentine Humeau dont je vous ai souvent parlé et Marie-Julie Hébert. Alors je suis allé les tester et je suis séduit. J’ai donc décidé de vous parler de deux de ces créations parce que je les ai vraiment aimées. Alors, je vous emmène dans l’univers de cette maison toute récente puisqu’elle est née en 2022.
Clémentine Humeau et Marie-Julie Hébert
La première huile de parfum que j’ai essayé est « Peau Perlée » et je dois dire que c’est un coup de coeur. Sortie en 2022, cette composition est ainsi décrite par la marque : « Sortie de douche. Les gouttes perlent le long du corps, frais et délicatement parfumé. Une peau rappelant la rosée du matin. Une buée de cèdre irisée. La fleur mauve aux accents minéraux et poudrés se love dans un bain au lait de Cèdre. Une fragrance oscillant entre le propre et le charnel, qui joue avec la peau ». La marque décrit les matières utilisées sous forme de trois thèmes et je vais respecter cette présentation en vous parlant tout d’abord du versant propre et frais avec des notes de rose, de vétiver d’Haïti qui est très présent sur ma peau, de lavande de Provence, de baie roses, de muscs blancs et d’anis. Le côté boisé est exprimé par une facette écorce de cèdre qui est constituée, outre de cette matière, d’essence de gurjum, de patchouli, d’un accord cuir et d’un très bel absolu de labdanum. Enfin, et c’est vraiment, pour moi, les notes qui apparaissent en tout fin du développement, d’une facette lactée et poudrée avec des notes d’héliotrope, de lait d’amande, de gaine de carotte, d’iris et d’un accord poudré et musqué. Sur moi, cette huile de parfum m’évoque ma peau mais en mieux si l’on peut dire. Après la douche, le porter est super agréable. Je le sens en écrivant et, vraiment, c’est un plaisir.
« Peau Salée », lancé en 2022, est mon second coup de coeur dans la marque. Je trouve que, une fois de plus, cette création est vraiment réussie. « Une journée à Bondi Beach, plage mythique d’Australie, au spot de surf ultra prisé et à l’ambiance décontractée. Good vibes only ! Un parfum floral, minéral et salin, rappelant les longues heures passées à la plage, entre cheveux salés et peau gorgée de soleil ». J’arrive peut-être un peu après la bataille en ce qui concerne cette composition solaire mais il fait encore beau et il peut s’avérer comme une petite réminiscence des vacances. À l’image de la marque, je ne vais pas vous parler des notes sous forme de pyramide mais plutôt par thèmes. L’huile parfumée développe une facette ambre solaire avec la fleur de frangipanier, l’ylang-ylang, l’héliotrope effectivement très amandée et la noix de coco, une autre « sel et sable » avec un accord marin, du géranium, de la mousse et des traces d’ambroxan puis une dernière nacrée avec un autre accord, celui-ci ambré et des muscs blancs. Les deux créatrices résument leur inspiration par ces mots : « Un temps de création éblouissant ! Quel bonheur de créer au cœur de l'hiver un parfum salin et solaire qui nous rappelle que l'été arrive toujours ! ». Je crois que tout est dit. En tout cas, j’ai beaucoup aimé et je pourrais tout à fait porter « Peau Salée ».
Je n’ai choisi que deux huiles de parfum sur les cinq car les autres sont plus classiques tout en étant tout aussi qualitatives. Je vous engage à découvrir cette petite maison très artisanale mais très bien pensée, qui propose de très jolies créations. La tenue est très bonne mais il ne faut pas en attendre une énorme diffusion. Je trouve que Elaïo est vraiment une marque pour soi, pour se faire plaisir. J’ai beaucoup aimé cette découverte. Je vous indique, ci-dessous, le cite de Blush, à Lyon, qui distribue la marque. Vous pouvez, vous rendre à la boutique ou explorer les propositions directement depuis votre ordinateur.
La civette reconstituée, des notes douces et animales à la fois
La civette « est aujourd'hui interdite et utilisée uniquement sous forme synthétique. Son odeur est très forte, lourde, fécale et sent vraiment "le fauve", mais elle perd de son caractère agressif en dilution, et apporte une chaleur animale et sensuelle aux orientaux, comme Jicky, ou Shalimar » (Source Au Parfum). Très attaché à la protection animale, j’ai fait des recherches pour bien vérifier qu’il s’agissait aujourd’hui d’une recréation, souvent grâce à la chimie, qui était utilisée. La note de civette fait partie des accords qui révèlent l’animalité du parfum et elle est souvent utilisée dans des ambrés fleuris ou des chypres. J’ai trouvé quatre parfums, dans des marques plus où moins confidentielles, dont un complètement « historiques » dans lesquels je peux l’identifier facilement. Je vous emmène donc avec moi sur ses traces et j’espère que je vous donnerai envie de sentir les créations que j’ai pu sélectionner.
Créé par Germaine Cellier pour Robert Piguet en 1944, « Bandit » n’est pas un parfum comme les autres. C’est une légende. La marque, qui l’avait supprimé, a décidé de le rééditer dans sa formule originale et je dois dire que j’ai adoré l’idée de le retrouver. Son histoire : « En 1944, Robert Piguet crée une collection couture audacieuse, basée sur un concept « Bad Boy ». Juste à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les défilés de Piguet présentaient des mannequins arborant des masques de méchants et brandissant des revolvers et des épées jouets. Le parfum accompagnant cet air de malice avant-gardiste était Bandit, une composition créée par l'icône du parfum Germaine Cellier, réputée pour ses créations audacieuses et distinctives. Bandit est un classique renommé. Germaine Cellier a utilisé des notes sombres de cuir, le vert de la mousse et des bois fumés pour donner au parfum son caractère riche et inoubliable. Accentué de galbanum verdoyant et de notes de fleur d'oranger, Bandit est certainement « l'enfant terrible » de la collection de parfums Piguet. Le jasmin et le patchouli apportent une touche exotique tandis que le cuir et la mousse de chêne forment une couronne épineuse ». Il s’ouvre sur des notes de gardénia, associées à l’armoise, à la bergamote mais aussi aux aldéhydes puis vient un coeur de jasmin, d’oeillet, de rose et d’iris. Le parfum se pose sur un fond de civette, de patchouli, de mousse de chêne, de vétiver et de muscs blancs. C’est un chypré cuir vert, et sans doute le premier qui ait été composé. Germaine Cellier a cassé les codes avec ce cuir à la fois végétal et animal qui était, je le rappelle, un féminin à sa sortie. Pour ma part, je le porte depuis de très nombreuses années et j’ai un peu de mal à l’imaginer sur une femme mais il y a des bad girls, un peu garçons manqués, ou alors, pour inverser la tendance, il pourrait compléter le glamour d’une robe du soir. Qui sait… ?
Le second parfum que j’ai pu découvrir s’appelle « Maai » et est sorti en 2014. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que dès que j’ai entendu le mot chypre, j’ai eu envie de m’y pencher. Je n’ai pas été déçu. Je pense que c’est mon coup de coeur. Construit autour d’un coeur floral, le parfum s’ouvre sur des effluves aldéhyées associés à un versant fruits secs puis la tubéreuse, le jasmin et la rose s’associent à l’ylang-ylang pour se poser sur un fond très animal de castoreum et de civette enroulé autour de la mousse de chêne et du santal qui vient remplacer le patchouli. Alors certes, ce n’est pas tout à fait une construction chyprée mais l’effet y est. Je le diviserai en deux versants. Le premier est floral, opulent, très étonnant avec des accents de sous-bois et le second, franchement animal. Je dois dire que, sur la peau, il est particulièrement intense et profond. Le développement est très élégant tout en restant un peu subversif. « Maai » traduit la distance et c’est celle qui existe entre Antonio Gardoni et la tubéreuse qu’il a voulu interprétée de manière cachée comme quelque chose que l’on n’aime pas et qui, pourtant nous fascine. La présence d’un accord civette donne encore plus de profondeur et d’animalité au parfum. Vraiment, il m’a plu. Je le trouve hyper réussi.
« C’est sans doute l’une des mes créations les plus originales, une rose diabolique brulée par les épices associant le Vétiver, la Civette et le Poivre à la beauté charnelle et formelle des plus belles essences de Rose », tels sont les mots de Jean-Claude Ellena pour décrire « Rose Poivrée » qu’il a créé en 2000 pour The Different Company. J’ai toujours aimé ce parfum. Je l’ai découvert il y a bien longtemps et je le trouve absolument magnifique, tout en légèreté et en nuances. « Je suis un contraste inégalé. Pétale contre pétale, Rose Damascena et Rose Centifolia tissent ma trame florale. En contrepoint de ce duo, le Poivre noir et la Baie rose libèrent leur caractère, pour que la flamme prenne. Je suis un sillage en majesté, ma fleur est reine de parfumerie. Miellée, chaude, fraîche, ses nombreuses facettes la rendent inépuisable. Ici, le versant épicé est le plus travaillé. On m’aime pour ma franchise, on m’adore pour mon équilibre. Je suis pour les femmes ou les hommes, ma Rose n’a pas de genre. D’une volupté diabolique, je suis un monument de la parfumerie. Je suis Rose Poivrée ». Dès le départ, je suis frappé par le poivre noir, hyper présent et qui se charge de coriandre et de baies roses puis vient ce coeur de rose, profond et aérien à la fois, très duel, comme de pétales et enfin au fond, l’association du côté très végétal du vétiver avec la reconstitution animale de la civette est vraiment de toute beauté. « Rose Poivrée » porte bien son nom. Il est incroyable. L’un de mes meilleurs amis l’a porté des années et je le trouvais oscillant entre notes florales, végétales, épicées et animales. La note de civette lui donne toute son originalité je trouve. Je ne suis pas certain de pouvoir le porter mais je l’aime beaucoup vraiment.
« Civet » créé pour Zoologist par Shelley Waddington en 2016 est une interprétation de la note complètement recrée et même par d’autres procédés que la chimie. « Civet rend hommage à un ingrédient séculaire, la Civette, ainsi qu'aux parfums chyprés d'antan - des parfums qui refusaient d'être intimidés par les muscs crus, séduisants et animaliers. Civet de Zoologist est un jus complexe entrelacé dans le mystère. Il s'ouvre sur un accord floral épicé avec la Tubéreuse, fileté à travers des notes de Café noir. Lentement, il évolue, dévoilant des notes de fond de Cuir, de Mousse et de Vanille qui se combinent avec du musc de civette distinctif pour créer un parfum déconcertant et sophistiqué avec la promesse d'un rendez-vous torride ». J’ai trouvé le parfum vraiment très complexe avec une ouverture de bergamote, de poivre noir, de citron, d’orange et d’estragon puis un coeur d’oeillet, de fleur de frangipanier, d’héliotrope, de jacinthe, de fleur de tilleul, de tubéreuse et d’ylang-ylang puis un fond de baumes, de civette reconstituée, de café, d’encens, de labdanum, de muscs, de mousse de chênes de diverses résines de cuir et de vanille. Il en résulte une fragrance douce, un peu orientale mais surtout très « cocon » et enveloppante. Je ne sens pas trop le côté animal de la civette. Je pense que la recréation en parfum de l’habitat de l’animal est transcendée par la parfumeure qui en donne une interprétation un peu désuète et romantique. J’ai bien aimé ce parfum mais il est, c’est vrai, peut-être un peu trop féminin pour moi.
Je suis content qu’on ne tourmente plus la civette pour la parfumerie. Ceci dit, ces matières animales sont souvent très bien recréées par la chimie et celle-ci est très belle il faut bien le dire. Les molécules utilisées sont bluffantes. Elles confèrent aux parfums un petit côté désuet que j’aime bien. Que pensez-vous de la note de civette ? L’aimez-vous ou vous rebute-t’elle ?
Vincent Ricord, des univers modernes
Vincent Ricord a beaucoup collaboré avec la maison de composition TechnichoFlor. J’avais senti quelques parfums mais ne les avais pas rapproché les uns des autres. J’en ai choisi quatre et je vais tenter de vous livrer mes impressions. En tout cas, le parfumeur est talentueux et je vais voir, en faisant des essais si un coup de coeur me vient. J’ai sélectionné, comme toujours, quatre créations pour illustrer mon propos. J’espère que cela vous donnera envie.
« Un oui inconditionnel, boisé et épicé ». Créé par Vincent Ricord en 2022 pour les parfums d’Orsay, « V.H Te Dire Oui » plaira plus volontiers aux hommes. « Te dire oui V.H. a été imaginé par Vincent Ricord comme un rituel. Cette fragrance orientale lui rappelait les mariages avant lesquels les futurs conjoints se parent au Henneh. Te dire oui. Cela semble une évidence. Même cette lumière de safran dorée qui remet en cause la réponse un instant, nous ramène finalement à ce que nous voulons. Voyager. Depuis l’encens, le poivre noir et les baies roses d’un petit village en Inde, où nous échangions un regard, jusqu’aux roses de la vallée d’Orient, où la fraicheur du benjoin et de la mousse nous protégerons de la chaleur du santal et du cuir. Dire oui. A l’autre, à soi. A la vie et à la joie ». Je le qualifierai vraiment de parfum épicé très élégant. Il est dense, audacieux, profond et vraiment très bien imaginé car il sort facilement des masculins dits classiques et casse un peu les codes tout en restant facile à porter ce qui n’est pas si mal. Il s’ouvre sur des notes de poivre rose, d’encens, de poivre noir et de safran qui nous emmène sur un coeur de cuir, de rose damascena adouci par le bois de santal puis se pose sur un fond de benjoin, de castoreum, de mousse d’arbres, de muscs mais surtout de styrax. Pour moi, il est vraiment un cuir profond et et un peu dark mais peut-être plutôt clair-obscur. C’est une composition brute et inspirée. Vincent Ricord sort de la ligne, il prend les chemins buissonniers pour nous donner un parfum à la fois masculin et extrêmement moderne.
Ce parfum-là, sur le papier, n’avait pas grand chose pour me plaire et pourtant, je le trouve vraiment très beau et extrêmement bien construit. Il s’agit de « Velvet Date » créé par Vincent Ricord qui a composé plusieurs parfums que j’avais eu l’occasion de découvrir. Le départ très vif avec des notes de citrus et de poivre rose puis vient un coeur hyper oriental de rose et de davana épicé d’un très beau safran puis le fond se fait rond, légèrement poudré avec la fève tonka, un peu oud grâce au bois d’agar et suave avec un accord de date qui, contre toute attente, m’a séduit. C’est un oud, un peu sombre mais avec une lumière qui vient le frapper par moments. C’est d’ailleurs ainsi que le décrit la marque : « Entre ombre et lumière, une datte envoûtante, ciselée comme une pierre précieuse. Un bijou serti de rose et de safran, ourlé de miel, d’ambre et de fève tonka, nimbé d’un sillage sombre aux nuances boisées ». « Velvet Date » est un parfum très oriental, il faut le souligner, et donc assez éloigné de mes goûts habituels mais il est si finement créé qu’il arrive à me plaire et que je me suis même dit que, lorsque les températures auront baissé, il me faudrait le redécouvrir et pourquoi pas l’essayer. J’ai beaucoup aimé ce parfum et je pense qu’il peut rencontrer un certain succès car, même s’il s’agit d’un travail autour du oud, il demeure facile à porter.
« La rose donne son âme au soleil - Le conte des mille et une nuit » tels sont les mots de Vincent Ricord pour décrire son inspiration pour la création, en 2019, de « Rose Cardamome » pour La Closerie des Parfums. La fraîcheur de la cardamome se prête à cette composition d’une grande légèreté et s’enrichit d’un coeur de rose, de cuir, de thé et de cassis vraiment très fin et bien construit qui m’a beaucoup plu. Très rapidement, hélas, il s’estompe sur ma peau au profit d’un fond de gaïac un peu gourmand associé à l’ambre gris, la feuille de violette et de cèdre. « Une fragrance qui révèle les pouvoirs aphrodisiaques de la Cardamome du Guatemala. Elle prolonge le voyage dans un cœur aux mille pétales frais et gourmands de la rose Centifolia de Grasse. D’une volupté profonde, c’est le parfum des peaux échauffées par les doux rayons du soleil ». Comme souvent dans la marque, je trouve la composition très jolie mais, comme souvent dans la marque, je me répète, la tenue est plus que légère, elle est limite inexistante. Sur ma peau, ce parfum ne tient même pas une demi-heure entière. Cela peut arriver mais, apparemment, je ne suis pas le seul dont l’épiderme boit les molécules parfumées. C’est dommage car il fait vraiment partie des très jolies compositions proposées par la marque.
« Escapade Gourmande », créé en 2020 par Vincent Ricord, est le premier parfum d’une marque récente, Maison Mataha. Je dois dire qu’il m’éjecte directement de ma zone de confort. « Fuir les habitudes de la vie quotidienne pour une escapade gourmande. Un voyage au milieu de la Vanille, du Sucre noir, de la Fève Tonka et du Musc qui s’entremêlent, rendant son sillage puissant et réconfortant. Un parfum des plus gourmand qui n’est pas sans rappeler la crème brulée de notre enfance. Appétissant, séducteur et enveloppant pour une tenue infiniment enivrante ». C’est une vanille caramélisée, gourmande en diable qui plaira vraiment à celles et ceux qui veulent un parfum sucré enfermé dans un très beau flacon. L’envolée de sucre noir donne le ton et nous emmène jusqu’à un coeur très rond de vanille et de fève tonka puis sur un fond musqué. Je dois dire que je ne suis pas très fan de ce genre de fragrance mais que, dans le style, elle est très bien réalisée. C’est vrai qu’il y a un côté crème brûlée, un côté sucre fondu sur un lit de vanille. Je crois que c’est l’un des parfums dans cet esprit les plus gourmands qu’il m’ait été donné de sentir. Je ne l’ai pas essayé sur ma peau car je sais qu’il ne me conviendrait pas mais je suis très conscient qu’il va remporter un énorme succès auprès des amateurs, peut-être d’ailleurs plus des femmes, de ces fragrances dans lesquelles sucre et vanille cohabitent de manière très assumée. En tout cas, il ne peut pas laisser indifférent, c’est très net !
Les parfums créés par Vincent Ricord, en tout cas ceux que je connais, explore des univers éclectiques. Je n’ai pas vraiment eu de coup de coeur en préparant mon article donc, je n’ai pas encore trouvé « mon » parfum qu’il aurait créé mais je pense que ça viendra. En tout cas, je trouve que c’est un parfumeur à suivre. Il me semble vraiment très talentueux et même audacieux ce qui n’est pas pour me déplaire.
Cinq "iris" que j'aime
En parfumerie, l’iris est une matière première absolument précieuse. Pour mieux comprendre les difficultés à le produire « prêt à l’emploi », il faut rappeler que l’on utilise que le rhizome que l’on ne peut transformer que cinq ou six ans après sa récolte. Un beurre est alors réalisé et servira de base à de nombreux parfums. Le plus utilisé est cultivé à Florence et est appelé iris pallida mais d’autres variétés, aux senteurs légèrement différentes sont produites un peu partout dans le monde. Bien évidemment, le coût de production est élevé et il se destinera surtout à une certaine parfumerie de luxe que ce soit dans les marques grand public ou confidentielles. On pourrait imaginer de recréer ses accents boisés, poudrés ou floraux par la chimie et il est tout à fait possible de le faire mais le parfumeur Marc-Antoine Corticchiato nous avait expliqué, en conférence, que les manipulation pour en extraire des molécules synthétiques odorantes étaient très coûteuses donc ces techniques ne seraient pas beaucoup plus utilisées. J’aime l’iris en parfumerie même si ce n’est pas une matière que je porte beaucoup. J’ai donc décidé de vous parler de cinq créations qui me plaisent beaucoup et que je connais assez bien pour vous donner envie d’aller sentir cette note, associée où nom à la violette, dans une sélection de parfums actuels que je trouve particulièrement réussis. J’ai déjà, sur ce blog, consacré pas mal d’article à l’iris et celui-ci est surtout une mise en avant de parfums que j’aime.
Le premier parfum s’appelle tout simplement « Iris » et il a été recréé, pour Le Galion, en 2014 par Thomas Fontaine, sur la base d’une formule de Paul Vacher qui date de 1937. C’est un parfum vraiment très naturaliste que le parfumeur décrit ainsi : « Un iris au bel équilibre, ni trop poudré, ni trop terreux. Léger comme une plume mais à la présence certaine. C’est cela que sentirait la fleur d’iris si le parfumeur pouvait l’extraire ». Les matières premières utilisées sont en partie naturelles et on retrouve un départ de bergamote, de citron, de mimosa et de graine d’ambrette qui, tout de suite, impose une fragrance à la fois délicate et un peu fraîche. Vient un coeur d’iris, de rose et de galbanum rehaussé du côté très floral d’un accord lys. En fond, le parfum est soutenu par des notes de cèdre de l’Atlas, de patchouli, de muscs et de vanille. La marque décrit ainsi cette re-création : « Une ligne droite d’iris à l’élégance évidente, facetté avec précision par la verdeur poudrée d’un duo de galbanum et de mimosa. Des détails floraux et des ornements de bois s’enrichissent de musc et d’ambrette pour arrondir les angles ». Pour moi, « Iris » est surtout délicieusement vintage. C’est un parfum très floral et poudré, un peu en légèreté, comme un voile. Il m’a irrémédiablement évoqué un roman de Fizdgerald, « Gatsby le Magnifique » et les fêtes organisées dans les villas de Long Island dans les années 20. Je ne sais pas pourquoi mais c’est vraiment mon impression. Thomas Fontaine est un as pour adapter les anciens parfums à l’époque actuelle et c’est vrai qu’il y a, une fois de plus, réussi. « Iris » est vraiment très beau et j’aime le sentir et le re-sentir même si je ne le porte pas.
Je ne peux pas évoquer l’iris sans parler d’un des parfums que j’ai porté jusqu’à la dernière goutte et qui, c’est sûr, reviendra un jour dans mes habitudes. Il s’agit, bien évidemment de « Iris de Nuit » créé par James Heeley pour sa marque éponyme. Vraiment, c’est un bijou de la parfumerie, il n’y a pas d’autre mot. « Rare et raffiné, sensuel et discret, le parfum Iris de Nuit est à l’image de l’absolu d’Iris de Toscane, soutenu ici par de la violette, des graines de carottes, de l’angélique, du cèdre et de l’ambre gris, pour dévoiler un thème floral exquis ». Je me disais, en le redécouvrant, que je sentais vraiment une multitude de facettes. Le départ d’angélique et d’ambrette, un peu vert mais quand même doux nous emmène sur un coeur où domine le duo iris et violette soutenu par des notes de graine de carotte un peu plus terreuses. Le parfum révèle une très bonne tenue mais un sillage modéré grâce à un délicat fond de cèdre et d’ambre gris. Malgré un prix qui reste abordable « « Iris de Nuit » m’évoque le luxe. Si je veux le rapprocher d’une ambiance, elle sera musicale et peut-être qu’il m’évoquerait une valse de Chopin. Là encore, je ne saurais pas l’expliquer. C’est juste comme ça, parce qu’il est, pour moi, très proche d’une époque romantique. J’ai énormément porté « Iris de Nuit ». Pour moi, il est un parfum où l’iris et la violette cohabitent de manière nuancée, sans jamais être too much. Il pourrait être, par exemple, un peu la continuité d’un « Après L’Ondée » de Guerlain avec une meilleure tenue mais il sait garder sa propre personnalité.
Comment parler d’iris sans me replonger dans le travail de Marc-Antoine Corticchiato qui, pour Parfum d’Empire, a quand même travaillé cette note en majeur dans deux parfums, « Equistrius » bien sûr mais surtout pour moi « Le Cri » (anciennement « Le Cri de la Lumière »), lancé en 2017, que j’ai également beaucoup porté et qui est un magnifique néo-chypré, très moderne, doux et caressant qui s’ouvre sur des notes de graine d’ambrette très rondes sans jamais être sucrées et nous emmène sur un coeur d’iris et de rose poudré, très floral et extrêmement présent puis sur un fond ou ces trois notes sont renforcées par le patchouli. « Ce Cri qui s’élève, c’est celui d’une renaissance. La limpidité cristalline de l’ambrette, musc végétal aux facettes d’eau de vie, irradie un iris aux lueurs diaprées de rose. Ombre portée par ces notes rayonnantes, un fond subtilement boisé caresse la peau. Le luxe en lumière ». Ce parfum a été l’un de ceux qui m’ont attiré le plus de compliments. En effet, il faut s’en méfier. Lorsqu’on le vaporise, il semble léger et discret mais, au fur et à mesure de la journée, ce qui semblait ténu prend de l’ampleur. La tenue est incroyable et le sillage semble s’intensifier au fur et à mesure de l’évolution. Pour moi, ce parfum est sans doute l’un des iris les plus singuliers du marché.
Créé par Julien Rasquinel en 2015 pour Naomi Goodsir, « Iris Cendré » est aussi un parfum que j’ai énormément porté. « Une composition sophistiquée autour de l'iris. Cette fleur de l'Est a un parfum caractéristique, profond et ennivrant. Iris Cendré est une fragrance subtile, au caractère oriental enfumé ». Complexe, étonnant, très singulier, ce parfum m’a séduit dès que je l’ai découvert. Il est et demeure, pour moi, vraiment un cas d’espèce car il mêle un départ de bergamote et de mandarine assez frais à un coeur d’iris et de violette avec des touches d’encens un peu fumées puis se pose sur un fond ambré avec des versants ciste et tabac. Les notes d’iris florales et poudrées sont contrebalancées par un côté « feu de bois » très étonnant et qui pourrait sembler, à la vaporisation, un peu lourdes et pas forcément faciles à porter mais, au cours de son évolution, « Iris Cendré » se fait plus léger, plus poudré au point que la tenue semble limitée mais il n’en n’est rien. Lorsqu’on le porte, par moment, les effluves reviennent, ciselées, délicates et formidablement réussies. J’aime beaucoup ce parfum. Il est, et demeure, pour moi, l’un de mes préférés sur le marché de par sa complexité mais surtout son originalité. Il a, sans aucun doute, et malgré son originalité, sa place dans cette sélection.
« “L’Iris” est la première Eau de Parfum créée par Officina Profumo-Farmaceutica di Santa Maria Novella après plus de 800 ans d'activité. Á la base de sa construction se trouve un beurre d'iris (“concreta d’iris") extrait des rhizomes du fleur: extrêmement précieux, ils mûrissent au bout de 6 ans. Matière première parmi les plus élégantes des ingrédients poudrés, il est combiné avec notes de tête lumineuses telles que le néroli, le poivre timur et le galbanum, et poursuit son voyage dans un cœur fleuri de géranium, jasmin sambac et magnolia champaca. À la base, un iris d’origine florentine qui raconte Florence à travers un parcours d’équilibrée dévoilement olfactif. Envisagé par le nez créatif Gian Luca Perris, L’Iris réinterprète l'histoire même de Florence, dont cette fleur est toujours le symbole, célébrant ses facettes multiples et multiformes. Mais aussi en se rattachant à la légende de la déesse Iris, messagère des dieux, et à une fleur déjà présente dans les civilisations égyptienne, grecque et latine. Le flacon en verre transparent abrite l'étiquette en velours avec un logo historique de la Maison, et un capuchon en alliage de zamac doré et gravé, qui reflète ses formes ». Créé par Gian Luca Perris en 2022 pour Santa Maria Novella, « L’Iris » est également l’une des plus belles interprétation de cette matière première. L’envolée est très déroutante avec des notes vertes de galbanum, de poivre Timur et de néroli mais, très rapidement, le coeur floral et équilibré de géranium, de magnolia champaca et jasmin sambac vient préparer le terrain pour un fond construit autour de l’iris fiorentina, des muscs et de l’ambre gris. Légèrement poudré, un peu floral « L’Iris » est un faux solinote. Il est absolument magnifique porté et je dois dire que j’ai eu la chance, me trouvant avec quelqu’un qui avait choisi de l’essayer, de me faire un avis distancié peut-être différent de ce que j’aurais pu ressentir s’il s’était développé sur ma propre peau. J’ai vraiment beaucoup aimé « L’Iris ». C’est une pépite ! De plus, et cela complète parfaitement l’élégance de ce parfum, il est présenté dans un flacon magnifique, mettant en valeur la couleur violette profonde de la fleur, avec un cabochon gravé, posé dans un luxueux coffret. Je n’attache pas, en général, d’importance au visuel mais je trouve qu’il complète, dans ce cas précis, vraiment un jus délicat, luxueux et élégant. Parmi les sorties de cette première partie de l’année 2022, il tient, à mon sens, une place à part. « L’Iris » a tout pour devenir un grand classique de la parfumerie. Pour une première eau de parfum, c’est une réussite et il a été la première création d’une belle série.
Bien évidemment, j’aurais pu évoquer « Iris Silver Mist » de Serge Lutens qui a, je pense, été mon premier parfum avec cette note travaillée en majeur ou encore « Déclaration » de Cartier que j’aime beaucoup mais l’article aurait été un peu long. J’aurais aussi pu revenir sur « Iris Médicis » de Nicolaï que je considère sans doute comme l’un des plus beaux sur le marcher mais je n’arrête pas d’en parler alors j’aurais l’impression de radoter. J’aurais aussi pu vous parler de parfums que j’ai beaucoup porté comme « Bois d’Iris » de The Different Company ou « Iris Prima » de Penhaligon’s mais ils n’existent plus. J’aurais aussi pu évoquer un peu plus « Après L’Ondée » de Guerlain qui a été l’une de mes signatures pendant longtemps. J’aurais pu continuer cet article peut-être pas à l’infini mais pendant longtemps. Peut-être aura-t-il une suite… je ne sais pas encore.
Les Essences de Diptyque, une nouvelle collection privée
C’est Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures qui a attiré mon attention sur la sortie des Essences de Diptyque, une collection de cinq eaux de parfums inspirées de « cinq trésors naturels rarement perceptibles par l’odorat humain : le corail, la nacre, le nénuphar et la rose des sables ». Je suis allé les découvrir à la boutique lyonnaise et j’ai été très bien « coaché » pour vraiment entrer dans cet univers tout à fait différent de ce que propose la marque d’habitude. Il faut noter que le flacon reprend un modèle original de la marque datant des année 60. Outre les créations, j’ai trouvé l’environnement très joli. Je vous emmène donc aux cinq coins du monde pour découvrir ces trésors traduits en parfums. Je voulais juste mentionner que deux des compositions ont étés commencées par le très regretté Olivier Pescheux qui avait déjà travaillé pour la marque et ont étés terminés par Nathalie Gracia-Cetto. Je trouvais très important de le mentionner.
« Bois Corsé », le tout premier parfum que j’ai découvert est donc créé par ces deux parfumeurs. Son inspiration est l’écorce comme enveloppe de protection et je comprends tout à fait l’inspiration : « En associant la douceur de la fève tonka à la fluidité du santal, et en enrichissant la composition de notes de café noir, cette fragrance incarne la profondeur et la richesse de la forêt, offrant une expérience olfactive aussi puissante que réconfortante ». J’ai trouvé « Bois Corsé » sombre, très profond et je trouve que le café noir associé aux autres notes renforcent le côté vraiment ultra boisé. La création porte bien son nom. L’essence de bois recréée par les parfumeurs me semble vraiment une réussite. Décidément, il y a beaucoup beaucoup de parfums boisés qui sortent pour cette rentrée. Celui-ci se démarque quand même par une certaine originalité et, en même temps, je le trouve super naturaliste. Je ne pourrais absolument pas le porter, il me parle pourtant car j’aime le sentir. Ce sont vraiment les paradoxe de nos ressentis face à la parfumerie.
Créé par Alexandra Carlin, « Corail Oscuro » m’a vraiment beaucoup séduit. Je l’ai d’ailleurs porté avant d’écrire mon article. C’est un parfum vert, et minéral avec des notes de mandarine, sans doute de bergamote et de galbanum. « Corail Oscuro capture l’esprit de Venise, où la lumière se joue des reflets des eaux et des coraux. Avec des notes d’absolu de rose bourboniana, de mandarine cristalline et un accord minéral salé, cette fragrance transporte le porteur dans les profondeurs vibrantes de l’écosystème sous-marin, révélant la beauté majestueuse et éphémère des coraux ». C’est une rose cachée, à la fois minérale et fruitée. Je trouve que ce parfum est vraiment super élégant et, en même temps, parfaitement original. Il évoque donc le corail et je ne comprends pas totalement l’inspiration mais cela ne fait rien. Son développement est vraiment très beau sur ma peau. Il ne ressemble pas du tout aux parfums que je porte mais j’ai pris un très grand plaisir à le porter. Pourrais-je le porter ? Oui, sans hésiter. Je lui trouve un petit côté différent et pourtant il me semble très facile à s’approprier. Pour moi, c’est une très jolie réussite.
Tout comme « Bois Corsé », c’est Olivier Pescheux qui a initié « Lilyphéa » et Nathalie Gracia-Cetto qui l’a finalisé. C’est le parfum le plus original de la collection et, lorsqu’on le découvre, on a un peu de mal à « se raccrocher aux branches ». On retrouve des notes de feuille de violette épicées pr une vanille très aromatique, de la cardamome et du gingembre. L’inspiration en est donc le nénuphar. « Inspiré par les célèbres Nymphéas de Claude Monet, Lilyphéa (ambrée verte) est une ode à la poésie des nénuphars flottant sur l’eau. Avec des notes de cardamome, de feuilles de violette et de vanille de Madagascar, ce parfum capture la douceur et la légèreté des fleurs aquatiques, offrant une vision poétique et sereine des étangs ». Il s’agit d’un parfum à la fois vert, aquatique et épicé et je dois dire que je l’ai trouvé, au départ, vraiment ultra déroutant. Il m’a vraiment fallu le poser sur ma peau pour le décrypter un peu. Il est très ambigu… Je ne sais pas si c’est le bon terme mais je ne sais pas trop comment le dire autrement. Il ne ressemble à aucun parfum aquatique que je connaisse. La cardamome lui apporte de la fraîcheur et je lui trouve un côté presque duveteux. Il me faudra le réessayer et il est probable que je le porte et que je vous en reparle.
J’ai continué par « Lunamaris » créé par Fabrice Pellegrin dont j’aime particulièrement le travail et pourtant, c’est le parfum de la collection que j’ai le moins aimé ce qui ne m’empêche pas de le trouver très qualitatif. « le parfum célébrant la nacre, est une ode à l’éclat mystérieux de cette matière précieuse. Composé par Fabrice Pellegrin, il mêle les notes de ciste et de poivre rose avec des accents d’encens, créant une fragrance qui danse avec la lumière et la texture de la nacre. Ce parfum rend hommage à la douceur lumineuse et à l’élégance subtile de cette substance envoûtante ». Après un départ de poivre rose, on entre dans une dualité d’encens et de ciste à la fois cuiré et boisé. Je n’arrive absolument à faire le rapprochement avec la nacre. Pour moi, « Lunamaris » est un parfum d’une grande sophistication et qui me déroute totalement. Je suis peut-être un peu dérangé par l’encens. Je n’ai pas vraiment accroché mais il n’en demeure pas moins très bien réalisé. Je ne pourrais pas le porter car il s’éloigne trop de mes goûts mais je suis content de l’avoir découvert.
Mon coup de coeur de la collection est, contre toute attente, « Rose Roche » également créé par Fabrice Pellegrin. Une rose de Grasse qui arrive après un départ de citron et se pose sur un fond de patchouli. Oui, la construction est chyprée et moderne. Il y a un côté vraiment ultra lumineux dans ce parfum. « Rose Roche évoque la majesté et la fragilité de la rose des sables. En mêlant des notes de citron doré, de rose Centifolia et de patchouli minéral, ce parfum offre une interprétation innovante de la rose, capturant l’essence de l’Orient et la texture unique de cette fleur façonnée par le vent et le sable ». J’ai vraiment beaucoup aimé ce chypre minéral et oriental à la fois. C’est une rose des sables particulièrement originale. Comme souvent, Fabrice Pellegrin travaille merveilleusement le patchouli. Je pourrais tout à fait porter « Rose Roche ». C’est un parfum pour moi, à la fois original et parfaitement facile à porter. C’est « le » parfum des Essences de Diptyque qui me correspond le mieux alors que je n’en n’attendais rien.
Globalement, Les Essences de Diptyque est une jolie collection privée. Les créations sont à la fois originales et qualitatives mais il y a quand même deux bémols. Je ne peux pas ne pas en parler. Tout d’abord, j’ai essayé deux des cinq parfums et je n’ai pas été enthousiasmé par la tenue sur ma peau, ensuite, cette série est dispendieuse. Il faut être vraiment sûr de son coup avant de passer à l’achat. Cette collection risque de dérouter un peu les amateurs de la marque mais vraiment, il faut aller la découvrir.
Honorine Blanc, l'as des molécules de synthèse gourmandes
Depuis quelques années, nous entendons beaucoup parler de Honorine Blanc, maître parfumeur chez Firmenich et qui travaille beaucoup à l’internationale. J’ai un peu traîné pour vous proposer un portrait parfumé car j’attendais de pouvoir me pencher sur certaines créations qui m’intéressaient. Les molécules de synthèse sont très présentes dans le travail fort abouti de cette parfumeuse. J’ai voulu éviter l’écueil de décortiquer les parfums grand public qu’elle a co-réalisé et je ne le regrette pas. Cet été, à Paris, j’avais en tête son travail et je suis allé cibler mes choix pour pouvoir l’écrire. J’ai retenu quatre parfums que je trouve très significatifs de son style un peu gourmand et très stylisé. J’espère que vous irez les sentir.
Je n’ai pas complètement adhéré à l’univers de Borntostandout, vous avez pu vous en rendre compte dans la revue que j’ai consacré à la marque mais j’ai bien aimé « Zest Z&T » créé par Honorine Blanc en 2022. Il est le seul parfum de ma sélection que je pourrais porter très facilement peut-être parce qu’il s’aborde aisément mais aussi parce qu’il est quand même dans mes tonalités. « Zest Z&T est une interprétation du Gin & Tonic de Zest Séoul. Il apparaît comme un bain glacé au beau milieu d’un été bouillonnant ». Je l’ai trouvé réconfortant en période de canicule comme un bain glacé. Il s’ouvre sur un accord gin rehaussé de cardamome et de baies de genièvre voire même de bois de genévrier conjuguées avec des notes de citron, de poivre noir, de coriandre et de sauge sclarée. On a l’impression qu’il a une envolée très riche et pas de notes de coeur car il s’avère tout de suite soutenu par des notes d’élémi, de patchouli et de cèdre. Certes, le parfum a un côté assez peu évolutif mais il est à la fois original puisqu’il donne une lecture très zesté du gin tonic qui le rend super facile à s’approprier. J’ai beaucoup aimé ce parfum. Je l’ai essayé sur la peau et il a une très belle tenue. Je trouve qu’il sera à redécouvrir l’été prochain.
« Princess » , créé par Honorine Blanc 2022 pour la collection My Kind of Love de By Kilian, proposé chez Sephora à un prix moins élevé que les autres séries, m’a demandé un effort car il est vraiment très gourmand et il ne m’était pas possible de l’essayer un jour de chaleur intense. « I Don’t Need A Prince By My Side To Be A Princess. C'est un parfum qui donne du pouvoir à celle qui le porte. Gourmand avec un coup d'éclat, Princess est comme si l'on sirotait un moka au thé vert avec une pointe de gingembre ». Après un départ de gingembre, de thé vert, vient une note de guimauve très prégnante. J’ai tout de suite pensé que je n’aimerai pas ce parfum ultra- synthétique mais, finalement et contre toute attente, il m’a bien plu. Certes, il est très féminin et je ne pourrais absolument pas le porter mais je le trouve agréable, voire même addictif. Le côté gourmand, voire sucré, pour une fois, ne me dérange pas outre mesure et il m’a semblé réussi. Je l’ai posé sur ma peau. Je ne pourrais pas le porter mais… Il est quand même joli.
« Alors qu'un soleil brulant plonge dans l'océan indien, le parfum de fruits natifs australiens imprègne la langoureuse brise du soir. Un cocktail paradisiaque d'agrumes et de délices épicés nous attend, donnant place a un cœur floral délicieusement gourmand et sensuel. Encore meilleur servi à l'heure du “Sunset Hour” ! ». C’est Jessica qui est l’une des lectrices de mon blog depuis la première heure qui m’a beaucoup parlé « Sunset Hour » créé par Honorine Blanc 2021 pour la marque australienne Goldfield & Banks. La fragrance est composée autour d’un ingrédient typiquement australien, le quandong ou pêche du désert. Je dois dire que la reconstitution me semble très bien réalisé. Le parfum s’ouvre donc avec des notes de pêche, de framboise, de mandarine et de poire et il y a un côté très « juteux » sur ma peau, presque collant. Puis vient ce coeur de jasmin, de poivre rose et de gingembre adouci par la mangue et la noix de coco. Après une très courte évolution, le parfum se fixe avec un fond de santal et de cashmeran arrondi par la vanille et le benjoin. Je vais être honnête, ce parfum n’est pas pour moi car je le trouve très rond sur ma peau et il tend un peu à me couper l’envie de le porter. En revanche, c’est une prouesse car, malgré un versant très synthétique, il a quand même une belle évolution. Je ne l’avais senti que superficiellement et je suis content d’avoir remis mon nez dedans.
C’est avec Alberto Morillas qu’Honorine Blanc a composé « J’Ai Trois Amours » en 2024 pour la toute nouvelle maison Infiniment Coty dont j’attendais beaucoup. « Un tourbillon de joie emporté par l’énergie d’un coup de foudre. Un crush absolu et l’envie d’embrasser le monde avec la gourmandise d’un éclat de rire. Y déposer quelques notes de fleur de bananier délicieusement chyprées ». Uniquement moléculaire et synthétique, c’est un parfum jongle avec un jasmin sans jasmin et une fleur de bananier sans fleur de bananier. J’en attendais beaucoup car je cherche toujours un remplaçant à « Bana Banana » de L’Artisan Parfumeur lorsque je n’aurais plus de stock mais j’ai été déçu. Je trouve vraiment le parfum très synthétique, peu évolutif et pas forcément qualitatif en dépit d’un prix élevé (230 euros les 75 ml) et je ne franchirai pas le pas. Il est, à mon sens, très bien vu mais je le trouve beaucoup trop linéaire pour ne pas me lasser. En outre, je n’ai pas trouvé qu’il tenait très bien. Je voulais quand même le faire figurer dans ma sélection car le thème me plait, cependant, il n’est pas pour moi.
La signature d’Honorine Blanc est résolument moderne et, comme elle l’a montré dans les collaborations aux quelle elle a participé, elle ose des notes synthétiques très poussées et je trouve qu’il était intéressant de pousser les essais là où elle place le curseur. Dans toutes les parfums que j’ai choisi, il y a quelque chose que je trouve un peu « too much » mais qui est parfaitement assumé. Pour moi, Le travail de cette parfumeuse est très abouti et assumé. Me touche-t-il ? Oui parfois et, à d’autre moments, il me laisse indifférent ou me rebute mais force m’est de constater qu’elle possède une vraie signature, parfois clivante, mais toujours assumée. J’ai trouvé très intéressant de me mettre dans la situation d’aller essayer des parfums dont je n’aurais peut-être même pas regardé les flacons si je n’étais pas l’auteur de ce blog et je me rends compte que je serais passé à côté de quelque chose qui a enrichi fortement ma culture olfactive et m’a permis de tendre vers une once d’objectivité, ce qui n’est pas facile en parfumerie.
Les Esprits de Parfum de la collection privé Christian Dior
On le sait, la collection privée Christian Dior remporte un grand succès depuis sa création et notamment la sortie des parfums composés par François Demachy. Après avoir créé deux référence, Francis Kurkdjian, désormais parfumeur de la marque, lance une collection parallèle de cinq « esprits de parfums », reprenant les meilleurs ventes de Dior Privé reformulé et en haute concentration qui flirte avec l’extrait. J’ai eu l’occasion de les sentir et, je dois le dire, j’ai été très surpris car je les ai trouvé très différents des eaux de parfums et je n’ai pas eu les mêmes attirance que dans la série originale. Je vais essayer de développer, pour vous en parler, mes impressions sur ces nouvelles re-créations qui sont finalement presque de nouveaux parfums. Attention, je préviens dès l’introduction, chaque parfum est très très onéreux (305 euros pour 80 ml). C’est du luxe et pas du moindre. Alors, ai-je eu un coup de coeur ? Ai-je été déçu ? Vous le saurez dans ma conclusion.
« Le dialogue chypré de Gris Dior se fait plus abrupt, révélant une silhouette olfactive aux tonalités gris foncé électrisé : découvrez Gris Dior Esprit de Parfum ». Je n’avais pas vraiment accroché avec « Gris Montaigne » rebaptisé « Gris Dior » et créé par François Demachy que je trouvais, j’ose le dire, un peu quelconque, en tout cas sur moi. Je n’attendait donc rien de la réinterprétation en « esprit de parfum » réalisée par Francis Kurkdjian mais j’ai été agréablement surpris. À mi-chemin entre un chypre et un boisé, il est beaucoup plus profond avec un fond de patchouli qui vient envelopper un accord ambré légèrement cuiré. Je trouve la toute fin du développement très agréable et je dois dire que j’ai bien aimé cette version. Elle est, à mon sens, beaucoup plus singulière et qualitative. Les matières utilisées, qu’elles soient naturelles ou recréées, sont indéniablement très belles et il faut le mentionner.
« Le sillage d'Ambre Nuit Esprit de Parfum révèle les ombres intenses d’une nuit sans lune ». Dans cette version, Francis Kurkdjian a utilisé des notes de cardamome et surtout de cannelle en tête qui sont très agréables lorsqu’elles s’enrichissent de cet accord ambré très classique qui existe déjà dans la version originale. Le résultat est que le parfum est assez différent, peut-être plus moderne mais je trouve qu’il garde quand même un fond très vintage. Je ne peux pas dire que j’ai vraiment adhéré avec les deux interprétations d’ « Ambre Nuit ». Je les trouve un peu vieillottes et elles relèvent du parfum oriental comme on a l’habitude d’en sentir pas mal. La qualité des épices est très nette et beaucoup plus évidente que dans l’eau de parfum mais même cette version m’a un peu laissé sur ma faim. C’est un joli parfum mais il n’est pas « mon » ambre préférée sur le marché bien loin de là.
« Oud Ispahan Esprit de Parfum vous invite à un voyage aux confins des Mille et Une Nuits, coloré par des notes boisées et épicées intenses ». Comme pour l’eau de parfum, j’aime beaucoup l’envolée de « Oud Ispahan » mais, comme pour l’eau de parfum, je ne suis absolument pas client de l’évolution. Le coeur de rose et le fond oud me font trop sortir de mes goûts. C’est un parfum très typé qui s’adressera aux amateurs de ce type de créations et je ne suis clairement pas la cible ce qui ne remet en rien en question la qualité des ingrédients. On sent que « Oud Ispahan » est vraiment luxueux, bien travaillé, avec des matières premières nobles. Ceci dit, il est beaucoup trop animal pour moi. Le cumin, le clou de girofle associés au oud, c’est un peu too much pour moi. Il n’en demeure pas moins, dans son style, très bien réalisé.
« La note de muguet emblématique de Lucky se dévoile dans une nouvelle interprétation à l'intensité extrême. Le bouquet floral s'assombrit d'un accord boisé-cuiré aux notes profondes ». Francis Kurkdjian donne vraiment une lecture très différente de la version de François Demachy de « Lucky » et je dois dire que c’est une surprise. La dualité des notes de muguet, superbement recréé, avec le cuir est vraiment originale. J’ai été bluffé par ce parfum et surtout le parti-pris de son créateur. Il l’a complètement réinterprété et, je trouve, avec brio. Il est l’un de mes deux préférés de cette nouvelle sous-collection. Pour moi, c’est une vraie réussite. J’étais complètement passé à côté de la version eau de parfum qui est plutôt lambda dans la collection mais ce « Lucky » m’a impressionné par sa qualité et aussi, je trouve, par une certaine originalité.
« Les nuances de Rouge Trafalgar s'intensifient. À l'image de ses notes olfactives, le rouge devient plus profond ». Je n’avais pas du tout aimé la version eau de parfum de « Rouge Trafalgar » et pourtant, c’est le secret des reformulations, cette version est ma préférée de la collection des Esprits de Parfum. En général, je ne suis pas du tout fan des floraux fruités mais il est vrai que celui-ci, cerise noire en tête associée au poivre rose et rose de Bulgarie et de Turquie en coeur, donnent une impression de qualité totale. Les notes de cassis, que je sens très bien, lui donnent un côté presque « croquant » et je le trouve vraiment très joli. Je l’ai mis sur ma peau par une journée chaude et il ne m’a jamais écoeuré. Je n’ai pas non plus ressenti le côté « trop synthétique » de l’eau de parfum. Ce « Rouge Trafalgar » a quelque chose de qualitatif et il est celui que j’ai préféré de la collection… contre toute attente !
Globalement, j’ai assez aimé ces versions « esprits de parfum » qui sont, finalement, des concentrations extrait. Francis Kurkdjian a su sublimer chaque composition en intensifiant certaines notes et en les reformulant. J’ai été très surpris de mes propres réactions en comparant la version eau de parfum de chaque création avec son « esprit ». Je n’ai pas du tout eu le même ressenti notamment sur « Rouge Trafalgar » que je n’avais pas du tout aimé dans son expression « classique » alors que, dans cette nouvelle sous-collection, il est celui que j’ai préféré notamment sur ma peau. Je ne sais pas si je pourrais le porter mais il m’a beaucoup séduit. Idem pour « Lucky » et « Gris Dior ». J’ai été un peu moins client de « Oud Ispahan » et de « Ambre Nuit » mais ça n’engage que moi. La collection est très onéreuse mais je dois admettre qu’elle est plutôt réussie.
Le collection Serpent de Stéphane Humbert Lucas, des parfums à décovurir
J’avoue que je n’étais pas vraiment attiré, de prime abord, par l’univers de Stéphane Humbert Lucas. Tout d’abord, j’avais l’image d’une marque uniquement orientale et c’est vrai que les parfums ambrés (puisqu’il faut dire cela maintenant) ne sont pas forcément « ma tasse de thé ». J’avais aussi un rejet pour les flacons qui sont à l’opposée de mes goûts esthétique. L’arrivée de la marque à Lyon a quand même suscité mon envie d’aller y mettre mon nez. J’ai tout d’abord exploré les créations du parfumeur parisien pour la collection Serpent. « Stéphane Humbert Lucas explore le symbolisme du serpent à travers des légendes du monde entier, célébrant cet animal totem majestueux. Inspirée par les carnavals et les théâtres, cette collection allie honneur, musique et philosophie, tout en cherchant l'harmonie entre histoire, couleur et parfum. C'est un voyage poétique et hypnotique, oscillant entre réalité et imagination, du Mexique à la Chine ». Il y a, dans cette collection, sept parfums et j’en ai retenu quatre qui m’ont soit plu, soit interpellé par leur singularité. Je vais essayer de vous donner un avis tout ce qu’il y a de subjectif sur ces compositions qui m’ont entraîné sans doute au coeur d’une univers très jeune, un rien branché et, il faut le dire, très bien imaginé.
J’ai décidé de faire l’impasse sur « Pink Boa » qui est le best de la collection car vous entendez parler très souvent. J’ai choisi d’entrer dans le vif du sujet et du style Stéphane Humert Lucas avec l’un des deux parfums qui m’ont vraiment séduit. Il s’agit de « Lady White Snake » créé par le parfumeur en 2022. « Lady White Snake s'inspire d'une ancienne légende chinoise d'une déesse serpent qui, après avoir médité pendant mille ans pour exploiter les énergies de l'univers, prend forme humaine. Pourtant immortelle et dotée de grands pouvoirs, la déesse aspirait à une chose supplémentaire : l'amour humain. Les anciens contes chinois nous disent que toutes choses peuvent grandir et changer. Une pierre peut devenir une plante. Une plante peut devenir un animal. Un animal peut devenir un être humain. Un être humain peut devenir un dieu. De la même manière, un serpent peut devenir une femme. Synonyme de pureté et de féminité, Lady White Snake est un délicieux bouquet de fleurs blanches qui nous emmène vers cette sensation d'amour pur. Complexe et inattendu avec son sillage en constante évolution, ce parfum addictif et sensuel est un appel aux plaisirs des sens ». Comme vous l’aurez compris, ce parfum s’adresse plutôt à un public féminin mais je dois dire que je pourrais tout à fait le porter. Après une envolée vraiment très agréable de mandarine, de fleur d’oranger et de chèvrefeuille, un coeur un peu vintage de jeune tubéreuse, de magnolia et de jasmin que je trouve très floral, doté d’une certaine fraîcheur et, je ne sais pas si l’on peut dire cela d’un parfum, d’un côté très « printemps ». Le fond d’ambre, de cuir blanc très suave et de muscs blancs. L’ensemble est très jeune, un peu rond, facile d’accès, et qui peut-être une très belle approche de la tubéreuse. En général, la note très narcotique de cette fleur est plutôt destinée à des utilisateurs plus habitués aux parfums. « Lady White Snake » fait partie de mes parfums préférés de la marque.
« Venom Incarnat est un formidable philtre d'amour créé pour vous rendre irrésistible. Un élixir mystique, envoûtant et fascinant pour conquérir le cœur de l'être convoité comme le délicieux poison d'une morsure passionnée. Sa couleur rouge est un subtil mélange de venin, de fraise et de glamour et son parfum un cœur aphrodisiaque d'ambre cuiré et sophistiqué. Ce parfum addictif et stimulant révèle les frissons de la chair et les rêves de l’âme ». Également lancé en2022, « Venom Incarnat » est sans doute emblématique du style de la collection Serpent. C’est un parfum très riche qui semble nous entraîner dans tous les sens ! Le départ est très fruité et gourmand avec des notes de mûre, de fraise, de fraise des bois et de caramel puis vient un coeur très étrange de framboise, de cèdre de Virginie et de cannelle qui donne des nuances très étonnantes. Le parfums se pose, très oriental, sur un fond de fève tonka, de vanille noire, de patchouli qui sont entourée par un accord cuir de Russie. Je suis particulièrement dérouté par ce parfum. Je trouve qu’il est très synthétique mais, en même temps, sur peau, il affiche une certaine richesse. Pour moi, il y a quelques chose de l’ordre du « je t’aime, moi non plus ». Il me plait une minute puis me rebute une autre. Je comprends son succès par son côté, dans l’air du temps. L’inspiration me semble également limpide. Je ne saurais pas dire s’il m’a plu ou non. Je sais que j’aurais du mal à le porter mais il n’en demeure pas moins singulier et créatif, il me faut bien le dire. Stéphane Humbert Lucas signe ici un parfum à la fois abouti et très surprenant.
Je suis rebuté par le départ de « Mortal Skin », créé en 2015, il n’y a pas d’autre mots. L’accord mûre associé au safran et la cardamome n’est résolument pas pour moi. Ce n’est que quand apparait un coeur étonnant, sombre et légèrement poudré, que le parfum suscite mon intérêt. Le mélange de santal, d’opoponax et d’iris ne ressemble pas à ce que j’ai l’habitude de sentir et le fond de labdanum, de muscs et d’ambre gris renforce cette impression. « Mortal Skin » est un parfum sombre, profond, pour moi un peu difficile à porter mais je le trouve réussi. Stéphane Humbert Lucas en décrit l’inspiration : « Mortal Skin s'inspire de l'art de la séduction et imagine la poursuite de sa proie par le serpent en trois actes. Charmant, élégant, mystérieux, le serpent si majestueusement représenté sur le flacon, s'approche lentement de sa victime et hypnotise avec ses yeux de diamant et son charisme à couper le souffle. Son désir est vibrant, le danger approche et la séduction s’opère. Le serpent se dresse alors pour frapper en un éclair et son venin noir se répand. Une chaleur suffocante se mêle au froid glacial et paralyse sa proie. Captivant et addictif, il est trop tard pour s'échapper, Mortal Skin nous tient complètement sous son emprise et prend sublimement nos vies ». C’est un cuir… un cuir particulièrement profond et inattendu. Il a déjà presque dix ans et pourtant, je le trouve vraiment très moderne. Je ne peux pas dire qu’il me soit facile mais je sais en reconnaitre l’intérêt. C’est un parfum assez original et, pour les amateurs de cuirs un peu goudronnés, relativement facile à porter. Il me faudra le réessayer plus tard dans la saison. Il est dense et je n’ai pas trop osé le mettre sur ma peau. Je vous en reparlerai donc dans quelques mois.
« Crying of Evil s'inspire des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire . Projet poétique d'une vie, l'artiste exprime le paradoxe entre le mal et la beauté, l'éternel bras de fer entre le désir d'absolu de l'homme et son attirance pour les vices. Évoluant dans un monde peuplé de créatures sensuelles et de monstres, le poète dandy alterne entre moments de volupté intense, d'extase, de douleur et de mélancolie profonde. Alchimie poétique teintée de cuir, de myrrhe, de larmes violettes et de fleurs rares, le parfum magnifie la sensibilité à l'extrême et délivre, goutte à goutte, toutes les émotions. Un parfum oriental au sillage puissant, animal et intrigant. Un hymne à l'amour de la beauté ». Créé par Stéphane Humbert Lucas en 2022, « Crying of Evil » est mon préféré dans cette collection. C’est un cuir poudré et floral très original. Il s’ouvre avec une envolée de poivre rose, de tubéreuse, de violette et d’épices plutôt douces, il s’intensifie avec un coeur de santal, de cuir et de rose puis un fond de patchouli, d’ambre et de muscs parsemé de traces d’encens. Je trouve que « Crying of Evil » a du caractère et pourtant, sur ma peau, il matche super bien. Il est peut-être celui que je pourrais porter. J’avais envie de le garder pour la fin. Pour moi, c’est une création très contemporaine mais ancrée dans la tradition des cuirs des années 30. Je n’aime pas dire cela mais il m’a semblé un bon « compromis ». Je pourrais tout à fait le porter car il est suffisamment original pour m’accrocher. En plus, et ça ne s’explique pas, il n’est pas trop « dans l’air du temps », ce qui est ce que je pourrais reprocher un peu aux créations de la collection. Je le trouve plus intemporel.
Je reviendrai sans doute dans d’autres articles sur « God of Fire », « Sand Dance » et « Pink Boa » que je n’ai pas sélectionné. Je ne voulais pas écrire un article trop long et, de plus, je les trouve peut-être un peu moins emblématiques de l’esprit de la collection et j’en comprends un peu moins facilement l’inspiration. Ceci dit, globalement, la collection Serpent est très moderne et s’adresse, je ne me leurre pas, à une clientèle jeune. J’ai quand même pris beaucoup de plaisir à la découvrir. Il ne faut quand même pas se fermer. Je dois dire que je n’aime toujours pas le flaconnage « bling-bling » et un peu cheap que je trouve, comme l’écrirait Amélie Nothomb, « d’une intrigante hideur ». En tout cas, ils ne laisseront pas indifférent. Pour ma part, je suis content tout de même d’être passé outre et de m’être pris par la main pour découvrir la collection car je lui ai trouvé de l’intérêt et elle a un peu bousculé mes idées reçues.
Petite compil de parfums rares
Au fil de mes pérégrinations parfumées, j’ai découvert, soit en parfumerie, soit grâce à mes lecteurs et à tous ceux qui m’aident à élaborer ce blog, des parfums qui m’ont vraiment marqué. L’une d’entre-vous m’a demandé une petite compilation des parfums très rares que j’ai aimé et que j’ai pu essayer au cours de ces trois dernières années. Je me suis plié à l’exercice et j’en ai choisi quatre qui m’ont vraiment plu et dont j’avais envie de re-parler. Ils sont sortis dans des maisons très confidentielles et, pour ce qui est de deux d’entre-eux, je les ai découvertes via Fabien de Yuuminoki que je ne remercierai jamais assez pour sa collaboration.
« Vous marchez dans une rue froide d'Angleterre, en écoutant Joy Division, en sirotant une tasse chaude de London Fog. Ce parfum s'ouvre sur la douce douceur du miel au thé Earl Grey, avec un zeste de citron. Il sèche sur une base douillette de vanille, de fève tonka douce et de cône de gaufre, qui fera sourire tout amateur gourmand » c’est ainsi que la marque américains Kerosene décrit « Unknown Pleasures » que nous avons découvert chez Dover Street et qui a été un vrai coup de coeur. Créé par John Pegg en 2013, ce parfum très urbain, voire citadin casse les codes avec une ouverture de thé Earl Grey que l’on reconnait parfaitement avec des notes de miel, de citron et de bergamote qui le renforcent et qui arrivent par la suite, presque au coeur. Le fond suave de vanille et de fève tonka est même légèrement poudré. Ce parfum atypique porte bien son nom car je le trouve à la fois d’un rare équilibre et d’une vraie originalité entre acidité et gourmandise jamais sucrée. C’est une vraie trouvaille et je pense que je pourrais tout à fait le porter. Il m’a donné envie de découvrir le travail de John Pegg qui crée des parfums pour la marque depuis sa création en 2011.
C’est également dans la section parfumerie de Dover Street Market à Paris que j’ai découvert les parfums dont la marque porte le nom e la célèbre journaliste de mode américaine Diana Vreeland (1903-1989) et notamment de Simply Divine » créé par Clément Gavarry. « Ce parfum élégant est une interprétation fleurie de la tubéreuse tout en permettant à la fraîcheur des feuilles vertes écrasées de la fleur d’illuminer le cœur. Le cœur majestueux du parfum se développe dans une fleur d'oranger luxuriante et un jasmin créant une dualité de notes florales blanches. Les notes sous-jacentes de muscade, de fève tonka et de musc renforcent le caractère séduisant du parfum ». Je dois bien dire que je l’ai trouvé tout à fait à mon goût et pour cause. Après une envolée douce-amère de feuille de violette, vient un coeur ultra floral de fleur d’oranger et de jasmin qui entourent une tubéreuse très élégante et presque fraîche. Le fond, poudré avec la fève tonka et le beurre d’iris est soutenu par du bois de santal et des muscs blancs. J’ai adoré sentir ce parfum mais je n’ai pas franchi le pas car il m’a semblé un peu trop installé dans mes goûts habituels. Il n’en demeure pas moins qu’à l’époque (et j’avais pris des notes), il m’avait semblé parfaitement addictif. Les quelques parfums Diana Vreeland que j’ai découvert m’ont beaucoup plu mais je dois bien admettre que je suis un peu effrayé par leur prix qui dépasse allègrement les 200 euros. Ceci dit, si j’en trouvais un qui me fasse vraiment envie, peut-être pourrais-je franchir le pas…Si c’était celui-ci… Je ne sais pas.
La dernière sortie en date de Berceuse, « Minneapolis 5.3 » a été créé par Spyros Drosopoulos qui est aussi le créateur de la maison Baruti. Je dois dire que c’est un vrai choc olfactif. Vraiment, je suis sous le charme de ce parfum qui, après un départ très épicé de citrus, d’aldéhydes, de cannelle et de clou de girofle nous conduit sur un coeur floral et poudré de racine d’iris, d’ylang-ylang, de rose, de muguet et de fleur d’oranger avant de se terminer sur un accord de suede enveloppé de notes poudrées, de mousse de chêne, de musc, d’ambre et de patchouli. C’est un chypre sans bergamote mais j’avais reconnu la construction. Vraiment, je ne peux qu’adhérer. Il est un peu étrange à l’envolée mais, très vite, sur ma peau, il se fond et se fait fascinant. Will Carius en décrit l’inspiration : « Parmi les nombreux grands musiciens et poètes issus de l'âge d'or du rock, aucun n'est peut-être plus singulièrement maître de lui que Tom Waits, dont le génie lyrique et le style mercuriellement guttural l'ont rendu extrêmement influent parmi ses pairs et les nombreuses générations qui ont suivi. . Son morceau Christmas Card from a Hooker in Minneapolis raconte l'histoire sombre et douce-amère d'une femme battue par la vie, les circonstances et la dépendance, prise dans la réminiscence et le fantasme de ce qui aurait pu être. Nous n'apprenons jamais son destin ultime et n'avons à la place qu'une petite fenêtre sur sa vie et le fait qu'elle est emprisonnée pour le crime d'avoir vendu son corps pour gagner de l'argent pour vivre et pour nourrir sa terrible habitude. Minneapolis 5.3 est le parfum de la fantaisie déchirante, le parfum de quelqu'un qui, quoi qu'il arrive, ose toujours espérer et rêver d'un avenir meilleur. Les aldéhydes pétillants et nostalgiques et la cannelle et le clou de girofle pétillants se marient parfaitement avec la fleur d'oranger classique et élégante et le muguet, d'une beauté envoûtante dans leur splendeur luxuriante. Orris, ylang ylang et rose dérivent à travers la composition, faisant écho au refrain bluesy du piano qui rend l'enregistrement de Waits si inoubliable. Sous cette opulence florale persistent des notes de daim doux, chuchotant tout au long de la mélodie, ainsi que l'onctuosité facile et charmante du bois de santal, entrecoupée de coups de vanille et de mousse de chêne. Dernier point, mais non le moindre, le caractère humide et mélancolique d'un patchouli rare et unique, jamais plus qu'une fantaisie vacillante, mais néanmoins présente. Ode somptueuse aux grandes œuvres de parfumerie de l'âge d'or, Minneapolis 5.3 est la distillation même d'une nostalgie poignante. Une symphonie douce-amère ». J’ai adoré vraiment l’évolution complètement inattendue sur ma peau et c’est pourtant vrai qu’il y a quelque chose de pop-rock dans ce parfum. Vraiment, c’est un coup de coeur.
J’échange beaucoup avec Isabelle de la chaîne YouTube Espace Passion Parfum qui nous vient du Québec et, depuis plusieurs semaines, elle me conseille d’essayer « Cardinal » créé en 2022 par Rosendo Mateu et elle est persuadée qu’il va me plaire. Elle a bien raison. C’est un coup de coeur. Je savais très bien ce qu’était le cardinal, un passereau qui doit son nom à son plumage rouge et que l’on trouve surtout sur le continent américain si je ne m’abuse. Je trouve qu’il est particulièrement spectaculaire et j’attendais de voir comment Rosendo Matteu allait interpréter son habitat dans un parfum. Vraiment, je suis conquis. « Les branches se dénudent sur un ciel gris. La gaieté de l'été a fait place au marasme de l'automne, et à mesure que l'hiver s'installe, les troupeaux prennent leur envol, comme les invités d'une fête qui s'amenuise. Mais une paire de fêtards s'attarde, lui en parure cramoisie, elle dans des tons sages. Parmi des banderoles en lambeaux de feuilles de cuivre, ils gazouillent un joyeux duo. Autour du nid des cardinaux, les glaçons de guirlandes ont peut-être remplacé les fleurs de roses vibrantes, mais alors qu'ils se régalent de baies écarlates qui parsèment le paysage enneigé, l'esprit festif de cette couvée à plumes refuse d'être refroidi ». C’est un chypre moderne et flamboyant qui, après une envolée de citron, de bergamote, de mandarine et de galbanum nous conduit sur un coeur de rose, de sauge sclarée et de cuir puis sur le fond classique de l’accord chypré, patchouli et mousse de chêne adouci par les muscs blancs et une très belle et discrète vanille. Sur ma peau, il matche aussi bien que « Panda » qui est mon autre préféré dans la marque. C’est un parfum qui pourrait tout à fait me convenir.
Linari, une marque allemande inspirée de l'Italie
Je ne connaissais pas du tout Linari avant que mon amie Florence de la parfumerie vichyssoise Arcane Majeur n’attire mon attention sur cette maison pourtant née en 2008. J’ai donc du faire des recherches et c’est sur le site de la boutique parisienne Nose que j’ai trouvé quelques infos : « Les Eaux de parfum Linari sont créées en Allemagne et inspirées de l'univers esthétique italien. Elles allient de matières premières nobles à une haute complexité olfactive. Chaque parfum a été créé avec la coopération proche de parfumeurs internationaux tels que Mark Buxton, Maurice Roussel , Jérôme di Marino et Egon Oelkers ». À ce jour, la marque a sorti 12 parfums et une ligne très luxueuse de senteurs pour la maison. J’ai senti la totalité de la collection et essayé plusieurs. Pour vous présenter mes impressions, j’en ai choisi quatre que je trouve emblématiques. Bien évidemment, mes avis sont totalement subjectifs et je suis allé vers ce que je pourrais peut-être porter plus facilement. Je vous emmène donc dans cet univers italien imaginé en Allemagne puisque les parfums sont fabriqués à Hambourg.
Le premier parfum que j’ai sélectionné, « Porta Del Cielo » a été créé par Mark Buxton en 2012 et je le trouve tout à fait réjouissant. « Porta del Cielo dévoile la délicatesse des notes musquées associées aux accords floraux de freesia. Ce parfum pétillant est une voyage à travers les portes célestes où toute la pureté des lieux rappelle les senteurs propres d'un linge fraichement séché ». Je commence un peu fort car il s’agit d’un parfum ambré que j’ai trouvé fort original avec un départ d’ananas, de bergamote, de framboise (que je ne sens pas vraiment heureusement) et de freesia qui nous conduit sur un coeur de bois de cachemire qui est plutôt utilisé en fond en général, de muguet, d’orange sanguine, de santal d’Australie et de violette. Je trouve que, sur la peau, les notes de coeur sont quand même très originales. Le côté violette ressort pas mal sur moi et est adouci par le cashmeran qui fonctionne décidément très bien sur ma peau. Le fond est construit autour d’un accord ambre, benjoin et ciste labdanum « saupoudré » de traces de muscs blancs, de tonka et de vanille. Comme toujours, Mark Buxton sort des sentiers battus. « Porta Del Cielo » est un parfum ambré complètement atypique. Je comprends assez bien le côté très italien de l’inspiration mais suis vraiment incapable d’expliquer. Je ne dirai pas que c’est mon coup de coeur mais il est très singulier et il se devait d’être présent dans ma sélection.
Créé par Mark Buxton en 2008, « Notte Bianca » est vraisemblablement le parfum le plus original que j’ai senti dans la collection. La marque le décrit ainsi : « Magnifique composition autour d'un vétiver moins terreux que d'usage et mis en valeur par les notes douces d'anis étoilé et racées d'absinthe. Le bois de cachemere et le clou de girofle donnent le coup final ». Très franchement, ce parfum est celui que j’ai préféré et je pourrais tout à fait le porter. Il est assez incroyable il faut le dire. Le départ d’absinthe, de bergamote, d’orange et de pamplemousse est vraiment très original et Mark Buxton a construit un coeur qui l’enrichit assez vite autour du cashmeran (encore une fois), du clou de girofle, de la sauge sclarée mais aussi de la carambole, un fruit exotique aussi appelé pomme de Goa que j’avais peu senti en parfumerie. Le fond, ambré, musqué, s’organise autour de la fève tonka qui lui donne un petit côté à la fois cuiré et poudré et du vétiver que je ne sens pas mais qui soutient admirablement la fragrance. J’aime beaucoup ce parfum. Il est assez unique. Je trouve qu’il gagne encore en singularité au cours de son évolution. À la toute fin, je n’arrive pas encore à le décortiquer. Il garde son mystère et c’est rare je trouve. Il est mon coup de coeur dans la marque.
Il y a plusieurs marins dans la collection, ce qui est bien normal et vous connaissez mon aversion pour la calone. J’ai donc choisi un parfum dans lequel je ne la sens pas trop. Il s’agit de « Vista Sul Mare » créé en 2008, dès le lancement de la marque par Egon Oelkers. « Ozone, agrume, épices, musc blancs, ce parfum très équilibré nous donne envie de se dévêtir et de se jeter avec allégresse dans la mer Méditerranée ». Il est vrai que, sur ma peau, le rendu est plutôt formidable, je l’admets volontiers malgré le fait qu’il soit un peu synthétique. L’envolée est clairement hespéridée avec des notes douces de bergamote contrebalancées par l’acidité du citron et l’amertume du pamplemousse et de tangerine. C’est un peu le coeur qui m’effrayait car il s’organise autour de notes marines synthétiques mais jamais omniprésentes. On sent beaucoup le poivre rose, le clou de girofle, de muguet et de rose puis le parfum se pose sur un font à la fois très propre avec les muscs blancs et le cèdre qui sont soutenues par un accord ambré et des notes de patchouli. C’est drôle, la construction est inédite et je trouve qu’il y a quelque chose de vraiment très inusité dans l’utilisation à la fois des molécules de synthèse et des matières naturelles. J’ai assez aimé ce parfum même s’il ne répond pas forcément à mes attentes. Il est très réussi il faut le dire et je le crois assez facile à porter.
« Balances intemporelles d'agrumes, de fleurs et de bois sous la dominance d'un musc ultra sensuel soulignant une élégance chatoyante ». Mon second coup de coeur est « Eleganza Luminosa » créé par Egon Oelkers en 2008. Il s’agit d’un floral avec un fond boisé très délicat. Le départ est très vert avec également des notes de citron, de bergamote et d’orange amère puis il s’enrichit d’un très beau coeur floral de freesia (une matière qu’il faut que j’explore un peu plus), de jasmin et de muguet rehaussé de notes d’iris. Le fond d’ambre et de cèdre est arrondi par les muscs, le santal et la vanille mais le patchouli le contrebalance et l’empêche d’être doucereux. J’ai un vrai coup de coeur pour ce parfum que je trouve d’une grande originalité. Sur ma peau, hélas, il rend un peu moins que « Notte Bianca » mais, je dois l’admettre, j’ai vraiment beaucoup aimé l’idée et la caresse de cette création rarement sentie. Je trouve la composition particulièrement réussie. Je ne connaissais pas le travail d’Egon Oelkers mais je vais essayer de me pencher un peu plus sur son travail car j’ai vraiment aimé son approche et sa signature.

Linari est une très belle maison avec des parfums qui sortent de l’ordinaire. Je trouve qu’elle mérite vraiment son « appellation » de parfumerie de niche. Il y a quelque chose de vraiment inédit dans la plupart des parfums, peut-être pas tous mais quand même une majorité. Je ne sais pas du tout si tous sont encore distribués car chez Nose, qui vend la marque, il n’y en a que quelques uns. Apparemment, il sont tous disponibles sur le site de la marque mais je n’en sais pas plus. En tout cas, je trouve qu’elle mérite vraiment d’être découverte. De plus, je ne dirai pas que les flacons sont raisonnables mais le prix n’est pas délirant ce qui devient rare. Le packaging est luxueux et le style très élégant. Vraiment, c’est une belle découverte.
Un retour en quatre parfums sur le travail d'Aliénor Massenet
C’est en 2015, avec « African Leather » de Memo que j’ai découvert le travail d’Aliénor Massenet et depuis, j’ai souvent admiré son travail. D’ailleurs, j’en ai d’ailleurs parlé à plusieurs reprises. Parmi les parfums qu’elle a composé, je peux citer « Russian Leather » (2016), « Cuir Tassili » (2019), « The Favorite » (2020), « Solaris » (2023). Il faut aussi expliquer que, pour Memo, elle a vraiment inventé une nouvelle sorte de cuir, loin des aspects goudronnés du bois de bouleau associé à la mousse de chêne. Elle a a créé des parfums cuirés lumineux, plus basés sur le styrax et d’autres matières premières. Je lui ai déjà consacré un article au début de ce blog mais j’ai eu envie de revenir sur quatre créations très étonnantes qu’elle a composé pour différentes marques. Alors, je vous emmène sur les traces d’Aliénor la magicienne, qui ne s’interdit rien et invente selon son inspiration avec beaucoup de talent.
C’est pour la maison J.U.S. qu’Aliénor Massenet a composé « Sexycrush » en 2018. Je connais ce parfum depuis déjà longtemps mais j’ai remis mon nez dessus récemment lors d’un passage au stand de la marque au Printemps Haussmann. Elle le présente avec ces quelques lignes : « Un parfum à fleur de peau avec un sillage incroyable, une forte signature, une vraie personnalité ». C’est un parfum dense et cuiré avec une envolée de cédrat, un coeur de rose et un fond de oud et de patchouli. Dans ma sélection, ce parfum est peut-être le plus classique. C’est une rose charnelle, sexy associée à un oud très animal. Je lui trouve des notes très profondes et baumées sur ma peau et un côté vanillé. La rose se développe bien mais il y a quelque chose de cuiré et boisé très dense dans le fond. C’est une création emblématique du travail d’Aliénor Massenet. Il est « corsé » mais élégant. Je ne trouve qu’il soit trop animal. C’est un oud rose élégant et particulièrement floral. Je me posais la questions de savoir si je ne pourrais pas le porter. Il est, je crois, l’un des bests de la maison. Je dois dire que je comprends son succès car, tout en étant dans l’air du temps avec une composition autour de la rose, du oud et de la vanille, il reste parfaitement singulier et conserve son identité. Ce n’est pas un parfum pour moi c’est clair mais de ce flacon noir élégant sort un jus tout à fait chic et envoûtant voire un peu subversif. Je retrouve complètement la signature d’Aliénor Massenent dans ce parfum dont l’inspiration est ainsi décrite : « La sensualité de la rose, l’opulence du oud, la gourmandise de la vanille, la profondeur du ciste labdanum, l’émotion de la route des épices. Une partition sensuelle et addictive écrite par Aliénor Massenet avec l’objectif de laisser une trace dans les esprits mais pas sur la planète. Chaque matière première de Sexycrush a été choisi pour son absence d’impact sur l’environnement (89 % carbone renouvelable). Une composition d’une grande générosité ». Je dois dire que je l’ai retenu surtout pour vous car il n’est pas vraiment dans ma zone de confort mais je sais que plusieurs de mes lecteurs aiment cette famille olfactive très particulière et enveloppante. Il est trop loin de ce que je pourrais porter mais cela ne l’empêche pas d’être une très belle réussite et un bijou olfactif incontestable. Je comprends complètement son succès.
Je ne suis pas vraiment un adepte de Comme des Garçons mais, à sa sortie, j’avais bien aimé « Copper » créé par Aliénor Massenet en 2019. « La force du métal rouge, chaud et frais à la fois. Les notes lumineuses de baies animent celles des feuilles sombres. Le cuivre est une interrogation olfactive autour de l'harmonie et des contrastes. Les notes synthétiques de métal se heurtent avec élégance à la vanille naturelle et à la myrrhe d'Ethiopie, dans un accord olfactif qui ne cesse d'évoluer sur la peau ». Je trouve que le parfum figure très bien les notes de cuivre. En effet, il y a vraiment quelque chose de métallique dans son développement. C’est comme si le « N° 19 » de Chanel avait séjourné ans un flacon en cuivre ! Les notes de têtes sont très fraîches avec le cassis et le poivre rose mais le coeur se fait complètement original avec quatre facettes différentes, une qui serait verte, avec le galbanum, une autre plutôt baumée avec le benjoin, une troisième épicée avec le gingembre et une autre, indéfinissable, un peu froide et poudrée à la fois. Le fond, très tenace est un un accord ambre et tabac avec des versants vanillés et un côté myrrhe. « Copper » est vraiment original et sa tenue s’avère très bonne mais je lui trouve quelque chose d’un peu déstabilisant. En tout cas, il a plu aux professionnels car il a remporté, en 2020, le FIFI Award du meilleur parfum d’une marque de niche affilié à un groupe.
L’un des parfums d’Aliénor Massenet que j’aime particulièrement est « Couleur Vanille » qu’elle a créé en 2020 pour L’Artisan Parfumeur. Pour moi, c’est indéniable, il s’agit d’une pépite et je pèse mes mots. « Une vanille salée, inspirée par la douceur des alizés et créée autour de notre qualité d’extrait de Vanille ». À l’époque, depuis que j’avais su que "Couleur Vanille" créé par Aliénor Massenet était sur le point de sortir sortir chez l'Artisan Parfumeur, j’étais vraiment curieux de le découvrir. Il y avait plusieurs raisons à cela. La première était que je n’avais pas porté de parfum dont la note dominante est la vanille depuis des lustres. La seconde était que ce jus marquait la première collaboration entre une parfumeuse dont j’aimais déjà le travail (notamment pour Memo) et la marque. S'il en faut une troisième, je dirais seulement que je suis très très curieux de nature. Depuis plusieurs années, c'est donc chose faite. Si le départ m'a évoqué un solinote très agréable et la sensation de sentir une vraie vanille bourbon et non pas une overdose de vanilline de synthèse que l'on retrouve dans nombre de parfums orientaux à la mode, l'évolution est plutôt assez surprenante. En effet, à cette odeur d'orchidée vanillée et envoutante se mêlent des notes salées, presque iodées qui lui donnent une certaine originalité. Je poursuivrai en admettant que ce n'est en aucun cas un parfum pour amateurs de vanilles gourmandes voire "culinaires" mais plutôt pour ceux qui préfèreront le côté presque épicé de cette gousse précieuse venue de Madagascar. En résumé, je dirai que cette nouvelle création tourne autour d'une vanille pure mais aérienne avec une petite arrière-note marine et qu'elle est à la fois subtile et originale si on a la patience d'attendre les notes de fond. C'est, à mon sens, une parfaite réussite... À découvrir et redécouvrir !
J’avais évoqué ce parfum brièvement à sa sortie alors que je faisais un petit focus sur les nouveautés de la maison Memo mais, étant donné qu’il était encore une exclusivité de la boutique parisienne et de l’Atelier Parfumé à Lyon, j’avais trouvé peu d’infos sur « Argentina » qui m’avait pourtant bien plu. Il semblerait que la marque ait décidé de lui assurer une plus large diffusion et je vais pouvoir vous en parler un peu plus précisément. Je l’ai réessayé car je possédais une dose d’essai et, même s’il n’est pas forcément pour moi, je le trouve particulièrement beau et réussi. « Avec Argentina, Memo plonge au cœur d’un territoire, d’un pays, au rythme d’une danse, d’un élan passionné. L’Argentine est embrassée dans sa globalité, emportée dans un seul mouvement ; celui d’un tango virevoltant. Une danse du brassage, du voyage, et sur la piste, des formes en corolle se dessinent. Comme une rose, emblématique du parfum, reine des fleurs et symbole d’un amour ardent.Un floral aromatique avec un fond doux et chaleureux qui vous enveloppe de manière élégante et délicate, en organisant la rencontre de la rose et du oud, dans un pas de deux envoûtant » ainsi Clara et John Molloy présentent cette nouveauté sur leur site. Lancé en 2020 et créé par Aliénor Massenet, « Argentina » figure l’ambiance d’un tango particulièrement sensuel. L’ouverture de poivre rose et d’essence de rose de Turquie est très cosmétique et se pose sur un coeur très opulent de jasmin sambac et de jasmin d’Égypte rehaussé par le côté presque aquatique d’huile de magnolia pour se poser sur un fond de cypriol, d’ambrette et de quelques petites touches de oud. Attention, ce n’est pas un tango entre la rose et le oud comme nous avons l’habitude d’en sentir pas mal depuis plusieurs années. C’est un fleuri, boisé et complexe avec une envolée discrète et un coeur très profond. Sur ma peau, il a quelque chose de très huileux au bon sens du terme, comme un baume bienfaisant mêlé à l’odeur du rouge à lèvres. Féminin m’objecterez-vous ? Et bien, je ne dirai pas ça. Je pense que ce parfum est parfaitement mixte et peux s’adresser à des hommes qui se moquent des conventions imposées par le marketing et osent porter des fleuris. Je dois dire que je suis de ceux-là. En tout cas, j’ai bien aimé essayer « Argentina ». Je ne sais pas s’il est vraiment pour moi mais c’est une rose très étonnante, très facettée et complètement atypique associée à deux des plus opulentes variétés de jasmin et à l’ambrette. J’aime beaucoup cette graine. Je trouve qu’elle donne vraiment beaucoup de relief aux parfums dans lesquels elle est utilisée en majeur. Ici, elle vient tempérer un côté qui pourrait se révéler un peu trop floral et apporte à la fragrance beaucoup de sa singularité. En tout cas, je suis très séduit. Pour résumer, je dirai que j’aime beaucoup « Argentina » mais peut-être pas assez pour franchir la limite de prix que je me suis fixée. Il est très original, la tenue est le sillage sont impeccable et, comme toujours, Clara et John Molloy ont voulu un parfum d’exception et ont réussi à le sortir. Ceci dit, il est un peu trop opulent pour moi et je ne suis pas certain de le porter. En revanche, je vous engage vraiment à aller le sentir et l’essayer car il gagne vraiment à être découvert voir déniché.
J’ai été un peu long sur « Argentina » mais, dans ma sélection (non pas dans la totalité des oeuvres d’Aliénor Massenet), c’est surtout « Couleur Vanille » qui m’a séduit et re-séduit lorsque je l’ai porté à nouveau pour écrire mon article. Il est particulièrement magnifique en toute saison. Je me suis attaché à poser ce parfum sur ma peau et j’en ai profité de longues heures. Bien sûr, j’aime plein de parfum que celle que j’appelle volontiers « la magicienne » a créé, j’en ai cité quelques uns en introduction mais, à chaque fois, que je remets mon nez dans l’une de ses compositions, je me surprend à la redécouvrir presque autrement que durant les essais précédents. Le travail d’Aliénor Massenet, je le qualifierai d’expression libre dans une parfumerie parfois peut-être un peu trop modifié et de parangon de modernité car elle évite les écueils qui pourrait la conduire à une certaine redondance. Je me suis dit qu’un second article sur son talent n’était pas du luxe alors…
La Bouche Rouge, du maquillage au parfum
Je ne sais plus comment j’ai entendu parler de la collection de parfums de la marque de maquillage éco-responsable La Bouche Rouge mais cela m’avait donné envie de mettre mon nez dans les six créations qu’elle propose. C’est lors d’un passage à La Samaritaine à Paris que j’ai eu l’occasion de le faire et j’ai fait une sélection des trois compositions qui m’ont le plus séduit parmi cette collection somme toute très classique, épurée à l’image des flacons. Je n’ai pas été complètement convaincu mais j’ai trouvé l’ensemble qualitatif et la démarche intéressante alors je vous emmène avec moi dans cet univers que je trouve quand même exclusivement féminin.
« Rose », créé en 2023 par Nicolas Bonneville est le premier parfum que j’ai senti et qui, comme son nom l’indique, est un travail très élégant autour de la reine des fleurs. « Imaginez-vous dans un jardin de roses, où les pétales délicates se balancent doucement dans la brise. Le parfum suave et délicat des roses emplit l'air, enveloppant vos sens dans une étreinte chaleureuse. Au début de cette balade olfactive, on retrouve des notes de lychee et de pomme. En coeur, l'essence de la rose est capturée et sublimée créant ainsi un parfum harmonieux et subtil. Des notes plus profondes de cèdre et de musc viennent s'ajouter, donnant au parfum une dimension plus riche et complexe ». C’est le fruité floral de la série, il en fallait un et, pour une fois, je ne le trouve pas too much même si le départ de groseille, de lychee et de pomme pourraient le laisser penser. Le coeur de géranium, d’iris et de rose rééquilibre bien la fragrance et lui donne un côté légèrement poudré et facetté qui m’a bien plu et qui est renforcé par le fond de cèdre et de muscs blancs. « Rose » est joli, facile d’accès, très qualitatif sans pour autant se faire original. Il m’a plu, c’est un féminin moderne, un interprétation de la rose bien construite et agréable.
« Bleu c'est l'odeur d'un horizon infini, une hypnose sous le regard de l’artiste Hirashi Sugimoto. À la limite du ciel et de la mer, le parfum floral héspéridé, mêle des notes aromatiques de baies roses. Ensuite, des notes de muguet, rose de mai et geranium ressortent et reposent finalement sur un fond réconfortant de cèdre et d’encens ». Également créé en 2023 mais cette fois par Alexis Grugeon, « Bleu » est beaucoup plus androgyne et je l’ai assez bien aimé même si, pour moi, il plaira davantage aux femmes qu’aux hommes. Il est très original avec ce départ de poivre rose et de lavande, ce coeur de muguet et de rose centifolia associé au géranium un peu mentholé et son fond de cèdre et d’encens. C’est un parfum résolument contemporain, tranchant si j’ose dire. Il n’a en aucun cas la douceur feutrée du précédent et prend plus de risques. Je ne peux pas vraiment formuler une opinion. Parfois je l’ai aimé, parfois il m’a rebuté. C’est un parfum étrange, moderne et peut-être un peu conceptuel. De « Bleu », il me reste un souvenir un peu japonisant ou alors tout simplement légèrement étrange.
« Rouge », créé par Dora Baghriche en 2023 est mon préféré de la collection même si je le trouve trop féminin pour pouvoir le porter. « Rouge, un air inspiré par la cantatrice Espganole Tereza Berganza, un hommage de sa présence spéctaculaire sur la scène de l’Opera de Paris. Dora Barghiche, le nez derrière la fragrance, exprime la sensation d’un coup de foudre à travers un sillage puissant et sensuel. Sous un regard passionné, le parfum évoque tout d'abord des notes addcitives de baies roses et gingembre. On retrouve un coeur rempli de roses, rendant la fragrance encore plus sensuelle que jamais. Les notes de fond de patchouli, oud et cèdre apportent à ce parfum une chaleur réconfortance, un tremblement sensuel d'épices sur la peau ». Je le trouve à la fois flamboyant et très étonnant car il est à la fois un parfum cocon et un peu flamboyant. Il pourrait paraitre chypré mais sa construction ne l’est pas vraiment car on retrouve, dans son top notes, du poivre rose et du gingembre, des notes qui nous emmènent sur un coeur de benjoin et de rose puis sur un fond de cèdre, de oud, de patchouli, de vanille et de vétiver. Il a tout du parfum oriental sur le papier mais il est indéfinissable pour moi. En tout cas, c’est une fragrance intéressante, un peu étonnante mais tout à fait portable.
La Bouche Rouge est un univers à part que je suis content d’avoir croisé même si je n’ai pas eu, c’est vrai, un réel coup de coeur pour l’instant. Ceci dit, je salue bien sûr le talent des créateurs car, sinon, je n’en n’aurais pas parlé. En tout cas, il y a quelque chose d’intriguant dans cette marque et il faut aller y mettre son nez.
De "Synthetic Jungle" à "Synthetic Nature"
« Au coeur de ses jardins verdoyants du Nord de la France, elle a montré dès son plus jeune âge un intérêt singulier pour la nature : les changements de saison, les aléas de la météorologie, les cycles de la vie... Elle n'a jamais caché son addiction aux notes végétales, florales et vertes. Lui confier la création de Synthetic Nature, sa première composition pour les Editions de Parfums Frédéric Malle, était donc une évidence ». J’aime les chyprés et les parfums verts. Il était donc naturel que je m’intéresse à ce parfum né en 2021 et qui s’appelait à l’époque « Synthetic Jungle », devenu il y a quelques mois « Synthetic Nature ». Je ne sais pas trop ce qui, après « Une Rose » devenu « Rose Tonnerre », a conduit le groupe Estée Lauder, propriétaire de la marque, à changer le nom.

J’aimais bien « Synthetic Jungle », je suis moins fan de « Synthetic Nature » que je trouve, finalement, moins évocateur. C’est la politique de la marque et je ne vais certainement pas commenter plus. Revenons au parfum, c’est beaucoup plus intéressant. Il s’inscrit dans la lignée de « Green Water » de Jacques Fath première version et surtout de « Vent Vert » créé par Germaine Cellier pour Balmain mais qui a disparu « jus et âme » après une malheureuse reformulation, il y a quelques années. J’avais déjà révélé mon coup de coeur pour la création quand je l’avais découverte en avant-première, plusieurs mois avant sa sortie. Je l’ai beaucoup porté mais j’ai un peu arrêté car son prix me fait désormais un peu reculer. Cela ne signifie pas que je l’aime moins. C’est une merveilleuse création. Je le rachèterai peut-être dans un petit conditionnement. Le parfum s’ouvre sur des notes de galbanum et de basilic qui nos emmène sur un coeur de muguet et de jasmin puis sur un fond de patchouli et de mousses. Il est vraiment fusant, vert, presque froid et, sur ma peau, il s’avère d’une élégance étrange. C’est un chypre moderne qui, pourtant, reprend tous les codes du thème. Je l’aime vraiment beaucoup et cela ne s’est jamais démenti.
