Quelques "Rarissimes" de la collection privée de Christian Dior
Lorsqu’on demandait à Christian Dior comment on faisait un parfum, il répondait « comme une robe ». Pour moi, l’écriture d’une fragrance serait plutôt comme une partition ou mieux encore, comme une lettre qu’on adresserait à celle ou à celui qui va le sentir et peut-être se l’approprier. Très récemment, j’ai découvert deux créations et redécouvert une troisième dans la série des « rarissimes » de la collection privée de Christian Dior. Force m’est de reconnaitre que je ne suis pas toujours sensible au travail de François Demachy pour la maison pas plus que de Francis Kurkdjian. C’est ainsi, on ne peut pas se sentir en phase avec l’univers de tous les parfumeurs et, si j’ai été content de découvrir la collection privée il y a quelques temps pour écrire un article, aucune des créations ne m’a vraiment fait envie. Il n’en va pas de même avec « les rarissimes ». J’ai donc décidé de venir vous parler des trois parfums que j’ai découvert (ou redécouvert pour l’un d’entre eux) et que j’ai trouvé vraiment réussis.
J’avais toujours entendu parler de « Eau Noire » créé par Francis Kurkdjian en 2004 mais je ne l’avais jamais découvert. Je dois dire que j’ai été très impressionné par sa complexité dès la vaporisation. François Demachy le décrit ainsi : « Eau Noire est l'interprétation d'un esprit smoking dans une eau du soir intense, nimbée de mystère. Une interprétation de la lavande en clair-obscur, faisant écho à l'atmosphère du château de la Colle Noire, propriété de Christian Dior située à Grasse, en Provence ». Pour moi, Francis Kurkdjian a surtout créé une fragrance « à la manière de ». En effet, je retrouve dans cet aromatique un peu oriental, l’esprit des anciens parfums de la maison Dior imaginés par Edmond Roudnitska avec un départ de sauge et de cumin, un coeur construit autour de la lavande, le café et l’immortelle épicée par une touche de safran et un fond de cuir, de vanille et de violette. Le départ est vraiment très épicé (enfin pour moi parce que nous étions plusieurs et nous n’avons pas tous eu le même ressenti) et ensuite la lavande prend toute sa place. Indéniablement, « Eau Noire » reprend les codes de la parfumerie masculine mais il est très facile à porter pour une femme. Je ne peux que louer son faux classicisme qui est, finalement, une grande originalité. Mes goûts évoluent tout le temps. Il y a quelques mois, je n’aurais jamais réussi à apprivoiser jusqu’à aimer la note de cumin et pourtant, dans « Eau Noire » tout comme dans plusieurs autres créations, je trouve qu’elle donne à la fragrance quelque chose de singulier et profond. En résumé, j’ai beaucoup aimé « Eau Noire » mais je ne suis pas certain de savoir le porter. Il est, pour moi, compte-tenu de mes goûts du moment, un peu trop aromatique. Ceci dit, il est vraiment incroyable et il faut vraiment le découvrir.

Sorti tout d’abord dans la première collection privée qui s’appelait La Collection Couturier Parfumeur en 2010 et créé par François Demachy, « Vétiver » était sans aucun doute l’une des fragrances dont je n’avais jamais entendu parler. Je regrette vraiment d’ailleurs de ne l’avoir pas découvert lorsqu’il existait encore dans des conditionnement plus petits car il est probable que je m’y serais intéressé. Le parfumeur a voulu interpréter la note de vétiver qui offre tellement de possibilités en lui rendant une certaine pureté. « Vétiver » est linéaire, solinote. C’est une mise en valeur de la belle matière première. Son écriture épurée m’a, je dois le dire, vraiment séduit. Je retrouve, dans ce parfum, ce que j’aime dans la version originale de « Encre Noire » de Lalique que j’aime décidément beaucoup et dans lequel Nathalie Lorson avait inventé un vétiver à la fois solinote et facetté. Avec ce parfum, François Demachy a vraiment retrouvé l’odeur du rhizome que j’avais senti lors d’une conférence. La note de café est là, uniquement pour soutenir la fragrance et je ne peux discerner, lors de son évolution, qu’une légère effluve de cèdre et de vanille (là, je spécule car la marque ne communique pas sur la pyramide olfactive) et je dois dire que je suis emballé. Élégant, classique (même si le terme ne me plait pas trop en parfumerie), « Vétiver » est l’une des pépites un peu oubliées de la collection privée et je trouve que c’est bien dommage. Pour moi, débarrassé des agrumes qui lui sont souvent associés (voir « Vétiver » de Guerlain, de « L.T. Piver » ou de « Carven » que j’aime beaucoup mais qui sont très différents) il affiche une identité clairement bois et racine mais tout en finesse. Pour conclure, je dirai que j’ai adoré « Vétiver » que je pourrais facilement le porter et que je suis sous le charme.
Il ne m’était clairement pas possible de parler des « rarissimes » de la collection privée de Christian Dior sans revenir sur « Cuir Cannage » qui est, pour moi, à ce jour, non seulement le chef d’oeuvre de François Demachy mais également, et depuis sa sortie en 2014, l’un de mes coups de coeur absolus. Le parfumeur le décrit ainsi : « L’idée de cette composition était de plonger dans l’intimité du sac d’une femme pour humer les odeurs de cuir, de rouge à lèvres, de métal, de bonbon ou de papier… Son parfum cuiré et fleuri, mêlé de fleur d’oranger et de bois fumés, est plein de mystère, de sensualité » et je dois dire que je n’aurai pas risqué de faire mieux. Il nous emmène dans l’univers des cuirs de Russie à l’ancienne avec tout ce qu’il faut de contemporain pour pouvoir séduire toutes les générations. Le départ rond d’ylang ylang et de bergamote associé à la fleur d’oranger, le coeur basé sur un accord cuir, poudré par l’iris, la rose et adouci par le jasmin, le fond de bois de bouleau, mousse de chêne, tabac et violette, tout y est. Il coche toutes les cases pour me plaire et je dois dire que je l’adore. Je lui trouve, après comparaison, effectivement une parenté avec « Cuir Fétiche », créé par Jean-Paul Millet-Lage pour Maître Parfumeur et Gantier mais en plus rond, plus cuiré encore. Vraiment, « Cuir Cannage » rejoint, pour moi, la liste des très beaux parfums de cette famille olfactive que j’ai peu sentir sur le marché actuel. Je dois dire que son seul défaut est d’être passé dans la série des « Rarissimes » et de n’exister que dans un conditionnement à 250 ml. Si j’avais pu le trouver en 50, en 75 ou même en 100, il y a bien longtemps que je me le serais approprié. Je le dis et le redis, « Cuir Cannage » fait partie des plus beaux cuirs que j’ai eu l’occasion de découvrir.

Découvrir et redécouvrir une partie de cette sous-collection guidé par une passionnée de parfums sur le stand du Printemps à Lyon a été un vrai bon moment. Non seulement, nous avons senti de très belles choses (je reviendrai sur un autre parfum dans un article ultérieurement) mais l’échange était vraiment agréable et génial. Je suis toujours très content, lorsque je rencontre des passionnés avec qui discuter parfums est un plaisir de part et d’autre. Nous avons cette chance à Lyon car, que ce soit dans les parfumeries indépendantes ou dans les stands du Printemps, la passion se partage quand il n’y a pas trop de monde et c’est enrichissant à chaque fois.
Quelques idées adaptées au froid de l'hiver
C’est l’hiver, il fait froid et humide. Pluie, neige, vent, sont difficiles à supporter et le parfum, chaque année, s’il est adapté, apporte un peu de réconfort. Oriental, cuiré, épicés, boisés, fleuris opulents, on a envie de senteurs chaudes, enveloppantes, d’un cocon agréable et profond. Suite à des demandes de plusieurs d’entre-vous, j’ai eu envie de consacrer un article à cinq parfums qui me semblent complètement « de saison ». J’ai essayé d’en choisir de très différents afin qu’il y en ait pour tous les goûts et d’explorer un peu tous azimuts ceux qui pourraient être de bonnes options. J’ai donc cherché dans le circuit sélectif bien évidemment mais également dans la parfumerie plus confidentielle. J’ai essayé aussi de sélectionner des fragrances un peu pour toutes les bourses. Allez, c’est parti pour quelques suggestions d’hiver.
Le tout premier parfum qui m’est venu à l’esprit est un éphémère qui revient chaque année à cette époque chez Jo Malone London. Il s’agit, bien évidemment de « Orange Bitters » qui a été lancée pour la première fois en 2016 et dont le succès est tel que la marque le ressort chaque année. Elle le décrit ainsi : « Une somptueuse Cologne en Édition Limitée, inspirée d'un cocktail hivernal réconfortant. Le plus chaleureux des cocktails de l'hiver. Prenez un zeste d'Orange douce et un éclat de Mandarine mûre. Terminez avec une touche d'Orange amère qui révèlera une prune onctueuse sur un fond sensuel de Bois de Santal et d’Ambre ». Malgré une concentration eau de toilette, cet hespéridé se révèle avoir une tenue extraordinaire. C’est l’orange et la mandarine dans tous leurs états, à la fois zestée, confite, amère et juteuse la note d’agrumes est rehaussée par la prune suave et évolue sur un fond d’ambre et de bois de santal. Tout en douceur et en amertume, ce parfum duel a été, pour moi, un vrai coup de coeur dès que je l’ai découvert. Je le porte depuis sa sortie et, je dois le dire, il m’accompagne à toute saison. C’est un intemporel élégant et très réconfortant qui sait garder une certaine fraîcheur tout en ayant « du corps ». Son prix est dans la moyenne et, chaque année, il sort en conditionnement 30 ml et 100 ml comme souvent chez Jo Malone London. Je pense qu’on peut encore le trouver en boutique pendant quelques semaines. Il ne faut pas hésiter, c’est une merveille.
« Boisé-oriental, une composition qui marie un thème de bois oriental à des notes de fleurs, de fruits et d’épices. Parfum vigoureux et frais, une senteur originale à forte personnalité » tel est décrit « Égoïste » signé par Jacques Polge (même si l’on reconnais parfaitement la patte de Christopher Sheldrake qui a du participer à son élaboration) et sorti en 1990 chez Chanel. Il me fallait un bel oriental et je trouve que celui-ci est un vrai petit bijou. Après un départ boisé et hespéridé en tre mandarine, palissandre et acajou, un coeur de rose épicé de cannelle, il se pose sur un fond de santal, de tabac, d’ambre et de vanille qui est construit autour de l’accord cuir de Russie. C’est un oriental « à la sauce Chanel ». Il ne ressemble à rien d’autre (à part « Bois des Iles » dans la collection des Exclusifs de la même maison) et, s’il est estampillé masculin, je trouve qu’il est tout à fait portable pour une femme. En fait, c’était un parfum mixte avant l’heure. Sa tenue est absolument exceptionnelle. Attention à son sillage qui peut être un peu envahissant. Je lui trouve une modernité extrême et, s’il est devenu un parfum pour amateurs aujourd’hui, je suis sûr qu’avec une communication plus dynamique, il trouverait ou retrouverait un large public. Pour moi, il est lié à la fin de l’adolescence puisqu’il a été mon tout premier parfum « pour les grands » à sa sortie. Je l’ai toujours aimé et, quand je le re-sens, je me rends compte qu’il n’a pas pris une ride. Son prix est également dans la moyenne et il est très facile à trouver.
Complexe, légèrement suranné, absolument incontournable en cette saison, je l’ai dit souvent, « Cuir de Russie » de L.T. Piver est une très bonne alternative pour les mois froids. S’il est vendu dans une concentration eau de toilette pour un prix modique (moins de 60 euros pour 100 ml) sa tenue et son sillage sont impeccables. Il est l’archétype des cuirés de l’entre-deux guerres qui ont su traverser les décennies sans jamais lasser. Son départ épicé, miellé et hespéridé avec une bergamote très présente, son coeur complexe articulé autour d’un accord cuir de Russie avec des notes de patchouli et de cannelle et son fond de ciste, d’ambre, de bouleau et de bois de santal en font un must de l’élégance. La marque le décrit ainsi : « Créé à la fin du XIXème siècle, ce jus exceptionnel renaît aujourd’hui dans une version originale. Très "gentleman-farmer", cette composition s’inspire de l’odeur de cuir des bottes de cosaques, imperméabilisées avec de l’écorce de bouleau. La note cuir, envoûtante et d’une irrésistible élégance, s’accompagne d’accents toniques et hespéridés - mandarine et bergamote- qui déposent sur la peau un voile de fraîcheur. Mais aussitôt des touches boisées et épicées prennent le relais avant que le miel ne vienne distiller toute sa douceur. Cette fragrance complexe qui se livre discrètement, exhalant au fil des heures toute sa splendeur, s’épanouit dans un flacon très structuré, aux lignes robustes, inspirées par la période constructiviste Russe. Un univers convivial, raffiné, jamais ostentatoire. Le luxe absolu ! » Pour certains, il passera peut-être pour un peu désuet mais pour moi, il demeure complètement intemporel. Il est, et reste l’un des beaux fleurons de la parfumerie française. Il a existé également en lotion plus légère mais je crois qu’il n’est plus fabriqué sous cette forme. Best seller de la maison L.T. Piver qui a été précurseur dans l’utilisation des molécules de synthèse qui ont apporté beaucoup à la palette du parfumeur au XIXème siècle, « Cuir de Russie » est un classique. Son flacon art déco et son étiquette reconnaissable entre mille sont autant de petits détails qui le rendent attractifs. Le jus est beaucoup plus complexe que ceux que l’on trouve aujourd’hui et on n’est absolument pas dans une écriture épurée mais c’est sans doute ce qui le rend vraiment enveloppant et magique pour le froid de l’hiver.
Si vous voulez tenter l’extrait de parfum enveloppant, quoi de plus adapté au froid que « Baraonda » créé par Alessandro Gualtieri pour Nasomatto en 2016. La marque en parle ainsi : « Baraonda , c'est l'esprit d'un Whisky Single Malt marié à un Russian Red. Des notes chaudes et brûlantes comme une liqueur de fruit , puis un tourbillon sensoriel enveloppant ». En effet, quoi de mieux que de s’installer dans un fauteuil Chesterfield dans les effluves des alcools précieux et du tabac de prix pour lutter contre le froid ? Après un départ de cannelle, et de whisky, le coeur de datte et d’immortelle lui apporte une profondeur absolument incroyable dès le début de son développement mais c’est surtout le fond d’ambre, de baume du Pérou, de cèdre, de musc, de patchouli, de rhum, de fève tonka et de vanille qui lui donnent son identité. Dense, très tenace et doté d’un sillage impressionnant, « Baraonda » n’est pas le parfum de tout le monde. Il n’y a pas de commune mesure, soit on adhère à cet univers opulent et riche soit on est rebuté par les effluves quasi gourmandes sans jamais être sucrées de cette interprétation à l’italienne des clubs privés londoniens. J’avoue que je le porte avec parcimonie car sa puissance est très au-delà de mes habitudes. Dès que je l’ai senti, je l’ai voulu et pourtant j’ai attendu un an avant de me décider car je le trouvais très éloigné de ma zone de confort et un rien extravagant. Pour moi, il est peut-être un peu masculin mais sans doute parce que je ne l’ai senti que sur des hommes. Attention, c’est un parfum très exclusif et il ne plaira pas à tout le monde. J’insiste mais je préfère le dire avant de vous envoyer le sentir. Il est très très particulier comme souvent les créations d’Alessandro Gualtieri. Je le porte assez peu et il me faut attendre qu’il fasse froid pour en avoir envie mais vraiment je l’aime beaucoup. Son prix est assez raisonnable pour 30 ml d’extrait de parfum puisque je crois qu’il coûte moins de 130 euros. Compte tenu de la qualité et de la tenue, c’est loin d’être exorbitant.
C’est un autre cuiré que j’ai choisi pour clore cette sélection. « Cuir Fétiche est un accord intimiste, marquant une personnalité ultra féminine par la gourmandise de la mandarine rouge et de la vanille, le raffinement des fleurs d’ylang-ylang et de jasmin et la sensualité de l’accord cuir. » sont les mots employés par Maître Parfumeur et Gantier pour décrire l’un de ses fleurons créé par Jean-Paul Millet-Lage en 2011. J’ai toujours beaucoup aimé ce parfum. Je l’ai découvert il y a déjà plusieurs années et il n’a cessé de me trotter dans la tête. Pour moi, il est vraiment l’un des tops de l’élégance et de l’excellence. Portable à la fois par les femmes et les hommes, il est versatile, chic et particulièrement beau dans son évolution toute en légèreté. Peut-être le trouverez-vous un peu classique mais son départ de mandarine rouge, de bergamote, de géranium et de citron nous emmène très vite sur un coeur à la fois cuiré très classique, poudré par l’iris et la rose et fleuri par le Jasmine et l’ylang ylang. Le fond de patchouli et d’ambre gris le soutient et lui assure une excellente tenue même si son sillage est très modéré. C’est aussi un cocon, confortable et élégant qui s’harmonise avec n’importe quelle écharpe. Son prix est assez raisonnable puisque je crois qu’il se vent 132 euros pour 120 ml. Je regrette que la marque n’ait pas plus de points de vente en France mais, si vous passez par la place Vendôme à Paris, je vous suggère de vous arrêter découvrir « Cuir Fétiche » et les autres créations de la marque dans la boutique de la rue des Capucines. Vous y serez super bien reçus et je pense que vous ferez de belles découvertes.
Vous l’avez compris, j’aurais pu choisir nombre d’autres parfums mais, à l’instant où j’écris, ce sont ces cinq-là qui me viennent à l’esprit. J’ai essayé d’explorer des univers olfactifs très différents les uns des autres. J’espère que vous trouverez votre parfum cocon dans cette sélection ou qu’elle vous donnera des idées de découvertes à faire. En tout cas, j’ai bien aimé remettre mon nez dans ces parfums pour vous écrire cette revue. Je souhaite qu’elle vous inspire… Si vous avez des suggestions dans cet esprit pour affronter le froid, je suis preneur. N’hésitez pas à m’écrire.
"Sycomore" et "Coromandel", deux beaux Chanel
Quand je pense à la collection des Exclusifs de Chanel, j’évoque toujours « Cuir de Russie » car il est mon préféré depuis toujours mais je dois dire que chaque création que j’ai pu découvrir a son intérêt. Il en est deux particulièrement que j’ai découvert au cours de cette année grâce à Clotilde de la chaîne YouTube Iris Factice et Manon de la chaîne Ma Note de Coeur et qui m’ont vraiment séduit. Il s’agit de « Sycomore » et « Coromandel ». Ce sont des créations puissantes, complexes et élégantes qui mettent chacun une note en valeur. Il ne m’est pas facile de les départager donc j’ai eu envie de vous parler des deux dans un même article.
« Nommé selon un arbre immense, Sycomore évoque la noblesse de l’automne, les troncs bruns et moussus, les cimes étirées vers le ciel. Il raconte le rayonnement de la terre, comme un écho à l’enfance de Mademoiselle au milieu des volcans millénaires. Construit autour de l’odeur fumée du vétiver, Sycomore est pur et majestueux » dit la maison Chanel. C’est Jacques Polge qui, en 2008, en se basant sur des essais réalisés par Ernest Beaux en 1930 pour un parfum boisé qui avait été d’abord validé puis finalement n’était pas sorti car jugé trop mixte, trop avant-gardiste et laissé dans un tiroir. Ce travail autour d’un vétiver très dense est assez linéaire. Il a une vraie identité et est reconnaissable immédiatement. Je reconnais peut-être une note de tabac et une autre, il me semble de poivre. J’ai décidé sciemment de ne pas aller chercher la pyramide olfactive sur le site de la marque afin de ne livrer que mes impressions. J’ai un goût pour les parfums à dominante de vétiver et j’avoue que j’étais complètement passé à côté de celui-ci car il me semblait trop boisé de par son nom. Parfois on est influencé par l’apparence. En 2016, lors de son passage en concentration eau de parfum, il a été légèrement remanié par Jacques Polge. N’ayant pas connu les précédentes versions, je ne saurai vous dire si je les préférais mais j’aime beaucoup celle qui est proposée par la maison. Pour moi, c’est une balade dans les sous-bois un peu rêvés d’un pays imaginaire. Les parfums Chanel sont reconnaissables entre mille et cette interprétation « à l’ancienne » du vétiver a quand même un twist très contemporain. Je dois dire que je suis complètement sous le charme. Pour décrire « Sycomore », je dirai qu’il est assez linéaire et qu’il reste presque « rugueux » lorsqu’il se développe sur ma peau un peu comme s’il était « en relief ». Je suis vraiment séduit par ce parfum et je remercie Manon de m’avoir poussé à le découvrir.
« Mademoiselle Chanel avait un don pour mêler les styles avec talent, en concevoir de nouvelles beautés. Ainsi couvrit-elle ses murs parisiens de précieux paravents de Coromandel, donnant à ses appartements une aura de mystère oriental. Par ses notes voluptueuses et ambrées, Coromandel est le parfum d’un envoûtement exotique et fabuleux. Une étreinte qui embaume intensément » et vous aurez compris pourquoi, après avoir redécouvert ce parfum, j’ai eu envie d’en parler. C’est un « moderne » si l’on peut dire puisqu’il a été créé par Jacques Polge pour la collection des exclusifs en 2008 et qu’il a été aussi légèrement reformulé en 2016 pour son passage en eau de parfum. « Coromandel » est un travail autour du patchouli structuré d’une manière moderne mais « à la sauce Chanel ». Le départ est nettement hespéridé mais très vite, le patchouli et la racine d’iris prennent leur place pour se poser sur un fond de benjoin, d’encens, d’ambre et de musc. Présenté par la marque comme un oriental, je dirai plutôt que c’est un faux solinote tant il est sophistiqué et travaillé. Le patchouli est traité, ici de manière très fine, très élégante presque « soyeuse ». Je le trouve tout aussi mixte que « Sycomore » mais je le pense assez caméléon. J’ai eu la chance que Clotilde joue les « mannequins » et j’ai pu ainsi le redécouvrir porté par elle par un jour un peu frais et je dois dire que, je l’ai trouvé absolument élégant. Il n’y a ni âge ni sexe requis à l’avance pour se l’approprier. Il est complètement intemporel. Le jus est suffisamment « Chanel » pour que l’on puisse croire qu’il eut été conçu par Ernest Beaux entre les deux guerres (et pourtant il n’en n’est rien) et pourtant, il reste très contemporain. J’ai presque l’impression de Jacques Polge a créé « Coromandel » « à la manière » de son illustre prédécesseur. Pour moi, c’est une trouvaille et une belle. Je suis content de l’avoir vraiment découvert.
J’aurais pu faire une sélection plus exhaustive des créations de la collection des Exclusifs mais j’ai choisi de vraiment me concentrer sur ces deux parfums auxquels je trouve une parenté ne serait-ce que dans leur « facette Chanel ». Je les trouve absolument indémodables, pleins de chic et alliant sobriété et sophistication. Je trouve qu’ils résument vraiment bien le style de la maison. Si, exception faite de « Égoïste », je ne suis pas forcément attiré par les parfums mainstream de la marque, la collection des exclusifs a de quoi me ravir. Il me reste pas mal de choses à sentir et à exprimer et il est fort probable que, d’ici quelques semaines, je revienne vers vous avec d’autres parfums de cette série. En tout cas, c’est deux-là, c’est de la bombe. N’en doutez pas !
Costume National, un univers italo-japonais
Costume National est une maison de couture italienne fondée en 1986 par Ennio Capasa, directeur de la création, et son frère Carlo, PDG. Il a son siège social à Milan. En 2002, la marque lance ses premiers parfums et établit un pont entre son identité italienne et un univers très japonais avec « Intense Scent » créé sous l’impulsion du parfumeur Laurent Bruyère, disparu à l'âge de 43 ans en 2008, à qui l’on doit également des fragrances pour Sisley (« L’Eau d’Ikar »), Salvatore Ferragamo, Paul Smith, Mugler ou encore Cacharel. Par la suite, Costume National va faire appel à des parfumeurs français tels Juliette Karagueuzoglou, Dominique Ropion, Julien Rasquinet, Fanny Bal et Antoine Lie afin de développer d’autres jus toujours dans cet esprit de transparence et d’élégance. Depuis 2002, la maison a lancé pas moins de 18 références. Je dois dire que je suis très attiré par cet univers épuré et très extrême oriental qui, il faut le dire, est assez unique sur le marché. La facette parfumerie de la marque demeure relativement confidentielle car les créations sont distribuées surtout par des boutiques en nom propre ou des multi-marques indépendantes. J’ai la chance d’y avoir accès assez facilement et, depuis quelques mois, petit à petit, j’ai découvert quelques références. J’en ai retenu cinq que je trouve particulièrement représentatives et que j’ai eu la possibilité d’essayer vraiment en les portant. J’en avais évoqué certaines dans des précédents articles mais j’ai décidé de les réunir dans cette revue
Laurent Bruyère
« Scent Intense se dévoile doucement et élégamment avec une note de tête de fleur d'hibiscus et de thé de jasmin, puis change rapidement vers une base plus rock ambrée et boisée. Une énergie éternelle et mystérieuse vous entourera de la chaleur profonde naturelle. Stupéfiant, unique et addictif, c'est une déclaration inimitable d'individualité et de séduction », c’est ainsi que la marque décrit « Scent Intense », qui fut son premier parfum et qui a été créé en 2002 par Laurent Bruyère en concentration eau de parfum en même temps que « Scent » en eau de toilette que je trouve un peu plus féminin peut-être, et qui sortira, quelques mois plus tard en extrait. J’avoue avoir été un peu dérouté lorsque je l’ai découvert. Je m’attendais à un cuir classique et finalement il ne l’est pas du tout. En le re-sentant pour écrire mon article, je me suis rendu compte qu’il était vraiment très original avec un départ de thé noir associé, il me semble à quelque chose qui ressemble à la pomme Granny Smith, un coeur floral entre hibiscus et jasmin et qui peut sembler presque fruité. Le fond, tout en transparence est évidemment ambré et cuiré mais garde une légèreté et une facette sèche que je n’avais jamais sentie il avant. Je crois y discerner l’odeur unique de davana et également du cèdre ou du santal qui vient renforcer l’accord cuir. J’aime beaucoup ce parfum que je trouve vraiment très contemporain et pas du daté.
C’est en 2007 que Juliette Karagueuzoglou créée le « 21 », présenté toujours dans le flacon iconique de la marque mais cette fois-ci qui se fait porcelaine blanche. Costume National le décrit ainsi : « Né pour célébrer le 21e anniversaire de la maison, le 21 se distingue par son caractère unique, fort et énergique. Basé sur l'harmonie entre les éléments les plus purs, il commence par l'ouverture inhabituelle du safran et du lait blanc pur. La légèreté de la fleur d'oranger blanche se fond dans des notes plus mystérieuses comme le bois de cachemire, l'ambre et le musc avec des accents de vanille, de labdanum et de bois de cèdre ». Ce travail autour du cashemeran est un cocon absolu Son départ est directement construit autour de cette note associée à la bergamote mais aussi à un accord lait, safran, fleur d’oranger et ambre. Le coeur est épicé, résineux et met en valeur graine de carvi et le fond est à la fois mousse de chêne, patchouli, fêve tonka, cèdre et vanille. Un peu chypré, pas mal oriental, et légèrement aromatique, ce parfum est également d’une très grande originalité. Je dois dire qu’il me déroute moins. Je trouve le bois de cachemire très prépondérant et il est presque trop doux pour moi du moins au départ. Ensuite, quand la facette chypre arrive, je le préfère. Sur ma peau, au bout d’un certain temps, il devient franchement boisé et je suis moins séduit mais il reste tout de même une très belle création facettée, inventive et d’une élégance très « japonisante ».
Lancé tout d’abord en eau de parfum en 2012 puis en eau de toilette l’année suivante, « So Nude », créé par Dominique Ropion est présenté comme un féminin mais je dois dire que je le trouve assez mixte même s’il est, indéniablement un floral intense. À nous, les utilisateurs, de casser les codes après-tout. La marque le décrit ainsi : « La fragrance s'ouvre avec un mystère grâce aux notes de tête épicées de cardamome et de cumin, entourée par la délicatesse du néroli. Un coeur floral d'Ylang-ylang, de rose de damascène et de tubéreuse surprend à l'improviste et enchante par son élégance et sa sensualité. Un fond chaud de bois de cèdre de Virginie, de coeur de Patchouli et de bois de Santal offre la profondeur à toute la construction olfactive ». Sur ma peau, il est pour le moins surprenant, aux vues des notes, je m’attendais à un travail nettement autour de la tubéreuse mais je dois dire que si je sens le côté presque médicinal de cette fleur très rapidement après un départ de cardamome et de cumin (que je retrouve beaucoup dans les parfums que j’essaye en ce moment), il s’arrondit avec une très belle note d’ylang ylang et le côté à la fois opulent et poudré de la rose de Damas. Le fond, très « crayon taillé » de cèdre de Virginie s’harmonise parfaitement au côté presque crémeux du bois de santal et plus dense du patchouli. Je ne peux parler que de mon ressenti mais vraiment, je trouve que c’est l’un des très beaux parfums de Dominique Ropion. Je pense que je le trouve peut-être un peu trop intense pour moi (je l’ai essayé en concentration eau de parfum et sans doute que l’eau de toilette aurait suffit) mais je le porterai facilement. Il m’a beaucoup séduit car il est tout en sensualité tout en restant élégant.
Créé en 2015 par Dominique Ropion, « Soul » est vraiment différent des deux précédent. C’est un cuir plus dense, mois en légèreté et beaucoup plus capiteux. Costume National en parle de cette manière : « L'esprit est pure émotion. Un mélange oriental d'ingrédients très précieux, Soul incarne la liberté et l'élégance. La fragrance chaleureuse prend forme autour d'un ingrédient emblématique: l'ambre pur. Un grand favori du designer, l'ambre exprime la liberté et l'élégance absolue ». Cuiré, ambré, il m’apparait tout de même moins sortir des sentiers battus que les précédents et je le trouve tout à fait dans l’air du temps. Dominique Ropion est un virtuose et il le montre une fois de plus en réinterprétant le thème du cuiré boisé un peu oriental avec un départ de poivre rose, de cardamome et de bergamote, un coeur de cuir profond et sombre, légèrement arrondi par une note de géranium et renforcé par une touche de oud (bois d’agar). Le fond est vraiment oriental avec l’ambres gris, le patchouli et la vanille. Plus consensuel, plus tenace, « Soul » est une création qui n’est guère dans l’esprit que je connaissais de Costume National. Il s’adressera plutôt aux amateurs de jus denses et opulents tout en gardant tout de même une certaine transparence qui est le postulat de départ de la maison. Pour ma part, ce n’est pas vraiment un coup de coeur. Si je lui reconnais des qualités indéniables, je dois dire que je ne le porterai sans doute pas.
S’il pourrait sembler semblable à l’original, « Scent Intense Parfum Red Edition » est pourtant une variante légèrement différente et je tends à le préférer car je le trouve plus floral, moins cuiré et toujours tout en transparence malgré sa haute concentration. Je regrette que la marque ne communique pas sur le créateur de cette création de 2018 mais elle le décrit ainsi : « Concentré à 25%, Scent Intense devient Parfum! Scent Intense n'est pas que le parfum du début, c'est la fragrance qui incarne totalement l'esprit CoSTUME NATIONAL. Une âme rock et un style précis et sophistiqué ». Après une version vraiment cuirée, une autre plus boisée, c’est une interprétation florale, toujours épurée que la maison propose avec ce travail autour de la rose et du safran renforcé par une tubéreuse opulente, un patchouli très léger, un jasmin un peu vert et des notes plus ronde d’ylang ylang et d’ambre. Sur ma peau, cette version est très linéaire et change assez peu. Je dois dire que lorsqu’il est passé un peu, je continue de discerner plein de facettes. J’aime beaucoup le côté à la fois fleurie et épicée renforcé le patchouli. Très délicat, c’est un parfum pour moi si j’ose dire. J’ai adoré l’essayer et je pourrais très facilement me l’approprier. Il n’est pas dit que je ne le fasse pas dans les mois à venir car c’est un réel coup de coeur. Il est présenté dans le flacon iconique qui est, cette fois, rouge vif, ce qui explique peut-être pourquoi j’ai été attiré directement lorsque j’ai vu le rayon sur lequel il était exposé. Je n’ai pas regretté car le jus est très beau.
En résumé, je constate que j’aime beaucoup Costume National. C’est une marque très intéressante, et, malgré le fait qu’elle ait été lancée par une maison de mode, je la trouve finalement très peu consensuelle et dotée d’une vraie identité. On aimera ou pas le côté très « japonisant » de la plupart des créations. Les jus sont faciles à porter, très élégants, minimalistes ou plutôt épurés. Pour moi, ce sont de très belles réalisations, pleines de petites touches comme peintes par un pointilliste. J’étais un peu passé à côté jusqu’à ces dernières années et je suis content de ma découverte.
Deux "élégants" aux noms trompeurs chez État Libre d'Orange
« Et s'il fallait expliquer, même si chacun sait qu'il ne faut jamais expliquer une oeuvre, bon et bien s'il fallait tenter de dire pourquoi ce parfum alors il faudrait dire que "Cette fin du monde c'est d'abord celle de Blaise Cendrars et de Fernand Léger puis celle d'une épopée cinématographique où tout explose comme le popcorn qui précède le film en irradiant l'espace avant la projection d'images". On dit de ce parfum "un pur jus d'enfant terrible à la poudre à canon, aux graines pétaradantes carottes, cumin, sésame et poivre noir pour servir un iris radiant aux retombées sensuelles". Oui il est tout à la fois, onde lumineuse et graines corpusculaires, comme un trait de photons jaillit du coeur même du soleil, Il y a dans ce parfum l'esprit d'Orange éclectique et rayonnant né de la fusion du docteur Folamour avec World War Z. Utopie et dystopie font ici bon mélange. Sentez la avant qu'elle n'arrive ! » ainsi s’exprime Étienne de Swardt lorsqu’il parle de « La Fin du Monde » d’État Libre d’Orange que j’ai découvert très récemment. Je dois dire que le storytelling ne correspond pas tellement à mon ressenti mais c’est cela aussi les mystères des impressions olfactives. Après être passé outre le packaging qui m’a un peu dérouté, je me suis penché sur ce jus créé par Quentin Bisch en 2013 et j’ai découvert un parfum somme toute assez sage, profond et bien imaginé. La marque indique que les notes de têtes sont le popcorn, le poivre noir et le sésame grillé. J’avoue que, si j’identifie facilement une note épicée, l’association n’est pas une évidence pour moi. Au coeur, on retrouve du freesia, de la graine de cumin (que j’ai senti et qui, curieusement, aussi fugace soit-elle, est un peu l’une de mes marottes du moment) ainsi qu’un absolu d’iris omniprésent durant toute une partie de l’évolution du parfum. Sur un fond de bois de santal, des notes de graines d’ambrette et un accord poudre à canon renforcent un peu l’originalité de de cette création. Pour moi, « La Fin du Monde » est vraiment un parfum enveloppant, poudré et très facile d’accès. Je n’aime pas trop dire que les créations d’État Libre d’Orange sont élégantes car cela va à l’encontre de l’image subversive que veut donner d’elle la maison mais pourtant, c’est le qualificatif qui me vient depuis que j’ai découvert ce jus. Si son nom est peu engageant, j’ai vraiment trouvé que la création était intéressante et je l’essayerai un peu plus précisément je pense, dans les prochains mois. Qui sait, peut-être reviendrai-je vous en parler.
« Sans coquetterie ni pudeur la belle se livre de l’intérieur, osant enfin se montrer telle qu’elle est, nu superlatif. La chair mûre attend qu’on la prenne. C’est le plus bel âge. Confiante, elle a oublié l’urgence, et c’est dans le silence désormais que toute attraction s’opère. Proie docile et consentante. La bête d’ailleurs n’est pas très loin, elle rôde. En connaisseuse, elle retarde la mise en bouche. Pour elle ce gibier-là se nomme désir; elle l’apprécie à point. Le parfum monte. On y est presque. Bientôt l’heure où le cœur liquide va se répandre en notes vanillées, le cuir fondre en baume et l’anatomie méconnaissable délivrer ses arômes précieux, solaires, enivrants. Sublime pestilence. Croyez-en l’animal, cette étreinte a le goût d’éternité. Pourquoi s’en priver ? » telle est la description de « Charogne » sur le site d’État Libre d’Orange. Derrière ce nom « baudelairien » se cache une fragrance parfaitement facile à porter créée en 2008 par Shyamala Maisondieu. C’est un travail très oriental des épices d’un bouquet floral que j’ai trouvé vraiment intéressant. Après un départ bergamote finalement très classique, épicé de cardamome et de gingembre, le coeur d’ylang ylang, de jasmin et de muguet a presque un côté lys et le fond de cuir, de vanille et d’absolu d’ambrette complète cette création vraiment chic. Je pense que le nom m’avait rebuté et j’étais passé complètement à côté de ce parfum qui est, je trouve, vraiment une des très belles références de la maison. En général, je ne porte pas trop de jus orientaux mais la dualité des notes cuirées et florales me plaisent et je pense que je pourrais facilement franchir le pas. Je suis loin de tout aimer chez État Libre d’Orange. Je peux être dérouté par les jus, leur lente évolution qui fait qu’ils sont très longs à essayer mais aussi par leur noms. Pour aborder une fragrance que je ne connais pas, telle que l’était « Charogne », il me faut toujours y revenir plusieurs fois. Très franchement, c’est une belle découverte. J’ai très envie de l’essayer sur un temps un peu long et il est probable que je le fasse dans les prochaines semaines.
Voilà pour ces deux découvertes. Je remercie vraiment chaleureusement David de la boutique lyonnaise Blitz (je vous mets le lien vers son site au bas de cet article) pour sa générosité et son accueil. Il me permet, à chaque fois, d’essayer tout à loisirs et autant que je veux les parfums tout en échangeant sur ses propres impressions. C’est le top. De tels lieux sont vraiment indispensables. Je le dis et le redis car vraiment, c’est un petit bonheur à chaque passage.

David et l'excellente et hétéroclite boutique Blitz, rue Louis Vittet, tout près de la place Sathonay dans le premier arrondissement de Lyon.
Première approche de Histoires de Parfums
Histoires de Parfums est une maison lancée en 2000 par Gérard Ghislain, un passionné dont le postulat est de créer des fragrances à la fois « riches de tempérament et singulièrement romanesques ». Pour se faire, il s’est entouré de parfumeurs de talent tels Gerald Ghislain, Magali Senequier, Gérald Ghislain, Julien Rasquinet, Luca Maffei et Fanny Bal et a en quelque sorte publié 46 parfums répartis en six collections, les Classiques, Les Characters, Les Éditions Rares, En Apparté, Les Opéras et This is Not a Blue Bottle. Il est bien évident que, pour écrire cet article, il m’a fallu sélectionner seulement quelques jus qui m’ont le plus marqué mais je dois dire que je suis très loin de connaître toutes les créations de la marque aussi il est fort probable que j’y reviendrai au fil des mois et de mes découvertes. J’ai essayé de regrouper dans ce premier article sur la marque, telle une première approche, mes coups de coeur parmi les parfums sentis et essayés au cours de ces deux dernières années. J’en ai retenu cinq d’une manière peut-être un peu instinctive alors je vais essayer de vous emmener dans mes pérégrinations parfumées et de tenter d’être le plus synthétique possible.
Chez Histoires de Parfums, il existe trois tubéreuses dans la collection classique et je dois dire que, pour moi, et j’en ai parlé il y a peu, celle qui se détache est « Tubéreuse 3 Animale » que je trouve vraiment merveilleuse et qui est sans doute le tout premier parfum que j’ai découvert dans la marque. Considéré comme un féminin, et c’est vrai qu’il est, pour moi, la quintessence de l’élégance sophistiquée, d’une élégante, cette fragrance a été crée en 2010. La fleur est présente à tous les étages de la pyramide olfactive et se fait tour à tour hespéridée à l’envolée avec des notes de néroli et de kumquat, ronde et fruitée au coeur avec différentes épices et une prune opulente et profonde, et surprenante avec son fond d’immortelle et de tabac blond. Elle ne pouvait que me plaire. La marque décrit ce parfum de la façon suivante : « Fleur mystique des rituels d’envoutement, la Tubéreuse joue la provocation. On s’abandonne à la corruption de son nectar, entre miel et potion vénéneuse » et je trouve que tout est dit. La marque ne communique pas sur le parfumeur qui a conçu cette fragrance et je le regrette car elle est, de mon point de vue, vraiment une très belle réussite. C’est vrai que je considère tous les parfums portables par les hommes comme par les femmes mais celui-ci, je ne suis pas certain d’avoir l’audace nécessaire pour me l’approprier. Ceci dit, le sentir, me laisser envahir par ce plaisir envoûtant, ça je peux et je le fais lorsque j’en ai l’occasion.
Dans la collection des Characters (Personnages en français dans le texte), mon préféré est sans aucun doute, et je pense que ce n’est pas un hasard, « 1804 George Sand » (on y revient toujours). Décidément, l’écrivaine avant-gardiste et éternelle amoureuse n’en n’a pas fini d’inspirer les parfumeurs. Après avoir découvert les fragrances que lui ont dédié Nicolas de Barry pour sa collection des Parfums Historiques et Anaïs Biguine pour sa marque Jardins d’Écrivain, j’ai été séduit par cette création d’Histoire de Parfums créée en 2001. La marque la décrit de la manière suivante : « C’est sous le pseudonyme androgyne de « George Sand », que l’on connait cet écrivain géniale. Amoureuse passionnée et figure engagée, elle incarne la première femme moderne. Pour ses héritières contemporaines, un parfum à son image, généreux et sensuel » et c’est une interprétation toute différente de l’univers de l’auteure de « Histoire de ma vie » ou de « Lélia » qui est donnée. L’envolée est assez exotique avec des notes de fleur de tiaré, de pêche de corse, et d’ananas hawaïen dont la note est prépondérante, le coeur se fait épicé et construite autour du jasmin indien et opulent, du muguet et de la rose marocaine capiteuse avec des accents épicés de noix de muscade et de clou de girofle sur un fond de santal, de patchouli et de vanille soutenue par une résine de benjoin et poudré de muscs blancs. En règle générale, je n’aime pas trop les parfums fruités et il est vrai que cette fragrance ne m’évoque pas forcément l’univers de George Sand mais je dois bien dire qu’elle m’a plu énormément et que je pourrais sans doute la porter facilement plutôt en été le temps d’une soirée un peu chic tout en restant chaleureuse. Il est, pour moi, un gros coup de coeur.
C’est dans la même collection que la marque lance, toujours en 2001, « 1873 Colette » et met ainsi à l’honneur une autre écrivaine chère à mon coeur. Cette fragrance est décrite par ces quelques mots par la marque : « Celle qui choisira son troisième prénom pour nom de plume devient une femme de lettres admirée, célèbre pour ses libertés tant littéraires que sensuelles. A l’image de cette jouisseuse joyeuse, 1873 est un parfum hespéridé gourmand, inspiré par sa propriété de St-Tropez, la Treille Muscate. De troublantes Fleurs Blanches s’épanouissent dans une bulle légère, pétillant de Mandarine et de Citron ». Cet hommage à Sidonie Gabrielle la Bourguignonne réussit avec beaucoup de brio à tenir l’équilibre entre une envolée résolument hespéridée avec le pamplemousse et l’orange amères, le citron vivifiant, la mandarine et la bergamote douces et le citron vert un peu sucré, un coeur très floral et aromatique construit autour de la lavande et le muguet avec une violette poudrée et une fleur d’oranger un peu fraîche sur un fond de vanille, de caramel et de musc blanc. «1873 » a quelque chose d’à la fois confortable et mutin. Je dois dire que je suis très séduit par son côté nuancé et particulièrement pétillant. Pour moi, c’est une jolie réussite et, pour le coup, je retrouve un peu Colette à tous les âges de sa vie au cours de l’évolution sur ma peau. Très facile à porter, ce parfum, je pourrais facilement le faire mien et je dois dire que je suis tout à fait conquis. Il y a comme une dualité entre la fraîcheur des matins parisiens et la chaleur d’un dimanche à la campagne pourquoi pas près de Dijon. En tout cas, « 1873 Colette » est vraiment à découvrir.
Je l’ai déjà évoqué à plusieurs reprises mais je ne me voyais pas écrire une revue sur la marque sans évoquer une fois encore mon plus gros coup de coeur parmi les références qu’elles propose. Vous l’aurez compris, bien évidemment, il s’agit de « 1.2 » dans la collection This is Not a Blue Bottle, lancé en 2017 et créé par Luca Maffei à qui j’ai consacré un article il y a peu et dont j’aime particulièrement le travail. J’ai dit beaucoup de choses sur ce parfum mais c’est vrai que, pour moi, il coche absolument toutes les cases, des notes vertes et épicées avec une ouverture de lierre et de baies roses, un bouquet de fleurs que j’aime avec un coeur de lilas, de muguet et d’ylang ylang et un fond discret de santal, de vanille et de muscs blancs légèrement poudrés et très « propres ». Ce floral est, pour moi, une complète réussite. La marque le décrit ainsi : « Ceci est une explosion, une diffraction de la lumière révélant ses couleurs. Des éclats de Lierre, Lilas et Muguet illuminent gaiement une voie lactée de Santal et Musc Blanc. Ceci est le parfum de la Lumière » et c’est remarquablement résumé. Intemporel, portable tout le temps, en toute saison, en toute circonstance, c’est une arme massive d’addiction comme de séduction. C’est à Dijon dans une charmante parfumerie qui, hélas, n’existe plus, que j’ai eu mon premier coup de coeur pour ce parfum et ça ne s’est jamais démenti. Je l’aime vraiment énormément dès la vaporisation et j’y reviens toujours et encore. Je l’ai offert mais pas encore porté. Ceci dit, ça viendra et peut-être plus vite que je ne le pense. Il est, indéniablement mon Histoire de Parfums.
Toujours dans la collection This is Not a Blue Bottle, je suis un peu passé à côté du dernier opus, « 1.6 » sans doute parce que je l’ai découvert un peu tard dans la saison avec l’année troublée que nous vivons. La marque le décrit ainsi : « Ceci est une planète, bleue comme une Orange d’où s’élèvent des embruns de Lotus et d’Oranger. Halo de Muscs Blancs et tropiques de Néroli rythment un continent de déserts Vanillés. Ceci est le parfum de l’Amour ». Vraiment, je trouve que les hespéridés avec un twist floral sont vraiment la spécialité de cette marque qui les réussit toujours impeccablement. L’ouverture d’orange douce, de pamplemousse amer et de yuzu acidulé vient se mêler à la fleur d’oranger et à la fleur de lotus au coeur et aux muscs blancs, à la vanille et au vétiver en fond. Je sens aussi une note un peu rosée de géranium. C’est un merveilleux parfums comme une explosion de fraîcheur enfermé toujours dans ce flacon hommage au bleu de Klein. Je dois dire que je l’avais trouvé, lorsque je l’ai découvert, particulièrement pétillant et agréable. En le re-sentant pour écrire mon article, je suis toujours frappé par le côté tout simplement agréable qui s’en dégage. Ce n’est pas le plus original mais c’est indéniablement l’un de ceux qui deviendra une valeur sûre. Je serai séduit et je le resterai si je le porte au plus chaud de l’été. C’est un parfum qui demande à être plus connu et qui trouvera son public j’en suis sûr.
Il me reste de nombreuses créations dans la marque à découvrir et je brûle de sentir la collection des opéras tant la musique et la parfumerie me paraissent s’harmoniser. J’aimerais aussi approfondir celle de Characters car ceux que je connais sont vraiment pleins de charme. En tout cas, j’ai essayé, avec cet article, de compiler, sans trop radoter, mes impressions sur les cinq que j’ai préféré parmi ceux que je connais. J’éprouve un vrai plaisir à les sentir, les essayer, y revenir et me laisser surprendre. Histoires de Parfum est une maison qui mérite que l’on s’y penche malgré des packagings qui, il me faut bien le dire, me déroutent parfois et ne m’attirent pas forcément. Les jus sont l’important et ils sont beaux alors j’ai franchi un premier cap et j’espère bien, en tirant sur des écoutes, arriver au suivant.
Mes parfums préférés : "English Lavender Original"
Ceux qui suivent ce blog le savent, non seulement je suis très anglophile mais, en plus, je cumule, je suis très amateur de parfumerie britannique. Parmi les plus belles lavandes qu’il m’ait été données de porter il y a « English Lavender Original » créée en 1801 pour la maison mythique Yardley et qui existe toujours, à un prix très raisonnable, aujourd’hui. Il y a beaucoup d’eaux fraîches, d’eaux de toilette, d’eaux de parfums voire même je crois de parfums dans cette maison très ancienne mais, en France, nous avons surtout assez facilement accès à cette lavande vendue dans plusieurs pharmacies, parapharmacies et, également je crois, dans des parfumeries atypiques et aux Galeries Lafayette. Bon, je vous l’accorde, ce solinote ne tient pas des heures mais vraiment, après la douche, c’est un petit bonheur quotidien pas cher et dont il serait dommage de se priver.
L’envolée de lavande, note aromatique présente à tous les étages de la pyramide olfactive et de bergamote est typique de ce genre de fragrances à l’anglaise. Elle s’enrichit au passage de n’un coeur de sauge et de géranium et d’un fond de mousse de chêne et de fève Tonka. C’est une explosion de fraîcheur subtile et aromatique avec des facettes fleuries, hespéridées et un peu épicées qui est reconnaissable entre mille. J’aime énormément la porter en sortant de la douche et en profiter durant les quelques temps avant qu’elle ne s’estompe. « English Lavender Original » fait partie de mes incontournables. J’ai un peu de mal à le classer dans mes parfums préférés car il est vraiment très léger et qu’il s’apparente plus à une eau fraîche ou à une brume mais, pour moins de quarante euros les cent-vingt ml, je peux m’en doucher tout à loisirs.
J’ai redécouvert cette fragrance il y a quelques années. Je l’avais connue en Angleterre mais je l’avais un peu oubliée. Je trouve que, bien qu’elles soient diluées, les matières premières sont belles et travaillées avec goût. Intemporelle et incontournable, cette lavande solisenteur est une petite pépite que je vous conseille d’aller découvrir si vous avez un point de vente près de chez vous. Attention, elle avait été remplacée, il y a quelques années par une autre eau de toilette qui portait le même nom mais qui était très différente avec un côté poudré et ambré que j’aimais moins. Il faut vraiment trouver sur le flacon la mention « original » pour avoir celle dont je parle dans cet article.
Pour finir, je dirai que « English Lavender Original » est une très belle option pour se parfumer à un tout petit prix avec un grand classique de la parfumerie britannique. Chic et simple, cette petite eau de toilette sans prétention me plait toujours autant et je la possèderai toujours je pense.
Mes parfums préférés : "L'Eau d'Hermès"
J’en parlais il y a quelques jours dans un article sur quelques parfums du sélectif qui sont, pour moi, incontournable et l’avoir essayé m’a vraiment titillé aussi y suis-je revenu. Je parle de « L’Eau d’Hermès », créé en 1951 par Edmond Roudnitska et qui était sa fragrance personnelle ainsi, apparemment que celle de Jean-Claude Ellena lorsqu’il travaillait pour la marque. En ce qui me concerne, c’est un gros coup de coeur et voilà pourquoi j’ai décidé d’y revenir dans cette série sur mes parfums préférés. Dans cette toute première création pour la maison Hermès, il y a tous les goûts d’Edmond Roudnitska adapté à l’univers de la maison et je le trouve vraiment très abouti. Je crois qu’il l’avait un peu remanié à la fin des années 80 ou au début des années 90 mais je trouve qu’il a un côté vintage tout à fait agréable.
C’est à la fin des années quarante que la maison Hermès forme le projet de lancer un parfum qui pourrait plaire à sa clientèle de cavaliers et d’amateurs de luxe. En 1950, Robert Dumas, l’un des directeurs de la maison qui a déjà, avec son beau-frère Jean-René Guerrand, orienté la marque vers une maroquinerie de luxe en lançant le sac Kelly et la fabrication d’accessoires telles le carré de soie. Il leur semble donc naturel de tenter l’aventure de la parfumerie et, admiratifs des créations d’Edmond Roudnitska pour Rochas puis pour Dior, ils l’approchent et tissent avec lui une relation amicale qui contribuera à la création de « L’Eau d’Hermès », un parfum à la fois hespéridé, épicé et cuiré qui, s’il découle un peu des autres créations du parfumeur telles « Eau Fraîche » pour Dior ou « Moustache » de Rochas va intégrer, en tête la note de cumin qu’il a utilisé pour une toute autre famille olfactive, les chypres, tels « Femme » pour Rochas ou encore « Diorama » pour Christian Dior. Par ailleurs, le fond très cuir de Russie est très surprenant et rappelle le travail de sellerie de la maison Hermès. Pour la petite histoire, l’inspiration de sa création est décrite ainsi : « C’est un roman historique inspiré par la tradition et la culture de la maison. Son style unique à l’élégance intemporelle l’installe dans les chefs-d ’œuvres reconnus. La fragrance : un cuir souple qui joue avec des épices et des bois. Le flacon est de section carré arrondie, muni d’un bouchon semi-sphérique. C’est le flacon classique Hermès qui sera réutilisé pour d’autres fragrances et décliné sous toutes les tailles, modernisé… L'Eau d'Hermès fait l'objet d'éditions numérotées en cristal et gravées à la main pour chaque fin d'année de 1993 à 2003, chaque année le motif illustrait le thème de l'année Hermès ». Je pense qu’il a du exister en extrait mais, aujourd’hui, il est commercialisé en eau de toilette.
Edmond Roudnitska
Pour ma part, je trouve que l’on retrouve immédiatement la signature d’Edmond Roudnitska dès les notes de tête puisqu’on retrouve la combinaison d’agrumes et de notes aromatiques qui seront, par la suite, utilisées très largement dans « Eau Sauvage » puis « Diorella » pour Christian Dior mais avec un twist tout à fait étonnant, la prépondérance d’une note de cardamome et d’une autre de cumin. Au coeur, les agrumes, et notamment la bergamote, s’enrichit d’une note de petit grain, de fleur de citronnier et de cannelle. Le fond est cuiré indéniablement et constitue toute l’originalité de ce parfum insaisissable. Ceux qui suivent mon blog le savent, j’ai vraiment le goût des créations d’Edmond Roudnitska que j’aime presque toute (exception faite d’ « Eau Sauvage » que je crains un peu) et que je trouve identifiables tout de suite. Le parfumeur a associé le côté épicé sec qu’il a beaucoup utilisé dans ses créations chyprées et florales tout en gardant la « colonne vertébrale » hespéridée qui est récurrente dans beaucoup des jus qu’il a composé. J’avais découvert « L’Eau d’Hermès » pour écrire un article il y a quelques mois mais je ne l’avais pas essayée aussi n’imaginais-je pas combien j’allais être séduit de son évolution sur ma peau. Elle a vraiment une singularité et un caractère affirmés tout en étant ultra facile à porter.
Pour finir, je dirai donc que ce parfum est un vrai coup de coeur. Je n’avais jamais vraiment eu envie de porter de créations de cette maison (à part peut-être une Hermessence ou deux) mais celle-ci me séduit complètement et je suis vraiment séduit. C’est une merveilleuse eau de toilette, toute en nuances et en subtilité. Je l’ai réessayée pour écrire mon article et la sentir autour de moi est un enchantement. Vraiment, pour ceux qui ne connaissent pas « L’Eau d’Hermès », je vous engage à aller la découvrir uniquement en boutique en nom propre ou en corner de grands magasins. Elle vous déroutera peut-être mais certains d’entre-vous seront sans doute accrocs. En tout cas, moi je le suis.
"Pasha", "Déclaration" et "L'Envol", trois parfums emblématiques de la maison Cartier
La maison Cartier est surtout connue pour sa joaillerie et son horlogerie mais, depuis 1981, elle compte aussi dans le monde de la parfumerie. Depuis lors, elle a lancé 110 parfums et a recruté un nez qui compose désormais toutes ses fragrances. J’ai nommé Mathilde Laurent. Si j’ai une vraie attirance pour « Le Baiser du Dragon » qui a eu, un temps, les honneurs du rayon féminin des parfumeries et dont j’ai déjà parlé dans mon article sur le vétiver, ce sont trois masculins iconiques et emblématiques de la marque que j’ai redécouvert ces derniers temps et je me suis dit que ça valait bien un article. Il s’agit tout d’abord de « Pasha » puis de « Déclaration » et enfin de « L’Envol » dans leur forme originelle car ils ont été, depuis déclinés de nombreuses fois mais nous y reviendrons. Retourner aux origines a été, pour moi, un petit plaisir que je ne vais pas bouder. Allez, je vous emmène au rayon masculin pour redécouvrir trois jus légendaires de la maison Cartier.
« Pasha » a été lancé en 1992 et il est l’oeuvre de Jacques Cavallier décrit par la maison Cartier de la façon suivante : « Un accord "fougère" classique qui souligne la majesté de la lavande, fraîche et lumineuse, contrastée par la profondeur boisée du patchouli ». Le départ de lavande et de menthe est épicé d’anis et d’une touche très fruitée de cavi et héspéridé de mandarine, le coeur de palissandre du brésil est posé sur un fond de bois de santal, de siste, de mousse de chêne et de patchouli. Il compte, à ce jour, six déclinaison dont une version parfum réinventée par Mathilde Laurent en cette année 2020. Très audacieux, avec une concentration eau de toilette tout à fait suffisante pour moi tant en terme de sillage que de tenue, il a presque un côté fruité et profond. Atypique certes, je pense qu’il aurait eu un franc succès dans une marque moins conventionnelle tant il était, au début des années 90 où les orientaux revenaient à la mode y compris dans la parfumerie masculine avec le succès de « Égoïste » de Chanel. C’est un aromatique boisé, épicé, puissant. Son développement sur ma peau est assez étonnant et d’une impressionnante modernité. Il a des accents à la fois boisés, lavandés et poudrés. Si je l’avais senti uniquement sur une touche en carton, je n’aurais pas remarqué à quel point il est facetté et étonnant dans son évolution. J’avoue que j’avais été attiré plus d’une fois par son flacon que je trouve particulièrement réussi mais que je ne l’avais jamais vraiment essayé, un peu rebuté par les notes de tête. Sur ma peau, j’aime beaucoup la facette poudrée. Pour moi, par rapport à « Déclaration » dont je parlerai dans la seconde partie de cet article, il est plus difficile d’accès et beaucoup moins « classique » si j’ose dire. Je pense qu’aujourd’hui, « Pasha » est toujours autant dans l’air du temps et je ne suis pas surpris que la marque ait décidé de le sortir en concentration parfum dans une version modernisée. J’ai moins aimé que l’original mais c’est tout de même un beau parfum.
Créé par Jean-Claude Ellena et lancé en 1998, « Déclaration » est sans doute l’un des parfums vendus en chaîne qui a su conserver plus de vingt ans après, le plus de fidèles. La marque le décrit ainsi : « Un parfum de vérité, pour dire les choses qui comptent… Un parfum pour un homme sûr de ses choix, sûr de ses sentiments. Un parfum d'émotions, que l'on n'oublie pas ». Dans la formule de ce jus, Jean-Claude Ellena a décidé renouveler le style chypré avec une création très moderne (et qui l’est restée), élégante et complexe. Le départ de bigarade et de bergamote est presque cuiré avec une note de bouleau et épicé de carvi et de coriandre, le coeur, construit autour de l’iris et sa racine intense est rehaussé de notes de cardamome, de poivre, de gingembre, de genièvre et de cannelle et adouci d’un accent de jasmin. Le fond de mousse de chêne, thé noir et vétiver est légèrement cuiré et légèrement ambré. « Déclaration » est assez difficile à définir. Pour moi, c’est vraiment une construction chyprée et un peu cuirée autour d’une note d’iris omniprésente et chic. Pour moi, il est un peu le pendant masculin de « First » que Jean-Claude Ellena avait créé pour Van Cleef & Arpels des années auparavant dans le sens où il est intemporel, fédérateur et qu’il va plaire à des hommes pour qui l’élégance n’est pas un vain mot. Son succès est indéniable et s’il a compté pas moins de onze flankers depuis sa création, il demeure seul avec « Déclaration d’Un Soir » lancé en 2011 et créé par Mathilde Laurent qui en a donné une variante très chic également mais, pour moi, c’est un parfum à part entière assez différent de l’original et je ne vais pas développer mes impressions ici car je serai un peu hors sujet. Pour en revenir à « Déclaration » l’original, je l’imagine très bien porté avec un costume chic et une écharpe en soie autant qu’avec un pull à col v et un jean. C’est un parfum très facile à s’approprier mais qui garde une belle identité. Il a également une bonne tenue et un sillage un peu modéré. En tout cas, je suis très heureux de l’avoir redécouvert.
Créé par Mathilde Laurent en 2016, « L’Envol » est un masculin qui sortira, une fois n’est pas coutume, d’abord en eau de parfum avant d’être décliné l’année suivante en eau de toilette. La marque le décrit ainsi : « S’affranchir des sensations connues, c’est là tout le pouvoir du parfum masculin L’Envol de Cartier. Une fragrance telle une substance active pour prendre son envol ». Je le trouve assez indéfinissable. C’est comme s’il était la synthèse des deux précédents avec un twist très différent. L’envolée est très aromatique avec des notes de lavande, de sauge sclarée et d’armoise, un coeur de feuille de violette poivrée et un fond d’iris, de patchouli et de vétiver avec un petit côté miellé et musqué. J’ai beaucoup aimé son évolution sur ma peau. C’est un très joli duo d’iris et de violette travaillé de manière à la fois boisée et très profonde. Plus moderne que « Déclaration », plus facile à porter que « Pasha », l’eau de parfum est très réussie et nous emmène dans un univers olfactif un peu hybride qui m’a beaucoup étonné pour un parfum vendu en enseignes. Je pense qu’il gagne à être essayé.
Il existe bien évidemment d’autres masculins et nombre de féminins chez Cartier mais je me disais que revenir aux fondamentaux de la première « cible » était assez intéressant et j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir (car ce n’est pas vraiment une redécouverte) et surtout à porter ces deux créations aussi différentes puissent-elles être. Je pense que si je devais en porter une, ce serait tout de même « Déclaration » qui est plus proche de ma zone de confort olfactif. En tout cas, je me suis attaché à faire consciencieusement un essai et j’ai bien aimé. Je pense que Cartier est l’une des marques mainstream à sentir et à découvrir (ou redécouvrir) mais il vaut mieux essayer, comme toujours, les parfums sur soi que de les sentir vite fait sur une touche au milieu d’autres choses.
Quatre créations récentes pour Memo Paris
Il y avait un petit moment que je n’avais pas remis mon nez dans les parfums Memo Paris, la toute première marque créée par Clara Molloy et fondée en 2007 et, de ce fait, je n’avais pas eu l’occasion de me pencher sur les dernières sorties de la maison. Chez nous, à Lyon, c’est à l’Atelier Parfumé que nous pouvons découvrir et redécouvrir cette maison luxueuse et moderne qui se décline en huit collections : Art Land, Cuirs Nomades, Escales Extraordinaires, Graines Vagabondes, Les Échappées, The Flying Collection et Voyages Naturels plus deux parfums hors collection, « L’Eau de Memo » et « Jamal’s Palace ». A ce jour, la marque a lancé 49 parfums et je suis loin de tous les connaitre. Clara et John Molloy ont fait appel à Aliénor Massenet, qui a composé la plupart des jus mais aussi à Philippe Paparella-Paris, Sophie Labbé et Karine Vinchon Spehner. Aujourd’hui, j’ai choisi de me consacrer sur trois créations récentes et une, inédite, qui est une exclusivité boutique et que nous avons la chance d’avoir également à Lyon mais sur laquelle je n’ai trouvé ni photo ni infos. Je me fierai donc uniquement à mon impression pour vous la décrire.
Le premier parfum sorti cette année et à côté duquel j’étais un peu passé alors que je l’avais aperçu lors de notre périple parisien est « Sintra » créé donc en 2020 par Philippe Paparella-Paris dans la collection Art Land. Avec son flacon blanc, or et turquoise, il aurait du retenir mon attention et pourtant non, je viens de le découvrir. Clara et John Molloy, sur le site de la marque, le décrivent ainsi : « Comme une réminiscence de l’enfance avec sa note guimauve apportée par l’Absolue Fleur d’Oranger, le petitgrain, l’Absolue Vanille de Madagascar. À la fois moelleux et aérien, grâce à la présence de muscs, c’est un floriental très rond, à la douceur florale et fruitée. Gourmand tout en légèreté, résolument addictif ». Construit autour d’un absolu de fleur d’oranger, sur ma peau, « Sintra » garde cette note ostensiblement d’une manière assez soliflore. Je n’ai ni senti la guimauve, ni la vanille qui auraient pu m’entêter. Très honnêtement, je suis un peu mitigé. Certes, je sais identifier la qualité de la matière première principale très overdosée mais je dois dire que je ne vois pas vraiment l’intérêt d’un prix pareil pour une création sinon un peu simpliste, au moins simple. Alors je me dis que je ne suis pas objectif car je suis assez peu sensible à la fleur d’oranger et au néroli qui, pour moi, dans cette création, absorbent toutes les autres notes. Je ne suis donc pas la meilleure personne pour vous parler de « Sintra » et mon avis n’a absolument pas valeur de critique, ce n’est qu’un ressenti.
« Avec Ocean Leather, Memo décide de quitter la terre ferme pour aborder une destination majeure, un infiniment bleu, l’océan, et part à la recherche d’un cétacé majestueux, animal mythique qui a inspiré la littérature et désormais l’imaginaire d’un parfum. Une fraîcheur océanique apportée par l’huile de mandarine et l’essence d’élémi rencontre les profondeurs des essences d’accord cuir, de vétiver et de cèdre. » et Aliénor Massenet nous entraîne dans un univers à la fois marin, salin mais sans tomber dans l’écueil de l’overdose de calone, une molécule de synthèse très utilisée dans les parfums de cette famille notamment dans les années 90. Comme d’habitude, elle ne cherche pas la facilité et va la contourner en utilisant beaucoup de notes aromatiques pour ce nouveau parfum de la collection Cuir Nomades sorti également en 2020. Après un départ d’essence de mandarine très douce, un coeur de violette et d’absolu de sauge sclarée, le parfum se pose sur un fond cuiré très élégant avec, il me semble une note de noix de muscade. S’il ne m’a pas forcément surpris comme le font souvent les réalisations de cette créatrice dont j’aime beaucoup le travail, je reconnais qu’il est pour le moins impeccable et que la dualité des notes faussement marines, presque salines mais finalement très aromatique avec la facette poudrée de la violette et l’utilisation d’un fond de cuir « très Memo » est vraiment bien réussi. Je ne sais pas si je pourrais le porter mais j’avoue que je l’essayerai bien en été pour voir ce qu’il donne dans un contexte qui lui est plus favorable qu’un jour de pluie de décembre.
Comme ça, si l’on se fie à son nom, c’est « Odéon » sorti en 2020 dans la collection Art Land qui aurait du être mon coup de coeur et pourtant non. Je dois dire que je ne m’attendais pas à un oriental et j’ai été un peu déstabilisé par cette création. La marque ne communique pas sur le parfumeur qui l’a composé mais le décrit ainsi : « Au Coeur de Paris, Memo arpente un nouveau quartier avec une rose musquée, Odéon. Essence de rose, datte confite, Bois de Santal, Essence de patchouli, Muscs, Fève Tonka, Ambre. Toutes les nuances de Paris ». Je dois dire qu’au contraire de « Quartier Latin » que j’aime énormément, je ne sens pas l’ambiance parisienne dans cet oriental très dense, très musqué, très ambré, très rose, avec une note très présente en coeur de datte confite après un départ d’ambre et de rose et un fond de musc tonkin reconstitué et que je trouve, de ce fait, très animal. Il me semble aussi identifier des notes boisées ainsi que du patchouli et je dois dire que j’ai été un peu dérangé par ce jus qui plaira vraiment uniquement aux amoureux des orientaux très denses. Je l’ai senti durant des heures sur ma main et sur la manche de mon blouson et je l’ai trouvé très linéaire, sans vraiment d’évolution. Si vous me suivez, vous savez que je ne suis pas très amateur de parfums orientaux très profonds et boisés comme celui-ci et je dois dire qu’il est un peu difficile d’accès pour moi. En revanche, il se destine à des amateurs de fragrances sophistiquées, orientales et extrêmement tenaces. Je suis un peu timoré pour ce genre de création et du coup, je passe mon tour sur « Odéon ». Je lui préfère bien évidemment « African Leather », « Russian Leather » et « Quartier Latin » qui sont mes trois bests perso dans la marque.
La dernier parfum que j’ai découvert va être très difficile à trouver car je crois que, pour l’instant, il n’est vendu qu’à la boutique parisienne et à l’Atelier Parfumé à Lyon. Il est mon coup de coeur de la sélection d’aujourd’hui. Il s’appelle « Argentina » et a été créé cette année 2020. Je n’ai pratiquement pas d’info pas plus que de photo à vous proposer pour l’instant. La marque n’en dit rien, n’en parle pas et je pense qu’il faut seulement le découvrir. C’est un floral épicé et j’ai adoré ce parfum sur ma peau. Il s’ouvre d’une manière assez classique sur une note de bergamote il me semble, et je crois identifier, un bouquet floral musqué et très chargé dans une facette poudrée et cosmétique de la rose. Il pourrait bien se composer de jasmin sambac, de magnolia d’ambrette, de rose et de muscs blancs. Comme ça, sur le papier, il peut sembler un peu banal mais pas du tout. C’est un parfum très sophistiqué, très élégant et qui rappelle un peu l’univers des anciennes maisons de parfumerie et des créations des années folles. Il est un peu boudoir, un peu club de jazz, un peu salon de thé. Il risque de dérouter la clientèle de Memo Paris car il n’est dans l’esprit d’aucune autre création de la maison. Complètement atypique, il m’a énormément séduit. Son développement, son chic, m’ont impressionné. Je regrette vraiment de ne pas pouvoir vous montrer une photo du flacon et je suis un peu désolé qu’il soit, pour l’instant, aussi difficile d’accès. J’espère qu’il bénéficiera d’une plus large diffusion et soyez sûrs que je lui consacrerai un article à part entière si tel est le cas car, vraiment, je suis très emballé par la créativité du parfumeur et par le côté addictif du jus. J’y suis revenu tout l’après-midi alors qu’il se développait sur ma peau. Vraiment j’aime beaucoup « Argentina ».
Le risque avec une maison comme Memo Paris qui compte de nombreuses créations est de ronronner un peu après avoir surpris par l’originalité de ses fragrances et je crois que Clara et John Molloy, lorsqu’ils choisissent d’en sortir une nouvelle, prennent grand soin de ne pas être consensuels. Comme vous le voyez, je suis très tranché lorsque je les découvre et mon avis n’est jamais très nuancé car les parfums de la marque sont basés sur le ressenti, ils ne sont jamais ou du moins rarement convenus. L’utilisation de matières premières naturelles de très grande qualité en quantité importante et la parfaite maîtrise des parfumeurs des molécules de synthèse finement travaillées leur confère une originalité et une impression très luxueuse. Le prix est élevé et acheter un parfum Memo Paris est l’aboutissement d’un désir. C’est rarement sur un coup de tête que l’on fait un choix. Je n’adhère pas toujours à la création pour les porter car il y a beaucoup d’orientaux dans les collections et je ne suis pas fan mais je dois admettre que je suis souvent impressionné par les jus. Si vous ne connaissez pas la marque, je vous suggère d’aller les découvrir.
Julien Rasquinet un parfumeur romantique et moderne
Bien sûr, étant donné mon attachement pour la marque, j’ai découvert le travail de Julien Rasquinet pour sa collaboration avec Naomi Goodsir. Je porte d’ailleurs « Iris Cendré », l’une de ses créations. J’ai beaucoup aimé sa signature et je me suis penché sur ce qu’il avait composé d’autre. Je me suis ainsi rendu compte que je connaissais plusieurs des jus qu’il a imaginé et que je retrouvais vraiment sa signature dans chacun d’entre-eux. J’en ai essayé plusieurs et je trouve qu’il maîtrise toujours très bien le cuir, l’iris et nombre de matières premières nobles. De plus, c’est un jeune parfumeur et tout nous laisse espérer qu’il va vraiment encore nous surprendre, nous enchanter et nous donner envie de porter ses créations. J’en ai chois cinq parmi celles que je connais le mieux et je les ai senties et re-senties pour écrire cet article. Julien Rasquinet fait partie des nez à suivre et nous n’allons pas nous gêner.
C’est un peu par hasard que j’ai découvert, en faisant les magasins pour me trouver une écharpe, il y a quelques mois, « Nota Bene » que Julien Rasquinet a créé en 2014 pour la marque de luxe Irié et je dois dire que je l’ai bien aimé. Le départ de réglisse et de baies roses exprimé avec l’amertume du pamplemousse m’a immédiatement séduit mais surtout, j’ai beaucoup aimé son évolution avec un coeur de papyrus presque résineux et miellé et un fond de tabac sylvestre (qui est une plante à fleurs originaire surtout d’Argentine) hélas très peu utilisé en parfumerie soutenu par des notes d’ambre et de vétiver. C’est un parfum résolument moderne. J’aime beaucoup le côté bois de réglisse et floral à la fois. Pour moi, c’est assez différent de ce que je connais. Le côté à la fois vert et presque « poussiéreux » du papyrus vient ajouter à la singularité de ce parfum de designer franchement bien réussi. Je crois que son prix n’est pas très élevé et il me semble qu’il est une bonne solution de se démarquer si vous avez un point de vente Irié près de chez vous.
Je n’ai pas vraiment porté de créations pour la marque Costume National pour le moment mais j’avoue que j’aime bien cet univers olfactif un peu « japonisant » voulu par le couturier italien Ennio Capasa. Tous les jus sont à la fois originaux et dotés de formules courtes, épurées et élégantes. Julien Rasquinet a créé « Costume National I » en 2019 et j’ai eu la chance de le découvrir dès sa sortie. C’est un cuir épicé et aromatique qui fait la part belle à l’ambroxan et au ciste. Le départ est à la fois aromatique et épicé avec des notes de safran très prépondérantes, un coeur donc de ciste, de géranium et de lavande et un fond de cuir soutenu par l’ambroxan. Tout en transparence, cette fragrance est vraiment très étonnante. Elle se fond parfaitement avec la peau pour donner une effluve à la fois discrète et tenace cuirée et chic. Julien Rasquinet a travaillé des notes très délicates qui ne sont pas forcément en vogue en ce moment tout en leur conservant une immense modernité. C’est un très beau parfum, très subtil. Je pourrais aisément le porter.
"Tabac Rose", le tout dernier opus de BDK Parfums a été, lui aussi, créé par Julien Rasquinet et est sorti en 2020. Je l’ai découvert avec plaisir aux toutes nouvelles Galeries Lafayette des Champs Elysées lors de notre dernier passage à Paris et j’avoue qu’il m’a surpris car j’ai trouvé que, vraiment, c’était un clin d’oeil à l’univers que j’aime tellement du grand maître parfumeur Edmond Roudnitska. L’ouverture de prune et de poivre n’est pas sans rappeler certains parfums mythiques et le coeur de rose de Turquie, tout y est, seulement voilà, ce n’est qu’un twist car Julien Rasquinet l’a rendu profondément moderne avec des notes chaudes de chocolat, de tabac et de cannelle sur un fond de patchouli. C’est une rose qui est loin d’être solinote, elle est à la fois complexe et extrêmement originale. Nous sommes loins des parfums mettant cette note en avant avec des facettes poivrées, chyprées, boisées, cuirées ou franchement florales. Julien Rasquinet donne une interprétation tout à fait nouvelle de cette reine des fleurs. Je dirai que c’est une « Rose de Décembre », aromatique et « réchauffante ».
Il ne me semble pas possible de faire une revue des créations de Julien Rasquinet sans évoquer la si belle collaboration qu’il a eu avec Naomi Goodsir. J’ai beaucoup parlé de « Iris Cendré » et « Cuir Velours » et il m’a semblé tout indiqué de remettre mon nez dans « Bois d’Ascèse » qui est peut-être la fragrance qu’il a créé pour la marque et je connais le moins. Lorsque je l’avais découvert, ce jus m’avais pas mal dérouté mais, depuis, avec mon initiation à l’univers de « Beaufort London » et le coup de coeur pour « Pirates Grande Réserve » d’Atkinson et « Alcool » de Jardins d’écrivains, j’ai apprivoisé cet univers très dense entre tabac, whisky, ambre sèche, bois et mousse de chêne. Avec son côté « brûlé », « Bois d’Ascèse » fait, tout en douceur et en délicatesse, la part belle à un mariage entre le tabac, le cèdre et l’encens arrondi de notes ambrées et cannelle. En fait, c’est un très beau parfum, pas si difficile d’accès que ça et je dois dire que c’est un nouveau coup de coeur dans la marque. Vraiment je le trouve extraordinaire sur la peau. Il rejoint, dans mon esprit, « Cuir Velours » et « Iris Cendré ». Il m’a plu beaucoup.
C’est sur le stand des Éditions Frédéric Malle au Printemps Haussmann à Paris que j’ai découvert « The Moon » créé par Julien Rasquinet en 2019. Après un départ fruité et épicé, c’est un accord rose et oud avec des notes de résine oliban, de fruits rouges, de violette, de patchouli et d’ambre. J’avoue que le oud comme note principale est un peu difficile pour moi. Je pense que ce parfum a été créé pour le marché du Moyen Orient car il suit un peu la demande de ces parfums très puissants et denses. Je suis complètement capable d’identifier les matières premières et d’en évaluer leur grande qualité mais « The Moon » n’est absolument pas pour moi. Le oud en petites touches comme dans « Roaring Radcliff » de Penhaligon’s ou encore « African Leather » de Memo me convient beaucoup plus. Ceci dit, je savais que le budget, qui se justifie par la beauté de la création et les matière premières naturelles très coûteuses me semble justifier. C’est un prix très élevé car, pour info, les 100 ml sont vendus 575 euros. C’est un très beau parfum à découvrir et à rêver mais il faut le vouloir vraiment pour franchir le cap.
J’ai adoré me plonger et me replonger dans l’univers olfactif à la fois romantique et glamour de Julien Rasquinet. Je trouve qu’il y a une très grande originalité et beaucoup de goût dans ses créations. J’ai un vrai coup de coeur pour son travail et vraiment son travail passé est à découvrir et je serai content, au fil des années, de découvrir ses prochaines créations. Il a vraiment beaucoup de talent et ses compositions ciselées ont ravi vraiment mon nez.
Pierre Guillaume, ou un fourmillement d'idées olfactives
Je ne m’étais jamais vraiment penché sur Parfumerie Générale devenu Pierre Guillaume Paris, lancée en 2002 et portant le nom de son créateur. J’avais déjà senti un ou deux jus et je n’avais pas accroché de prime abord. C’est en redécouvrant « Poudre de Riz », il y a quelques temps dans sa ollection Noire que j’ai eu envie d’approfondir et je suis donc allé découvrir plusieurs références. Trois d’entre-elles parmi les premières créés par Pierre Guillaume ont retenu mon attention mais je me suis limité afin de ne pas saturer mon nez et pouvoir profiter pleinement de ce que je sentais. J’ai d’ailleurs conservé les touches assez longtemps et j’ai fait deux essais sur la peau qui m’ont convaincu. Pour moi, c’est encore une manière différente d’aborder la composition de parfums. Comme quoi, l’imagination est infinie.
Le premier parfum que j’ai redécouvert, car je le connaissais déjà est « Cozé 02 » lancé en 2002 et est considéré comme le tout premier parfum de la maison. J’avais entendu, en conférence, Pierre Guillaume dire qu’il avait voulu recréer l’odeur d’une cave à cigare et que c’est son inexpérience et le fait que la formule utilisée soit « bancale » (je le cite) qui a fait la singularité de cette fragrance. C’est un travail autour de trois note, le chanvre, les épices et le tabac blond. La première, la note de tête est associée à un poivre et donne une impression très agréable, le coeur est construit autour du tabac avec des notes de chocolat, de paprika et de café. Le fond de patchouli et de bois d’ébène associé à la vanille et au bois de santal a presque une facette chyprée. Mon impression est assez étonnante. Au premier abord, j’ai l’impression de retrouver des effluves que je connais et pourtant, en laissant le parfum se développer, je ne discerne pas l’odeur de la cave à cigare mais plutôt un parfum très tabac, à mi-chemin entre tradition à la française et modernité. J’aime bien « Cozé 02 » et je le trouve, en tout cas pour moi, somme toute, facile à porter. Il est tout à fait dans ma zone de confort. Quand je l’avais découvert la première fois, il m’avait semblé presque dans la lignée de parfums que j’aime et que j’ai porté mais, finalement, il a vraiment un twist différent qui vient peut-être de l’association du tabac avec le chocolat, le café et le paprika. C’est un joli parfum, un peu changeant et évolutif mais je pense qu’il conviendra surtout à celles et ceux qui aiment ce genre de senteurs profondes et sombres. Sa déclinaison, « Cozé Verdé 02.1 » avec un départ plus vert, m’a bien plu aussi mais j’ai peut-être été moins séduit sur le moment. À suivre.
« Cuir Venenum O3 », lancé en 2004 a particulièrement retenu mon attention et le mot qui me vient lorsque je le re-sens et que je veux en parler est « étonnant ». C’est un cuir sombre, profond, avec une facette animale et un twist fleur d’oranger vraiment peu senti. Je le trouve très profond et, franchement très original. Il ne ressemble à rien d’autre. Le départ est assez frais et, j’identifie bien une fleur d’oranger, qui est pourtant une note que je n’aime pas trop en général mais qui, s’ouvrant sur un coeur et un fond vraiment cuiré, musqué et résineux avec la myrrhe, tour à tour, sur ma peau s’arrondit, devient sec puis franchement sombre. Très franchement, c’est l’un des trois parfums que j’ai retenu et qui m’a le plus surpris. J’irai même plus loin, il m’a dérouté et séduit à la fois. Je trouve que « Cuir Venenum » porte très bien son nom car il est un peu comme un venin animal et addictif sur lequel je reviens sans cesse en écrivant. Je n’aime pas ce terme mais vraiment, il est envoûtant et j’irai même jusqu’à dire, passionnant. Au départ, je ne pensais pas être ni surpris ni emballé par ce parfum mais, si je ne suis pas certain de pouvoir l’assumer, j’aime beaucoup le sentir car il ne ressemble vraiment à aucun autre. Pierre Guillaume a su aller chercher un cuir contemporain, moderne, presque étrange et le restituer parfaitement. Je crois que je vais l’essayer autour de mon cou pour savoir si je le supporterai car je me méfie toujours de mes impressions et de mes emballements. « Cuir Venenum » s’adresse vraiment aux amateurs de parfums qui veulent se démarquer. Il ne plaira pas à tout le monde mais je crois qu’il a trouvé un public aux goûts très pointus et c’est aussi ça la parfumerie d’auteurs.
Lancé en 2011, « Indochine 25 » est indéniablement mon coup de coeur. Il faut dire que je suis vraiment dans une période où je suis attiré par les parfums épicés. Sur son site, la marque le décrit ainsi : « ”1920 : une croisière sépia au fil du Mékong souverain, alternant les aurores évanescentes emmitouflées de brume et les jours glorieux ruisselants de soleil. Calmer l’allure, apprivoiser la moiteur et fermer les yeux. Au delà des deux rives, nos rêves d’Indochine…” A la fois doux, vanillé, résineux, poudré, lacté et épicé le Benjoin de Siam est une résine d’une grande richesse olfactive rarement utilisée comme thème central en Parfumerie. Usant et abusant de notes rares telles que le Poivre de Kampot, le Tanakha de Birmanie ou le Miel du Laos, Pierre Guillaume nous livre une orchestration lumineuse, soyeuse et aérée, ciselant avec justesse, chacune des facettes de la matière balsamique brute. D’un baume aux reflets sépia, Indochine s’empare de l’éclat du Platine… ». Miellé certes mais surtout épicé et très dense, c’est un parfum absolument magnifique il faut bien le dire. Sur le site de la marque, il est présenté comme épicé, gourmand, oriental mais pour moi, il est inclassable. Lorsque je le sens sur la touche puis sur ma peau, je n’identifie pas vraiment de note de tête. Je trouve qu’on rentre dans le vif du sujet avec le côté résineux du benjoin adouci par une note très subtile de miel et rehaussé d’épices. En outre, Pierre Guillaume a utilisé le Thanaka qui est une pâte cosmétique utilisée en Birmanie et produite à partir du bois de plusieurs arbres poussant dans ce pays. Je n’avais jamais senti une note pareille et je dois dire que je trouve qu’associée à celles que je connaissais, le résultat est étonnant. Pour moi, « Indochine 25 » est vraiment plein de charme et de profondeur. Il est vraiment original et il m’est difficile de le décrire. Il faut vraiment le sentir. Je suis loin de connaître toutes les créations de Pierre Guillaume mais, parmi celles que j’ai découvertes, si je suis charmé par « Poudre de Riz » dont je vous ai déjà parlé récemment, je dois dire que « Indochine 25 » serait celui que je choisirai. Il est vraiment très beau et se développe bien sur moi.
Je pense que quand on rentre dans l’univers olfactif d’un seul et même parfumeur et qu’il est aussi prolifique, il faut y aller par étapes et cet article est vraiment une prise de contact avec la marque et l’imaginaire de Pierre Guillaume. Petit à petit, il est probable que je découvrirai d’autres fragrances et que je vous en parlerai mais ces trois-là, surtout maintenant que nous rentrons dans l’hiver et même si « Cuir Venenum » garde une certaine fraîcheur, me semblaient une bonne entrée en matière. En tout cas, ce que j’ai senti me donne envie d’aller plus loin et je n’hésiterai pas à venir vous en parler si je suis séduit par d’autres parfums.
Olibere, une si belle maison de parfumerie
C’est en 2014 que Marjorie Olibere, créatrice, conceptrice et artiste décide de lancer sa marque de parfums. Elle va s’adjoindre la collaboration de trois parfumeurs aux univers très différents, Amélie Bourgeois, Bertrand Duchaufour et Luca Maffei dont j’aime énormément le travail. Ainsi vont naitre trois collections (je n’en connais bien que deux donc ma sélection portera sur celles-ci), Les Essentielles, Les Insoumises et Les Mythiques (qu’il me reste à découvrir). Trois univers distincts qui constituent cette maison de parfums indépendante dans laquelle souffle un vent de liberté créative particulièrement comme une bouffée de senteurs et d’oxygène dans le milieu de la parfumerie. Je dois dire, et c’est rare, que j’ai accroché sur tous les jus que j’ai découvert et qu’en sélectionner cinq (je ne voulais pas être trop long) m’a été vraiment difficile.
Marjorie Olibere
Le premier parfum à m’avoir séduit est « Midnight Spirit » créé en 2015 par Amélie Bourgeois. Je pourrais le décrire comme un boisé aromatique et il ne ressemble absolument pas à ce que j’ai l’habitude de sentir. Le départ est très agrumes avec une envolée de différentes variétés de citron et de pamplemousse complété de cardamome et d’herbes aromatiques. Le coeur est un duo de lie de vin, de palmarosa très rarement utilisée en parfumerie et de davana rehaussé légèrement de coriandre et de oud et le fond de vétiver, de cèdre et violette nous emmène vraiment hors de nos habitudes. Cet « esprit de minuit » n’est pas qu’un parfum du soir. Je m’imagine tout à fait le porter à la sortie de l’hiver, au petites heures du matin, lorsque le soleil commence à poindre et que l’air encore frisquet me glace un peu les joues. C’est un « parfum écharpe » autant qu’un « parfum tee shirt ». « Midnight Spirit est chaud et froid, boisé et ambré, presque légèrement cuiré. Il est résolument moderne et je pense qu’il faut absolument le laisser vivre sur la peau pour pouvoir le découvrir vraiment.
Créé par Bertrand Duchaufour en 2015, « Escapade à Byzance » est une invitation au voyage dans un pays rêvé, disparu entre les odeurs orientales d’une ville aujourd’hui différente avec ses épices et ses fleurs envoûtantes et une facette vraiment ambrée et boisée. L’envolée d’épices, poivre noir, cannelle, safran, gingembre et cumin cède vite la place à un coeur de cyprès, d’oeillet et d’encens ajouté par petites touches. Le fond est très complexe avec des notes de muscs adoucies par le côté amande de l’héliotrope et plus terreuses du vétiver et de patchouli. C’est un parfum « wahouu », étonnant, singulier pas du tout dans la lignée de ce que j’attendais après avoir découvert une ou deux des créations de la maison. Je ne suis pas certain de pouvoir me l’approprier facilement mais j’adore le découvrir et le redécouvrir lorsque j’en ai l’occasion. C’est un parfum équilibré, intrigant et « dépaysant ». Comme toujours, Bertrand Duchaufour ne s’impose ni limite ni clichés. C’est une très très belle création.
Créé par Amélie Bourgeois en 2016, « L’Étoile Noire » est mon premier coup de coeur. C’est un parfum boisé et épicé qui m’a tout de suite plu. Le départ de bergamote est travaillé de manière aquatique et le coeur de rose, de cèdre de Virginie, de gingembre, de rose et de petit grain se pose sur un fond de très beau patchouli indonésien, de tabac, de fève tonka et de bois d’ambre. En revanche, les notes de vanille et de musc blanc m’échappent. Sur ma peau, il se fait très épicé. La note de gingembre bleue est particulièrement belle et délicate. C’est un parfum atypique, très original et intéressant à porter. Je trouve que, sur moi, il se développe particulièrement bien. Je pense que j’y viendrai. Il a quelque chose de chic et de tout à fait hors norme et coche donc toutes les cases de ce que j’aime.
Dans la collection Les Insoumises, le premier a avoir retenu mon attention est « Le Jardin de Mistinguett » créé en 2018 par Luca Maffei. Avec son départ de pastèque et de bergamote, l’envolée est fraiche mais le coeur floral de mimosa, de muguet et de jasmin et le fond d’ambre et de fève tonka lui donnent beaucoup de « corps ». Pour moi, il a un côté complètement et délicieusement désuet et ressemble beaucoup à ce qu’on peut ressentir sur une terrasse un soir d’été. J’aime particulièrement son côté floral et ambré à la fois. Il est très moderne et on sent que les matières premières utilisées sont d’une très belle qualité. Je suis certain que je pourrais facilement le porter dès la fin mars. Cet aller-retour entre Paris et la côte d’Azur me séduit au fur et à mesure que je le sens à nouveau pour écrire cet article. C’est une merveille !
Toujours créé en 2018 par Luca Maffei, « le Jardin de Madame Chan » est mon coup de coeur de cette collection. J’ai flashé tout de suite lorsque je l’ai senti. Ce chypré dans lequel la mousse de chêne est remplacé par le baumier du Pérou ne pouvait que me plaire avec son envolée de bergamote et de géranium épicé par la coriandre, son coeur d’ylang ylang et de jasmin très vert et son fond chypré et vanillé avec de petites touches de bois de santal et de muscs blancs. Frais et profond à la fois, exotique, parfaitement adapté pour les jours d’été, il est tout en transparence et pourtant il a énormément de caractère. Sur ma peau, il est absolument magnifique. Je suis pas certain qu’il m’évoque l’Extrême Orient. Je le verrai plus « polynésien » mais notre imagerie olfactive nous est propre alors… En tout cas, si je devais opter pour l’un des parfums de cette collection, ce serait celui-ci. Il est vraiment incroyable !
En attendant de découvrir la collection Les Mythiques, j’ai pris un plaisir immense à me promener dans les deux autres univers parfumés de Marjorie Olibere et de ses complices. En tout cas, ces parfums m’ont donné envie et je vous engage à aller les sentir si vous en avez l’occasion car je pense qu’il pourrait en être de même pour vous. Olibere Parfums est vraiment une marque à découvrir. Personnellement, et depuis le premier jour, je suis complètement emballé.
Un air d'Italie
Je ne connais pas plus que ça la parfumerie italienne mais, à votre demande, je vais essayer de me promener dans les senteurs de cette autre manière de créer des fragrances à travers cinq jus emblématiques de marques du sélectif ou d’autres plus exclusives. Je me suis creusé un peu la tête pour explorer quelques jus dont l’identité pouvait me plaire. Je vais essayer de faire partager mes coups de coeur ou tout du moins mes préférences. J’ai une petite préférence, vous le savez pour le travail de Lorenzo Villoresi mais il est vrai que j’ai découvert de très belles choses dans d’autres maisons en essayant des jus souvent d’ailleurs, créés par des parfumeurs français.
Il est impossible de parler de parfumerie italienne sans évoquer tout d’abord Acqua di Parma, maison à laquelle j’ai déjà consacré une tenue, qui est née en 1916. C’est d’ailleurs cette année-là qu’est sortie « Colonia » tout d’abord créée pour parfumer les costumes d’homme conçus et commercialisés par cette maison qui était celle d’un tailleur à la base. C’est ce que l’on pourrait appeler une cologne à l’italienne avec, au-delà d’un départ composé de plusieurs agrumes de nombreuses notes aromatiques. Pour ma part, je sens surtout la lavande, la verveine et le romarin autour d’un coeur de rose et de jasmin avec un fond de vétiver et de patchouli légèrement boisé et musqué. « Colonia » reste, aujourd’hui encore, l’un des bests de la marque. D’abord très confidentielle, Acqua di Parma a été rachetée il y a quelques années par un grand groupe et elle devient, aujourd’hui une marque certes luxueuse mais que l’on peut considérer de plus en plus comme mainstream tant ses points de vente ont augmenté. « Colonia » est, je trouve, une très belle réussite classique mais je tendrai à préférer d’autres fragrances plus modernes dans la marque.
Philosophe, chercheur et botaniste, le florentin Lorenzo Villoresi est un parfumeur absolument hors-norme. Il a lancé sa maison éponyme en 1993 et ses créations sont, bien souvent synonymes de promenade dans un jardin durant les différentes saisons et les diverses heures de la journées même si plusieurs d’entre-elles, plus sophistiquées ou plus exotiques, s’éloignent un peu de cet univers. C’est le cas de « Teint de Neige », qui est, non seulement le best de la marque mais aussi un incontournable de la parfumerie indépendante. Facette plus poudrée et florale d’un autre parfum, « Alamut », cette création est identifiable immédiatement dès qu’il arrive à nos narines même s’il est, indéniablement, un parfum caméléon qui change beaucoup d’une personne à l’autre. Il s’ouvre sur des notes de rose et de poudre de riz avec une facette jasmin et une autre ylang ylang qui lui donne, dès la vaporisation, son opulence. Le coeur de rose et de fève tonka et le fond de jasmin et d’ambre lui confèrent un côté très profond et très « maquillage d’autrefois ». La note amandée de la fleur d’héliotrope est omniprésente toute au long de son évolution. Je dois dire que j’aime énormément sentir « Teint de Neige » et que j’ai même envisagé de le porter mais il est, pour moi, lié à deux personnes de mon entourage lointain qui se le sont approprié et que, si je n’aime pas genrer les parfums, je le trouve tout de même un peu féminin.
Prada est, avant tout, une maison de luxe de prêt-à-porter et de maroquinerie milanaise créé par deux frères en 1913. Il faudra attendre 1990 pour qu’elle s’attaque à la parfumerie en s’entourant de nez tels Carlos Benaïm, Max et Clément Gavarry mais surtout Daniela Andrier qui assurera la création de deux collections, les Infusions et les Olfactories. J’ai déjà parlé de la seconde et il m’a semblé intéressant de me concentrer sur « Infusion d’Iris » créé en 2015 et prenant le relai de « Infusion d’Homme ». Ce travail autour de l’iris remporte un vif succès auprès du grand public ainsi que des perfumistas. C’est une eau de toilette légère, linéaire qui joue sur deux notes, l’iris bien évidemment, travaillée sur sa facette poudrée et transparente et le néroli de Tunisie. On y relève aussi des notes d’agrumes et de benjoin. J’aime beaucoup sentir cette création de Daniela Andrier que je trouve réussie mais je pense que je ne la porterai pas car se tenue est très insuffisante sur moi. Je trouve que la parfumeuse a vraiment su travailler l’iris d’une manière à la fois très italienne et presque solinote, abandonnant l’idée d’une association avec la violette. Malgré tout, il y a dans « Infusion d’Iris » quelque chose d’un peu poudré. Si ce n’est pas mon « iris » préféré, je comprends son succès indéniable. Je ne me sens pas forcément attiré par cette collection des infusions mais je trouve qu’elle est bien réussie et que, vu qu’on les trouve facilement sur les linéaires du circuit sélectif des grands magasins, elle est facile à découvrir et a aimer.
Ancienne officine de produits de soin et de beauté née en 1533 Santa Maria Novella est, à Florence, une institution. Sa boutique historique existe toujours près de la cathédrale du même nom et plusieurs autres ont été ouvertes dans les grandes villes du monde entier. En France, on peut, entre-autre, retrouver la marque en nom propre à Paris, Lyon et Cannes (il me semble) et elle est distribuée par plusieurs parfumeries indépendantes notamment à Nantes où j’ai été surpris de la retrouver. Depuis sa création, ont été lancé, outre les produits de soin et d’ambiance, 48 jus dont un qui est parfaitement emblématique. Il s’agit de « Melograno (Pomegranate dans les pays anglo-saxons) qui a été lancé en 1965 et est supposé, comme son nom l’indique, reconstituer l’odeur de la grenade. En fait, c’est un parfum qui s’ouvre sur une note de ce fruit mais se complexifie et s’intensifie au cours de son évolution en prenant des facettes ylang ylang, cyclamen, bergamote et rose mais évolue surtout sur un coeur poudré d’iris soutenu par une note de tabac et de mousse de chêne et un fond d’opoponax, de patchouli de vanille et d’ambre. C’est un parfum très équilibré doté d’une excellente tenue. J’ai un ami qui le porte très régulièrement et j’aime beaucoup le sentir. Il me séduit aussi comme parfum d’ambiance dans les terres cuites commercialisées par la marque. En tout cas, c’est une fragrance intrigante et très étonnante.
Beaucoup plus récente puisque créée en 2008 et très exclusive, la marque Italo-Suisse Eau d’Italie a été lancée en s’adjoignant le concours de parfumeurs français et talentueux. Elle n’est distribuée, ainsi que Altaia, l’autre marque (d’avantage française) appartenant aux mêmes créateurs, que chez Théodora à Genève ou en ligne et je dois dire que, si je n’en n’ai pas senti toutes les créations, j’ai été très séduit par « Graine de Joie » créé en 2014 par Daphné Bugey dont j’aime énormément le travail vous le savez. Floral, fruité, avec un départ de groseille et de grenade, un coeur de freesia et de notes pralinées et un fond de muscs blancs et de cèdre, ce parfum est un vrai morceau de soleil. Je ne sais pas si je pourrais le porter mais j’ai adoré le découvrir. Il a quelque chose de tout à fait addictif et je n’ai jamais oublié ce que j’ai ressenti lorsqu’il était sur mon poignet. Sur ma peau, il se développait merveilleusement bien et il est l’un des rares parfums à dominante de fruits rouges (avec « Améthyst » de Lalique) que j’aime sentir. Il a vraiment quelque chose d’attractif et d’élégant tout en restant vraiment un parfum de printemps destiné aux premiers rayons chauds du soleil. Je trouve dommage que, tout comme Altaia, Eau d’Italie soit aussi peu diffusée. On peut trouver les parfums soit chez Théodora (enfin à ma connaissance) soit sur internet.
Il y a nombre d’autres univers parfumés italiens, je pense à Gucci, Armani ou Bottega Venetta dans le sélectif par exemple ou, entre-autres, Costume National, Merchant of Venice, Arte Profumi, Xerjoff et tant d’autres qui trouvent un écho dans les parfumeries plus exclusives mais il me fallait faire un choix que j’ai jugé à la fois représentatif et éclectique et j’ai essayé de me centrer seulement sur cinq créations. Peut-être que, enfin si le sujet vous plait, je pourrais écrire une suite à cet article.