Nouvelle balade dans les nouveautés du quatrième trimestre 2021
Les lancements continuent en ce quatrième trimestre 2021 et elles sont aussi diverses et variées que surprenantes ou convenues. Je n’ai de cesse que de faire des découvertes et je peux en rendre compte. Sélectif, collections privées, marques plus confidentielles ou maisons de niche, l’actualité est foisonnante et il y en a vraiment à la fois pour tous les goûts et pour tous les portes-monnaie. En cette période, certaines sorties arrivent à nous avec pas mal de retard et c’est peut-être pour ça que cette fin d’année est aussi riche. Je dois dire que je suis assez impressionné par le nombre de découvertes que j’ai pu faire en peu de temps. Je vais donc vous parler des sorties que j’ai pu sentir et, comme toujours, essayer de vous faire une revue de mes impressions qui n’a, comme toujours, pas du tout valeur de critique.
Le premier parfum que j’ai pu sentir est « Oud and Spices » sorti dans la collection Ingrédients d’Acqua di Parma. Je dois dire que je ne me suis pas vraiment penché sur les nouveautés de la marque depuis un certain temps car c’est un univers parfumé qui n’est pas forcément conforme à mes goûts mais j’ai eu l’occasion de le découvrir alors je peux en parler. La maison le présente ainsi : « Une combinaison artistique de deux sensations olfactives : le parfum opulent du Oud rehaussé par des notes d'agrumes vibrantes et lumineuses. Les notes puissantes et enveloppantes du Oud sont distillées et combinées aux tons chauds et épicés de la cannelle et du clou de Girofle, pour créer une découverte inoubliable » et je trouve que c’est assez bien résumé. Dès l’envolée, j’ai été surpris par un côté frais et fruité que je n’attendais pas avec des notes de bergamote très présentes, de framboise et de rose. Le coeur de cannelle, de poivre rose et de clou de girofle est tout à fait dans mes goûts et le fond de patchouli, de ciste labdanum très cuiré construit autour d’une délicate huile de bois d’agar (oud) ne m’a pas forcément dérangé alors que c’est une note qui me rebute parfois. Je pourrais porter « Oud & Spice » même s’il n’entre pas tout à fait dans ma zone de confort. Je regrette un peu que la marque ne communique pas sur le nom du parfumeur qui a composé cette fragrance car je la trouve belle et bien réussie dans le style.
« Pour rendre hommage à la singularité du velours rouge, le parfum Rouge Velours met en tension la fraîcheur d'une rose éclatante avec la puissance d'un patchouli velouté. La quintessence de la passion par Yves Saint Laurent » tels sont les mots de la marque pour décrire la nouveauté du Vestiaire des Parfums. Là encore, et je le regrette, la marque ne communique pas sur le nom du parfumeur qui a composé cette nouveauté construite autour d’une rose un peu poudrée qui s’ouvre sur un accord de thé blanc et des notes de poivre rose pour évoluer vers un coeur où la reine des fleurs est associée au jasmin et au beurre d’iris pour se poser sur un fond de vétiver et de patchouli adouci par les muscs blancs. C’est une construction presque chyprée sans bergamote et dans laquelle la mousse de chêne est remplacée par les muscs. Je dois dire que, si je ne suis pas un inconditionnel de la rose travaillée en majeur, je trouve que « Rouge Velours » est un très joli parfum, un peu opulent sans trop et, c’est vrai, un peu « velouté ». Il m’évoque assez une loge de théâtre où se mêlent odeurs de maquillage et fleurs offertes à l’artiste. Il a un petit côté vintage qui est loin de me déplaire et, à l’heure où je revois des films hollywoodien de l’âge d’or, je pense qu’il aurait pu, s’il avait existé être le parfum de Bette Davis ou de Katharine Hepburn même si cette dernières lui aurait sans doute préféré quelque chose d’encore plus androgyne. « Rouge Velours » a de la personnalité et je pense qu’il doit être très beau sur un homme même si, traditionnellement, en parfumerie, la rose est surtout destinée aux femmes ce qui est un peu absurde. En tout cas, j’ai aimé le découvrir.
« Un iris magnétique pour un jeu amoureux entre légèreté et sensualité La passion amoureuse est le plus excitant de tous les jeux. Entre sensualité et complicité, cette tension délicieuse inspire au parfumeur Jacques Cavallier Belletrud un parfum de peau à la fois romantique et espiègle. Tissée autour de l’iris pallida de Florence, sa composition exalte la dualité de cette fleur précieuse, emblématique de la séduction féminine. L’iris insinue ses accents de violette dans un bouquet solaire de rose et de jasmin sambac, puis déploie la puissance de ses notes poudrées dans la douceur miellée de la fleur d’acacia. Oscillant entre une séduction charnelle et une empreinte intimiste, Spell on You est une aura hypnotique, obsédante, comme un refrain qu’on ne parvient pas à oublier… » tels sont les mots de la marque pour décrire « Spell on You » le nouveau floral créé par Jacques Cavallier. Je suis assez client à la fois de l’iris et des fleuris et j’ai donc poussé la porte de la boutique lyonnaise pour aller le découvrir. Je dois dire d’ailleurs que l’accueil y est inégal mais j’ai eu la chance de tomber sur un vendeur passionné de parfumerie avec lequel j’avais déjà eu un excellent contact donc j’ai plutôt passé un bon moment d’échange. Pour ce qui est du parfum, je dois dire que, comme à chaque fois, je suis resté complètement sur ma faim. Le départ est directement floral et, effectivement, le coeur d’iris travaillé d’une manière très florale et poudrée avec la rose centifolia est très joli et se conjugue parfaitement avec d’autres fleurs blanches. La marque parle de fleur d’acacia que je connais mal et de jasmin sambac et le fond est, je vous le donne en mille, musqué ! Le flacon est magnifique et le jus se tient mais franchement de qui se moque Louis Vuitton ? 225 euros pour 100 ml d’un floral musqué comme il y en a des kyrielles sur le marché ! J’avoue que, si je ne râle pas souvent, là, j’ai vraiment l’impression que LVMH vend du rêve et pas du parfum. Je ne vois absolument pas ou est la justification d’un prix pareil. Certes l’iris pallida de Florence coûte cher mais il est utilisé dans des proportion bien supérieures dans d’autres compositions dont le prix est beaucoup plus « normal » donc ce n’est pas un argument. Une fois encore, je trouve que les parfums Vuitton sont très surcotés et je passe mon tour.
Créé par Delphine Jelk et Thierry Wasser, « Shalimar Vanilla Planifolia » sort cet automne. Cet énième flanker du best de Guerlain était déjà disponible sur le stand et j’ai pu le découvrir. La marque le décrit ainsi : « Clé de voûte du sillage révolutionnaire de Shalimar, la vanille inspire aujourd’hui une édition Millésime extraordinaire. Un hommage amoureux de Guerlain à l’une des essences les plus emblématiques et les plus luxueuses de sa palette. Jouée en surdose dans la composition, la teinture Maison de vanille de Madagascar dévoile toutes ses facettes et exalte le sillage de l’oriental iconique de la Maison. Entre hommage et innovation, Shalimar Millésime Vanilla Planifolia reprend les codes graphiques du flacon sur piédestal créé en 1925 par Raymond Guerlain. La célèbre étiquette « chauve-souris », côtoie une typographie aux lignes géométriques teintées d’Art Déco. Une cravate en cuir enserre le col : une évocation des notes olfactives de la teinture de vanille Planifolia qui signe cette composition inédite ». Si j’avais été très convaincu l’an dernier par « Shalimar Philtre de Parfum », je le suis beaucoup moins par cette déclinaison. En effet, avoir ajouré à l’original de la teinture et de l’extrait de vanille n’a pour effet, à mon sens, que de renforcer l’overdose constituée par la guelinade et donc ce mélange entre un départ de bergamote que je sens peu et une vanilline de synthèse qui est, au bout du compte, la seule chose que je sens. Je ne trouve pas que l’extrait et la teinture de vanille naturelle obtenue par macération de la matière première dans de l’alcool soit ce qui ressort lorsque je sens ce parfum. Au bout d’un moment, mon intolérance à la facette sucrée devient très nette et je suis presque dérangé car, au niveau de la tenue et du sillage, il n’y a rien à redire de ce flanker. Je suis un peu dubitatif sur toutes ces séries limitées inspirées de « Shalimar ». Il y en a beaucoup et peu me rappellent finalement une version vintage qui fut celle de mon enfance et que j’aime à retrouver. C’était le cas de « Philtre de Parfum » avec ce côté poudré et irisé, ça l’est moins avec celui-ci et sa vanille envahissante et persistante.
« Fleur de Peony » aurait du sortir en 2020 mais, avec ce qui c’est passé, cette nouvelle création d’Aerin Lauder vient juste d’arriver jusqu’à mon nez et sera prochainement distribuée sur les stands. Je vais donc considérer que c’est une sortie de cet automne. Tout d’abord, j’aime bien Aerin, je trouve que c’est une jolie marque et que les collections font la part belle à une élégance toute en douceur et en légèreté ou, à défaut, en simplicité. « Fleur de Peony » ne fait pas exception à la règle. Un départ de mandarine, de pamplemousse délicatement fruité par une très jolie note de litchi, un coeur de pivoine, de pétales de jasmin et de cyclamen qui constitue un très élégant bouquet floral et un fond construit autour d’un beau santal un peu brut du Sri Lanka, d’ambre et de muscs blancs confèrent à ce parfum une vraie identité et pourtant il reste difficile à porter. La responsable de stand me disait qu’il plairait autant aux hommes qu’aux femmes et je veux bien le croire. La marque le décrit ainsi : « Fleur de Peony apporte de la beauté à toute occasion. Le parfum commence, ensoleillé et plein de lumière, avec des notes fraîches d'agrumes de mandarine et de pamplemousse. Le litchi ajoute un éclat de succulence sucrée, associé aux riches pétales de jasmin et au cyclamen luxuriant, rosé et éthéré dans son caractère floral. Les notes finales de Santal du Sri Lanka, d'Ambre et de Musc ajoutent chaleur et éclat ». C’est un beau floral délicat comme j’aimerais en sentir plus souvent et je pense que c’est l’une des « nouveautés » que j’ai pu découvrir ces dernières semaines que je préfère. D’aucuns pourraient le trouver un peu quelconque mais je ne suis pas trop d’accord. Il faut se laisser le temps de l’essayer et de vivre avec. Il convaincra c’est sûr.
Créé par Philippe Paparella en cet été 2021 pour Memo, « Corfu » a été l’un des coups de coeur de mes découvertes de cet automne. Je le porte pendant que j’écris et vraiment, c’est un parfum solaire idéal. La marque le décrit comme ça : « Un parfum solaire, aussi vibrant qu’un ciel grec, qui laisse sur la peau un sillage chaleureux, comme le souvenir d’un plongeon dans la mer ionienne. Un chypre moderne avec une overdose de musc. S’ouvrant sur une rhubarbe acidulée, mêlée aux agrumes pétillants et le basilic aromatique, la fragrance évolue vers un bouquet doux et délicat, laissant sur la peau un musc sophistiqué facetté aux notes de bois de santal, d’ambre et cachemire, pour offrir un sillage crémeux ». Construite autour de la bergamote, l’envolée prend des accents de cassis, de citron, de pamplemousse et de basilique et nous emmène sur coeur de pêche, de în, de rose, de framboise et de géranium rehaussé de clou de girofle et le tout recrée presque l’odeur de la rhubarbe. Le fond ambré, et boisé est construit autour du patchouli et de la mousse. C’est indéniablement un chypre frais, à la fois floral et fruité comme je les aime. J’ai un gros coup de coeur pour « Corfu » et je le garde dans un coin de ma tête pour l’été prochain.
« Flam, petite ville portuaire pittoresque nichée dans la campagne norvégienne, entourée de cottages en briques rouges et de collines enneigés fait echo aux forces contradictoires. Ce duel entre chaud et froid, été et hiver, est perceptible grâce aux notes de jasmin sambac, bois de cachemire, aldéhyde, et tonka. Comme une balade dans les fjord, Flam surprend par son parfum qui évoque l'énergie magnétique des aurores boréales ainsi que la chaleur réconfortante d'une maison en bois. ». Nous avons étés particulièrement bien reçus à la boutique Memo de la rue Cambon et l’échange a été très stimulant. C’est une construction autour de la sauge sclarée et l’orange sanguine et la personne qui nous a, je le redis, merveilleusement bien reçus était emballée par cette nouvelle fragrance sortie en septembre 2021. Je dois dire que j’avais tellement été emballé par « Corfu » que je serais vraisemblablement passé complètement à côté si elle ne m’avait pas un peu influencé. C’est une dualité avec un départ vraiment orange amère et bergamote, un coeur aromatique de jasmin sambac et de sauge sclarée et il s’arrondit au fond avec la fève tonka soutenue par l’ambrette, le cashmeran et la vanille. Une écriture simple, limpide mais facettée. J’ai bien aimé « Flam » mais je dois l’admettre, j’étais tellement séduit par « Corfu » que je ne pouvais que les comparer ce qui était particulièrement injuste.
Une élégance discrète, douce, profonde, c’est ce qui se dégage, pour moi, de « Poudre de Musc », le tout dernier parfum créé par Patricia de Nicolaï pour sa maison Nicolaï Parfumeur créateur. Elle le décrit ainsi : « Poudre de Musc Intense est un bouquet de muscs sur un coeur floral rose-aubépine-fleur d’oranger habillé de bois de santal. Un cocktail d’aldéhydes bouscule le bruit sourd des muscs pour les rendre plus vibrants. Doux comme une caresse, enveloppant comme de la soie et au sillage envoûtant, Poudre de Musc Intense est une Eau de Parfum élégante et réconfortante ». Un départ très doux de mandarine et de petit grain avec une note de framboise, un coeur construit autour d’un absolu de fleur d’oranger avec des notes d’aubépine et d’oeillet enveloppés par la fraîcheur des aldéhydes. Le fond poudré par des notes de musc et lacté par le bois de santal en font un cocon réconfortant et vraiment très chic. J’ai beaucoup aimé ce parfum. Je le trouve particulièrement dans l’air du temps au bon sens du terme. Je ne sais pas si je pourrais le porter mais je pense que je le trouve réjouissant. J’aime beaucoup le travail très élégant de Patricia de Nicolaï d’ailleurs « Baïkal Leather » est devenu l’un de mes incontournables.
J’ai découvert, « Odisiaque n°6», le nouvel opus de Sous le Manteau créé par Nathalie Feisthauer et qui doit sortir très rapidement. La marque le décrit ainsi : « Basée sur la recette originale d'un philtre d'amour du 18ème siècle en France, la parfumeuse Nathalie Feisthauer l'a habillée de Bergamote de Calabre, Géranium d'Egypte, Elemi, Liatrix Absolute, Maté Absolute, Cascarille, Fève Tonka, Vétiver d'Haïti, Foin Absolute . Terme inventé, la contraction de "opiat aphrodisiaque". Relatif à l'état contemplatif et langoureux d'un monde qui se réveille lentement après une longue période d'inertie. "Je goûte l'heure odisiaque de ton retour ». Odisiaque puise son inspiration dans une formule aphrodisiaque écrite au XVIIIe siècle par Jean-Claude-Adrien Helvetius, grand médecin de Louis XV et de Marie Leczynska et membre de l'Académie royale des sciences. La particularité de cette formule tient à une toute nouvelle matière première : la cascarille. Cette écorce séchée aux notes épicées, reconnue depuis des siècles pour ses vertus thérapeutiques, dégage une agréable odeur musquée lorsqu'elle est brûlée. Peu revendiquée en parfumerie moderne, cette matière rare donne à notre philtre d'amour toute son originalité ». Dans son écrin vert, cette nouveauté m’a surtout fait l’impression d’un foin coupé, cuiré et épicé. Ça peut paraître antinomique mais non. « Odisiaque n°6 » est complètement cohérent. Je pense que, à l’instar de « Vapeurs Diablotines », il sera clivant et on va adhérer ou non. En ce qui me concerne, j’ai eu du mal à rentrer dedans même en le testant sur ma peau. Il ne me provoque pas grand chose même si je lui reconnais une certaine originalité. Il ne doit tout simplement pas faire partie des odeurs qui me touchent. C’est ainsi. J’en resterai dans la marque à « Poudre Impériale » qui est vraiment mon préféré.
La dernière nouveauté que j’ai pu découvrir est « Thé Matcha 26» le tout dernier parfum de la très belle maison Le Labo. Je dois dire que j’en attendais vraiment beaucoup car j’aime beaucoup le travail des parfumeurs qui ont collaboré à cette marque (je regrette d’ailleurs que la maison ne communique pas sur celui-ci car il aurait été intéressant de se savoir qui avait composé cette fragrance mais c’est ainsi. Si j’ai une info je la rajouterai) et j’ai une prédilection pour l’amertume du thé matcha que je ne sais pas vraiment préparer mais que j’aime beaucoup boire. Là, le départ m’a semblé être très orange douce voire petitgrain, ensuite on retrouve la dualité entre le matcha et un lait de figue presque épais et très doux qui m’a un peu dérangé. Le parfum se pose ensuite sur un très beau fond de vétiver. Finalement, après l’avoir essayé sur la peau, je l’ai trouvé vraiment très déroutant. J’aime bien l’ensemble mais, par moment, je suis un peu gêné par la note de figue que je trouve vraiment trop enveloppante et presque doucereuse. J’avais déjà eu d’ailleurs cette sensation avec « Thé Noir 29 ». Je pense que la marque souhaite forcément associer le thé à une note de figue pour créer une identité particulière et c’est vrai que c’est réussi mais vraiment ce n’est pas ce que je préfère. En revanche, j’ai redécouvert « Santal 33 » et moi qui ne suis pas fou de cette matière première, je l’ai adoré. C’est aussi ça Le Labo, une manière tellement étonnante de travailler la matière première principale qu’il ne faut jamais avoir d’idée préconçue. Il faut sentir, se laisser porter et apprécier. « Thé Matcha 26 » n’est pas pour moi mais il ravira les amateurs de figue et de notes vertes.
Il y aura, n’en doutons pas, d’autres nouveautés durant la fin de ce dernier trimestre 2021. J’ai entendu parler de deux nouveaux Ella K, d’un opus chez Liquides Imaginaires, d’un Tom Ford dont la sortie est repoussée et surtout de « Vétiver Java » chez Perris Monte Carlo que j’attends avec impatience et qui devrait être disponible autour du 18 octobre. Je viendrai bien évidemment vous parler de tout ça au fur et à mesure de mes pérégrinations parfumées.
Les molécules de synthèse : l'ambroxan
« L’ambroxan est une molécule de synthèse, issue de la recherche organique et qui a vu le jour dans les années 50. L’ambroxan, totalement artificiel, est obtenu à partir du sclaréol, contenu dans l’essence de sauge. L’ambroxan est la représentation exacte de l’ambre gris. En effet, l’ambre gris est une sécrétion du cachalot, produite par ce dernier lorsqu’il mange trop de pieuvres, notamment. Dans la douleur, le cachalot libérait l’ambre spontanément. La pêche au cachalot et à la baleine a été interdite en 1986 et il a fallu créer l’odeur de l’ambre gris, de manière synthétique, c’est l’ambroxan qui joue ce rôle » (source Olfastory). Créé pour pallier à la rareté de l’ambre gris naturel, l’ambroxan est une molécule de synthèse qui, dès sa création après la seconde guerre mondiale, va être largement utilisée par les parfumeurs. Je dois dire que ce n’est pas l’une des effluves que je préfère lorsqu’elle est très dosée dans un parfum mais force m’est de constater qu’elle donne plein de facettes lorsqu’elle est très bien associée et que le jus est travaillé de manière subtile. Elle peut même avoir un petit côté addictif. J’ai choisi quatre parfums dans lesquels l’ambroxan est bien présent et très reconnaissable afin de vous donner envie d’y mettre votre nez. Je les ai re-sentis voire réessayés et je dois dire que j’ai bien aime ce petit plaisir doux et enveloppant même si ce ne sont pas nécessairement des créations pour moi.
« Ceci n’est pas un flacon bleu 1/5 » créé par Luca Maffei pour Histoires de Parfums en 2018 est construit autour de l’ambroxan et il est uniquement constitué de molécules de synthèse. Je dois dire qu’avant de le sentir, j’étais complètement réfractaire à l’idée et c’est en tombant sur un article que j’ai eu envie de le sentir. Bien m’en a pris car j’ai été agréablement surpris. La marque le décrit ainsi : « Ceci est un parfum exclusivement composé de molécules synthétiques, inspiré du principe universel Yang. Une force solaire Ozonique rencontre la transparence subtile des accords Aldéhydés pour atteindre une fraîcheur Minérale ». Je dois dire que ça m’a plu. Le départ est aldéhydé mais ne donne pas l’impression de vapeur de fer à repasser comme souvent car il est associé à un accord ozonique et citronné presque minéral. Le coeur est construit autour d’un accord floral et le fond de muscs blancs et de notes minérales est associée à l’ambroxan qui le rend doux et enveloppant. En général, je ne suis pas très attiré par les parfums complètement synthétiques mais je dois admette que « Ceci n’est pas un flacon bleu 1/5 » me plait beaucoup car il a un côté très minéral et presque froid réchauffé par une forte proportion d’ambroxan. Je trouve que l’accord ambré se marie parfaitement avec le côté très frais et aldéhydé du parfum. Je l’ai découvert pour cet article et j’ai bien aimé même si je ne sais pas si je le porterai.
« Le Lilas est l’une des couleurs et fleurs favorites de Jacques Fath, souvent utilisé pour ses créations et divers accessoires. Les nuances de ce parfum complexe sont multiples. Même s’il dégage une impression de délicate harmonie, les sensations qu’il révèle vont en crescendo. C’est ainsi un parfum inattendu, enjoué mais surtout très surprenant, rebelle en tête avec un côté vert qui déstabilise l’attente d’un fleuri. Le cœur, profond et audacieux révèle un Lilas moderne, comme la fleur que l’on vient de cueillir au petit matin, avec une touche aquatique de Magnolia. Puis un surprenant accord de Crème de Violette, (Pétales de Violette, Angélique et Lys) ajoute gourmandise et délicatesse à la fraicheur suave du Tilleul ». Lancé en 2017 et également créé par Luca Maffei qui est vraiment un parfumeur dont j’aime beaucoup le travail, « Lilas Exquis » de Jacques Fath réunit un peu ce que j’aime. Tout d’abord, comme son nom l’indique, c’est un lilas. Il s’ouvre sur des notes de bergamote et de jacinthe rendues à la fois suaves et acidulées par un accord de myrtille. Le coeur de lilas est enveloppé du vert croquant presque sucré de l’angélique, de la douceur de le fleur de tilleul, de l’opulence du lys et de la facette poudrée de la violette. Le fond de graine d’ambrette et d’ambroxan est poudré par des muscs blancs. Je dois dire que, si je le trouve indéniablement réussi, « Lilas Exquis » n’est pas forcément pour moi car il est presque trop suave, trop ambré et devient sucré sur ma peau. Ceci dit, je le trouve quand même vraiment beau et je suis content de l’avoir réessayé. Je trouve que c’est une composition complexe dans laquelle la note d’ambroxan est prééminente mais rafraichie par les fleurs et l’angélique.
Un autre parfum qui met l’ambroxan à l’honneur est « Anna », l’une des nouveautés 2021 de Lubin créé par Delphine Thierry qui s’ouvre sur des notes aquatiques rehaussées d’agrumes tels le pamplemousse et la bergamote qui lui donnent d’hors et déjà un côté frais enrichi par des notes poudrées et translucides de rose soutenues par une essence d’ylang-ylang pour la facette très florale. Le fond est construit par une association de muscs blancs, de santal et d’ambroxan qui confère à la création, une facette ambrée que j’ai trouvée assez incongrue lorsque j’ai senti le parfum pour la première fois mais qui participe finalement à son identité. Je n’avais pas vraiment pris le temps de laisser le parfum évoluer sur ma peau mais maintenant c’est chose faite et je ne le trouve plus tellement solinote. La marque le décrit ainsi : « Sur le marché aux fleurs d’Amsterdam, une charmante ingénue…Anna perce l’aube de sa voix gaie quand le bateau s’amarre à la berge. Le jour naissant sur Amsterdam révèle la magie d’un spectacle de couleurs ondulantes. Le marché s’anime et Anna tourbillonne, charriant avec elle les effluences du canal et le parfum des fleurs. Ses yeux ont le reflet du Singel et sa beauté ingénue rend nostalgique celui qui s’y attarde Une ronde de prétendants lui contera fleurette mais un seul ravira le cœur d'Anna sur le marché aux fleurs ». Le fond d’ambroxan lui donne quelque chose d’un peu rond qui contraste avec le côté presque maritime du départ et qui persiste un peu durant l’évolution. À l’instar de beaucoup de parfums qui contiennent de l’ambroxan, il est très facile à porter et pourtant il garde son identité et ne ressemble finalement pas aux autres roses que j’ai pu sentir récemment. Je le trouve peut-être un peu trop transparent pour moi mais il me plait plus aujourd’hui que lorsque je l’ai découvert.
Créé en 2019 par Marie Schnirer, « Nuit de Sable » n’est pas le parfum de la collection BDK que je préfère mais c’est une vraie illustration de l’utilisation de l’ambroxan en parfumerie. La marque le décrit ainsi : « Nuit de Sable est inspiré d'une nuit d'été dans les jardins du Palais Royal. Pour retranscrire ce moment et ce lieu magiques, j'ai souhaité un parfum onirique, très texturé. J'ai travaillé un accord sable chaud, composé de santal bio d'Australie, de fève tonka, et d'une touche de cumin d'Egypte, qui lui confèrent une chaleur sensuelle. Pour le complexifier, et lui apporter un caractère sophistiqué et élégant, j'ai ciselé un cocktail d'épices (cardamome du Guatemala, cannelle de Ceylan et noix de muscade d'Indonésie) sur un absolu de rose de Turquie. J'ai voulu un parfum haut en couleurs, chaleureux et envoûtant, qui révèle sur la peau l'ampleur de ses nuances. » Là encore il vient ambrer un parfum rose et épices qui s’ouvre avec une note de cannelle, de carrdamome, de noix de muscade et de cumin, le coeur est construit autour de la rose et le fond d’ambroxan s’enrichit de muscs. Le bois de santal lui donne une certaine épaisseur et il est amandé et arrondi par la fève de tonka. Ce parfum dans lequel, finalement, l’ambroxan prend beaucoup de place notamment sur ma peau me laisse une impression mitigée. Il est complexe, très moderne, assez hors-norme mais je reste un peu sur ma faim lorsqu’il se développe. Il tombe un peu à plat. C’est dommage car, dans l’idée, il me plaisait beaucoup. Pour moi c’est un peu attirance et répulsion.
Pour résumer, je dirai que l’ambroxan, s’il est nécessaire à la construction de beaucoup de beaux parfums, est un peu, pour moi comme beaucoup d’autres ambres, un peu entêtant et j’ai du mal, à quelques exceptions près, à le supporter travaillé en note majeure. Dans les parfums que je viens de citer, la molécule est très présente et, finalement, si j’aime les sentir, je me rends compte qu’ils ne sont pas forcément pour moi. J’aime bien l’idée de la re-création de matières naturelles par la chimie, ce n’est jamais complètement pareil et cela augmente les possibilités sur la palette du parfumeur de manière très notable.
Redécouverts grâce à vous
Je me suis vraiment fait plaisir pendant ces derniers mois à faire plein de découvertes et à les partager avec vous. Ce n’est pas un anniversaire, ce n’est pas non plus une newsletter mais quand je vois que ce petit blog d’un passionné qui s’adresse à d’autres passionnés avec des articles sans prétention, juste guidés par l’émotion et la curiosité, je me dis que j’ai drôlement bien fait de profiter de la terrible période du premier trimestre 2020 pour me remettre à écrire juste pour le plaisir de parler d’un sujet qui m’intéresse. Il s’en est passé des choses, de beaux échanges voire même de belles rencontres et aussi, il faut bien le dire, quelques déceptions mais cela fait partie de la vie. En tout cas, j’avais envie, par un article, de récapituler un peu mes derniers gros coups de coeur en me promenant dans mes doses d’essai ou en allant en parfumerie et en réessayant des parfums que j’avais beaucoup aimés lorsque je les ai découverts. J’en ai sélectionné cinq qui me plaisent plus que je me verrais porter avec une certaine facilité. Récemment, j’évoquais « Cuir Velours », créé par Julien Rasquinet pour Naomi Goodsir que j’ai réessayé et que, décidément, j’aime toujours autant mais il y en a beaucoup d’autres. Donc c’est parti pour quatre beaux coups de coeur de la parfumerie d’auteurs et j’emploie ce mot à dessein car vraiment j’applaudis des deux mains leurs créateurs.
Créé par Bertrand Duchaufour en 2012, « Fusion Sacrée Clair » est le premier qui me vient à l’esprit et je remercie encore une fois Jessica, qui est fidèle de ce blog depuis les début, de me l’avoir fait découvrir. Il participe bien évidemment à mon goût croissant pour la tubéreuse puisque c’est un travail autour de cette fleur mythique et aux facettes inépuisables. Une envolée de rhum, de citron, de céleri, d’orange douce, de néroli, de cardamome, de lavande, d’armoise et de bergamote. Un coeur de café, de tubéreuse, de géranium, de clou de girofle et de poire et un fond de réglisse, de benjoin, d’opoponax, de cèdre, d’ambre, de bois de santal, de vanille et de musc. C’est un parfum complexe, facetté, profond et d’une vraie belle conception. Je reconnais bien là l’audace de Bertrand Duchaufour et j’ai adoré le développement de la fragrance sur ma peau car, si au début, il y a quelque chose de moderne mais assez convenu, très vite, la complexité de la formule me livre ses facettes et elles sont nombreuses. J’ai adoré ce parfum. Il est audacieux, il me fait penser à un dimanche matin, de bonne heure où, une tasse de café ou de thé à la fin, je me promènerai dans une serre qui recèlerait des fleurs exotiques, inconnues, un peu vénéneuses et pourtant attirantes. Je n’ai aucune répulsion pour la note de café que je n’aime pas tellement en principe en parfumerie car je trouve qu’elle se mêle à la tubéreuse avec une harmonie parfaite.
Pendant que j’avais le bras en écharpe, Florence que j’ai rencontré via ce blog et qui a ouvert la très belle parfumerie Arcana Rosa à Vichy, m’a offert un set d’échantillons de Francesca Bianchi et, si j’ai aimé la totalité des créations, il en est une qui m’a vraiment fait envie. Il s’agit de « Etruscan Water » que la créatrice a lancé en 2019 et qui est, je vous le donne en mille, un chypre ultra moderne avec une construction classique voire un peu aromatique. Bien évidemment, on retrouve l’envolée de bergamote, le coeur épicé et poudré par la cardamome et l’iris et le fond de mousse et de patchouli. Francesca Bianchi le considère comme plus masculin mais je le trouve vraiment tout à fait unisexe. C’est un parfum qui est pile dans ma zone de confort car le côté floral vert du coeur est vraiment très adapté à ma peau. Je me sens complètement séduit. Sur ma peau, il se développe assez vite et les notes de fond ne viennent qu’enrichir ce coeur mystérieux et particulièrement facetté et intéressant. J’ai adoré le porter et je ne regrette pas du tout de l’avoir essayé. Le seul bémol est que Francesca Bianchi n’a pas vraiment trouvé de distributeur parmi les parfumeries que je connais en France et je pense que ce serait plus facile pour découvrir son travail si c’était le cas. Les parfums sont des extraits et, si je ne suis pas forcément amateur de cette concentration, je reconnais que ça va parfaitement bien avec les créations. Je porterais volontiers « Etruscan Water » et qui sait si je ne le ferai pas un jour.
Parmi les coups de coeur, il y a aussi « Tubéreuse Supercritique » créé par Arnaud Poulain pour sa maison Les Eaux Primordiales. Je pense que, parmi les trois collections, c’est celui qui m’a le plus séduit et je remercie Éloïse de m’avoir permis de l’essayer et le réessayer tout à ma convenance. Sur le papier, il n’avait vraiment rien pour me plaire avec un départ de bigarade et de bergamote aldéhydées, un coeur de lait d’amande, de jasmin, de tubéreuse et d’ylang-ylang et un fond de bois de santal, de patchouli, de muscs blancs et d’ambre. Il aurait du être beaucoup trop rond pour moi et beaucoup trop doucereux et il n’en n’est rien du tout. J’ai adoré son évolution sur moi. C’est une tubéreuse cachée, profonde, étrange et, en même temps, je la trouve particulièrement facile à porter. C’est un parfum qui serait, pour moi, vraiment à porter avec parcimonie car il est doté d’un magnifique mais opulent sillage. Je dois dire que je préfère, par goût, les parfums plus intimistes mais vraiment ce cocon floral et moderne a su trouver le chemin de mon nez et j’ai adoré l’essayer. Je pourrais bien me l’approprier mais il me faut vraiment réfléchir car c’est un conditionnement en 100 ml et il est très opulent donc je ne sais pas si c’est un bon calcul. J’aurais préféré commencer avec un conditionnement plus petit même si je suis à peu près sûr de mon coup. C’est un merveilleux parfum atypique comme ce qu’on attend de la parfumerie de niche.
C’est grâce à Christine et Pénélope que j’ai eu l’occasion d’essayer « Blue Agava & Cacao », l’une des anciennes créations de Jo Malone lancée en 2006 et qui avait disparu de l’orgue à parfum de la marque. Là encore, sur le papier, ce n’est pas du tout une composition pour moi. Lorsque Jo Malone créait pour sa première marque, elle allait à fond dans l’expérimentation et je trouve que ce parfum, légèrement gourmand, très épuré, est une véritable merveille voire même une révélation. Après un départ frais de citron vert, la fleur d’agave en coeur prend toute sa place avec une tonalité très fruitée et florale à la fois. Le fond poudré et aromatique de la fève de cacao est travaillée en fond avec une facette à la fois vraiment brute et gourmande. Je suis ravi d’avoir pu essayer ce parfum également tout à loisirs et de pouvoir y revenir car, loin de m’entraîner sur les rythmes endiablés des danses latines, il m’évoque une promenade dans un jardin rêvé comme celui d’Alice au Pays des Merveilles. Il ne ressemble à rien d’autre, il n’est ni trop opulent ni trop discret. Jo Malone a vraiment l’art de la simplicité et du parfait équilibre. Je pourrais très bien m’approprier « Blue Agava & Cacao ». Je l’aime beaucoup et, s’il me déroute parfois, il est merveilleux autour de moi.
C’est souvent grâce à mes lecteurs que je fais des découvertes et je vous en remercie vraiment. Je voudrais, une fois de plus, faire un petit clin d’oeil à Damien et Gabriel pour les échanges réguliers, à Marion pour nos divergences et nos rapprochements toujours stimulants, à Manon pour sa bienveillance et sa curiosité, à Diane pour son enthousiasme, à Emmanuelle pour ses conseils car, comme nous avons plein de goûts communs, elle fait toujours mouche et enfin à Katharine pour sa fidélité et sa présence toujours pleine d’encouragements. Sans vous tous, je ferais moins de découvertes et je ne pourrais pas alimenter mon blog aussi régulièrement.
Le styrax, effluve animal et composante végétale
Quand on s’intéresse à la parfumerie et aux pyramides olfactives, on remarque que le styrax est une matière première naturelle qui est souvent utilisée notamment pour ses facettes chaudes, animale ou encore cuirées. Je dois dire qu’avant cela, je ne savais rien du styrax et j’ai du me faire expliquer ce que c’était par des parfumeurs. Pour écrire cet article, j’ai choisi de reprendre une définition trouvée dans une encyclopédie internet pour ne pas commettre d’erreur : « On appelle styrax (Styrax) un genre d'arbres ou d'arbustes poussant le plus souvent en Extrême-Orient, appartenant à la famille des Styracacées et comportant diverses espèces, quelques-unes très appréciées en parfumerie et en pharmacie pour leur baume. L'arbre est également appelé « aliboufier », en particulier lorsqu'il s'agit de l'espèce Styrax officinalis. Le baume ou résine se nomme « storax » ou « benjoin » selon les espèces, le premier de ces deux termes étant aujourd'hui inusité. Le nom « styrax » sert aussi de façon abusive à désigner la résine du liquidambar. En effet dans l'antiquité, et notamment dans Histoire naturelle de Pline l'Ancien, le terme styrax désignait aussi bien le Liquidambar orientalis (« Styrax de Chypre et de Cilicie ») que l'aliboufier (« Styrax de Syrie »)1. Les espèces les plus connues sont S. benzoin, S. tonkinense et S. officinalis, les deux premiers étant d'origine tropicale (Asie du Sud-Est) alors que S. officinalis se rencontre sur le pourtour de la mer Méditerranée, notamment en Italie et en Provence. S. japonica est une espèce recherchée en ornement. La résine, d'une belle couleur jaune, est obtenue par incision du tronc. En pharmacie, le styrax ou baume styrax, sous forme de fumigations, est efficace contre les affections des voies pulmonaires. On l'utilise aussi pour traiter certaines maladies de peau. Comme toutes les résines odorantes, il peut être brûlé en tant qu'encens. En parfumerie, il joue le rôle de fixateur, le plus souvent dans des parfums féminins. Il a été utilisé dans les années 1920, en particulier dans Shalimar, de Guerlain, puis a été abandonné avant de revenir à la mode grâce aux créations de la maison Yves Saint Laurent (Opium, Nu) ». En revanche, je suis capable de l’identifier. J’ai donc choisi quatre créations dans lesquelles je trouve qu’il est utilisé de manière très détectables et que je connais bien afin d’illustrer mon propos et montrer les impressions qu’il peut provoquer. J’espère que je vous donnerai envie d’aller les sentir.
Créé en 2018 par Daphné Bugey pour Le Labo, « Tonka 25 » a été pour moi un énorme coup de coeur et je trouve que la rondeur de la fève de tonka travaillée en majeur est rendue plus profonde et plus animale par les notes cuirées du styrax et des muscs qui en font un cocon enveloppant. La fleur d’oranger et la vanille ne sont là que pour affiner vraiment le parfum et le rendre moins abrupte et plus facile à porter. La marque le décrit ainsi : « Ce parfum est sombre. Tonka 25 reflète une obscurité bénigne et séduisante - comme si les graines et les résines de sous-bois oppressifs d'été étaient saupoudrées de couches de musc et sucrées avec des gouttes de vanille. Le parfumeur a créé cette eau de parfum en associant des notes et des essences d'absolu de fleur d'oranger, un atlas de cèdre unique, des résines de styrax, de l'absolu de tonka et du musc ». Entre résineux et cuiré, « Tonka 25 » m’a énormément surpris car je pensais tomber sur un parfum plus « tendre » et amandé. Je le porte et, sur ma peau, c’est vraiment le côté complexe du styrax et ses facettes cuir qui ressortent. C’est un parfum qui est, pour moi, complètement addictif. Je ne le trouve pas très facile à porter dans l’idée mais quand je me décide à le vaporiser sur ma peau et mes vêtements, je suis toujours étonné de me rendre compte qu’il est à la fois discret et enveloppant comme un blouson d’aviateur. Je trouve que côté styrax est vraiment ce qui ressort sur moi et ce n’est pas pour me déplaire.
Quand je pense au styrax, un parfum me vient vraiment à l’esprit c’est bien évidemment « Fumerie Turque » créé en 2003 par Christopher Sherldrake pour Serge Lutens et que je connais, je pense, depuis sa sortie. J’ai toujours pensé que cette magnifique création n’était pas pour moi mais, en y remettant mon nez il y a quelques semaines pour écrire cet article, je me dis que j’ai évolué et que je pourrais bien, maintenant, franchir le pas s’il ne faisait pas désormais partie de la collection des Gratte-Ciel que je trouve bien trop onéreuse. Je ne vais pas développer une fois encore mais je trouve que la marque exagère de l’avoir rendu difficile d’accès en sélectionnant par le prix plutôt que par les points de vente. Mais revenons au parfum en tant que tel. Serge Lutens le décrit ainsi : « Au sein des sourdes cloisons du harem de Topkapi, favorites et courtisanes de Murad IV s’adonnent, au travers d’étonnants narguilés, à des concours de patience : former les volutes les plus parlantes pour y lire les évocations de leur destin. Entre tabacs doux et délices opiacés, une invitation à pénétrer le sérail du Grand Seigneur d’Istanbul ». Je trouve que, même si la marque ne communique pas vraiment sur la pyramide olfactive, la note animale, fumée et épicée du styrax est évidente. « Fumerie Turque », à l’instar de la plupart des parfums de la marque, est construit de manière linéaire et sans notes de tête. Je pense que c’est une volonté à la fois du parfumeur et de Serge Lutens. J’aime beaucoup « Fumerie Turque » et c’est vrai que le côté à la fois résineux et tabac blond matche particulièrement bien avec ma peau. Nos envies changent, nos goûts aussi. À l’époque de sa sortie, je trouvais « Fumerie Turque » trop opulent, trop singulier pour le très jeune homme que j’étais et qui découvrait la parfumerie d’auteurs. Aujourd’hui, je pense que je pourrais plus facilement l’appréhender et le porter.
« La tradition a traversé les époques, immortalisant le nom de ce club de jazz de Brooklyn. Une anthologie de musique classique jouée par des cuivres, entre fauteuils moelleux et tabourets de bar, dans une atmosphère tamisée où l’air embaume les parfums des cocktails posés sur un piano ». Je trouve que « Jazz Club », créé par Aliénor Massenet pour la collection Réplica de Maison Martin Margiela est également un bon exemple pour illustrer l’impression cuirée et facettée que donne le styrax car la résine est particulièrement identifiable. Le parfum s’ouvre sur une effluve très étonnante de citron primofiore, de poivre rose et d’essence de néroli pour nous conduire sur un coeur de sauge sclarée, d’absolu de rhum, de vétiver de java et un fond de styrax travaillé de manière très résineuse, d’absolu de feuille de tabac arrondi d’une gousse de vanille très aromatique. J’ai tout de suite accroché sur ce parfum alors que je ne suis pas très amateur de la collection. Celui-ci est une effluve d’écharpes que j’aime bien porter en hiver. Je le trouve vraiment réussi et plein de nuances. C’est certes un cuiré mais il a une douceur toute facettée et enveloppante qui le rend vraiment singulier. Je trouve que l’ambiance des clubs de jazz telle que je me l’imagine est particulièrement bien rendue. J’ai porté « Jazz Club » et je l’aime bien. Je pense que, là encore, c’est une belle découverte et que la note si particulière de styrax n’est pas pour rien dans le fait que j’ai retenu ce parfum.
« Jardins D’Écrivains incarne «la Pléiade» avec un triptyque composé de poésies dont l’adaptation olfactive exprime l’intensité du cuir, du cèdre et du patchouli. Le langage de l’excellence inspire un sillage précieux.. Alcools de Guillaume Apollinaire. Élixir de macération cuirée. L’ivresse des sens révèle l’art du choc. » C’est un cuir de Russie sans mousse de chêne et dont la pyramide est particulièrement bouleversée puisqu’on y retrouve l’essence goudronnée du bouleau associée à l’armoise un peu verte en tête. Le coeur de lilas et de fève tonka est tout à fait inédit et le fond baumé de styrax et de benjoin font de « Alcools », créé par Anaïs Biguine pour la collection la Pléiade de Jardins d’Écrivains en 2018 a été, pour moi, un énorme coup de coeur à sa sortie et je l’ai déjà beaucoup porté au plus froid de l’hiver. C’est la facette « Baume du Tigre » du styrax associé au benjoin qui ressort en find et je trouve ce parfum particulièrement enveloppant, atypique et en même temps discret. Ils est idéal pour les journées froides en ce qui me concerne. Je l’ai d’ailleurs beaucoup porté car j’attaque mon second flacon. Je trouve que la dualité entre le lilas et le côté baumé du benjoin et du styrax est un équilibre parfait. Je ne connais aucun parfum qui lui ressemble de près ou de loin et, dès que les températures le permettront, je le ressortirai avec vraiment beaucoup de plaisir. C’est un vrai parfum charnel et envoûtant pour moi. Je le re-sens en écrivant et je me dis que je l’aime toujours autant. Je l’avais un peu laissé de côté et je vais le ressortir et le porter très régulièrement.
J’aurais pu choisir d’autres parfums comme « Yvresse » d’Yves Saint-Laurent que j’adore par exemple mais j’ai préféré me laisser guider par mon nez et ne parler que des créations auxquelles j’ai facilement accès. Je suis vraiment très attiré par la note de styrax et je crois que ça va s’intensifier d’autant que je suis de plus en plus audacieux dans mes choix. C’est une matière première très étonnante car elle met en valeur les autres ou elle ressort, c’est très différent suivant les créations. Je pense que ça vaut le coup de s’y pencher.
Mes parfums préférés : "Cuir Velours"
Il est maisons de parfumerie dont j’aime toutes les créations et c’est le cas de Naomi Goodsir. Six fragrances, six merveilles il faut bien le dire. C’est vrai que la designer et modiste australienne s’entoure de parfumeurs de talents, jugez plutôt, Isabelle Doyen, Bertrand Duchaufour et Julien Rasquinet. Trois univers extrêmement différents mais trois visions de l’audace olfactive et je trouve que saluer leur création qui m’enchantent est la moindre des choses. Parmi mes marottes du moment, il y a « Cuir Velours » qui est un peu comme ce que Cocteau disait de Marlene Dietrich et qui est particulièrement rebattu : « son nom commence comme une caresse et se termine comme un coup de cravache ». C’est à peu près ce que je ressens lorsque je sens ce parfum inventé en 2012 par Julien Rasquinet. Un daim doux, enveloppant, presque miellé qui se mue, au cours de son évolution entre un cuir vrai et plein de caractère. Naomi Goodsir le définit ainsi : « Doux comme un gant… de cuir ». Pour moi, il est très évocateur. D’une part, il me rappelle dans l’esprit et dans l’originalité d’autres parfums cuirés désormais reformulés ou disparus que j’ai aimé même s’il ne leur ressemble pas vraiment. Dès son envolée sur ma peau, il se développe merveilleusement et, en quelque sorte, prend le galop. Après des notes de suède légèrement miellées, le côté vraiment immortelle et franchement cuir s’installent et ne me lâcheront plus pendant des heures. Jamais écoeurant, jamais convenu « Cuir Velours » est, à mon nez, une réussite parfaite qui souffle le chaud et le froid, qui enveloppe comme un foulard puis devient vraiment cuir équestre et neuf.
Julien Rasquinet
« Un parfum profond et texturé, qui évoque une peausserie de cuir fin, velouté. Des effluves de tabac, soutenues par des notes de rhum, de ciste labdanum, d’encens et de fleur d’immortelle ». L rhum lui confère quelque chose de vraiment tendre et suave mais le ciste labdanum et la fleur d’immortelle sont vraiment très présents ainsi que la feuille de tabac. Ce n’est pas un cuir de Russie mais une interprétation moderne d’une famille olfactive parfois un peu oubliée. Je trouve que « Cuir Velours » a vraiment tout pour me plaire. C’est une fragrance de peau, sur peau, avec la peau. Je fais le jeu de mot à dessein car je trouve qu’il est tellement agréable à porter qu’il en devient comme une partie de moi. J’ai beaucoup essayé de ce parfum. J’ai tourné beaucoup autour et je dois dire que je pourrais parfaitement me l’approprier comme la plupart des créations de la marque (exception faite de « Or du Sérail » que je trouve magnifique à sentir mais qui est un peu trop oriental pour moi) et vraiment il rejoint la cohorte de mes parfums préférés sans aucun doute.
Philippine Courtière, une sensibilité olfactive à suivre
Parmi les jeunes parfumeurs à suivre, il y en a une dont le travail m’intéresse de plus en plus. Il s’agit de Philippine Courtière que j’avais découverte il y a quelques années grâce à son travail en binôme avec Daphné Bugey pour Oriflamme. Depuis, j’ai senti ou essayé quatre des créations qu’elle a composé et je dois dire que je trouve que c’est un beau travail tout en délicatesse, en simplicité et, n’ayons pas peur des mots, en talent. Goutal Paris, Maison Matine ou encore Chloé, Philippine Courtière donne son interprétation de la féminité même si plusieurs de ses parfums sont plus androgynes ou plus masculins. J’aime vraiment l’écriture épurée et toujours extrêmement bien vue de ses créations et j’avais envie, même si j’en ai déjà parlé récemment, d’y revenir pour donner, peut-être, une vue d’ensemble de ce que je connais de son travail.
C’est avec Camille Goutal que Philippine Courtière crée, pour Annick Goutal, en 2016, ce qui se révèlera être un vrai succès. J’ai nommé « Rose Pompon » en eau de toilette. Je me souviens parfaitement du lancement de cette fragrance qui m’avait un peu déstabilisé. Je m’attendais à quelque chose de très dans l’esprit maison, un peu poudré et feutré et bien pas du tout. C’est un floral fruité absolument éclatant et tout à fait différent de l’idée que je m’en faisais. « Rose Pompon » m’avais surpris. « Une fraîcheur addictive, un manifeste de féminité... Rose Pompon est à l'image des créations olfactives d'Annick Goutal twistée d'une audacieuse modernité ». Pour être moderne, il est moderne ce duo de rose de Bulgarie et de Turquie twisté avec des notes de poivre rose, de cassis, de framboise et de pivoine posées sur un lit de cèdre, de patchouli et de muscs blancs. Si, en règle générale je n’aime pas trop genrer les parfums, je trouve que « Rose Pompon » a vraiment quelque chose de très féminin mais aussi de vraiment éclatant entre fraîcheur et rondeur. C’est un parfum ciselé et il ne faut pas s’arrêter à ses notes de tête mais le laisser vivre, évoluer, changer devenir beau et plein de petites facettes tendres et lumineuses à la fois. Il m’avait surpris, presque rebuté mais je me suis laissé porté et je l’ai beaucoup aimé. Je le préfère en eau de toilette qu’en sa déclinaison en eau de parfum sortie l’an dernier en 2020 que je trouve un peu trop capiteuse et avec des notes de vanille et de violette et qui, à mon sens, perd un peu en finesse. En tout cas, c’est une rose fruitée bien réalisée, sans aucune lourdeur et qui reste, malgré le thème très usité, très niche et, pourquoi pas, un peu Goutal.
Je ne peux m’empêcher de revenir sur le travail de Philippine Courtière pour Maison Matine car j’ai eu vraiment un coup de coeur pour cette marque sans prétention, peu onéreuse, et dont les créations sont réussies et efficaces. Je vais donc, une fois encore, évoquer « Bain de Midi » qu’elle a créé en 2019 et qui, il faut bien le dire, est un beau succès. Un départ de bergamote douce et fraiche à la fois, associée à la noix de coco qui nous emmène déjà au soleil, un coeur de fleur de tiaré, de gardénia qui enveloppent un ylang-ylang plus que solaire et un fond vanillé et musqué confèrent à ce parfum dont chaque ingrédient est savamment dosé, une véritable identité et en même temps quelque chose de simple et net qui le rend facile à s’approprier. Il n’a aucune prétention, il est un compagnon de vacances idéale et rend le soleil aux journées grises. J’ai essayé ce parfum l’an dernier et je ne l’ai jamais oublié car je le trouve tout à fait réussi et je dirais même « impeccable ». En général, je trouve ce que je pourrais appeler les parfums de plage un peu trop féminins et ce n’est pas le cas de celui-ci, il est tellement facile à porter que je pourrais tout à fait me l’approprier et je pense que c’est le cas de beaucoup de garçons. C’est un un concentré universel de soleil, d’été et même un peu de front de mer. Je le trouve vraiment réussi et, même s’il peut sembler un peu sage, il est jubilatoire.
Il y a quelques années, j’ai été vraiment ravi de voir que Atkinsons, une ancienne maison britannique renaissait de ses cendres. J’ai été, en revanche, très déçu de voir que la marque avait disparu des rayons du Printemps Haussmann mais je pense que la maison a d’autres points de vente en France. Sans savoir que c’était Philippine Courtière qui l’avait créé en 2018, j’avais une dose d’éssai de « Gold Fair in Mayfair » qui renoue avec la grande tradition des ambrés floraux avec un départ tout à fait déroutant de noix de muscade et d’absinthe, un coeur de fève de cacao très aromatique et d’iris et un fond construit autour de cette note si particulière d’ambroxan avec des accents de styrax et de vétiver. Vous l’aurez compris, il a quelque chose de très ambré et un peu oriental et il n’est pas nécessairement pour moi mais il faut bien admettre qu’il s’en dégage une élégance absolue un peu éloignée des parfums à l’anglaise dont la marque s’est beaucoup affranchie. Luxueuse, opulente, c’est une fragrance classique et élégante qui ravira les amateurs d’ambrés fleuris qui tendent un peu être mis de côté dans les marques de niche. La petite note d’absinthe qui est très persistante donne un côté anisé et même un peu aquatique au parfum ce qui lui retire toute lourdeur. J’ai bien aimé le redécouvrir.
S’il est une marque dont je ne parle jamais c’est Chloé et pourtant je reconnais que la collection privée appelée Atelier des Fleurs est très belle. Elle compte tout de même 12 fragrances inspirées de fleurs et de feuillages et il serait grand temps que je m’y penche un peu plus d’autant que les trois ou quatre que je connais m’ont plu. J’ai découvert en avant-première, grâce à l’une d’entre-vous, « Narcissus Poeticus » qui doit sortir avant la fin de 2021 cet été et il ne pouvait que me plaire. La marque le décrit ainsi : « Cette Eau de Parfum révèle l’odeur miellée délicate du Narcisse, première fleur dont la parfumeuse Philippine Courtière soit tombée amoureuse. Enfant, elle se promenait avec sa grand-mère dans les allées du jardin du Luxembourg, où elle cueillait cette fleur de printemps pour en confectionner de petits bouquets ». J’aime beaucoup la note de narcisse un peu cuirée et je me suis rendu compte qu’elle n’était pas travaillée de manière classique mais vraiment florale et légèrement poudrée avec une facette miellée. C’est vrai que ce parfum m’a évoqué les jardins urbains. C’est un bouquet floral dominé par cette note profonde et pleine de facettes. La marque ne communique pas sur la pyramide olfactive mais je peux dire que j’ai trouvé le parfum vraiment agréable à sentir et à découvrir. Je ne sais pas si je le porterais mais vraiment sa délicatesse m’a été agréable.
Philippine Courtière a une vraie signature. J’ai hâte de découvrir d’autres parfums qu’elle a pu créer ou qu’elle va inventer. Son travail me touche. Je suis complètement réceptif et j’aime bien le côté simple et direct de ses créations. Je souhaite vraiment qu’elle rencontre le succès qu’elle mérite et qu’elle continue longtemps de nous faire rêver.
Les molécules de synthèse : Le bois de cachemire (ou cashmeran)
« Le bois de cachemire, également appelé « Cashmeran » est un produit issu de molécule de synthèse. Le nom de la note « Cashmeran » a été commercialisé et déposé par IFF (International Flavors and Fragrances). C’est IFF qui a découvert le bois de cachemire en 1970, par l’intermédiaire du Docteur John Hall. Le bois de cachemire est donc une molécule qui n’existe pas naturellement. Elle offre néanmoins aux compositions des tonalités à la fois chaudes, boisées, douces, vanillées ou encore balsamiques et laisse un sillage voluptueux. C’est une molécule douce que l’on a envie de toucher et qui dégage des notes inédites » (Source Olfastory). Je voulais livrer une définition précise de cette molécule que l’on retrouve, souvent en fond, dans beaucoup de ce que j’appellerai les « parfums cocons » car, utilisée à bon escient, elle va donner à la création une très belle facette. Dans un interview que j’ai entendue il y a peu, le parfumeur Maurice Roucel confie qu’il ne faut pas l’utiliser en trop grande quantité sous peine de rendre la fragrance un peu « plate ». Pour illustrer cette définition, j’ai cherché plusieurs parfums dans lesquels je reconnais pas mal le bois de cachemire. N’étant pas chimiste, je vais essayer simplement de vous restituer mes impressions de mon mieux.
Je parlais de Maurice Roucel en introduction et, bien évidemment, le premier parfum qui me vient à l’esprit pour illustrer mon propos est « Dans tes Bras » qu’il a créé en 2008. La marque le décrit ainsi : « Cet instant où deux corps se rapprochent, faisant naître ce sentiment unique d’attraction mutuelle. Un océan de cashmeran, matière inclassable, à la vibration particulière, mâtiné de violette, puis réchauffé par le santal, le musc et l’héliotrope. Le magnétisme irrésistible d’une peau moite et salée, dont on n'imagine plus pouvoir se passer » et je sais que le parfumeur, s’il a eu beaucoup de mal à doser cette matière première synthétique, est, depuis qu’il y est parvenu, très content du résultat et c’est vrai que je trouve que c’est vraiment un beau parfum. Le cashmeran est, ici, utilisé en coeur mais son effluve douce et réconfortante sans jamais être écoeurante, est présente, à mon sens, et sur ma peau, à tous les étages de la pyramide olfactive. Elle se mêle, en tête à la feuille de violette qui va dès le départ, installer un côté poudré à la fragrance qui va également perdurer. Au coeur, elle est associée à la fleur d’héliotrope, amandée et poudrée également qui va vraiment donner un côté presque « encaustique » à la création et cette impression sera confirmée par un santal un peu sec en fond associé à des muscs blancs. Je trouve que « Dans tes Bras » est vraiment un parfum complet car il est à la fois facile à aimer et à porter grâce à ses facettes réconfortantes, très contemporain car il ne ressemble à rien de ce que j’avais senti avant même si la note un peu « cire d’abeille » existe, travaillée autrement, dans d’autres créations et doté d’une vraie identité. Je l’ai essayé plusieurs fois et, pour tout dire, j’ai un peu tourné autour car je le trouve vraiment d’une élégance et d’une modernité qui peuvent s’harmoniser avec tous les styles et qui va complètement convenir aux deux sexes. Il peut se faire ultra féminin comme complètement masculin. Pour moi, et même si je ne l’ai pas choisi, il demeure l’une des plus belles réussites de la collection.
Le bois de cachemire est également, je trouve, l’une des matières premières emblématiques des créations d’Olivier Polge pour Chanel. Je trouve qu’il va vraiment donner sa singularité à « Gabrielle » qu’il a créé en 2017, par rapport à tous les fleuris que l’on peut trouver dans le sélectif et prendre, dans ce cas, une facette vraiment ambrée et féminine si j’ose dire. Plus lumineux, plus aérien que beaucoup de fleuris, « Gabrielle » m’était un peu passé inaperçu lors de sa sortie mais, pour écrire cet article, je suis allé y remettre mon nez et j’ai réussi à en apprécier plusieurs facettes que je n’avais pas senties de prime abord et je comprends son succès qui va bien au-delà du marketing. La marque le décrit par ces mots : " Une interprétation florale, lumineuse et aérienne, construite autour de quatre fleurs éclatantes. Inspirée de Gabrielle Chanel, L’Eau de Parfum Gabrille Chanel est la fragrance d’une femme qui s’écoute et s’affirme. Une femme solaire qui exprime pleinement sa personnalité et qui rayonne. Dans son flacon carré aux parois de verre ultrafines, le parfum semble léviter, comme en apesanteur. L’étiquette et le bouchon dévoilent une teinte précieuse, lamée, entre l’or et l’argent". Le départ est très frais avec, il me semble, des notes d’agrumes et de bourgeon de cassis, le coeur est floral et c’est un bouquet très finement ciselé et, quant au fond, il est à la fois ambré avec le cashmeran, crémeux avec le bois de santal très cher à la marque et poudré par des notes de muscs blancs. « Gabrielle » est construit en mêlant molécules de synthèse et matières naturelles « à la Chanel », c’est à dire d’une manière assumée pour créer un floral stylisé et épuré. Je dois dire que la présence du bois de Cachemire apporte beaucoup dans le côté addictif de la création lorsque l’on arrive sur les notes de fond. Je sens ce parfum un écrivant et je me dis que je suis vraiment passé à côté. En revanche, je suis moins attiré par la version Essence sortie plus tard que je trouve un peu « forcé ». Je trouve que « Gabrielle » est, dans le sélectif, l’un des parfums féminins sortis ces dernières années qui mérite d’être redécouvert.
Je ne suis pas un grand fan de « By the Fireplace » créé par Marie Salamagne, dont j’aime beaucoup le travail d’habitude, pour la collection Réplica de Maison Martin Margiela en 2015 car il est un peu éloigné de ma zone de confort mais je sais qu’il rencontre un grand succès à la fois public et dans la blogosphère. Je suis donc allé remettre mon nez dessus car beaucoup d’entre-vous le connaissent et je trouve qu’il est particulièrement facile de le prendre en exemple pour illustrer mon propos car la note de bois de Cachemire est particulièrement notable. La marque en décrit l’inspiration : « Le souvenir chaleureux du crépitement d’un feu de cheminée lors d'un beau matin d’hiver. Chamonix, 1971 – La beauté envoûtante des flammes qui dansent au cœur du foyer, l'odeur de bois fumé, le contraste avec l'ambiance givrée de l'extérieur où la neige tombe doucement : By the Fireplace ravive le souvenir du crépitement d'un feu de cheminée réconfortant lors un beau matin d’hiver ». Résolument boisé et tout de même gourmand, il s’ouvre sur une association de fleur d’oranger, de clou de girofle et de poivre rose pour nous emmener sur un coeur de chataîgne, de bois de gaïac et d’huile e cade et donne le ton avec une dualité entre profondeur de bois consumé et une certaine rondeur qui s’affirme quand on arrive au fond construit autour du cashmeran très enveloppant et ambré, renforcé par le baume du Pérou et bien évidemment arrondi par une note gourmande de vanille. J’ai essayé ce parfum sur ma peau mais il ne matche pas très bien, force m’est de le constater. Il a tendance à devenir un peu monolitique et très sucré ce qui ne m’attire pas mais je reconnais que, bien porté, il doit avoir quelque chose, une fois encore, de tout à fait addictif. Il m’évoque un peu les fêtes de fin d’années et un certain trop plein de marrons glacés mais c’est mon histoire personnelle.
J’ai un peu gardé mon préféré pour la fin et il s’agit de « Rouge Smoking » créé par Amélie Bourgeois en 2018 pour BDK Parfums. Avec son départ de bergamote, de baies roses et de cerise, son coeur d’héliotrope et de vanille et son fond construit autour du cashmeran et de l’ambroxan avec des notes cuirées de labdanum, musquées et poudrées de fève tonka, c’est une création addictive et je l’aime depuis que je l’ai découverte à sa sortie. La marque le décrit ainsi : « À la tombée de la nuit le ciel devient brumeux et laisse entrevoir à travers la fenêtre la lumière rouge du moulin. Les klaxons retentissent et un esprit de fête s’invite dans la ville. Devant sa coiffeuse, elle se prépare et se maquille. C’est le temps de la mise en beauté. Elle rejoint l’autre pièce et entre dans son dressing. Elle retire du cintre ce smoking qui l’inspire et qui souligne son corps. Le chic parisien, elle connait bien. La mode aussi. Son allure bohème et son énergie charnelle marquent son empreinte dans les rues. C’est elle la fille de Pigalle... Si belle et mystérieuse.. ». Je dois dire que j’étais un peu réticent lorsque j’ai lu que c’était une fragrance construite autour d’une note de cerise mais j’ai adoré la dualité entre des facettes fruitées certes mais aussi amandées et profondes qui ne le rendent ni franchement chimique ni vraiment acidulé. Construit comme un cocon autour de cette molécule qui fait ressortir une facette poudrée et profonde, il est merveilleux sur ma peau et j’ai énormément tourné autour, je l’ai même beaucoup porté. J’ai fait un autre choix dans cette famille olfactive mais je l’aime toujours beaucoup. Je trouve que, dans ce parfum, le cashmeran ajoute vraiment un plus et permet à la fragrance d’avoir ce petit côté élégant qui s’en dégage. Pour moi, « Rouge Smoking », c’est carton plein. Le seul bémol est que, sur ma peau, sa tenue est un peu limitée alors que je sais qu’il tient très bien sur d’autres. Pour moi, il avait été, en 2018, vraiment parmi le top cinq de mes sorties favorites.
J’inaugure avec le bois de Cachemire peut-être une série d’article sur les molécules de synthèse les plus utilisées et les plus reconnaissables. Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à me le dire. Je ferai d’autres recherches et je viendrai vous parler des spécificités de celles que je connais. En tout cas, pour en revenir au cashmeran, je suis vraiment content de l’identifier et, comme le dit Maurice Roucel, utilisé avec parcimonie et doigté, il apporte vraiment quelque chose de très agréable à la création. Il permet de réinventer le parfum cocon et réconfortant.
Quatre autres créations de Pierre Guillaume
Découvrir les parfums de Pierre Guillaume pour sa marque dans les différentes séries est assez titanesque et, de temps en temps, je vais mettre mon nez dans des créations que je ne connais pas. J’en ai senti quatre de la collection Numéraire et donc, petit à petit, je progresse dans cette univers très important. Pierre Guillaume est très prolifique et je dois dire que, parfois, je trouve qu’il est un peu étourdissant de découvrir ses parfums tant on ne sait pas par où commencer. C’est donc en tâtonnant un peu au hasard que je mets mon nez sur certains parfums auxquels j’ai accès facilement. J’en profite pour remercier, une fois encore, Anne de la Mûre Favorite à Lyon qui est toujours disponible pour et m’aider à étancher ma curiosité en me guidant à travers cet univers foisonnant et impressionnant. J’ai donc fait quatre nouvelles découvertes dont je vais essayer de vous parler en développant mes impressions. Je dois dire que je pars un peu, parfois, dans tous les sens et que je ne hiérarchise pas vraiment mes découvertes. J’ai donc senti quatre parfums et autant d’univers olfactifs très différents même si, bien souvent, avec Pierre Guillaume, une facette gourmande, plus ou moins développée, est présente.
Le premier parfum que j’ai senti est « Djhenné 22 » lancé en 2012 qui est, pour moi, assez idéal pour entrer dans l’hiver. Il décrit ainsi sa création : « L’abandon au soleil. Oasis luxuriante, Djhenné est une ombre chaude. Fourreau de Cuir à la blondeur de Blé et de Myrrhe, protégeant du linceul de sable brûlant, les délicates feuilles de Menthe Argentée et la blancheur capiteuse des Seringas… » et je dois dire que c’est assez bien résumé. C’est un parfum très surprenant, à la fois aromatique avec des notes de lavande et de fève de cacao, baumé avec la myrrhe et même un peu cuiré et ambré. Je le trouve très clair obscur comme une promenade d’Alice dans la forêt déroutant du Pays des Merveilles. C’est un parfum ultra facetté et qui vous trimballe d’un univers à l’autre sans beaucoup de transition. Écrit comme ça, on pourrait penser à une création un peu incohérente et qui part dans tous les sens mais il n’en n’est rien. Il y a un fil conducteur, les notes boisées et, elles démarrent très en fraîcheur avant de s’arrondir et de se densifier au cours de l’évolution. Je le trouve tout à fait singulier et il a quelque chose de très puissant et de très doux à la fois. C’est une dualité permanente entre les impressions. Je ne porterais pas nécessairement « Djenné 22 » car il est peut-être un peu trop boisé pour moi (quoi que…) mais je le trouve très intéressant. La myrrhe apporte vraiment une profondeur à ce parfum presque ethnique voire parfois chamanique (si l’on peut dire) et, à la fois moderne et urbain. J’ai beaucoup aimé le découvrir.
« Le Musc et la Peau 4.1» est l’un des fleurons de la collection Numéraire et j’avais lu pas mal de choses avant de le découvrir il y a quelques mois. J’avoue que j’étais complètement passé à côté lors de ma première impression mais j’en ai lu et entendu tant d’éloges que ça a suscité un regain de curiosité. Lancé en 2014, c’est un cocon tendre et doux, à la fois poudré, lacté, légèrement gourmand et doucement animal. À son sujet, la journaliste Sarah Bouasse écrira : “Le Musc & La Peau de Pierre Guillaume, cela sent nous mais… en mieux !”. Je trouve que c’est très bien résumé car ce parfum m’évoque assez l’odeur de la peau après la douche. Pierre Guillaume le décrit ainsi : « Un assemblage de sept différents muscs évoquant la peau humaine se pare d’Ylang-Ylang, de Fève Tonka, d’Ambre, de Cèdre, de Romarin et de touches de Vanille. Un élixir de peau à porter seul ou comme base, pour personnaliser son parfum habituel ». Construit autour des muscs blancs sans jamais donner une impression de linge propre, avec des notes de lait de romarin et d’ylang-ylang, je dirai que c’est un parfum parfait pour ceux qui veulent une fragrance pour eux, avec un petit sillage mais sans plus. C’est un parfum très évolutif et je trouve qu’il faut vraiment insister pour en découvrir toutes ses facettes ou tout au moins un maximum. La marque précise qu’il peut être une base à superposer pour créer son propre parfum mais je ne sais pas si je m’y aventurerai. Pour ma part, même vous allez trouver ça bizarre, je pense qu’il m’évoque un peu les cocons du ver à soie. C’est la douceur d’une écharpe légère. Il est idéal après l’été et j’ai bien fait d’insister et de le redécouvrir.
« Aomassaï 10 » a été lancé en 2006 et je dois dire que j’étais un peu rétif à le sentir car je ne suis pas vraiment fan des parfums dans lesquels la note de café est travaillée en majeur même si j’aime passer devant les échoppes des torréfacteurs. Je ne saurais pas trop dire pourquoi mais je n’ai pas de prédilection pour cette odeur sur moi. La marque le décrit ainsi : « L’évocation d’un bois polychrome, inspiré par l’Afrique Noire et l’Art des Baoulé, où notes gourmandes et amères s’entrechoquent dans la chaleur d’un feu rituel… Un souffle brûlant de caramel et de noisettes grillées corsé d’épices, attise la combustion du vétiver, du Tolu et de l’orange amère. D’envoûtantes volutes d’Encens mêlées de réglisse enveloppent un brasier de Wengué, d’herbes sèches et de résines ». Je dois dire que, des quatre découvertes que j’ai pu faire, ce parfum est le plus déroutant. Je suis un peu entre attirance et répulsion. Pierre Guillaume dit s’être inspiré d’un feu de brousse ou d’une cérémonie vaudou. Pour ma part, je sens surtout des notes très torréfiées, voire même grillées entre amertume et notes liquoreuses. C’est un parfum qui est, pour moi, vraiment sombre, pas forcément ethnique comme si je m’y attendais. Je le trouverais même urbain et très contemporain. Pour moi, il n’est pas très évolutif et même plutôt linéaire mais je n’ai pas réussi à l’essayer sur ma peau tant il me déroute. Je le trouve vraiment clivant. Il va sans doute en rebuter certains et en attirer d’autres comme un aimant. L’image qui me vient est celle, sans aucun doute, d’un café pris en plein été, le matin, à la terrasse d’un bar parisien beaucoup plus que celle d’une Afrique noire et mystérieuse. « Aomassaï 10 » est un ovni. Il est à découvrir, à aimer ou à fuir mais il faut vraiment se faire sa propre idée.
Lancé en 2007, « Cadjméré 18 » est indéniablement celui des quatre que j’avais sélectionné qui m’a apporté la plus belle émotion. Boisé, poudré, ambré et un peu exotique voire même légèrement gourmand, il est ainsi décrit par Pierre Guillaume : « Délicat et Raffiné, la rencontre d’un précieux Bois de Rose, floral épicé, et d’un Santal doux et chaleureux…Une harmonie crémeuse, un parfum tendre et caressant comme le cachemire ». Très enveloppant, il mêle rameaux de myrthe, résine de cyprès du Kenya, écorce de santal, graine d’ambrette et une vanille aromatique que je ne sens pas vraiment. Il est décrit comme un oriental boisé mais je serais bien en peine de le faire entrer dans une case. Je trouve que c’est surtout un travail très enveloppant et facetté autour du bois de rose. Il m’a évoqué un piano droit du début du XXème siècle sur lequel toute la famille aime se retrouver pour écorcher une valse de Chopin. Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé à ça mais vraiment je ne pouvais pas m’enlever cette musique de la tête alors que je le découvrais. Très honnêtement, il m’a donné l’impression de confort d’un pull en cachemire au plus froid de l’hiver et sa facette légèrement gourmande ne m’a pas du tout dérangé. Je ne sais pas pourquoi mais « Cadjméré 18 » m’a rappelé ma propre enfance, ma propre histoire, souvenirs d’une période heureuse et insouciante. Ce pense que c’est probablement pour ça qu’il m’a plu. Il n’est pas, pour autant, un parfum qui s’adresse seulement à un jeune public, il est élégant et très agréable. Je l’ai trouvé vraiment facile à porter en dépit d’une certaine originalité. Pour moi, c’est carton plein. Il coche toutes les cases de ce que j’aime et pourtant ce n’est pas complètement un coup de coeur peut-être parce que, dans la marque, la concurrence est rude.
Pierre Guillaume est prolixe, il invente des jus sans arrêt et il n’a probablement pas fini de m’intriguer même si j’ai une prédilection pour « L’Eau de Circé » qui a été un énorme coup de coeur, j’ai eu et j’aurais encore d’autres engouements dans la marque et les diverses collections. En tout cas, c’est un travail très dense que de découvrir petit à petit ces fragrances même si, sur le nombre, je n’aime pas tout loin de là et c’est normal. En tout cas, je suis content car, cette « session » m’a emmené dans des univers olfactifs éloignés les uns des autres même si, et je m’en rends de plus en plus compte, il existe, bien souvent un fil conducteur qui est la signature du parfumeur.
Nostalgie : quelques collectors dont je peux encore profiter un peu
À l’heure où les lancement sont nombreux et où une nouvelle parfumerie s’apprête à ouvrir chez nous à Lyon, me voilà nostalgique. J’ai un peu rangé mes parfums et je me suis rendu compte que j’avais quelques collectors disparus corps et biens des rayons ou qui ont étés tellement reformulés que je ne les reconnais plus et qui vont me manquer lorsque mes flacons seront vide. Je préfère sans peut-être qu’ils soient supprimés que de plus les retrouver que d’en sentir des ersatz que je ne me vois pas porter, il n’empêche que je voudrais prolonger le plaisir le plus longtemps possible. Vintages, collectors et parfums jubilatoires, j’ai décidé de les remettre un peu sur devant de la scène et d’en parler au cas où vous en choperiez quelques gouttes au cours de vos pérégrinations et que vous pouviez ainsi les découvrir.
Les deux premiers qui me viennent à l’esprit sont « 2 Violaceum » et « 18 Glacialis Terra » créés en 2016 par Daphné Bugey pour une collection qui s’appelait Natura Fabularis (devenue La Botanique) de l’Artisan Parfumeur. Je dois dire qu’ils faisaient partie de mes coups de coeur. Le premier est une violette complètement stylisée avec un départ de graine de carotte et de safran qui m’évoquait assez les fleurs bavardes imaginées par Lewis Carroll dans « Alice au Pays des Merveilles ». Résolument contemporain, très singulier, il n’a sans doute pas su trouver le coeur de son public et c’est bien dommage car cette violette atypique, formidable, se développe merveilleusement sur ma peau. Heureusement, sa tenue est telle que le flacon descend peu lorsque je le porte. Je pense que j’aurai vraiment du mal à m’en passer. C’est aussi le cas de « 18 Glacialis Terra », un vétiver travaillé de manière glacée presque givrée comme une terre dure d’hiver dans un sous-bois rêvé. Des notes d’absinthe rehaussent le vétiver et le rendent parfaitement addictif. Sur ma peau, il est très rafraîchissant et je l’adore. Les jours de canicule, il est, pour moi, un refuge. Je me suis laissé dire qu’il rencontrait un certain succès et je ne m’explique pas sa suppression mais je la regrette terriblement. Vous allez me dire que la totalité de la collection est très belle et que les deux nouveaux que nous avons tant attendus sont des réussites et je n’en disconviens évidemment pas mais permettez-moi un peu de cette nostalgie de mon engouement quand j’ai découvert ces deux-là.
Je l’ai découvert bien trop tard car il avait, à l’instar de la majorité des créations de la première collection de Mona di Orio, discontinué mais j’ai vraiment eu un coup de foudre pour « Carnation » qu’elle a lancé en 2006 est un travail floral et charnel autour d’un oeillet pas du tout piquant, rond et profond. Je me souviens lorsque j’ai eu entre les mains, un testeur, du choc olfactif que j’ai ressenti, du résultat du parfumage sur ma peau et de l’effluve persistante sur mon écharpe posée dans ma chambre pendant des jours. Il me le fallait absolument. J’ai bataillé mais j’ai trouvé 50 ml en Suisse et je me suis jeté dessus. J’ai eu, par la suite, le privilège de me voir offrir un format voyage et je remercie chaleureusement Bernadette, la maman de Nathalie alias Mona de ce cadeau qui m’a été droit au coeur tant j’aime ce travail autant pour le porter que pour l’extraordinaire oeuvre artistique que représentent tous ses parfums. Ensuite, il y a eu bien évidemment les Nombres d’Or, « Cuir » et « Musc » que j’affectionne toujours autant (surtout dans leur première version) ainsi que « Violette Fumée » venue plus tard mais je n’ai jamais oublié « Carnation » et la formidable alchimie que ce parfum singulier et unique crée avec ma peau. Je le porte plutôt pour des occasions particulières car, je l’admets, j’économise mon stock. Je rêve qu’un jour ce parfum soit réédité tout comme j’attendrai longtemps je le pense, « Bois de Paradis », créé par Michel Roudnitska pour DelRae. Oui, je suis nostalgique de ces parfums qui représentent vraiment, et ce n’est pas un vain mot, la parfumerie d’auteurs la plus audacieuse.
J’ai une prédilection depuis longtemps pour la très belle maison anglaise Floris et j’ai porté déjà deux flacons de « Mahon Leather » qui avait été lancé en 2011 tout d’abord en exclusivité pour Harrod’s puis qui était arrivé sur le continent. C’était un cuir de Russie, jasminé, amandé et rehaussé de violette. Je crois que je n’avais jamais trouvé, à l’époque où j’ai eu mon premier flacon, de parfum qui me correspondait autant. Tout y était, une facette cuir, une autre florale, une poudrée et une amandée, le tout parfaitement harmonisé. J’ai adoré ce parfum à un point tel que, lorsque j’ai su qu’il allait disparaitre, j’ai fait du stock ce qui n’est pas toujours possible. En tout cas, je continue de le porter assez naturellement et à l’aimer profondément. Je sais que je peux encore trouver un ou deux flacons donc je ne l’économise pas forcément. En tout cas, il demeure pour moi, un des plus beaux cuirs que j’ai eu dans ma collection. Une version à l’anglaise du cuir de Russie à l’ancienne travaillé avec une extrême délicatesse. Je sais que, depuis le Brexit, l’accès aux marques britanniques est de plus en plus compliqué sur le continent et je le déplore, je sais aussi que, outre « Mahon Leather », « Roaring Radcliff » créé par Daphné Bugey pour la collection des portraits de Penhaligon’s en 2016 et que j’adore est aussi appelé à disparaitre mais je sais que je pourrais me rabattre sur un autre animal de la série donc, s’il va me manquer, ce sera moins net que « Mahon Leather ». En écrivant cet article, je le porte et je me fais vraiment plaisir.
Je termine cette revue de quelques collectors que je possède et que je vais regretter lorsque les flacons seront vides. J’ai gardé le pire pour la fin et je vais évidemment évoquer Caron et, bien évidemment le mythique « Narcisse Noir »(1911) ainsi que sa réinterprétation par son créateur Ernest Daltroff en 1923. Depuis le rachat de la marque il y a quelques temps, elle faut peau neuve et, quitte à me faire des ennemis, je vais le dire, ce n’est pas une bonne nouvelle. J’attendais beaucoup du parfumeur engagé par la maison car j’avais adoré son travail pour Isabey et quelle déception ! De nouvelles créations qui ne m’intéressent pas du tout en reformulations qui me donnent envie de détourner la tête, ce n’est pas ce que je m’attendais. Certes, je comprends qu’il faille conquérir une nouvelle clientèle (dont je ne serai pas on ne va pas se mentir) mais je trouve très irrespectueux de traiter les fidèles de la marque de cette manière-là. Alors je la connais l’excuse des la norme ISO mais comme par hasard, les interdictions de matières ne touchent pas « Pour un Homme » qui est le best de la maison ! Résultat des courses adieu « Narcisse Noir » en attendant une reformulation qui m’effraye un peu et exit « Narcisse Blanc » pour pouvoir réutiliser le nom pour une nouvelle création sur laquelle je ne vais pas m’étendre tant je la trouve sans intérêt. Oui, c’est un coup de gueule ! Ayant créé ce blog pour être positif, ça m’arrive rarement mais là, vraiment, je trouve que mettre un terme à l’une des belles maisons traditionnelles de la parfumerie à la française (elle était d’ailleurs la dernière puisque Jean Patou n’existe plus et Guerlain… enfin, je préfère ne pas parler de Guerlain) et je trouve ça désolant. Une page est tournée et je l’aurai vécu en direct. Il me reste, heureusement, des flacons de « Narcisse Noir » et de « Narcisse Blanc » (le vrai et pas cette petite eau de parfum sans intérêt) mais cela aura une fin hélas et nostalgique je deviendrai quand les dernières gouttes que je possède auront été vaporisées. Je ne parle même pas des parfums que j’aimais mais que je ne porte pas tant cette démarche m’agace.
J’ai l’oeil et le nez sur les nouveautés, parfois on voit revenir des parfums que l'on aime pour un temps limité comme "Mon Parfum Chéri" d'Annick Goutal ou encore "Nutmeg & Ginger" de Jo Malone et j’ai des engouements heureusement mais je trouve toujours triste de voir disparaitre des oeuvres d’art. J’aurais pu évoquer aussi « Peau de Pierre » de Starck qui a été vraiment ma signature pendant un certain temps ou encore « Iris Prima » de Penhaligon’s que j’adore ainsi que d’autres parfums dont je n’ai plus de flacons mais je voulais parler de ceux avec lesquels je peux encore, pour un temps limité me parfumer. Il y aura bien évidemment d’autres parfums mais ceux-ci seront dans un coin de ma tête pour longtemps j’en suis sûr.
Le Jardin Retrouvé... Au nom du père
Je me rends compte que je n’ai jamais fait de compte-rendu de ma visite à de la boutique Le Jardin Retrouvé il y a quelques mois et qui a été une belle expérience à la fois olfactivement et humainement car, non seulement on nous a pris en charge pour nous faire visiter ce lieu atypique et formidablement bien imaginé mais en plus, les parfums son beaux, bien travaillés et pleins d’un raffinement qui m’a beaucoup plu. Qu’est-ce que Le Jardin Retrouvé ? C’est une maison de parfum créée ou plutôt recréée par Clara Feder et Michel Gutsatz et qui réédite les créations de son père Yuri. C’est aussi une boutique qui se trouve au fond de la cour d’un très bel immeuble du 55 de la rue Montmartre dans le deuxième arrondissement de Paris et où l’on nous propose différentes expériences olfactives et sensorielles. Je ne développerai pas cet aspect car il ne faut pas expliquer, il faut le vivre. J’ai choisi, comme d’habitude, plutôt de vous parler des parfums et des émotions que j’ai pu ressentir en les découvrant. J’en ai choisi quatre que je trouve particulièrement beaux et qui m’ont séduit.
Le tout premier qui m’a vraiment impressionné est « Bois Tabac Virginia » créé par Yuri Gutsatz en 1967. Il est présenté ainsi par la marque : « Bois-Tabac Virginia est une Eau de Parfum boisée, construite autour de notes de vétiver fumé et d’un fond de tabac délicat et rond. Cette fragrance renouvelle le genre de la fougère en proposant une senteur mixte et fraiche. Ce parfum est une ode à la parfumerie des années 1920, il rappelle d’anciens parfums disparus et reste d'une rafraichissante modernité ». Présenté dans un très beau flacon sérigraphié, il est, pour moi, vraiment à mi-chemin entre les parfums tabac classiques et des fragrances modernes car, lorsqu’on le sent, une myriade de petites facettes se succèdent et se mélangent pour finalement trouver une harmonie olfactive à la fois très surprenante et rassurante entre tradition et modernité. C’est un travail autour du vétiver avec une envolée aromatique construite autour du géranium avec presqu’un côté menthe, un coeur à la fois floral et cuiré et un fond très patchouli et tabac. La marque ne communique pas sur les notes mais c’est ce que j’ai pu ressentir en l’essayant. Il m’emmène dans un univers tantôt boisé avec presque un versant « vert liane » et enveloppant avec une note patchouli qu’il m’a semblé identifier sur la fin. C’est un très beau coup de coeur et je dois dire que je l’ai vraiment bien aimé.
Yuri Gutstatz a créé son « Cuir de Russie » en 1977 et je dois dire que je suis toujours à l’affut de ce genre de fragrance dans chaque marque car j’aime particulièrement cet accord. « Cuir de Russie est une Eau de Parfum à la senteur subtile de violette et de cuir mêlée aux résines précieuses. Il est un memento des origines slaves de Yuri Gutsatz, fondateur du Jardin Retrouvé. Il a voulu par cette senteur recréer un souvenir d’enfant, celui des bottes de cuir de son père. Cette fragrance délicate et teintée d’émotion vous fera découvrir une nouvelle facette du Cuir de Russie ». J’aime beaucoup le côté violette associé à l’accord bouleau et mousse de chêne. Lorsque je l’ai essayé, j’ai vraiment ressenti toute une tradition de cette association tour à tour vraiment cuir et poudrée, presque florale. Le départ a quelque chose de frais, agrumes puis le coeur est poudré avec des notes de violette très présentes. Le fond est un cuir de Russie goudronné, très intéressant avec également des accents un peu ciste labdanum et une mousse de chêne bien présente. J’ai vraiment beaucoup aimé. Il a certainement inspiré plusieurs parfums car je le trouve complètement créateur d’une tendance. C’est vrai que nous y sommes, dans la Russie des Tsars, emmitouflés pour un trajet en troïka. Pour moi, « Cuir de Russie » est vraiment ce que je m’imaginais. Le seul bémol est que, sur ma peau, il est un peu volatile. J’ai tendance à le « boire » assez rapidement. J’ai parfois ce genre de soucis. Si je décidais de le porter, je le vaporiserais plutôt sur mes vêtements.
Je pense que « Verveine d’Été » créé en 1978 est l’un des fleurons de la maison. En tout cas, j’ai senti la passion de la jeune fille qui nous a reçus pour ce parfum que j’ai vraiment beaucoup aimé également. La marque le décrit ainsi : « Verveine d’Eté est une Eau de Parfum à la senteur délicate et fraiche. Elle sera un partenaire idéal lors des chaudes journées estivales mais aussi au coeur de l’hiver pour vous apporter joie et réconfort. Une senteur mixte, pétillante et dynamisante qui rappelle la fraicheur d’un parterre de plantes aromatiques au petit matin. Laissez-vous transporter par ses notes vertes dans le Jardin d’Été de Saint-Petersbourg ». Aromatique ? Hespéridé ? Je ne saurais le dire mais je suis très séduit par cette senteur pleine de charme, un peu désuète mais finalement complètement unisexe, intemporelle et facile à porter. Comme toujours, le travail de Yuri Gusatz est plein de facettes, d’une grande délicatesse et je trouve que c’est une excellente alternative pour un été de canicule à tous les parfums plus convenus que l’on trouve sur le marché. La verveine est vraiment presque travaillée de manière solinote mais elle est rehaussée de notes très hespéridées en tête et de lavande en coeur. Le fond m’a semblé plus mousse de chêne et bois (peut-être du cèdre) et il soutient la fragrance tout en l’enrichissant. Je ne suis pas très fan de ce genre de parfum d’habitude mais j’ai beaucoup aimé celui-ci.
Nous voilà rendu à un floral magnifique. « Tubéreuse Trianon », créé en 1985 est décrit ainsi : « Tubéreuse Trianon est une Eau de Parfum solaire et lumineuse. Avec ses notes de fleurs blanches, de framboise et de coco cette fragrance florale et fruitée vous fera voyager sous des latitudes plus ensoleillées. Là où poussent la tubéreuse, le jasmin et l’ylang ylang qui feront chavirer votre coeur. Une fragrance rayonnante qui dure sur la peau, passant d’une facette florale à un fond crémeux, musqué et lacté ». J’ai adoré ce parfum plein d’énergie et de soleil. La tubéreuse est évidemment au coeur de cette création mais le départ est frais, surprenant, attirant avec des notes de rhubarbe il me semble et au coeur, le bouquet floral est dominé par l’ylang ylang et cette tubéreuse très présente mais pas du tout médicinale. Ici elle est ronde et j’imagine un peu qu’elle est renforcée par la fleur de frangipanier. Le fond est un peu baumé, presque myrrhe. J’ai vraiment adoré ce parfum et je pense qu’il est peut-être mon préféré de tous ceux que j’ai pu essayer. Lorsque j’ai repris mes notes pour écrire cet article, j’avais noté « splendide et moderne ». C’est une tubéreuse légère et facile à porter même en plein été. Joueuse, elle se cache et réapparait comme si elle voulait séduire et aller chercher ceux qui ne l’aiment pas d’habitude. Pour moi, c’est un coup de coeur.
Dénicher Le Jardin Retrouvé a été une très belle expérience. J’avais beaucoup discuté avec Clara quand j’avais mon groupe Facebook et j’ai suivi, en quelque sorte, un peu la progression depuis le début de la re-création de la marque. Je trouve que c’est une belle démarche à la fois olfactive et artistique et que la maison est à découvrir. L’idéal est d’aller au 55 de la rue Montmartre et de se laisser porter. En tout cas, j’ai beaucoup aimé l’expérience.
Mes parfums préférés : "Nutmeg & Ginger"
Décidément, 2021 aura marqué le retour de quelques uns de mes parfums chouchous ! Après « Mon Parfum Chéri » d’Annick Goutal, c’est au tour, dans la collection des Archives, de « Ginger & Nutmeg » créé par Jo Malone en 1990 de refaire son apparition dans ma vie. Je l’avais beaucoup porté et j’en ai déjà parlé dans mon article sur ces rééditions mais je me suis dit que cette bonne nouvelle méritait bien un article. Ce parfum, le tout premier créé pour faire suite à des huiles parfumées pour le bain par une passionnée de cosmétique et de senteurs britannique fut à l’origine de l’une des plus modernes maisons de parfums à l’anglaise. Avec son don inné pour associer les ingrédients floraux, hespéridés et les épices, Jo Malone a inventé une nouvelle manière de se parfumer qui perdure, aujourd’hui qu’elle a vendu sa maison et qu’elle est partie vers de nouvelles aventures, grâce au talent de nombreux parfumeurs talentueux venus des deux côtés de la Manche. Parfum iconique de la marque, il avait disparu de l’orgue il y a quelques années au profit de plusieurs nouveautés et je l’avais toujours regretté. « Nutmeg & Ginger» a été mon tout premier coup de coeur également. Je ne sais plus si je l’avais découvert à Londres où dans la première boutique lyonnaise mais c’était il y a plus de dix ans. Ensuite, je suis allé vers d’autres fragrances comme « Amber & Lavender » puis bien d’autres puisque je porte, en permanence, quatre ou cinq parfums de la marque. Pourtant, je n’avais jamais oublié les notes épicées, fraîches et presque limpides de « Nutmeg & Ginger ».
Jo Malone
Atypique, il fait la part belle à la noix de muscade que j’aime particulièrement en parfumerie alors qu’en cuisine, je l’utilise avec parcimonie. Elle est présente dans nombre de mes parfums récurrents comme « Noir Épices » créé en 2000 par Michel Roudnitska pour les Éditions de Parfum Frédéric Malle par exemple et dans « Nutmeg & Ginger », elle est vraiment mise à l’honneur. Après un départ de gingembre très citronné elle prend toute la place et est soutenue par des notes très douces et sophistiquées de bois de santal dans le fond. Vraiment c’est avec un plaisir immense que je l’ai senti à nouveau la semaine dernière et que je vais pouvoir le porter à nouveau. J’espère que la marque continuera cette collection Archives qui recèle des merveilles comme « Blue Agava & Cacao » et bien d’autres. Je suis complètement fan de « Nutmeg & Ginger » mais je me laisserai bien tenter par une autre Cologne (appellation de la marque alors que la concentration est celle d’une eau de toilette) de cette collection dans les mois à venir. Qui sait ?
"Corpus Equus", enfin un nouveau Naomi Goodsir !
Il y a quelques jours j’évoquais trois parfums dont j’ai longtemps et impatiemment attendu la sortie et je ne savais pas encore qu’un quatrième allait être lancé mettant fin à une curiosité et à une envie de découvertes depuis plus de deux ans. En effet, c’est lors d’une rencontre avec Naomi Goodsir et un échange humain vraiment agréable avec son compagnon et elle il y a près de deux ans que j’ai entendu parler du projet de création d’un nouveau jus qui serait composé par Bertrand Duchaufour. Le voilà enfin ! Après une semaine de mystère j’en sais un peu plus et je l’ai découvert en avant-première. Il faut faut bien admettre que c’est une réussite et que ça valait la peine d’attendre qu’il soit créé, complètement développé et lancé. C’est une création qui est complètement à la hauteur des autres et qui explore un univers olfactif tout à fait singulier alliant un coeur construit autour d’une rose cachée et sombre et un fond de cuir de Russie avec une très belle essence de bouleau associée à la mousse de chêne auquel le parfumeur a mêlé des notes de bois fumé, d’encens, de cèdre, de musc et de patchouli.
Bertrand Duchaufour
À travers ce parfum sombre, profond, à la fois très ancré dans la tradition des créations à la française et d’une modernité intense Bertrand Duchaufour crée là un chef d’oeuvre olfactif et contemporain. La marque décrit ce parfum ainsi : « Une composition noire aux notes animales, Corpus Equus rend hommage à la nature noble et sauvage d’un étalon arabe, à son tempérament de feu. Être intrépide et fougueux à l’allure élégante, il fend le vent, laissant derrière lui une odeur de terre, foulée par son galop, mêlée au cuir chaud de sa selle qui frotte sur son dos. ». Je dois dire que le coeur de rose me faisait un peu peur mais le côté cuiré et ambré prend très nettement le dessus sur ma peau et, il faut bien le dire, c’est une merveille. Au niveau sillage et tenue, il est parfait (peut-être quand même un peu trop opulent) et je pense qu’il va rejoindre le quatuor de tête de mes sorties préférées de cette année. Je suis complètement conquis et ça valait bien un article. Il m’a séduit et j’espère qu’il en sera de même pour vous…
Trois autres animaux singuliers chez Zoologist
Attention c’est du lourd ! J’ai eu l’occasion de tester trois autres créations de la marque Zoologist et là, nous nous éloignons des oiseaux et des insectes pour aller au fond de la savane (en ce qui concerne deux d’entre-eux) et dans un musée d’histoire naturelle (pour le troisième). Je dois dire que j’ai été complètement dérouté par ces fragrances et que je suis sorti bien plus que jamais de ma zone de confort. On ne va pas se mentir, aucun des trois n’est pour moi mais je salue l’audace des parfumeurs ainsi que l’inventivité qu’ils ont développé. Je suis dérouté en les sentant et j’adore ça. Le point commun est vraiment le côté très animal des habitats zoologistes. Peut-être allez vous trouver votre futur parfum dans cette sélection mais, si vous allez les sentir, nul doute que vous allez être surpris.
Le tout premier que j’ai testé est un animal impressionnant, pas forcément facile d’abord, il s’agit de « Rhinocéros ». Créé par Paul Kiler en 2014, je dois dire qu’il m’a vraiment donné un mouvement de recul quand je l’ai vaporisé sur mon poignet. La marque le décrit ainsi : « Sous le regard brûlant d'un soleil implacable, le rhinocéros arpente son territoire poussiéreux. Une peau dure et battue est son armure contre l'assaut érosif du sable, fouetté dans une frénésie par un vent chaud et impitoyable, alors qu'il se tient fort, défendant son domaine. Lors de la première vaporisation de Rhinoceros de Zoologist, des notes enivrantes de rhum sucré et de whisky entrent en collision avec un café moelleux avant que le parfum ne s'installe dans son long voyage. Cuir riche, oud et encens sont transportés dans un nuage de tabac rouge fumé le long d'un chemin ambré poussiéreux, parsemé de notes de patchouli et de mousse. Rhinoceros est un parfum sophistiqué et robuste qui fait une déclaration audacieuse et sans excuse. Allez de l'avant et explorez votre monde. Ne demandez pas la permission ». Le départ est très dense avec des notes de poivre rose, de café, de whisky, de café, de rhum et de basilic et mon nez est déjà submergé avant d’arriver sur le coeur de cuir, d’encens, de tabac et d’ylang-ylang et le fond de oud, de patchouli, de mousse de chêne et d’ambre. La construction est presque chyprée mais les notes animales prennent le dessus très vite durant l’évolution. Sur ma peau, le parfum est vraiment entêtant et limite écoeurant. Je dois dire que je n’ai absolument pas adhéré. Il est complexe, difficile mais c’est vrai qu’il évoque bien l’habitat du rhinocéros. Si je reconnais la complexité et l’inventivité de cette création, son côté vraiment animal et rond à la fois m’a vraiment dérangé et je n’ai pas pu le supporter plus d’une vingtaine de minutes sur ma peau. J’ai beaucoup de mal à retrouver la pyramide olfactive dans cette création mais c’est aussi l’art du mélange.
Créé en 2017 par Chris Bartlet « Éléphant » est un peu différent. J’avoue que j’étais un peu craintif après l’expérience « Rhinocéros » et pourtant, il n’en n’a rien été. Je n’ai pas été fou de l’envolée de feuilles vertes, de magnolia et de thé Darjeeling, du coeur de cacao, de noix de coco, de bois et de jasmin. Le fond, en revanche, avec des notes d’ambre, de musc et de patchouli est bien trouvé. C’est un parfum épicé, doux très « ethnique ». Je dois dire qu’il m’a plus mais que je ne pourrais pas le porter. La marque le décrit ainsi : « Derrière le feuillage humide et luxuriant de la canopée, émergent les arômes complexes d'Elephant de Zoologist. Un mélange de Thé Darjeeling revigorant et d'Encens, suivi d'un tourbillon de Coco et de Cacao. Avec la patience d'un troupeau en quête de nourriture, le parfum se dissipe progressivement pour révéler un beau mélange de notes boisées et d'élégant Bois de Santal ». C’est un parfum beaucoup trop rond pour moi, les notes animales me dérangent au cours de l’évolution. Je trouve la création artistique très intéressante mais vraiment je ne pourrais pas porter ce parfum. Je le trouve presque dérangeant lorsqu’il évolue sur ma peau. Il me rebute moins que « Rhinocéros » mais je crains le côte très coco et cacao que je trouve presque doucereux. Ceci dit, il est probablement très réaliste car je trouve qu’il a un côté « savane » très net un peu dans l’esprit de « African Leather » de Memo. C’est un parfum intéressant mais, vous l’aurez compris, il n’est absolument pas pour moi.
Nous voici partis au musée d’histoire naturelle pour découvrir « Tyrannosorus Rex », un parfum décrit ainsi par la marque : « Tyrannosaurus Rex de Zoologist est un parfum gargantuesque qui plonge ses dents dans le monde des fragrances délicates et le déchire. Les bois primitifs et les fleurs vous saisissent et vous emmènent dans une époque primitive. Le bois enfumé et carbonisé met en garde contre le danger d'un feu qui brûle, met vos sens en éveil, tandis que les gouttelettes d'oxyde de Rose métallique offrent un pressentiment effrayant de soif de sang. Le puissant Tyrannosaurus Rex est parfois menaçant, parfois fascinant, mais jamais ordinaire ». De cette série de trois, ce parfum créé en 2018 par Antonio Gardoni est sans doute celui qui me rebute le moins. Il est très très fumé mais il a un côté vraiment intéressant. C’est une formule longue complexe : un coeur de bergamote, de poivre noir, de sapin, de feuille de laurier, de néroli et de noix de muscade, un coeur de champaca, de géranium, de jasmin, d’osmanthus, de rose et d’ylang-ylang, et un fond de résine, de bois de cade, de cèdre, de civette, d’encens, de cuir, de patchouli, de bois de santal et de vanille. Il a l’air ultra complexe et complètement incohérent comme ça sur le papier et bien pas du tout. Je trouve que le bois de cade prend vraiment le dessus et que son côté ultra goudronné et fumé donne quelque chose d’assez intéressant. Il y a aussi des notes rondes, d’autres plus vertes. Sur ma peau, il est très évolutif et très facetté. Il ne m’a pas déplu mais je ne sais pas si je pourrais le porter. En ce moment, je suis plus branché par des choses légères et transparentes bien qu’épicées. Je pourrais sans doute le porter mais, dans le style fumé et un peu animal, il n’est pas celui que je préfère.
La marque est vraiment passionnante et j’ai adoré me rendre compte qu’il y avait des parfums qui ne me convenaient pas. Pour ce qui est de Zoologist, mes préférés restent « Dragonfly », « Nightingale », « Hummingbird » et « Panda » que j’ai déjà évoqué. Si je n’ai pas adhéré à ces parfums-là. Ce sont des parfums aboutis et vraiment bien développés. Un grand merci à Romuald pour m’avoir fait découvrir ces trois parfums.
Quelques cuirs...
Je ne sais pas pourquoi mais depuis quelques temps, je reviens aux parfums cuirés. Est-ce l’approche de l’automne, « l’effet rentrée » ou simplement l’envie de redécouvrir une famille olfactive qui revient dans ma tête régulièrement depuis que je m’intéresse à la parfumerie ? Je ne saurais le dire. J’ai porté beaucoup de cuirés dans ma vie mais depuis quelques années, à part quelques uns récurrents, j’ai un peu laissé ces créations de côté. Cuirs de Russie inspirés des parfums des années 20, cuirs inspirés de voyages réels ou oniriques, cuirs et tabacs ou tout simplement cuirs narcotiques et fleuris ? Là encore, les possibilités sont immenses. Cuir de maroquinerie assez brut, cuir animal et pas toujours facile à porter, cuir tout doux irisé plus proche du suède, les possibilités sont très nombreuses. J’ai eu envie de faire une petite revue de parfums découverts ou redécouverts récemment. J’en ai sélectionné cinq très différents les uns des autres. J’en ai essayé certains et j’ai eu des coups de coeur. Allons-y, installons-nous dans l’univers contrasté de cuirs de parfumerie.
Pour commencer, je vais aller explorer ce qu’on appelle l’accord cuir de Russie apparu dès le XIXème siècle et obtenu par un mélange entre une huile de bois de bouleau souvent très dense et goudronnée et une mousse de chêne qui peut lui conférer des aspects doux ou verts selon les compositions. Le style n’est jamais vraiment tombé en désuétude et il y en a plusieurs sur le marché. Il peut être associé à la violette, à l’iris, à la vanille selon l’effet voulu. Il y en a d’historiques mais j’ai remis mon nez dans une création finalement récente, héritière incomparable des cuirs de Russie des années 20. Il s’agit bien évidemment de « Cuir Mauresque » créé par Christopher Sheldrake en 1996. Je réalise en écrivant que ce parfum a déjà 25 ans ! Je me souviens surtout de sa réédition en 2003 et de sa sortie, avec « Fumerie Turque » dans la collection des hautes concentrations réservée à la boutique du Palais Royal et, pour un temps limité, à diverses parfumeries indépendantes. Je dois dire que c’est un parfum qui a marqué particulièrement mon parcours olfactif tant il est riche et complexe. Christopher Sheldrake s’inspire des parfums anciens des collections des années vingt pour traduire l’inspiration de Serge Lutens : « Quand les Maures quittèrent l’Andalousie, ils abandonnèrent à leurs dires le Paradis. La légende qu’ils laissèrent est le parfum... Pur-sang racé au cuir tanné sur écorce d’acacia, ce parfum élégant nous replonge dans le mythe d’un passé riche de conquêtes, de culture et de raffinement ». Comme toujours, il ne communique pas sur les notes mais je reconnais le bois de bouleau et la mousse de chêne dès l’envolée étant donné que, comme dans chaque parfum de la maison, il n’y a pas vraiment de notes de tête. J’ai lu qu’il pouvait se situer entre « Tabac Blond » de Caron dans l’une de ses premières versions, « Cuir de Russie » de Chanel mais aussi « L’Heure Bleue » de Guerlain. En lui donnant une facette un peu orientale, Christopher Sheldrake a dépoussiéré le genre et, même s’il est empreint de la tradition du parfum du début du XXème siècle, il a un côté très intemporel et pourquoi pas contemporain. Je regrette beaucoup que ce parfum soit ressorti dans le collection Gratte Ciel dont le prix est quand même un peu prohibitif (et vraiment exagéré) car, lorsque je l’ai découvert, j’étais jeune et je n’étais pas prêt à porter une création aussi opulente et audacieuse. Dans les hautes concentrations, j’avais opté pour « Louve » qui était plus sage et plus proche de ma zone de confort de l’époque. Aujourd’hui, c’est un parfum qui, je pense, pourrait me plaire mais je dois dire que son prix dépasse la limite que je me suis fixée.
En collaborant avec la maison Memo, Aliénor Massenet s’est affranchie du traditionnel accord bois de bouleau et mousse de chêne pour explorer d’autres manières de créer des cuirs notamment en travaillant des matières comme le patchouli et le vétiver. Elle y a réussi avec un brio incroyable et, si j’aime énormément son travail en général, je ne boude pas du tout mon plaisir lorsque je remets mon nez sur l’un de ses parfums cuirés car je trouve qu’elle s’y entend c’est le moins qu’on puisse dire. Elle est même un peu sortie de cette collection pour en créer de très intéressants pour d’autres marques (« Jazz Club » pour Réplica de Maison Martin Margiela, « Cuir Tassili » pour Rebatchi…) et, à chaque fois, c’est un vrai bonheur tant sa vision du cuir (je ne sais pas si on peut dire ça pour un parfum) est singulière et vraiment belle. Elle a beaucoup composé dans cette famille olfactive et il m’a fallu faire un choix. J’aurais pu opter pour « African Leather » que j’ai énormément porté car je voulais vraiment choisir un Memo, mais, finalement, j’ai re-senti récemment « Italian Leather ». Si je voulais lui donner un épithète, je dirais que c’est un cuir poudré mais ce serait un peu réducteur. Le postulat de départ était le suivant : « Italian Leather parle l'italien de Rome, celui qu'on se murmure à demi assoupi sur le siège de son cabriolet, sieste aussi impromptue qu'amoureuse. Il associe la simplicité d’une feuille de tomate verte à la beauté racée du cuir, de la myrrhe, de l’absolu de vanille. Un rêve éveillé ». C’est par une association d’huile de feuille de tomate vert et un très bel absolu de ciste que l’impression de cuir est parfaitement rendue. La sauge sclarée, le galbanum et le santal lui donnent son côté très enveloppant et l’utilisation d’une concrète d’iris très généreuse lui offre une facette poudrée que je trouve vraiment atypique. C’est un cuir qui est tout sauf animal, il est délicat et puissant à la fois et je le trouve vraiment intéressant même s’il n’est pas forcément pour moi. C’est une création très opulente et l’iris prend énormément de place. Je n’avais pas senti « Italian Leather » depuis des années et, il y a quelques semaines, j’ai eu envie de l’essayer. Je ne suis pas certain d’assumer son sillage mais j’ai adoré le porter. Il est vraiment en rupture avec les cuirs que je connaissais.
J’ai choisi dans cet article des parfums cuirés que je ne porte pas mais que j’aime beaucoup ou que j’ai trouvés intéressants. Lorsque j’ai découvert Nasomatto, la maison d’Alessandro Gualtieri, j’étais un peu passé à côté de « Duro » et je pense que c’est dommage. J’aime bien l’idée d’un cuir épicé, ambré et liquoreux. C’est exactement l’impression que j’ai eue en le re-sentant ces derniers jours. Comme toujours, Alessandro Gualtieri ne communique ni sur les notes ni vraiment sur son inspiration, laissant libre court à l’imagination de ceux qui découvrent ses parfums. À l’instar de tous les parfums de la maison, c’est une concentration extrait et il ne faut pas, à mon avis, avoir la main trop lourde mais « Duro » m’a semblé assez facile à porter et, vraiment, j’aime bien la dualité entre le côté très cuir presque un peu brut et liquoreux comme enveloppé de notes spiritueuses, peut-être un peu vanillées et épicées. Sur ma peau, il a un développement assez étonnant. Au départ, il est vraiment très liquoreux, très profond et presque dérangeant, puis il se fait très animal, très cuir brut. Je dois dire que j’ai un peu de mal à assumer cette phase de son évolution. Il y a un côté très musc tonkin avec des accents un peu « plastique ». Par la suite, le cuir s’adoucit pour prendre une facette ambrée et un fond qui pourrait presque être chypré. La maison ne fait pas de dose d’essai (ce qui se comprend) et je n’ai pas osé, quand je suis allé le redécouvrir, demander qu’on me parfume avec car j’avais peur de ne pas le supporter toute la journée. Je me suis contenté de quelques sprays sur le poignet et je pense que c’était presque comme si je le portais autour de moi tant il était présent. Ceci dit, c’est un parfum pour amateurs car il est très original mais je pense qu’il est assez facile à porter. En tout cas, il l’est pour moi. C’est une très belle création et je suis content d’avoir remis mon nez dessus. Il est très versatile et j’aime bien cela je pense.
On parle peu « Cuir Intense » créé en 2019 pour la collection des Absolus d’Orient de Guerlain par Thierry Wasser et je dois dire que je l’avais beaucoup aimé lorsqu’il est sorti et que je l’ai essayé. Je ne l’avais pas senti depuis longtemps et je suis allé au Printemps avec l’idée de le redécouvrir. La marque le décrit ainsi : « Puissante et contrastée, cette création de Thierry Wasser, Maître Parfumeur de la Maison Guerlain, est inspirée de la matière noble du cuir. Matière première d'exception, le cuir fait partie intégrante d'une tradition millénaire en Orient. Thierry Wasser lui rend hommage dans un parfum qui met en avant sa force, sa souplesse et sa sensualité. Dans sa création, le parfumeur s'appuie sur les contrastes entre la puissance des notes cuirées boisées et la lumière de la fleur d'osmanthus aux facettes fruitées abricotées ». Très honnêtement, j’ai. Un peu de mal à sentir toutes les nuances tant le sillage est dense. La projection de se parfum doit être, une fois porté, vraiment très importante et je dois dire que je ne suis pas certain qu’il soit pour moi même si j’en apprécie la création. Je ne sais pas vraiment comment l’impression de cuir est restituée mais je le trouve, sur ma peau, à la fois brut comme lorsque l’on entre dans une maroquinerie et musqué, animal, presque dérangeant. Pour moi, c’est un peu « je t’aime, moi non plus » (j’ai la même impression avec « Ombré Leather » de Tom Ford et « Bronze Wood & Leather » de Jo Malone) et je ne pourrais sans doute pas le porter mais j’avoue qu’il m’attire et que j’aime particulièrement le sentir et le re-sentir. J’ai une certaine répulsion par moment et pourtant, je ne peux pas m’empêcher d’aimer m’en approcher. Pour moi, c’est vraiment une création clivante et je trouve qu’il est dommage que l’on ne trouve pas plus souvent ce genre de jus dans des marques grand public. Pour résumer, je ne pourrais sans doute pas porter « Cuir Intense » mais j’ai pris beaucoup de plaisir à remettre mon nez dessus. En plus, je l’ai eu sur ma peau pendant très longtemps donc j’ai pu profiter de toutes les étapes de son évolution.
Je suis un peu nostalgique de « Cuir » des Nombres d’Or de Mona di Orio que je n’ai, hélas, pas eu l’occasion de porter dans sa version originale et j’aime moins celle qui est commercialisée actuellement. Longtemps, j’ai cherché un cuir à la fois fort et doux, un peu suave, avec un esprit finalement très élégant sans autre prétention. S’il est vraiment différent car il a une facette gourmande, je trouve que « Cuir Velours » de Naomi Goodsir créé en 2012 par Julien Rasquinet partage cet esprit. Je tourne autour depuis très longtemps et j’ai nombre de doses d’essai à la maison donc, de temps à autre, je le porte le temps d’une journée et je dois dire que j’aime vraiment cette douceur enveloppante et élégante. Ce cuir sans cuir est vraiment épicé avec un départ de cardamome et de coriandre. Au coeur, c’est le ciste labdanum qui est utilisé pour retrouver cette note cuirée. Il est associé à l’immortelle qui lui confère sa profondeur et au rhum qui le rend légèrement gourmand. Un accord cuir et tabac blond pose ce parfum sur la peau avec, en petites touches, des notes d’encens. Il a vraiment quelque chose d’addictif et de réconfortant à la fois. Je l’aime énormément je dois le dire. La marque le décrit ainsi : « Un parfum profond et texturé, qui évoque une peausserie de cuir fin, velouté. Des effluves de tabac, soutenues par des notes de rhum, de ciste labdanum, d’encens et de fleur d’immortelle » et je trouve que c’est très bien vu car cest tout à fait ça que l’on ressent lorsque l’on pose son nez dessus. De cette sélection, il est celui que je préfère, celui que je pourrais porter, celui que je devrais porter. C’est un cuir pour moi, à mi-chemin entre le cuir de Russie traditionnel et une certaine idée du parfum très contemporain. J’ai un vrai coup de coeur pour ce parfum mais, comme vous le savez, on ne peut pas tout porter. Ceci dit, il reste toujours dans un petit coin de ma tête car il ne ressemble pas du tout aux quelques cuirs que je porte actuellement.
Vous l’aurez compris, la famille des cuirs est particulièrement riche et il est vrais que, à part quelques exceptions (« Ombré Leather » de Tom Ford, « Antaeus » de Chanel…) il sont peu nombreux dans la parfumerie du circuit sélectif. En revanche, les maisons plus confidentielles n’hésitent pas à en sortir de beaux, d’audacieux, (parfois les deux) ou d’atypiques. Je trouve que c’est une famille olfactive riche, diversifiée. Pour ma part, j’en porte quelques uns qui sont récurrents et très différents les uns des autres (« Cuir Fétiche » de Maître Parfumeur et Gantier, « Cuir de Russie » de L.T. Piver, « Coeur de Noir » de Beaufort qui est en plus une construction chyprée tout comme « Bandit » de Robert Piguet et j’en passe) aussi je garde le nez et l’esprit ouvert. Peut-être en aurais-je envie d’un autre avant la fin de l’hiver.