De délicieuses "vieilleries" (finalement intemporelles) chez Cacharel
Il est des parfums qui ne sont devenus, dans mon esprit, plus qu’un nom et un flacon sur les rayons des boutiques du circuit sélectif. Récemment, j’ai eu envie de remettre mon nez dans trois créations que j’ai redécouverts et qui, si elles font partie du paysage, sont un peu oubliées. C’est dommage. Il s’agit des trois historiques de Cacharel et je dois dire que je les ai aimés tous les trois même si j’ai toujours une préférence pour « Loulou » qui flatte mon goût pour l’amande, l’héliotrope et le côté poudré mais chacun d’entre-eux est intéressant, peu onéreux et garde une identité forte. Je dois dire que je ne les connais pas assez pour savoir s’ils ont été reformulés mais vraiment ce que j’ai senti m’a plu et j’ai eu envie de passer pour vous mes impressions en revue. Je les avais déjà un peu évoqués dans d’autres articles mais j’ai trouvé intéressant de vraiment en parler précisément.
Avec son flacon bleu et rouge, « Loulou » est vraiment un emblématique des féminins des années 80. J’ai revu, il y a peu, grâce à Marion de la chaîne YouTube Des Paons Danse Cent Heures, la publicité télé inoubliable qui a bercé mon adolescence et, si je regrette que « Loulou » n’existe plus en extrait avec son flacon encore plus dingue, j’ai remis mon nez dedans avec un plaisir immense. Créé par Jean Guichard en 1987, c’est un floral poudré d’une belle richesse avec une ouverture de prune, un coeur d’iris, de violette et d’ylang-ylang qui enrobent une fleur d’héliotrope amandée et poudrée avec des accents de fleur de tiaré et de mimosa avant de se poser sur un fond baumé, légèrement vanillé et irisé. Dans son flacon turquoise et carmin reconnaissable entre mille, il garde une certaine modernité. Je dois dire que c’est un coup de coeur vraiment. Ce travail autour de la note amandée est vraiment d’une belle délicatesse et m’a rappelé les foulards de soie oubliés sur un fauteuil du salon tant je trouve qu’il y a un côté seconde peau. Bien évidemment, la tenue doit être très différente en eau de parfum qu’en extrait mais je la trouve correcte. En tout cas, j’ai vraiment aimé et, s’il est classé dans les féminins, je me suis dit que je pourrais le porter sans problème tant il fait partie de ma zone de confort.
« Anaïs Anaïs » m’a rappelé des souvenirs de lycée et d’une amie hélas perdue de vue durant des années avec laquelle nous avons partagé de studieuses révisions mais aussi le goût de la littérature et de nombreux fou-rires quand j’étais en première au lycée. Créé par Roger Pellegrino, Paul Léger, Raymond Chaillan et Robert Gonnon, la version eau de toilette, qui est la seule encore existante il me semble sauf si l’on compte un flanker que j’ai aperçu, a été lancée en 1978 et a été le parfum avec un grand P de beaucoup de jeunes filles pendant les quinze années qui ont suivi. C’est un floral complexe et romantique extrêmement complexe avec une profusion de notes mais moi je sens beaucoup le lys tout au long de son évolution après un départ déjà floral avec le chèvrefeuille et la bergamote, un coeur très bouquet de fleurs blanches avec aussi des notes d’ylang-ylang, de rose et d’iris poudré et un fond mousse de chêne et patchouli qui lui donnent ce côté chypré qui n’en font pas un floral ordinaire. En redécouvrant ce parfum, je me suis dit qu’il appartenait à l’époque révolue des parfums extrêmement complexe, dont la formule doit avoir une écriture longue. Parfois je n’ai pas envie de sentir cela mais le jour où je l’ai redécouvert, je me suis vraiment fait plaisir à retrouver son odeur liée à une partie de ma vie.
Également créé par Jean Guichard et lancé en 1994, « Eden » n’était pas dans mon univers olfactif et, lorsque je l’ai senti il y a quelques mois, c’était la première fois et, de ce fait, c’était une découverte. C’est un chypré floral sans doute plus affirmé que les deux autres et plus clivant car il a une sacrée originalité ! Un départ de bergamote et de pêche, un coeur de mimosa et de nénuphar enrichi de notes de fleurs de lotus, de melon d’eau, d’ananas et de rose et un fond de patchouli de robinier (un faux acacias d’Europe dont je connais très bien l’odeur puisque nous en avons beaucoup dans la région), de bois de santal et de fève tonka. Ce chypre sans mousse de chêne a une fraîcheur et une originalité absolument bluffante. Il ne ressemble strictement à rien d’autre. Je l’ai senti par temps chaud et il a quelque chose de très rafraîchissant même s’il reste enveloppant et garde des accents ronds. Je l’ai beaucoup aimé également. Je suis persuadé que si une marque de niche sortait ce type de parfum aujourd’hui (je pense d’ailleurs qu’il a du influencer pas mal de parfumeurs tant il est original), il rencontrerait un beau succès. En tout cas, si j’ai un faible plus marqué pour « Loulou », je lui reconnais de très belles qualités et je pense qu’il est vraiment à découvrir.
Je me suis vraiment fait plaisir en redécouvrant ces trois « historiques » de Cacharel qui est une marque qui ne m’aurait pas forcément attiré comme ça d’emblée car je trouve les dernières sorties vraiment peu intéressantes et convenues. Là, je me suis replongé dans ce que j’appellerai trois grands féminins qui pourraient facilement être mixtes (surtout « Loulou » et « Eden » car « Anaïs Anaïs » me semble un peu plus difficile à porter pour un homme… quoi que) et je me suis dit que c’était de petits plaisirs à la fois peu onéreux, faciles à trouver et vraiment qualitatifs. En tout cas, j’ai adoré y mettre et y remettre mon nez.
Histoires de Parfums, la série des tubéreuses
Médicinale, faussement vénéneuse, envoûtante, rebutante, étonnante telle est la tubéreuse qui est peut-être l’autre reine des fleurs de la parfumerie après la rose. Si j’ai eu un peu de mal à l’aborder quand j’ai commencé à élargir mes goûts, je trouve qu’elle offre aux créateurs tellement de possibilités que je ne me suis jamais fermé à son effluve si particulière qui peut prendre des accents tellement différents suivant les matières qu’on lui associe. Ce qui est drôle c’est que, si j’ai un peu évité cette matière première complexe pendant longtemps, il en a été de même pour la maison Histoires de Parfums. Je serais incapable de dire pourquoi. Sans doute que je n’aimais pas le packaging ou que le nom choisi me semblait un peu trop artificiel. Pourtant, maintenant que je m’y suis penché, j’ai découvert des pépites et je continue. Parmi elles, dans la collection Héritage, j’ai senti les trois tubéreuses lancées en 2010 et je dois dire que, si différentes soient-elles, elles m’ont séduit car c’est un merveilleux travail autour de cette fleur singulière et enveloppante. Je vais tenter, et ce n’est pas facile à l’écrit, de vous parler de mes émotions autour de ces trois créations.
« Tubéreuse 1 Capricieuse » est construit comme un clin d’oeil à ceux qui n’aiment pas cette fleur en parfumerie. La marque décrit le parfum avec ces mots : « La Tubéreuse est une Diva. Indocile, exigeante, Capricieuse, elle se mérite. Naturelle et sophistiquée, parée des plus somptueuses matières elle oscille entre humilité et orgueil. Cette senteur douce et épicée livre un sillage hypnotique, poudré d’Iris et de Safran ». Nous sommes très loin de l’interprétation à l’ancienne qu’en ont fait, et avec talent, nombre de parfumeurs. Ici le maître mot est la modernité et la jeunesse. Associée à la bergamote et au safran en tête puis à l’iris et à l’ylang-ylang en coeur puis au cacao et à un accord daim en fond, elle est toute en suavité et pourtant il y a comme une certaine fraîcheur. Je me suis fait plaisir à l’essayer. C’est un parfum complexe mais surtout assez duel et, lorsque je l’ai essayé, j’ai eu du mal à me faire une idée car la fleur irradie puis elle se cache pour mieux revenir en fond. Cette « Tubéreuse 1 » est sans doute celle de la collection que je pourrais porter sans aucun problème. C’est une mécanique de précision et chaque note m’attire. Je trouve que l’association fraicheur et presque verdeur de la fleur avec une pointe de ce cacao aromatique est génial.
La maison a appelé « Tubéreuse 2 Virginale » et j’aurais plutôt dit la solaire mais chacun a son ressenti. Elle est décrite ainsi : « « Maîtresse de la nuit ». À la Renaissance, on interdisait aux jeunes filles de se promener dans les jardins où la Tubéreuse exerçait son pouvoir érotique et enivrant. Libéré, on s’alanguit dans son sillage suave et crémeux aux accents d’interdits. Frangipanier, Tiaré et Jasmin, une composition d’une blancheur Virginale qui exhale un sillage enveloppant, suave et charnel ». Comme dans la précédente, la tubéreuse est présente dès le départ et jusqu’au fond et elle est d’abord associée à la mandarine et à la cerise ce qui rend l’envolée un peu étonnante, presque juteuse d’autant que, sur ma peau, ces notes persistent et ne font que s’enrichir au coeur d’un bouquet de jasmin, de fleur de tiaré et de frangipanier puis de patchouli, de bois blond et de vanille au fond. Sur le papier, le parfum pourrait être un peu entêtant. Il n’en n’est rien. J’ai beaucoup aimé son développement même s’il m’a moins surpris que celui de la précédente. Je trouve que « Tubéreuse 2 » est la moins singulière des trois mais il ne demeure pas moins qu’elle ma beaucoup plu.
Je l’avais déjà évoquée, et si je ne la trouve pas facile à porter, je trouve que « Tubéreuse 3 Animale » est une vraie merveille. C’est un parfum liquoreux avec toujours la tubéreuse présente tout a long de l’évolution et est associée au néroli et au kumquat à l’envolée mais je ne les sens pas trop. C’est surtout le coeur où elle est associée à la prune, aux épices et aux plantes aromatiques qu’elle prend bien sa place et le fond de tabac blond et d’immortelle parachève ce parfum sophistiqué décrit ainsi par la marque : « Fleur mystique des rituels d’envoutement, la Tubéreuse joue la provocation. On s’abandonne à la corruption de son nectar, entre miel et potion vénéneuse. Animale, elle vous ensorcelle de son sillage capiteux mêlé de Tabac Blond et d’Immortelle. Prune, Aromates, Tabac Blond et Immortelle drapent cette Tubéreuse de notes grisantes, singulières et puissantes ». J’aurai du mal à porter cette merveilleuse création car si je n’aime pas genrer les parfums, je me dis que c’est quand même avant-tout un grand féminin. Je trouve « Tubéreuse 3 » absolument envoûtant et, pour moi, c’est l’une des plus belles fragrances de la maison et sans doute l’une des moins faciles d’accès. C’est une création clivante mais parfaitement magnifique.
Je trouve vraiment très dommage que la marque ne communique pas sur le ou les parfumeurs qui ont réalisé cette série car elle est absolument merveilleuse et je veux leur rendre hommage pour tant de goût et de créativité. Je trouve que ces trois fragrances sont tout ce que l’on devrait trouver plus souvent dans la parfumerie de niche d’aujourd’hui car elles ne plairont pas à tout le monde mais remporteront immédiatement l’adhésion totale et passionnée de ceux qui ont envie de les porter.
Un parfum, une couleur : Rouge
C’est à une fidèle lectrice de ce blog que je dois l’idée de cette toute nouvelle série d’articles qui s’intitulera « Un parfum, une couleur ». Merci donc à Jessica car c’est un vrai défi d’associer une fragrance à quelque chose d’aussi tranché qu’une image uniforme avec tout au plus quelques nuances. J’ai trouvée la suggestion tout à fait passionnante et j’avais commencé cet article il y a plusieurs semaines puis d’autres sujets sont venus s’ajouter alors je l’avais un peu mis de côté. Je me suis donc attelé à le terminer. La première couleur que j’associerai à un parfum sera la plus flamboyante. Il s’agit évidemment du rouge. Je n’ai pas voulu tomber dans l’écueil de choisir une création dans laquelle le mot fait partie du nom… Vous me suivez… Je me suis seulement fié à mes impressions et à ce que je ressentais en sentant (c’est un peu redondant mais vous avez saisi le sens) et j’ai choisi un rouge profond, carmin, entre le cardinal et le sang pour un parfum aussi tonitruant que ce que je ressens en voyant une telle teinte.
Pour moi, l’un des parfums qui correspond le mieux à cette couleur à la fois attirante et profonde est sans aucun doute « Terroni » de Orto Parisi créé par Alessandro Gualtieri et sorti en 2017. La marque ne communique absolument pas sur les notes mais décrit ainsi cette création : « Le Monde a commencé par une explosion. L’écorce terrestre s'est créée après que la lave volcanique en fusion eût englouti toute la couche inférieure. Il y a quelque chose de puissant, de l’ordre de l’accomplissement à mettre ses mains dans le sol, la sensation d’appartenir à la Terre. Pour développer une beauté naturelle il faut nécessairement se relier aux traditions et entretenir la force de ses racines. Cela, afin de maintenir la véritable lumière en Soi ». Il me semble sentir des notes de fruits rouges associées à un fond de mousse de chêne et de bois de bouleau reproduisant l’accord cuir de Russie mais aussi des accents de vanille et de oud. Cela n’engage que moi car aucune pyramide olfactive n’est fiable étant donnée qu’elles sont toutes officieuses et que, à l’instar de Serge Lutens, Alessandro Gualtieri préfère garder le secret. Pour moi « Terroni » est comme une humeur enflammé. C’est un peu ça aussi « voir rouge ». Il me semble que Marion, de la chaîne YouTube Des Paons Dansent Cent Heures m’a un peu influencé car il faisait partie de sa sélection des « parfums-colère » si je ne m’abuse. En tout cas, je le trouve flamboyant et profond comme la terre et les rochers d’une partie de la côte d’azur et il correspond, pour moi, à un rouge intense et chaud. J’ai un peu hésité avec un poudré qui aurait pu figurer les rideaux et les fauteuils d’un théâtre à l’Italienne mais j’ai préféré prendre cette orientation d’une manière tout à fait arbitraire.
Parfums atypiques pour un été mitigé
L’une de mes lectrices, elle se reconnaitra, m’a fait une suggestion : « et si tu consacrais un article à un top des parfums d’été atypiques ? ». Par cette petite phrase sibylline, je pense qu’elle voulait parler des fragrances « très niche », pas forcément facile d’abord, que je pourrais conseiller (même si mon avis ne peut être que subjectif) pour cette saison chaude pas si chaude que ça. Cette année, en effet, compte-tenu des températures de la première partie du mois de juillet, de se départir des sempiternels parfums de plage, fleuris frais et autres hespéridés pour aller vers des compositions plus complexes, plus construites et qui peuvent surprendre tout en apportant une certaine touche « vacances ». Je me suis donc un peu creusé la tête pour vous parler de parfums hors-norme, pas forcément faciles à porter mais qui pourraient étancher une soif de sophistication élégante que nous mettons un peu de côté l’été pour aller vers des créations simples, voire un peu basiques, lorsqu’il fait très chaud. Il y en aura pour tous les goûts et tous les budgets. Allez, c’est partie pour une sélection de cinq parfums (non classés), « niche de la niche », dont j’avais envie de parler même en cette seconde partie du mois de juillet.
Quand je pense originalité, le nom de Marc-Antoine Corticchiato me vient instantanément à l’esprit. Ce n’est pas parce qu’il fait partie maintenant des anciens dans la parfumeries d’auteurs qu’il n’est plus capable de me surprendre. Preuve en est « Mal Aimé », sa dernière création qui est, et c’est le moins que l’on puisse dire, clivante et qui va diviser les passionnés mais c’est une autre création qui a retenu mon attention. Quand je pense à un voyage d’été c’est sur les traces d’ « Aziyadé », le personnage de roman éponyme de Pierre Loti que j’ai envie de vous emmener. Lancé en 2008, ce parfum ne plaira pas à tout le monde. Le parfumeur le décrit ainsi : « Oriental, épicé et fruité, Aziyadé s’ouvre sur un accord grenade détonnant puis délivre les notes liquoreuses des dattes confites, des oranges et des pruneaux. Ses épices aphrodisiaques nous plongent au cœur de nuits orientales où les larmes d’encens se mêlent aux muscs, au ciste et à la caroube. Création excessive et charnelle, Aziyadé ruisselle de sensualité ». Ceux qui me suivent le savent, j’ai un peu de mal à porter les orientaux et pourtant, il y a quelques années, je suis entré en possession, certes un peu par hasard, d’un petit format de ce parfum et je l’ai bien porté curieusement alors qu’il m’effrayait un peu quand je l’ai découvert. Son départ est franchement très gourmand avec des notes de prune et de date confites acidulée par un accent de grenade et d’orange amère et adoucis par des notes d’amandes. Son coeur est épicé avec le cumin, la cannelle et la cardamome et le fond, construit autour de l’encens et du tabac est légèrement cuiré par une note de ciste labdanum. C’est un parfum qui sort vraiment des sentiers battus et qui ne sera pas facile à aborder alors que, curieusement, porté, il est vraiment très agréable et sa complexité s’efface devant des notes qui paraissent évidentes comme un séjour en Égypte ou au Maroc, dans une oasis épicée et un peu mystérieuse. S’il fallait un oriental atypique pour passer un été qui manque un peu de soleil, il me semble que « Aziyadé » pourrait être un choix des plus originaux. En tout cas, pour ma part, il y a quelques années, et lors des soirées en terrasse, j’ai pris plaisir à le porter alors que je pensais, en le découvrant quelques mois auparavant, que je ne pourrais jamais.
« Ceci est une explosion, une diffraction de la lumière révélant ses couleurs. Des éclats de Lierre, Lilas et Muguet illuminent gaiement une voie lactée de Santal et Musc Blanc. Ceci est le parfum de la Lumière ». Je l’aime depuis que je l’ai découvert il y a quelques années et j’en parle volontiers même si je ne l’ai encore jamais hormis pour l’essayer à travers des visites en parfumeries et des échantillons mais je tourne autour depuis longtemps. Ce qui m’arrête est que quelqu’un dans mon entourage proche l’a adopté et pour toute l’année. Il s’agit bien évidemment de « Ceci N’Est Pas Un Flacon Bleu 1/2 » créé en 2017 par Luca Maffei, qui est l’un de mes parfumeurs favoris, pour Histoires de Parfums. Que dire de ce parfum sinon que son évolution est absolument incroyable et qu’il constitue plus qu’une fragrance, un bijou qui s’adapte à toutes les peaux tout en gardant cette formidable originalité qui fait que l’on ne trouve absolument rien de comparable sur le marché. Il me plait, me ravit, me renverse tant il est hors-norme et je pense que je ferai fi de mes préjugés et que j’irai un jour vers un grand format. Je le porte en écrivant et vraiment sa richesse est une merveille. Après une envolée de lierre et de baies roses un peu déroutante, le coeur de muguet, de lilas et d’ylang-ylang est à la fois riche est frais. Le fond de santal est légèrement rendu plus suave par une vanille discrète et naturelle et les muscs blancs, en toute fin d’évolution, viennent faire leur travail en donnant quelque chose de profond à ce floral riche et complet. Vous l’avez remarqué, je n’ai pas utilisé le mot complexe car toute la sophistication de cette création réside en un mariage harmonieux entre des notes relativement peu nombreuses mais que l’on n’a pas l’habitude de sentir ensemble et ça marche ! Je crois que tous ceux à qui je l’ai fait sentir ont étés à la fois déroutés et séduits. Pour moi, cette promenade dans un jardin à la fois familier et exotique est l’une des plus belles réussites et il peut parfaitement nous aider à passer un bel été.
Il fallait bien un parfum aromatique et j’ai trouvé agréable de partir en Toscane pour une promenade dans un jardin botanique et florentin avec le parfumeur Lorenzo Villoresi qui a lancé, en 1999, l’un des parfums les plus surprenants que je n’avais jamais senti. Il s’agit bien évidemment de « Piper Nigrum » dont je vous ai déjà parlé et qui ne pouvait que figurer en bonne place dans une sélection sur les fragrances atypiques portables l’été. Un départ de menthe, de badiane chinoise, de fenouil et de cresson, un coeur construit autour du poivre avec des notes de clou de girofle, de noix de muscade et de romarin entre-autres et un fond baumé et boisé avec des accents discrets d’ambre et de styrax. S’il évoque un peu les baumes et l’eucalyptus (qui ne doit pas figurer dans la formule je pense), il apporte une fraîcheur poivrée tout à fait surprenante et, en ce qui me concerne, tout à fait addictive. Le créateur le décrit ainsi : « L'odeur du vent du désert qui souffle sur les caravanes de poivrons et d'épices et se charge de tous leurs arômes, se mêle à des notes fraîches et d'agrumes avec un effet d'un raffinement inhabituel. Réminiscences de l'Orient et des marchés face à la Méditerranée. Frais, aromatique, épicé ». Je dois dire que je n’ai pas du tout le même ressenti et que je me retrouve au plus près de Florence et des odeurs d’une Toscane rêvée et aromatique mais le résultat est le même, c’est un parfum atypique, original, qui ne ressemble à rien d’autre de ce que l’on peut sentir. Pour moi, il est l’essence même (sans jeu de mot) de ce qu’est la parfumerie de niche et quand on sait qu’il date de 1999, on peut se dire que, pour les créations de sa marque éponyme, Lorenzo Villoresi a toujours eu beaucoup d’avance sur son temps.
Si quelqu’un a su, au travers de ses créations parfumées, construire une oeuvre artistique unique, inattendue et d’une richesse immense, ce fut bien évidemment Mona di Orio qui, au cours de sa bien trop courte vie, a su imposer, pour sa maison, une signature absolument unique et je ne crois pas être le seul amateur de parfumerie à penser qu’elle avait du génie. Aujourd’hui, hélas, ses créations sont de plus en plus difficiles à trouver. C’est à « Violette Fumée » qui est sorti en 2013, deux ans après sa disparition prématurée que j’ai eu envie de m’intéresser pour cet article. Je me suis laissé dire que ce parfum, elle l’avait un peu inventé pour elle et je dois dire que j’étais un peu réticent à le découvrir car j’avais trouvé que depuis le changement de flaconnage, d’infimes différences dans la collection Les Nombre d’Or mais j’ai eu l’opportunité de l’essayer il y a quelques années d’une manière assez longue et je l’ai adoré. On y reconnais tout à fait l’originalité du travail inouï de cette créatrice hors-norme. Il est décrit ainsi : « La violette se développe en une fumée poudrée et gourmande, puis monte en puissance alors que des notes épicées et savoureuses de safran aphrodisiaque et de bois de gaïac fumé communiquent avec les fleurs et commencent à s’enflammer ». On est emporté par un départ de bergamote de Calabre et de lavande méditerranéenne, un coeur de mousse de chêne des Balkans, de fleurs et de feuilles de violette égyptienne poudrée par une rose de Turquie finement travaillée. Le fond de vétiver d’Haïti, de sauge sclarée, d’oppoponax et de myrrhe de somalie enveloppée de cashmeran renforce le côté atypique de le fragrance. Comme toujours, le soin apporté par la créatrice à la recherche des plus belles matières premières, naturelles et synthétique se sent tout au long de l’évolution du parfum sur la peau. Je le trouve à la fois complètement hors-norme et d’une élégance infinie. Il est un peu le successeur de « Carnation » qui n’existe plus et que j’aimais tellement.
Qui a dit que l’Artisan Parfumeur était une marque un peu dépassée ? Et bien ceux qui le pensent ont tort, je le dis et le répète. Je trouve que, 45 ans après sa création, la maison a su, non seulement conserver des musts de l’originalité et de la modernité tels « Bois Farine » ou encore « Dzongha » par exemple mais que, ces dernières années, les parfums qui sortent me surprennent encore et toujours. J’aurais pu évidemment parler de la merveilleuse collection Botanique signée Daphné Bugey que j’aime énormément mais je ne vais pas radoter et j’ai remis mon nez dans un parfum sorti en 2020 et composé par Alliénor Massenet. Que penseriez-vous d’une vanille boisée et salée par les embruns comme si les gousses avaient voyagé par la mer ? La marque le décrit ainsi : « C’est un peu l’odeur d’une odyssée. Un voyage au long cours sans les caprices météo ni les vents mauvais, sans la voile qui claque et le soleil qui tape. En feuilletant un atlas comme on lirait un roman d’aventures, le parfumeur Aliénor Massenet a soudain rêvé de l’union homérique entre le souffle d’une vanille chaude et sensuelle et celui des alizés : « Les images commençaient à peine à se dessiner et j’ai senti une gousse de vanille, simplement habillée de bergamote, d’immortelle, de benjoin et de baume tolu, sur laquelle passerait une brise salée et iodée, légère comme une caresse. Toute l’histoire était déjà là… ». Comme un navigateur qui aurait conquis son Graal en passant le cap Horn, le parfumeur réalise un rêve un peu fou en composant le parfum d’un voyage qui n’a jamais eu lieu. Enfin, peut-être pas. Qui sait ? ». Lorsque ce parfum est sorti, Noëlle, de la Parfumerie Zola à Lyon m’a dit, « il faut absolument que tu l’essayes » ! J’étais très réticent car je suis loin d’être un amateur de vanille mais alors celle-ci est tellement travaillée et atypique que je ne pouvais qu’être séduit. Il ne faut pas chercher un jus ancré dans la tradition orientale de la parfumerie à la française mais bien un parfum d’une modernité absolue. Un départ de fleur de sel, un coeur d’immortelle et un fond de gousse de vanille de Madagascar dont on sent la qualité extrême alors que le parfum se développe sur la peau. Certes, « Couleur Vanille » est atypique comme bien souvent les parfums d’Aliénor Massenet, mais il reste facile à aborder et son côté très contemporain n’en font ni un parfum de mer, ni une vanille à l’ancienne. Il ne ressemble à rien d’autre et je ne peux qu’être séduit.
Voilà pour cette première sélection plutôt été. Je réfléchis à une suite à cet article pour l’automne car j’ai fait pas mal de découvertes ces derniers mois et pas seulement parmi les nouveautés. Je voulais tout d’abord sortir des sentiers battus et vous emmener dans des univers parfumés différents, parfois auxquels on ne penserait pas mais qui peuvent nous emporter vers d’autres horizons en cette période de vacances présentes ou à venir. Le temps mitigé de cette année est peut-être aussi propice à faire des découvertes qui nous auraient rebutées lors des canicules des ces derniers étés. En tout cas, j’espère que vous aurez envie de mettre votre nez dans ces fragrances originales et même singulières comme j’ai eu plaisir à les sentir à nouveau et même à les réessayer pour écrire cet article.
Mes Tops Fragonard
Plusieurs d’entre-vous me demandent régulièrement de leur parler de la maison grassoise et ancestrale Fragonard mais j’avoue qu’il m’a fallu trouver un biais pour l’aborder tant les collections sont importantes. Très prisées des touristes mais aussi de pas mal d’inconditionnels, cette maison dont la plus ancienne création encore distribuée remonte à 1928 présente plusieurs avantages : tout d’abord, les prix sont très attractifs malgré le fait que la maison se soit entourés de parfumeurs de renoms tels Daniela (Roche) Andrier, Celine Ellena, Sonia Constant, Jean Guichard, Nathalie Gracia-Cetto, Vanina Muracciole et Carine Bouin, ensuite les tenues en eau de parfum et en extrait sont excellente, les créations sont simples mais généralement bien réussies et les packagings sont ravissants ce qui permet d’offrir des tas de produits parfumés de bonne qualité et extrêmement bien présentés à son entourage. Les boites et flacons sont toujours spectaculaires et réjouissants. Les créations sont réparties dans dix collections à ce jour. J’ai eu envie d’en explorer plusieurs et de parler de mon préféré dans celles que je connais. J’ai donc sélectionné sept parfums qui sont mes tops dans la marque dont le catalogue est vraiment très étendu. Nous avons, à Lyon, un point de vente. À Paris et dans le sud, nombreuses sont les boutiques en nom propres. Fragonard propose également la visite d’un musée près de l’Opéra de Paris. Je dois dire que je me suis plongé, ces dernières années, avec plaisir dans plusieurs créations de la maison et je vais essayer de vous en parler de mon mieux.
Dans la collection Les Boisés, j’ai porté pendant longtemps « Patchouli » dont je n’ai pas pu trouver « l’année de naissance » mais qui m’a ravi et qui m’a attiré nombre de compliments. Décrit ainsi par la marque, « La distillation des feuilles de patchouli nous livre un parfum boisé agrémenté en tête d'orange amère, de gingembre et de petit grain du Paraguay. Il révèle un coeur parfumé de rose, relevé de carvi soutenu de musc et de fève de tonka » est bien moins simple qu’il n’y parait. Son départ de petitgrain, de gingembre et d’orange amère donne tout de suite envie d’en sentir plus et nous amène sur un coeur de patchouli bien évidemment relevé par la graine de carvi et légèrement poudré par la rose puis le parfum est soutenu par du bois de cèdre et des muscs et arrondi délicatement par la fève tonka. Il en résulte une eau de toilette à la fois dense et capiteuse dont la tenue est absolument impeccable et qui distille ses notes de patchouli tout au long des heures où nous le portons. Je me souviens que, lorsque j’ai porté « Patchouli », tout le monde, sans exception et y compris les copains passionnés de parfums qui l’ont senti, m’en a fait des compliments. Pour moi, c’est vraiment un incontournable, peut-être plus encore que la fleur d’oranger qui est le best de la marque. Il n’est ni trop terreux ni trop sucré, c’est un bel équilibre.

J’ai eu un gros coup de coeur pour la collection Les Jardins de Fragonard débutée en 2013 qui mettent en avant deux notes dans un flacon décoré et très coloré. En 2018, j’avais beaucoup aimé la sortie de « Grenade Pivoine » qui figure un peu un jardin persan. Ce floral fruité est d’une belle délicatesse. La marque le décrit ainsi : « Fruitée en tête de grenade et de poire, fleurie en coeur de pivoine et d'absolue de rose, boisée de cèdre et de chêne en fond : l'eau de parfum Grenade Pivoine invite à l’évasion ». L’envolée est résolument fruitée avec des notes de poire, de bergamote bien sûr mais aussi la facette un peu acidulée de la grenade, le coeur de pivoine est renforcé par un très bel absolu de rose et le parfum est soutenu par des notes discrète de chêne et de cèdre. Sur ma peau, je l’avais trouvé d’une belle longévité mais surtout j’avais beaucoup aimé cette évolution très pivoine, entre rondeur et fraîcheur. Là encore, je trouve qu’il y a quelque chose de joli et de tendre avec un équilibre parfait. Je trouve que, s’il est un peu féminin, il est tout à fait portable pour un homme et j’aime beaucoup son petit côté addictif.
Lancé en 2006 dans la collection des Pochons, « Diamant » existe en eau de toilette, en eau de parfum et en extrait et je trouve que c’est l’un des plus jolis féminins de la maison. En tout cas, il me plait beaucoup et je suis toujours très content de le sentir et le re-sentir. En eau de toilette, la marque le décrit ainsi : « Eclatant d'un éblouissant mystère, Diamant laisse un sillage brillant de convoitise. Fruité de mandarine et d'orange en tête, voluptueux de rose, jasmin et prune en coeur, il repose sur un fond vanillé de patchouli, de musc et de caramel » et en parfum, il présente de légères différences : « Eclatant d'un éblouissant mystère, Diamant laisse un sillage brillant de convoitise. Fruitée de mandarine et d'orange en tête, voluptueux de rose, jasmin et prune en coeur, il repose sur un fond vanillé de patchouli, de musc et de caramel. Découvrez le nouvel écrin de ce pur joyau féminin… ». Pour ma part, je trouve les deux versions fort élégantes et agréables à sentir même si ce n’est pas une création d’une très grande originalité. Dans les deux versions, il s’ouvre sur des notes de mandarine, d’orange mais aussi de poivre, son coeur de jasmin, de prune confite et de rose est particulièrement joli et le parfum est, en quelque sorte « orientalisée » par un fond de patchouli, de vanille, de musc mais aussi de caramel (dont on parle mais que je ne sens pas forcément). C’est ce qu’on pourrait appeler un floriental. Je l’aime bien. Il est vraiment très joli et j’ai pu le sentir porté en eau de toilette, sa tenue semble assez suffisante.
Créé en 2009 par Sonia Constant que l’on ne présente plus sur ce blog, « Étoile » existe également en eau de toilette, en eau de parfum et en extrait et fait partie de la collection des classiques féminins. « Protectrice, l'étoile de Digne était portée par les provençales comme un talisman, c'est aujourd'hui une fragrance enchanteresse…bergamote, citron, pomme, gingembre, gardénia, muguet, jasmin, bois de cèdre, ambre, musc » c’est en extrait que je préfère cette création que je trouve vraiment comme une explosion de fleurs et de notes dont l’association peut sembler curieuse. Une envolée de bergamote, de citron, de pomme et de gingembre, un coeur de gardénia, de muguet et de jasmin pour finir sur un fond ambré et bois de cèdre avec des notes musquées donnent un parfum simple mais tout à fait élégant. Je trouve qu’il soutient parfaitement la comparaison avec des créations plus onéreuses pour d’autres marques. Je trouve que « Étoile » préfigure bien le style de Sonia Constant telle qu’on le retrouvera dans ses créations pour Tom Ford, Les Liquides Imaginaires mais aussi sa propre marque Ella K. Pour moi, c’est un très joli petit plaisir à découvrir et redécouvrir.
Lancée en 2017, la collection Tout Ce Que J’Aime est résolument inventée pour être « la niche » de Fragonard avec pour postulat de mettre en avant une matière première. J’avais craqué pour « Mon Poivre » mais aussi « Mon Lys » tous deux créés par Céline Ellena Nezen dont j’aime beaucoup le travail (il n’y a pas de hasard) et qui sont, pour mon goût, ex-aequo. J’ai eu beaucoup de mal à les départager mais je connaissais mieux « Mon Poivre » que j’ai pas mal porté en 2020 et, en attendant de m’approprier un jour « Mon Lys », il m’était plus logique de le choisir. La marque le décrit ainsi : « Une eau de parfum racée et originale grâce aux essences naturelles de poivre noir, de bois de cèdre et de feuilles de patchouli. Dans son flacon aux lignes épurées et élégantes, le vaporisateur de l'eau de parfum Mon Poivre de la gamme TOUT CE QUE J'AIME diffuse une brume de gouttes ultra-fines pour mieux doser et exhaler sa senteur ». Avec un départ ultra frais et épicé de baies roses et de cédrat, l’essence naturelle de poivre noir est, au coeur, conjugué avec de l’angélique et le côté légèrement poudré de la violette pour se poser sur un fond d’essence de cèdre et de feuilles de patchouli ainsi que des muscs blancs propres et poudrés. La marque le décrit comme un masculin mais, pour moi, il peut séduire des femmes dynamiques et pleines d’énergie qui veulent quelque chose qui leur ressemble. Un petit bémol toutefois, sa tenue est assez limitée. Je l’ai un peu regretté tant je l’ai aimé.
Plusieurs créations de la collection Les Classiques Masculins sont très prisées de la clientèle de la maison mais j’ai choisi la très sage « Eau de Hongrie » crée en 1979 car, classique parmi les classiques, elle m’est apparue comme la plus réussie. Une envolée de bergamote, de lavandin et de melon d’eau, un coeur de muguet, de galbanum et de jasmin sur un fond de ciste, de cèdre et d’ambre, cette « Eau de Hongrie » est décrite ainsi par la marque : « L’eau de Hongrie est une formule du XIVè siècle qui accorde de doux accents de bergamote et de jasmin, sur un fond chaleureux d’ambre et de ciste. Authentique et intemporelle, son élégante sobriété ne peut que séduire ». Ce boisé ambré est certes très classique, un rien consensuel mais je lui trouve quelque chose de chic et de facile à porter à la fois. Je n’ai pas été tellement séduit par cette collection et ce parfum fait exception à la règle car je me dis que je pourrais parfaitement me l’approprier. J’ai beaucoup aimé le redécouvrir il y a quelques années lorsque la collection est arrivée à Lyon. Je trouve que c’est un bon compromis et une alternative très qualitative à nombre de masculins que l’on trouve dans le circuit sélectif.
La collection Les Fleurs du Parfumeur est née en 2020 et c’est un an plus tard qu’est lancé « Beau de Provence » ainsi décrit par la marque : « Sur une note de tête acidulée de pamplemousse, associée à un irrésistible duo figuier-bergamote, cette eau de toilette offre un coeur rafraîchi de menthe aromatisé de basilic et fleuri d'ylang-ylang. Le fond déploie des notes nomades de cèdre d'Atlas, de patchouli indonésien, de santal et de vétiver de Java ». Si je trouve que toute la collection est jolie, j’ai eu un petit coup de coeur pour cette création-ci. Après une envolée de fleur de figuier, de pamplemousse et de bergamote le coeur est construit autour de l’ylang-ylang rehaussé de notes de menthe et de basilic. Le fond de cèdre, de patchouli et de santal entoure un vétiver bien présent pour constituer un parfum énergisant et très bien réalisé. De toutes les créations que j’ai sélectionné, « Beau de Provence » est sans doute la plus singulière. Je l’ai découvert il y a quelques mois et je l’ai beaucoup aimé ce parfum. Il a quelque chose d’intemporel et de très androgyne, juste comme j’aime. Il est impeccable et addictif. J’espère qu’il rencontrera un grand succès.
Voilà, ainsi s’achève ce tout petit tour d’une maison prolifique et iconique de la ville de Grasse, capitale du parfum. Mes choix sont parfaitement arbitraires et je suis très heureux d’avoir attrapé Fragonard par un angle car je voulais vous en parler depuis longtemps. J’insiste aussi sur la belle qualité des parfums d’ambiance (particulièrement des diffuseurs), les bougies et aussi les lignes de soin car la crème hydratante à la gelée royale est non seulement de très bonne qualité mais dotée d’un parfum, certes fugace, mais très agréable lorsque l’on l’utilise au coeur de l’hiver. Si vous avez un point de vente près de chez vous, allez découvrir la marque ou, si vous passez par Grasse comme je l’ai fait il y a plusieurs années, n’hésitez pas à aller visiter l’usine de fabrication et le musée. Vous passerez un moment passionnant.
Promenade dans mes doses d'essai
Parfois, quand j’ai un moment de libre, je me promène dans mes doses d’essai. J’en ai collecté un certain nombre et je n’ai pas encore tout testé bien évidemment. J’en ai donné pas mal aussi pour essayer de ne garder, parmi celles que j’ai essayé, qu’un échantillonnage de ce qui me plait. Avec l’avalanche des marques de niche à laquelle nous faisons face depuis quelques années et la découverte des collections privées ainsi que des sorties du sélectif, ça fait du monde. Outre le fait, et je vous en remercie, que vous me donniez des pistes, je reçois, lorsque je fais un achat ou simplement que je me déplace en parfumerie, des échantillons qui sont une base de travail pour mon blog (même si pour moi rien ne remplace les découvertes collégiales avec les responsables de boutique ou de stand) tout à fait intéressante et utile. J’en ai sélectionné trois dont j’avais envie de vous parler. Me serais-je fait des envies où non, vous le saurez à la fin de l’article.
Lancé en 2020, « Up To The Moon » est l’un des rares parfums de la maison House of Oud que j’ai aimé découvrir. Je le trouve certes un peu classique mais avec un joli twist qui donne envie d’y remettre son nez. La marque le décrit ainsi : « Up to the moon est une création Carlo Ribero and Cristian Calabrò qui retranscrit la magnifique voix de la Soprano Georgienne Nino Machaide. Une émotion vibrante émane de cette fragrance qui vous touchera autant que les notes perçante de cette talentueuse chanteuse lyrique. La composition est tout aussi nuancée que la voix de Nino : belle, sensuelle, charismatique. La note de framboise met l’accent sur son énergie et la douce note de poire complète ce cœur fruité. Une sublime base d’ambre, ambrette et vanille porte la touche finale, pour une standing ovation que l’on arrête plus » et le story telling n’y est sans doute pas pour rien tant je trouve que l’art du parfum et la musique se rejoignent bien souvent. C’est un ambré fleuri moderne qui s’ouvre avec des notes de cassis, de poire, d’iris, de néroli et de pamplemousse mais, très vite on arrive sur un coeur de magnolia et de jasmin légèrement poudré par une rose de Bulgarie. Le fond est un peu complexe, voire compliqué car, autour de l’ambre et de la graine d’ambrette, on retrouve des accents de muscs et de vanille mais aussi de fruits exotiques de synthèse et de framboise. Sur ma peau, sa tenue est moyenne et son sillage est correct. Si je trouve le départ un peu quelconque, l’évolution est très intéressante et finalement, la complexité voire la sophistication de la formule ressort sur moi. Je le trouve un peu trop fruité par moment mais sinon c’est un parfum qui me plait pas mal. Je le trouve assez joli et réussi. C’est un univers très italien comme le reste des création de la marque et c’est un peu loin de ma zone de confort mais j’ai su l’apprécier.
« Visitant la Cité interdite à Pékin, je fus saisi par une odeur exquise qui me mena par le bout du nez jusqu’au Palais impérial, où fleurissent les osmanthus. En novembre, malgré leur taille minuscule, leurs fleurs exhalent des senteurs d’abricot et de freesia très présentes. De les imaginer associées à un thé du Yunnan, la plus belle province de Chine, naquit l’idée du parfum.» Jean-Claude Ellena. Si je trouve le prix des parfums de la collection exclusive d’Hermès un peu exorbitant, il me faut admettre que les créations de Jean-Claude Ellena puis de Christine Nagel sont toujours vraiment de bon goût et impeccablement réalisées avec juste ce qu’il faut d’excentricité au milieu de leur simplicité. « Osmanthe Yunnan » a été lancé en 2006 et c’es tune très belle interprétation des odeurs de l’extrême-orient. On se croit vite transporté dans un film des années trente se déroulant au bout du monde. Le postulat est un thé à l’orange dans un environnement cuiré comme un salon feutré. Je trouve que c’est une réussite car après un départ d’orange amère, le thé noir et la fleur d’osmanthus s’entremêlent pour donner un parfum limpide et élégant. J’ai adoré le porter ce qui m’a été facile. En effet, j’ai pu l’essayer plusieurs fois compte-tenu de la taille de l’échantillon. J’aime énormément cette création mais je trouve que la tenue et le sillage sont un peu limités. Je l’accepte volontiers. C’est une très belle création que je trouve vraiment pleine de séduction. En tout cas, c’est une très belle création à mi-chemin entre exotisme et élégance à l’anglaise. Je suis séduit. « Osmanthe Yunnan offre un jeu de séduction entre thé, fleurs et fruits. »
Si Sophia Grojsman avait été une star de cinéma, on aurait dit d’elle qu’elle était un monstre sacré et peut-être qu’en parfumerie, c’est ce qu’elle est. On lui doit nombre de parfums très célèbres pour Lancôme ou Yves Saint-Laurent notamment (j’adore « Yvresse » anciennement « Champagne »), Il était donc logique que Frédéric Malle lui demande une création pour sa maison d’Éditions de Parfums qui est un peu comme un équivalent de Gallimar pour les fragrances. Ainsi est né « Outrageous » en 2007. « Danser sur la plage au son des vagues et de la musique brésilienne, une Caïpirinha à la main, parmi les éclats orange et bleus de la nuit tombante. Une explosion de jeunesse faite de bergamote, de mandarine et de pomme verte; un jaillissement luxuriant de cannelle sur un lit magnétique de musc et d’ambroxan » tel est l’inspiration de ce parfum absolument incroyable, complexe, intense et opulent. On reconnait immédiatement la signature de Sophia Grojsman lorsqu’il arrive sous notre nez. Le départ est déjà très étonnant avec des notes de pomme verte et de cannelle associées au côté acidulé de la mandarine. La marque fait l’impasse sur les notes de coeur mais il me semble identifier de la fleur d’oranger. Le parfum est soutenu par un fond musqué et ambroxan qui peut paraître très classique. Sensuel, voire même un peu décadent pour certain, « Outrageous » porte bien son nom mais il porte surtout le style d’une des parfumeuses les plus douées de sa génération. Je n’aime pas genrer les parfums mais pour moi, c’est un grand féminin même si je me demande si je ne pourrais pas le porter… En tout cas, s’il n’est pas l’un des emblématiques de la maison, il mérite d’être découvert et surtout essayé. C’est un bijou.
Alors craquerai-je ou pas ? Et bien non pas dans l’immédiat mais vraiment j’ai adoré écrire cet article mais je ne suis pas certain que l’une de ces créations soit pour moi. En tout cas, ce sont trois très belles créations modernes et atypiques, sophistiquées et élégantes. J’ai beaucoup aimé « Osmanthe Yunnan », il serait sans doute le plus proche de ma zone de confort.
Initio Parfums Privés, The Carnal Blend Collection
Lancée en 2015, la maison française Initio Parfums Privés et plus particulièrement sa collection The Carnal Blend rencontrent, auprès des perfumistas, un grand succès depuis quelques années. J’ai eu l’opportunité de la découvrir grâce à Jessica, fidèle lectrice de ce blog et je l’en remercie car elle excitait ma curiosité depuis déjà un certain temps. Elle se compose de quatre créations très différentes les unes des autres. Je vais essayer de vous donner mes impressions qui sont, comme toujours, tout à fait subjectives et plus globalement, un avis sur la marque. Les parfumeurs derrière ces jus sont Alexandra Kosinski, Pierre-Constantin Guéros, Maurice Roucel, Alberto Morillas, Guillaume Flavigny et Hamid Merati-Kashani. De belles signatures pour des créations présentées dans un packaging absolument magnifique, d’une grande élégance et d’un luxe maîtrisé avec de beaux codes couleurs qui m’a séduit.
Lancé en 2016, « Side Effect » est un parfum dont j’ai beaucoup entendu parler notamment sur YouTube, par Marion de la chaîne YouTube Des Paons Dansent Cent Heures. Il est ainsi décrit par la marque : « L’accord Tabac - Vanille - Rhum - Cannelle de ce parfum relève du sortilège. C’est qu’il trouble les sens les plus avertis en jouant une à une des facettes cuirées, animales et boisées de la gousse de la Vanille. Un vrai coup d’audace… troublant. Les émotions et passions enfouies prennent le contrôle. Le parfum lève le voile sur l’inavouable. Ce parfum passionné a ce don de plonger celui qui le porte dans cet état second où l’on ose tout puisqu’on ne risque plus rien ». Pour moi, c’est un oriental très bien vu mais sans vraiment d’originalité qui va effectivement mettre tout le monde d’accord avec un départ de cannelle et d’hédione, un coeur de rhum et de safran et un fond de tabac, de vanille et de bois de santal. Dans l’absolu, c’est un peu la formule magique de l’oriental vanillé rehaussé d’épices chaudes et de tabac mais, pour être tout à fait honnête, s’il est joli et bien réalisé, il lui manque un petit je-ne-sais-quoi qui fait que je m’arrêterai dessus. J’aime bien l’association du rhum avec le tabac mais je trouve finalement que la vanille prend le pas sur les notes tabac et cuir et du coup, je suis un peu déçu. Vous allez me dire qu’il est hors de ma zone de confort et c’est vrai mais je trouve qu’il manque un peu de ce côté dingue auquel je m’attendais.
Ensuite, j’ai découvert « High Frequency » lancé en 2016 et qui est un peu un duo entre un magnolia très caché et une amande un peu surprenante. Je dois dire qu’il ne m’a pas déplu et qu’il est indéniablement le plus original de la collection de mon point de vue. « Le duo Magnolia - Amande faussement sage prend par surprise. Il fait l’effet d’une vague sonore qui s’immisce en douceur et puis fait monter les décibels sur la peau. L’hédione en overdose joue le rôle du détonateur final ». Évidemment, l’idée de départ me plaisait énormément car je me demandais comment la dualité des notes très aquatique du magnolia pouvait s’harmoniser avec la facette d’amande un peu poudrée par la fleur d’héliotrope et les multiples facettes du jasmin or, lorsque le parfum évolue, je ne sens plus que les notes d’hédione et le côté crémeux du fond de santal. Ça me gâche un peu le plaisir mais surtout me laisse sur ma faim. Si le départ et le développement est un peu original, quand je l’ai re-senti quelques temps plus tard, je n’ai retrouvé qu’un bois de santal un peu senti et re-senti. De ce fait, j’ai trouvé que « High Frequency » ne tenait pas forcément ses promesses et c’est dommage. C’est un peu un rendez-vous manqué alors qu’il aurait du être mon préféré.
« La signature de cette bombe narcotique repose sur trois ingrédients essentiels : Rose, Hédione, Héliotropine. Aussi tendre qu’illicite, cette poudre cristalline cache bien son jeu. Méfiez-vous de ses facettes florales, poudrées et crémeuses, entre la vanille et l’amande » tel est « Psychedelic Love » lancé en 2017 et c’est vrai que c’est le parfum de la collection que je préfère. C’est un parfum très intéressant, plus moderne que les autres, avec quand même un petit revival des parfums des années 80, en tout cas c’est comme ça que je l’ai ressenti. Le départ est très bergamote douce avec un petit accent un peu rond peut-être fleur de frangipanier, le coeur de rose et d’hédione est arrondi par une vanille délicate et pas trop présente et le fond de patchouli amandé par l’héliotropine qui est un peu un équivalent synthétique de la fleur d’héliotrope en encore plus poudré est vraiment joli. En tout cas, il m’a bien plu. En revanche, je ne suis pas du tout certain que la tenue sur ma peau serait suffisante compte-tenu d’un prix qui est tout de même élevé. Par contre, au niveau de la création en tant que telle, je pense vraiment qu’il est le plus abouti de la collection. En tout cas, c’est celui qui a retenu le plus mon attention. Ce n’est un parfum d’une originalité folle mais il a un petit côté addictif qui m’a bien plu.
J’avais également entendu énormément parler de « Atomic Rose » lancé en 2019 et décrit de la manière suivante : « Une rose difractée en un sillage à la puissance phénoménale. Une détonation olfactive à la charge émotionnelle intense. Une sensation grisante d’énergie pure. Jusqu’à l’ivresse. Une fragrance extraordinaire au sens premier du terme. Dès les premiers instants, la rose monte à la tête et fait monter le rouge aux joues. Aussi explosive qu’insaisissable, la rose s’exprime avec force et assume pleinement ses ambiguïtés. Lumineuse, avec ses zones d’ombre. Féminine et masculine. Douce mais sans pitié ». Je suis bien dans une période rose et je dois dire que j’en attendais beaucoup compte-tenu de la pyramide olfactive, une ouverture de bergamote, un duo de rose bulgare et de rose turque (d’ailleurs il y a une belle faute d’accord sur le site) associé au coeur au jasmin d’Égypte pour se poser sur un fond boisé et vanillé. Je m’attendais à une interprétation stylisée et moderne et bien pas du tout. Nous étions plusieurs à le découvrir et nous avons tous étés frappé par le côté très vintage de cette interprétation de la reine des fleurs orientale et facettée certes mais un peu classique par rapport à ce à quoi je m’attendais. Attention, je ne dis pas que ce n’est pas une belle rose mais c’est surtout une manière de revisiter en collant au plus près des classiques, de la rose orientale. Ce n’est pas ma rose mais bon elle est agréable à sentir.
Pour conclure, je suis un peu resté sur ma faim avec cette collection dont le packaging violet-nuit et or m’attirait depuis longtemps. Je me suis peut-être un peu ennuyé mêle si je reconnais que les matières premières qualitative et le savoir-faire des parfumeurs. Ça ma fait penser à une pièce d’Éric-Emmanuel Schmidt, un travail réussi mais pas bluffant d’un auteur qui sait être virtuose. Parfois, j’aimerais être un peu surpris, un peu emmené et ça n’a pas été le cas. Reste que c’est une collection idéale pour les amateurs de parfums qui veulent sortir du sélectif sans prendre de risque. Je trouve juste que, malgré un packaging très attrayant, le prix est trop élevé par rapport à la créativité proposée. Attention, cela n’engage que moi. Je m’attends toujours à ce que la parfumerie de niche me séduise totalement ou mieux, me déroute voire me dérange.
Exquise trouvaille : "Jazz Club"
« La tradition a traversé les époques, immortalisant le nom de ce club de jazz de Brooklyn. Une anthologie de musique classique jouée par des cuivres, entre fauteuils moelleux et tabourets de bar, dans une atmosphère tamisée où l’air embaume les parfums des cocktails posés sur un piano ». Le moins que l’on puisse dire c’est que « Jazz Club » créé par Aliénor Massenet pour la collection Replica de Maison Martin Margiela porte bien son nom. En effet, nous voilà en plein « Cotton Club » enveloppés par les effluves de tabac et de rhum en écoutant une musique envoûtante et passionnante. Résolument moderne et pourtant empreint d’une tradition de la belle parfumerie, « Jazz Club » est sans doute l’un des rares parfums de la marque je pourrais porter même si j’ai eu un joli coup de coeur pour « Matcha Méditation » qui est sorti ce printemps. Je n’ai pas tellement adhéré au reste des fragrances qui sont plus convenues ou trop gourmandes à mon goût mais celle-ci est vraiment magnifique une fois portée. Certes j’en parle maintenant alors que c’est indéniablement un parfum d’hiver mais j’ai remis mon nez dessus et je n’ai pas pu résister à l’envie d’en faire un article. Il ne manque que le son des cuivres pour se retrouver propulsé dans un univers musical et profondément romanesque.
Après un départ de citron primofiore (Le citron Primofiore est une espèce assez récente ; avec les oranges c’est l'un des produits les plus typiques de Sicile. Ce citron diffère des autres citrons pour son gout intense - en raison de la forte acidité de sa pulpe - et pour sa bonne quantité de jus. La peau est de couleur jaune clair, moyennement épaisse et assez fine. Ce fruit commence à mûrir vers fin octobre et continue jusqu'aux premiers jours du mois d'avril. En Sicile il est cultivé dans plusieurs régions, dont les plus importantes se trouvent dans la partie orientale de l’île), de poivre rose et d’essence de néroli, le parfum s’enrichit de sauge sclarée, de rhum, d’essence de vétiver de Java avant de se poser sur un fond construit autour d’une feuille de tabac et d’une note de vanille très naturelle renforcée par le styrax qui lui donne quelque chose d’un peu cuiré. Vraiment j’ai beaucoup aimé essayer ce parfum sur la peau. Aliénor Massenet a inventé un parfum un peu cuiré très différent ce qu’elle a composé pour Maison Rebatchi ou Memo. C’est une toute autre facette de son goût pour les parfums denses et profonds. J’ai vraiment bien accroché.
Mes parfums préférés : "Cuir de Russie"
Il est emblématique de la collection des Exclusifs de Chanel et sa toute première version a été créée par Ernest Beaux en 1924. La maison en explique l’inspiration ainsi : « En 1920, le grand-duc Dimitri s’exile de Russie à Paris, portant en lui les images de la steppe blanche, des fourrures et des crinolines. Charmée par le faste byzantin, Gabrielle Chanel orne ses créations de motifs folkloriques et de broderies dorées. Une empreinte slave qu’elle connut également auprès de ses amis Igor Stravinsky et Serge de Diaghilev, fondateur des Ballets russes ». Je dois dire que « Cuir de Russie », réinterprété par Jacques Polge tout d’abord en 2007 en eau de toilette puis en 2016 en eau de parfum est sans doute l’une des créations de la collection que j’ai toujours préféré. À chaque fois que je mets mon nez dans son actuelle version, je suis séduit et re-séduit. J’en ai parlé à plusieurs reprises mais je ne l’avais jamais évoqué parmi mes parfums préférés et pourtant c’est dans cette rubrique qu’il est le plus à sa place. Je trouve que Jacques Polge a su, avec les sempiternelles contraintes actuelles, rendre ses lettres de noblesse à l’un des premiers parfums de cette famille du marché.
Ernest Beaux
Jacques Polge
« Le style byzantin était l’une des inspirations de Gabrielle Chanel. Le parfum Cuir de Russie évoque cette empreinte slave dans une fragrance aux accents mystérieux de bois fumé. Une fragrance chaude et charnelle, traçant un sillage sophistiqué ». Après un départ très fleur d’oranger avec des notes, je pense de bergamote, le coeur d’ylang-ylang et de tabac est poudré par la rose et revêt des accents jasminés absolument élégants avant de se poser sur un fond de bois de bouleau et de mousse qui lui confèrent quelque chose de sombre, presque résineux. Tour à tour cuiré, fleuri et poudré, ce parfum très complexe me séduit toujours autant et je dois dire que je l’aime énormément. Il m’est bien difficile de faire des choix dans cette collection privée que je considère comme la plus intéressante mais « Cuir de Russie » a été mon premier coup de coeur et il est celui que j’ai le plus facilement apprivoisé. J’en aime plein d’autres mais je reviens toujours à celui-ci. Avec la sortie du dernier né, « Le Lion », j’ai remis mon nez dans les Exclusifs et comme je me suis fait plaisir !
Le flacon de l'extrait de parfum
Les Eaux Primordiales, la collection Supercritique
Une collection entière consacrée aux fleurs les plus emblématiques interprétées en six fragrances ainsi est la collection Supercritique de la maison Les Eaux Primordiales et j’ai pris le temps de les sentir et de les respirer pour essayer d’en faire une revue. Je suis assez amateurs de parfums floraux et j’étais très désireux de découvrir ces créations. Je dois dire que la plupart sont déroutantes et ne nous emmènent pas forcément dans l’univers des fleurs dont elles portent le nom en tout cas pour moi. Déception, emballement ? Je ne saurais le dire. En revanche, j’ai trouvé ces parfums intrigants et construit comme autant d’expression olfactive artistique. Je pense que les parfumeurs n’ont pas du être loin de la carte blanche. Globalement j’ai été assez inspiré par cette collection car elle est un peu clivante et parfois ça fait du bien de se dire que la créativité parfumesque peut encore créer une réaction tranchée.
Mon premier est « Magnolia Supercritique ». Je suis très attiré par cette fleur en parfumerie et j’ai commencé par elle. Je m’attendais à retrouver la fraîcheur de cette fleur et même son côté aquatique que je connais bien et que je sais apprécier et bien pas du tout. « Inspirée des peintures naïves du douanier Rousseau, cette fleur primordiale aux allures de Vahiné évoque la beauté d'une jungle luxuriante. ylang-ylang, vanille et osmanthus révèlent toute la délicatesse de ce nectar flamboyant. On s'imprègne de ce parfum comme on se baigne dans les eaux turquoises d'une île tropicale » tels sont les mots de la marque pour décrire ce parfum. Il est vrai que ce que j’ai ressenti en découvrant ce parfum rond, presque gourmand m’a déstabilisé car je ne m’attendais pas du tout à cela. L’envolée, très fugace est indéniablement la fleur d’osmanthus pour moi et je n’ai pas du tout senti la fleur d’oranger qui est une note qui me dérange un peu. Le coeur est résolument exotique avec un duo de fleur de frangipanier et d’abricot arrondi encore par la figue et le fond d’ylang-ylang et de vanille. Je n’ai absolument pas trouvé de note de magnolia mais pourquoi pas car après-tout c’est une interprétation. Peut-être ai-je été trop surpris mais je n’ai pas vraiment accroché sur cette évolution opulente, sans fraîcheur et très ronde mais je ne disconviens pas que ce soit une belle invitation au voyage.
Mon second est « Champaca Supercritique » créé par Arnaud Poulain en 2018. Ma première réaction a été une terrible répulsion sur les notes de tête. L’envolée est terriblement aldéhydée et amère avec des notes de pamplemousse et de bergamote, le coeur est rond avec le cyclamen que je sens beaucoup mais aussi cette fameuse champaca si particulière qui prend le pas sur la prune et le jasmin. Le fond est presque cuiré avec des accents de ciste labdnanum et boisé avec le côté crayon fraîchement taillé du cèdre. C’est un parfum déroutant que la marque décrit ainsi : « Cette cousine indienne du jasmin, mystique et envoutante est utilisée en offrande lors de cérémonies hindoues. Les notes fruitées de prune et de cassis enveloppées de résine de labdanum, encensent cette fleur sacrée et invoque le divin ». Pour être honnête, je me suis dit « qu’est-ce que c’est que cette horreur ?? » après la vaporisation mais très vite le parfum a évolué, il s’est transformé, la champaca qui est, je crois une variété de magnolia prend toute la place et se révèle à mon nez pratiquement solinote à un moment M de l’évolution puis le parfum se facette, change encore et se fait un peu cuiré. Je l’ai trouvé très intéressant finalement et, même s’il n’est pas forcément pour moi, j’ai pris plaisir à le sentir changer sur ma peau.

Mon troisième est « Gardénia Supercritique » créé en 2018 toujours par Arnaud Poulain. Allez savoir pourquoi, j’avais l’idée de retrouver le gardénia des parfums d’Isabey, de Chanel ou de Creed et, encore une fois, le parfumeur m’a perdu avec une interprétation presque chyprée de cette fleur envoûtante qu’il décrit ainsi : « Cette fleur blanche originaire des tropiques est ici sublimée par une parure gourmande. Infusée dans un lait vanillé, elle laisse entrevoir des arômes de fruits rouges et de poire. Le patchouli en note de fond élève sa splendeur et offre un parfum inoubliable ». Je dois dire que j’attendais beaucoup de cette construction olfactive mais elle m’a un peu laissée sur ma faim. Le départ de bergamote est un peu envahi par le poivre rose et surtout la rose, le coeur de jasmin et de gardénia aurait pu me plaire sans cette note de framboise que je trouve parfaitement incongrue et le fond de patchouli et de santal un peu rassurant est presque cuiré par une note de safran. Je n’ai pas vraiment adhéré mais je reconnais que la création est intéressante, inattendue et atypique et c’est ça aussi la parfumerie de niche. Je ne pourrais pas porter « Gardénia Supercritique » mais c’est une découverte.

Mon quatrième est « Mimosa Supercritique » créé par Amélie Bourgeois et Arnaud Poulain en 2019 et cette fois j’ai bien retrouvé la note principale. J’ai retrouvé la note d’aldéhyde en tête qui semble être un peu la signature des parfumeurs de la marque et qui est associée ici au cyclamen, à la bergamote et au néroli mais très vite le coeur de jasmin, de tubéreuse et de fleur d’oranger pose un peu la fragrance avant de se renforcer par le côté poudré du mimosa et des muscs blancs avec une pointe d’ambroxan. La marque le décrit ainsi : « Évocation d'un mariage en Méditerranée à la fin de l'hiver. Les dernières neiges se posent sur le mimosa en fleurs comme un nuage de sucre glace. La bergamote et le néroli annoncent l'arrivée de la jeune mariée, belle et ingénue, dans sa robe blanche. Les notes de cyclamen et de fleur d'oranger annoncent la couleur, teintée de pureté et d'élégance. Quelques effluves de jasmin et de tubéreuse s'échappent de ce bouquet solaire et délicat et le printemps est là ». Pour moi, c’est un joli classique mimosa mais je n’ai pas trouvé qu’il se démarquait tellement. Je n’ai pas vraiment été séduit. Je crois que j’ai eu un peu de mal à passer outre les notes de tête qui ne me plaisaient pas tellement. Je pense toutefois que ce parfum va plaire au amateurs de mimosa.

Mon cinquième est « Rose Supercritique » créé en 2018 par Arnaud Poulain. « Premier parfum né de la collection Supercritique, la rose, fleur en majesté est ici réinventée dans un palais oriental. Les notes de thé aux épices, d'encens et de vanille donnent à cette rose l'allure d'une reine de Saba voluptueuse et sensuelle ». Je dois dire que ce parfum est sans doute celui, contre toute attente, que j’ai préféré. Une rose cachée, enveloppante et épicée qui ne ressemble à rien de ce que j’avais pu découvrir avant. L’ouverture de baies roses et de bergamote, le coeur de rose enveloppé de cassis et de cardamome et le fond de myrrhe, d’encens et d’ambroxan n’auraient jamais du me plaire mais, magie de la parfumerie, cette composition a matché avec ma peau. Une pression sur le dos de ma main et j’ai été emporté dans un thé oriental, vert et épicé. Pour moi, la rose est un peu anecdotique dans ce parfum et je serais tenté de dire « tant mieux ». Je l’ai trouvé bien agréable, artistique et bien vu. C’est un très joli parfum oriental, facile à s’approprier et en même temps d’une grande singularité.

Mon sixième est « Tubéreuse Supercritique » : « Le parfum de cette fleur mexicaine est le plus puissant du règne végétal. Cette reine blanche nous invite dans son temple où le jasmin et l'ylang ylang dansent avec le bois de santal et le patchouli pour nous offrir le plus beau ballet. Opulence et audace siègent dans ce sillage extraordinaire ». Depuis quelques années, la tubéreuse revient en force dans les parfums de niche et les autres. Elle peut-être travaillée de mille et une façon et son côté enveloppant et un peu médicinal plait ou déplait. Pour ma part, j’apprends à l’apprivoiser et je peux même dire que je l’apprécie depuis peu. J'ai été très attiré par « Tubéreuse Supercritique ». Le départ agrumes et aldéhydes est alourdi par l’accord lait d’amande, le jasmin et l’ylang-ylang que je trouve très inattendu et qui cache un peu la tubéreuse. Le fond très lacté du santal pourrait être difficile mais la présence de patchouli et de muscs blancs l'équilibre parfaitement. Finalement, je le trouve presque cuiré et je pense que c'est mon coup de coeur de la collection.

Si je n’ai pas été emballé par la totalité de la collection Supercritique (ce qui est normal et même souhaitable) je lui reconnais une qualité : l’originalité. Je pense que c’est aussi et surtout ça la parfumerie d’auteurs. Vu la profusion de marques on tourne parfois un peu en rond et on verse un peu trop dans le consensuel, ce n’est pas le cas pour cette ligne. Elle est clivante et les parfums sont de vrais partis pris. Est-ce que j’en porterais un si j’en avais l’occasion ? Oui et ce serait sans doute « Tubéreuse Supercritique »…
Exquise trouvaille : "Un Jardin après la Mousson"
« Expression sereine de la nature renaissante après les pluies de la mousson. Un Jardin après la Mousson explore les facettes d’une Inde inattendue, lorsque la mousson rend à la terre ce que le soleil lui a pris et chasse le souffle brûlant de la sécheresse. Gingembre, cardamome, coriandre, poivre et vétiver racontent la renaissance de la nature, saisie au Kerala dans un univers gorgé d’eau. » Jean-Claude Ellena. C’est à Marion de la chaîne YouTube Des Paons Dansent Cent Heures que je dois la découverte de ce jardin d’Hermès et je l’en remercie. Elle était dithyrambique et à juste titre pour cette création de Jean-Claude Ellena lancée en 2008 et qui, il faut le dire, a disparu depuis déjà un certain temps des rayons du circuit sélectif. Étant un inconditionnel de la collection, il me fallait absolument le découvrir et, mieux, l’essayer. Je ne suis absolument pas déçu car c’est une très belle invitation au voyage. Je ne sais pas s’il m’emmène en Inde mais en tout cas, à travers le monde. Délicat, poétique, c’est un très beau parfum vraiment. Peut-être qu’il arrivera à supplanter « Un Jardin sur le Nil » et « Un Jardin sur le Toit » qui sont mes préférés. En tout cas, je le trouve absolument addictif.
La marque le décrit ainsi : « Un jardin de sérénité, saisissant et apaisant, où la fraîcheur du gingembre papillon se mêle à la spontanéité des épices froides » et je crois que, si tout n’est pas dit, et bien il y a une bon résumé dans cette phrase de ce que j’ai ressenti. La part belle est faite aux épices et aux notes aquatiques tout à fait typiques de la signature très aquarelle de Jean-Claude Ellena. Une formule courte, une transparence délicate et un quantité de nuances absolument incroyable. Très aquatique sans être marin, légèrement fleuri et épicé c’est un équilibre parfait. Sur ma peau, il tient remarquablement bien ce qui n’est pas toujours le cas et je suis complètement convaincu par ce parfum. Il est une alternative tout à fait élégante à celles et ceux qui veulent passer un été rafraîchissant mais qui en ont assez des sempiternels hespéridés. En tout cas, encore un magnifique Jardin d’Hermès. Vraiment, cette collection est à ne pas manquer.
De belles découvertes et redécouvertes
C’est encore grâce à Jessica et aux copains parfum que j’ai découvert quelques pépites que je ne connaissais pas. Je ne résiste absolument pas à vous en faire profiter. J’ai donc fait une redécouverte et trois découvertes qui m’ont titillé les narines et je dois dire que j’avais envie d’en parler tant que je les ai bien en tête. Ce sont des petits coups de coeur qui font plaisir et qui donnent envie de faire d’autres essais. En tout cas, merci à tous pour votre collaboration car mon blog ne serait pas aussi riche et aussi fourni sans mes lecteurs et mes copains qui me stimulent tout le temps. Je vous emmène donc dans des univers parfumés divers et variés qui me réjouissent et me font dire que la parfumerie de niche existe toujours bel et bien même s’il faut chercher activement de belles et originales fragrances.
Le premier parfum, et j’en remercie mon ami Jérôme de me l’avoir remis récemment sous le nez, est « Sésame Chân » créé par l’excellente Sophie Labbé pour la très belle marque franco-britannique Anima Vinci à laquelle j’ai consacré un article complet il y a quelques mois. Je me souviens de sa sortie et de la manière dont il m’avait bluffé. La marque le décrit ainsi : « Emportez avec vous une bouffée de zen - de doux rappels de bonheur animés par les graines de sésame, dont l'arôme s'intensifie à mesure qu'elles rôtissent. Un parfum de noisette qui calme l'haleine et une base boisée pour ancrer l'esprit. Sesame Chān est une expérience méditative que vous pouvez porter tous les jours ». Il s’inscrit dans la démarche spirituelle de la marque mais, au-delà de ça, porté, il est absolument merveilleux d’inventivité et d’une élégance moderne qui sort complètement des sentiers battus. J’avais déjà senti la graine de sésame dans d’autres parfums mais, associée avec un départ de gingembre, de noix de cajou et de noisette, le coeur de sésame grillé et de graine de carotte, se pose avec un chic fou sur un fond de vétiver d’une très belle qualité que l’on sent indéniablement au cours de son évolution. C’est carton plein pour « Sésame Chân ». Il n’est pas facile à trouver car je crois que l’Atelier Parfumé à Lyon en possède toujours l’exclusivité pour la France (à vérifier) mais la marque, et particulièrement ce parfum-là est à découvrir.
Décidément, je la trouve fascinante la maison canadienne Zoologist ! Plus je découvre ses créations plus je me dis que la parfumerie de niche a encore de beaux jours devant elle. J’ai découvert « Panda » créé par Christian Carbonnel et lancé en 2019. Quel plaisir jubilatoire de sentir de tels parfums. Un départ de pomme, de magnolia, de lys, d’osmanthus et de thé, un coeur d’ambre sèche, de bambou et de notes terreuses associées à un iris poudré et renforcée par le patchouli, le tout adouci par un jasmin un peu vert. Enfin, le parfum se pose sur un fond de civette (évidemment recréé artificiellement et non pas prélevée sur l’animal), de musc tonkin (idem), de santal et de vanille. J’ai re-senti la touche des heures après et l’évolution même sur le carton est absolument démente. Je suis fan, il n’y a pas à dire. Ce parfum mystérieux est supposé recréer l’habitat du panda et en extraire l’atmosphère avant de la transcender pour que l’humain puisse la porter. C’est une réussite indéniable. J’ai trouvé une description qui me semble très adaptée à mon ressenti : « Son créateur, Christian Carbonnel, créé "Panda" car cet animal aussi léger qu'enjoué vous donne une énergie et une émotion de tendresse. Son parfum de douceur s'ouvre sur le magnolia, le thé, la mandarine et se confirme sur des notes de cœur d'ambre, de bambou, de patchouli. Dans une grande cohérence, le fond est composé de musc, de bois de santal, et de vanille. Un parfum oriental qui vous invite à une étreinte joyeuse ». À ce jour et à ma connaissance, cette maison canadienne est vendue en exclusivité en France à la Parfumerie de Megève.
C’est dans un Londres trépidant que j’avais découvert, il y a quelques années, il me semble chez Harrod’s ou chez Fortnum & Mason je ne sais plus, la marque Ormonde Jayne qui était un peu en dehors de mes moyens mais qui m’avait quand même bien plu. Créée au début des années 2000, cette maison est très intéressante et je n’en n’avais jamais parlé car je n’avais pas pu remettre mon nez dans une des créations. C’est donc avec plaisir que j’ai découvert « Privé » lancé en 2018 et décrit ainsi par la marque : « Privé est un parfum complexe qui intègre des huiles de la collection privée d'Ormonde Jayne. Les touches de riz basmati et de baies roses se marient avec un coeur de gardénia, magnolia et jasmin. Portez-le, aimez-le, soyez Ormonde Jayne ». Un départ de riz basmati, de bergamote, de coriandre, de freesia, de mandarine, d’osmanthus, de petit grain et de poivre rose, un coeur floral construit autour du magnolia avec des notes de gardénia et de jasmin rehaussé par la sauge et le cassis et un fond d’ambroxan, de muscs blancs, de santal de tonka et de vanille, c’est un parfum résolument complexe, construite d’une manière très étonnante et qu’il faut attendre un peu avant d’apprécier. Imaginé par Geza Schoen et Linda Pilkington, il n’a tout d’abord pas forcément retenu mon attention et, en le redécouvrant à la toute fin de son évolution, je l’ai trouvé riche, facetté, comme si le parfum fleuri avait été réinventé. Il n’est pas vraiment lourd pourtant je le crois assez puissant, il n’a pas l’air aussi original que l’on penserait et il le devient. Oui c’est un beau parfum qui me donne envie de découvrir d’autres références de la marque. J’espère le faire prochainement. Il n’est peut-être pas « mon » Ormonde Jayne mais il est une belle entrée en matière pour susciter l’envie d’en sentir plus de la marque.
« White Peacock Lily » a été créé par David Seth Moltz pour sa marque D.S. & Durga dont je vous ai parlé il y a quelques semaines et il a été lancé en 2016. Il m’avait échappé et je l’ai découvert très récemment. Il est vraiment dans ma zone de confort et je ne pouvais qu’accrocher. La marque en parle ainsi : « La pièce qui a inspiré ce parfum est intitulée "The White Peacock" de Fiona Macleod. Dans la musique l'auditeur peut entendre les coquelicots blanc crème, les mers de fleurs et surtout le glissement noble et silencieux du grand oiseau qui flotte au-dessus des champs de fleurs. Le parfum est composé autour du lys qui devait flotter au-dessus des champs de violettes, évoquer le brouillard lointain et le laurier-rose du poème. Le lys est rendu plus onctueux avec le jasmin élégant de l'Égypte, de l'Inde et de la France. Plus blanc avec des muscs d'ambrette et plus crémeux avec de l'extrait d'ambrette liquide. La violette et la rose Otto aident à prolonger la fraîcheur de l'accord de bergamote et de melon ». Après un départ d’écorce de pamplemousse, le coeur, construit autour du lys, du jasmin et de la violette blanche est résolument floral. Il me rappelle beaucoup la tubéreuse. Le fond est composé de graine d’ambrette et de vanille. Le résultat est un parfum très solaire, très facetté et d’une élégante modernité qui sied à merveille à cette maison new-yorkaise extrêmement urbaine et contemporaine. Je dois dire que j’ai adoré ce parfum qui a dépoussiéré la tendance aux parfums d’été. Il est très étonnant et son évolution oscille entre ma zone de confort et quelque chose que je ne connais pas du tout. C’est également un petit coup de coeur.
Parfois, ça me fait du bien d’être surpris, dérouté et même séduit d’une manière irrépressible par des parfums que je ne connaissais pas du tout ou que j’avais un peu oublié. C’est le cas. De « Sésame Chân » que j’ai retrouvé avec plaisir à « White Peacock Lily » que je ne connaissais pas, en passant par « Privé » et « Panda », j’ai alimenté ma passion avec de très belles découvertes. Je me suis fait plaisir et j’avais envie de vous le transmettre.
Exquise trouvaille : "Roses on Ice"
Je suis un peu réfractaire, en règle générale (exception faite de « Liaisons Dangereuses ») à l’univers de Kilian mais j’ai découvert, l’an dernier, que je pouvais aussi beaucoup aimer « Roses on Ice » créé par Frank Voelkl. Je vous en avais d’ailleurs parlé à sa sortie et j’ai remis mon nez dedans récemment. Il est vraiment super joli et original. La marque le décrit ainsi : « Pour le duo Roses on Ice et Angels' Share, Kilian s’inspire des liqueurs qui renvoient à son héritage Hennessy. Roses on ice évoque la boisson préférée de sa femme, Hendricks on the rocks : du gin Hendricks infusé à la rose bulgare et au concombre avec un soupçon de citron vert. Le parfum est le résultat d’une collaboration avec le célèbre parfumeur allemand Franck Voelkl, connu pour sublimer la note boisée dans ses créations. L’ode au gin se retrouve tout au long de l’expérience olfactive Roses in Ice, avec en ouverture la fraîcheur du concombre, et les baies de genièvres. La rose centifolia en notes de cœur arrondit le côté glacé de la fragrance. La base musquée et boisée rappelle le caractère vif et tranchant du spiritueux. Il en résulte un parfum festif, aussi frais que boisé et épicé. Roses on Ice est un véritable hommage à la fraîcheur du gin, un alcool sophistiqué ». Pour ma part, j’ai surtout trouvé que c’était une interprétation de la rose vraiment atypique. Fraîche et presque minérale, j’ai tout de suite été séduit par son évolution. Je pourrais tout à fait me l’approprier.
L’envolée de baies roses, de concombre et de feuille de violette lui confère, dès la pulvérisation, quelque chose d’atypique et le coeur de rose conjugué à une note d’ozone conserve cette fraîcheur aérienne et presque minérale. Le fond d’ambroxan, de cèdre, de musc et de santal n’est là que pour soutenir la fragrance car je ne parviens, même en toute fin de son évolution, à sentir aucune de ces notes à part peut-être un peu les muscs blancs et encore de manière très discrète. Sorti en 2020, ce parfum est complètement en rupture avec l’univers un peu « too much » de la marque et je le trouve vraiment très élégant et réussi. Malgré un été fort mitigé, j’ai eu envie de re-sentir cette fragrance enfermée dans un très joli flacon. Il me plairait mais je ne suis pas certain que son prix, que je vous laisse découvrir, soit justifié. En tout cas, s’il me plait beaucoup, il ne constitue pas un coup de coeur suffisant pour que je franchisse un tel pas. Il n’en reste pas moins un très beau parfum plein de nuances et d’originalité. Je trouvais qu’il fallait en parler un peu car il a été occulté par « Angel’s Share » qui est sorti en même temps et je trouve que c’est dommage.
Santa Maria Novella, la tradition ancestrale du parfum à l'italienne
L’atelier de parfumerie et de pharmacie Santa Maria Novella est historique puisque sa création remonterait à 1221 lorsque les frères dominicains ont commencer à cultiver des plantes médicinales qui leur servaient à préparer des baumes et des pommades. Ce n’est qu’en 1612 que sa renommée dépasse les portes du couvent sous l’impulsion des Médicis. Catherine de Médicis avait fait concevoir, pour son mariage avec Henri II, « L’Eau de la Reine ». Aujourd’hui, en plein centre de Florence, l’officine existe toujours et nous avons plusieurs boutiques en Frances qui distribuent ce qui est désormais devenu une marque de parfums mais aussi de produits de soin, de fragrances pour la maison et autres. J’étais un peu effrayé par le nombre de références mais j’ai toujours eu envie de consacrer un article à Santa Maria Novella car nous avons la chance d’avoir une boutique en nom propre dans l’épicentre de Lyon et j’ai enfin pris le temps d’aller découvrir un nombre important d’eaux de toilettes. Certaines sont vraiment douces et délicates tandis que d’autres, plus atypiques, se révèlent un peu difficiles à porter même s’il est vrai qu’elles reprennent l’univers baumé et médicinal de la maison. J’en ai sélectionné quatre très différentes qui m’ont particulièrement interpellé même si je ne les porterais pas forcément, peut-être à l’exception d’une ou deux mais j’ai encore besoin de les apprivoiser.
La boutique historique à Florence
Il est absolument impossible d’évoquer Santa Maria Novella sans parler de « Melograno » qui est vraiment la senteur phare de la maison et que l’on retrouve, outre parmi les eaux de toilette, dans plein de produits dont les terres cuites qui embaument une maison des années durant et je parle en connaissance de cause puisque je suis en train d’en sentir une au moment où j’écris. La fragrance s’ouvre sur des notes d’épices fraiches et d’orange amère pour aller sur un coeur construit autour, bien évidemment d’un accord de grenade comme son nom l’indique, renforcé de notes de roses et d’ylang-ylang. Le fond, très profond de mousse de chêne, de ciste labdanum, de patchouli et de muscs a presque un côté encens qui, en ce qui me concerne est un peu trop présent pour que je puisse le porter même si c’est une fragrance toute en légèreté et en transparence. J’ai un ami dont c’est l’un des parfums préférés et c’est vrai que, sur lui, j’aime beaucoup le sentir. Cette création est déjà ancienne puisque son lancement remonte à 1965 et son succès ne s’est jamais démenti. Il est le parfum phare de Santa Maria Novella.
Lancé en 2005, « Citta di Kyoto » a été créé pour les quarante ans du jumelage de cette ville raffinée du Japon avec Florence et je dois dire qu’il est sans doute le parfum que j’ai préféré dans la marque pour l’instant. Avec une envolée plutôt inattendue de citrus et d’aubépine j’ai été accroché immédiatement. Je l’avais déjà senti et il me semble que j’en avais déjà parlé et j’ai retrouvé ce côté très surprenant du départ qui nous emmène sur un coeur complexe, super étonnant, de pêche discrète de lavande et de fleur de lotus poudré par des accents de racine d’iris soutenu par un fond boisé. Pour ma part, c’est le parfum complexe à l’italienne par excellence avec un twist complètement inattendu avec ce coeur plein de facettes qui ne semblent pas aller ensemble sur le papier et qui, pourtant, s’harmonisent parfaitement et sans aucune fausse note pour faire un petit jeu de mots. Cette dualité Italo-japonaise est vraiment bien rendu dans un parfum riche, nuancé, plein de surprises et d’une élégance très douce et suave. J’ai un peu craqué, je ne le cache pas, sur cette fragrance étonnante.
C’est en 2008 que Santa Maria Novella lance « Tabacco Tuscano » qui m’évoque vraiment le tabac blond à pipe légèrement miellé et juste sorti du paquet. Un top notes de bergamote et de feuille de tabac de Toscane, un coeur de cuir d’ambre et de bois de bouleau un peu sombre et un fond de cèdre, de gaiac, de santal, de musc enveloppé d’une vanille légèrement miellée. C’est le tabac blond de la maison et je dois dire que je l’ai bien aimé. Il a quelque chose de très clair et net et, pour moi, il est un peu régressif car, quand j’étais enfant, mon père fumait ce genre de tabac qu’il a abandonné depuis de très nombreuses années. Je ne sais pas pourquoi mais « Tabacco Tuscano » m’a rappelé les départs en voyages et les valises de mes toutes premières années. En tout cas, s’il n’est clairement pas pour moi, je me suis fait plaisir à le découvrir et je pense qu’il peut ravir les amateurs de ce genre de senteurs si identifiables. En tout cas, c’est un parfum qui mérite d’être senti voire même essayer.
Je suis toujours attiré dans une marque par l’interprétation qui est donnée de de l’accord cuir de Russie et, bien évidemment, lorsque l’un d’entre-vous m’a dit qu’il portait « Peau d’Espagne », j’ai immédiatement voulu le sentir. C’est encore une vision de cet accord différente de toutes celles que je connaissais. L’envolée de bergamote et de jasmin est déjà super surprenante mais alors le coeur d’aubépine et feuilles de violette m’a complètement dérouté par un côté très goudronné que je n’attendais absolument pas et qui est renforcé par le bois de bouleau et la mousse de chêne. C’est un parfum sec, presque brûlé, d’une profondeur absolument étonnante. Créé en 1901, il donne encore une lecture bien différente de toutes celles que je connaissais et je dois dire que j’ai été complètement déstabilisé si bien que je n’ai pas osé l’essayer sur ma peau. Je pense aussi qu’il faisait chaud et que ce n’était peut-être pas le moment. Je ne pourrais sans doute pas le porter mais j’ai trouvé ce parfum absolument hors-norme et je salue l’audace du parfumeur qui, en plein coeur de la Belle Époque, était complètement à contre-courant des floraux et hespéridés en vogue et des orientaux ambrés fleuris à venir. « Peau d’Espagne » est un parfum qui ne manque pas de caractère et je ne doute pas qu’après une longue évolution, au creux des écharpes en plein hiver, il puisse être jubilatoire.
La gamme est vraiment étendue même si la marque a déjà et continue de supprimer certaines références et j’ai senti beaucoup de belles et déroutantes fragrances. Je pense à un fleuri aldéhydé incroyable dont le nom m’échappe un peu ou encore à un autre parfum qui m’a rappelé l’odeur des pneus d’une voiture sur l’asphalte. En fait, les eaux de toilettes de Santa Maria Novella sont bien loin d’être aussi sages que l’image qu’elles renvoient avec leur petit flacon suranné et leurs noms qui reflètent la douceur de vivre dans une Toscane rêvée. Franchement, la marque est vraiment à découvrir et à apprécier. J’espère vous avoir donné envie d’aller y mettre votre nez.